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© Jazz Hot 2014
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Louis Armstrong
Intrégrale Volume 13. A Song Was Born. 1947Titres et
personnels communiqués dans le livret
Enregistré
du 25 avril au 30 novembre 1947, New York, Los Angeles, Boston
Durée :
3h 54' 06''
Frémeaux
& Associés 1363 (Socadisc)
Ce volume
13 documente un tournant dans la carrière de Louis Armstrong. Face
au matraquage d’une clique (Leonard Feather, en tête) en faveur
d’un nouveau courant, le bebop, allant jusqu’à des propos le
discréditant, il lui faut imposer à nouveau son impériale position
dans le cœur du grand public et au-dessus "des
partis".
Nous l’avons vu, c’est l’époque où sort le film New
Orleans dont il est la vedette, avec
quelques nouveaux "tubes"à la clé comme « Do You Know What It Means to Miss New
Orleans » qu’il ne manque pas d’interpréter à la radio
(This Is Jazz)
et en concert (Town Hall, New York). Ce coffret commence donc par
l’émission This Is Jazz,
enregistrée le 25 avril (selon Art Hodes, impliqué au piano). Louis
y retrouve des musiciens "du
pays".
Il y a de bonnes choses dans « Do You Know What It Means »
(theme-song joué ici pour la promotion du film : à noter le
solo en accords de Danny Barker), « Basin Street Blues »
(introduction par Georg Brunis, tb) et « High Society »
(bon tempo, superbes parties de contrebasse de Pops Foster derrière
la clarinette d’Albert Nicholas et fameux drumming de Baby Dodds).
Pour nous, le meilleur c’est le bues, lent (« 2 :19
Blues », encore une belle partie de Pops Foster derrière Georg
Brunis cette fois) et plus vif (bon tempo, identique à la version du
film) pour « Dippermouth Blues » (drumming de Baby Dodds
derrière Albert Nicholas !, vigoureux solo de Wild Bill Davison
avant la reprise du solo de King Oliver par Louis Armstrong –la
pulsation de Pops Foster est irrésistible). Louis Armstrong se
montre en très bonne forme, ce qu’il confirme plus encore lors des
deux concerts à Town Hall donnés le 17 mai (d’où, peut-être,
deux batteurs, Sidney Catlett et George Wettling, et un total de 20
morceaux préservés). Louis Armstrong avait déjà fait un succès à
Carnegie Hall le 8 février (Vol.12) dans un répertoire très New
Orleans (en compagnie d’Edmund Hall) et l’une des dernières
participations de son big band. Ernest Anderson voulait récidiver
(contre mille dollars à Joe Glaser). Très pris, Louis Armstrong ne
pouvait pas s’occuper du projet. C’est le trompettiste Bobby
Hackett qui a recruté un petit orchestre pour Louis, l’objectif
étant de recentrer le maître dans le créneau porteur (face au bop)
du dit « New Orleans Revival ». Notons qu’il ne s’agit
que de musiciens blancs en dehors de Sidney Catlett et avec le recul,
on comprend que Louis Armstrong aura plus fait pour l’intégration
qu’une multitude d’intellectuels dits engagés. Un tournant donc
pour Louis Armstrong qui annonce sa nouvelle position jusqu’à la
fin de ses jours. Il qui est conscient de l’enjeu et qui est à 46
ans dans une forme éblouissante à la trompette, va "mouiller
la chemise" !
Pas une seconde de déchet. Et en plus, il
s’investit au point de débuter par trois titres en quartet et un
en duo ! Louis Armstrong commence par une solide version de
« Cornet Chop Suey » (belle coda, il est en très grande
forme). Après l’introduction de Dick Cary, Louis expose « On
Monday Date », laisse le piano s’exprimer (remarquable
soutien de Bob Haggart et Catlett) puis délivre un solo où l’on
admire ce son plein, ses attaques fermes et ses aigus impériaux.
Vient la reprise en duo trompette et piano de « Dear Old
Southland » qu’il avait gravé en 1933. La sonorité de Louis
est mal enregistrée, mais il n’a aucune faiblesse. Retour au
quartet avec la seule gaffe du concert : Dick Cary joue une
introduction sur les accords de « On Monday Date ». Louis
suit puis constate l’erreur et reprend par un « Big Butter
And Eggs Man » sans faille. Ce n’est qu’après cela
qu’intervient tout l’orchestre, tout d’abord dans « Struttin’
with SBQ » où Louis mène fermement les ensembles. Jack
Teagarden y prend un bon solo (soutien de Catlett !) et au cours
du concert s’affirme comme un complice idéal pour Louis. Très
bons solos de Teagarden dans « St Louis Blues »,
« Pennies From Heaven ». Louis Armstrong est
éblouissant dans « I Can’t Give You Anything But Love »
et le blues lent, « Back O’ Town Blues ». Bobby
Hackett, fin styliste, a droit à une intervention dans « Ain’t
Misbehavin’ » avant le solo de Teagarden. On apprécie comment
Bobby Hackett amène le solo de Louis dans « Rockin’ Chair ».
Ce « St James Infirmary » est le seul morceau où Louis
ne joue pas, laissant la vedette à Jack Teagarden qui délivre-là
un remarquable solo avec sourdine. C’est « Jack-Armstrong
Blues » (enregistré avec distorsion) qui termine ce passage
clé à Town Hall. Le 21 mai, Louis Armstrong est invité au Morgan
Show pour une courte collective sur « Panama » (avec un
trombone et un sax ténor) et une version de « The Saints »
avec un Grand Orchestre de studio. Puis, c’est une séance pour
RCA, le 10 juin. Même front-line qu’à Town Hall (avec Ernie
Caceres en plus) et une rythmique de classe (Johnny Guarnieri, p, Al
Casey, g, Al Hall, b, Cozy Cole, dm). Le premier titre est une
nouvelle version de « Jack-Armstrong Blues » introduite
par Guarnieri (style Fats Waller), avant l’ensemble (mené par
Bobby Hackett). Puis c’est l’échange chanté entre Teagarden et
Armstrong, trois alternatives trombone-trompette des mêmes, une
nouvelle intervention chantée de Tea avant l’apothéose de Louis
Armstrong à la trompette qui pulvérise tout ce qui se fait sur
l’instrument à cette date (boppers compris qui n’ont jamais
cette largeur de son et ce panache). La complicité entre Teagarden
et Armstrong est désormais bien rodée (« Rockin’ Chair »).
C’est ensuite la version de référence de « Someday »,
belle composition de Louis Armstrong (introduction au celesta, exposé
à la trompette –bien enregistrée- et partie chantée de Pops avec
une courte intervention de Tea). Nouvelle complicité dans
« Fifty-Fifty Blues » (intro de trombone, duo chanté,
solo de trompette, puis de trombone, duo chanté et coda menée par
Bobby Hackett). On dit souvent qu’Hot Lips Page est l’achetype de
la trompette dans le blues, c’est oublier Satchmo. Lors de
l’émission radio depuis le Winter Garden Theater le 19 juin, Louis
Armstrong est un peu moins en forme à la trompette (petite faiblesse
dans la coda de « Dear Old Southland »), d’où la large
place laissée à son complice Jack Teagarden : « Basin
Street Blues » (beau passage de trompette joué avec retenue de
Louis et contre-chant de Jack), « Do You Know What It Means »
(très dfférent de Town Hall : introduction de trombone,
ensemble mené par Hackett, partie chantée par Louis, solo de très
bonne facture de Teagarden et coda de Louis). Il s’agit de la même
front-line que pour la séance RCA, avec la même rythmique qu’à
Town Hall (sauf Jack Lesberg à la place de Bob Haggart) et donc deux
batteurs, Wettling et Catlett (dans « Way Down Yonder »
et le « Tiger Rag » final nous semble-t-il). A noter une
version différente du disque pour « Someday » avec une
introduction de trombone (où il se perd un peu) avant l’exposé de
Louis Armstrong. En août, Louis Armstrong est à Hollywood pour les
pré-enregistrements de la comédie A
Song is Born d’Howard Hawks. Le court
« Goldwyn Stomp » qui ressemble à « Flyin’
Home », met en vedette Lionel Hampton et Louis Armstrong
(1’26’’). Nous avons ensuite un premier enregistrement (de
répétition) de « A Song Was Born » (alias « Goin’
Home », plus de Dvorak que de Raye & DePaul) à des fins
promotionnelles à la radio. Louis Armstrong chante avant une
succession de solos : Tommy Dorsey (tb, belle technique,
maîtrise de la colonne d’air) volontairement "sweet"pour contraster avec celui "hot"de Louis Armstrong (drive, puissance), Charlie Barnet (sax alto et
non ténor comme indiqué), Benny Goodman (cl, bien soutenu par Louie
Bellson !), Lionel Hampton (vib) et ensemble orchestral très
(bien) arrangé octroyant un espace à découvert pour Mel Powell (p)
et Louie Bellson (dm) (Louis Armstrong termine avec autorité dans
l’aigu). L’autre version commercialisée par RCA-Victor est
d’abord chantée (Golden Gate Quartet, puis Jeri Sullivan, puis
Armstrong) avant de suivre le schéma de la répétition (le nombre
de mesures accordé aux solos instrumentaux a été réduit). Après
la dernière séance de Louis Armstrong pour RCA (le 16 octobre), il
donne un autre concert historique, à Boston (Symphony Hall), le 30
novembre 1947. Cette fois (sauf Dick Cary à remplacer par Earl
Hines), le All-Stars de Louis Armstrong est né : Jack Teagarden
(tb, voc), Barney Bigard (cl), Arwell Shaw (b), Sid Catlett (dm) et
Velma Middleton (voc). Pas seulement le personnel stable, une routine
de programme aussi avec ces "spécialités"qui mettent chaque "star"en vedette, ce qui permet à la principale d’entre-elles de
récupérer de la fatigue des lèvres : « Stars Fell On
Alabama » (Jack Teagarden), « Tea for Two », « Body
And Soul » et « High Society » (Barney Bigard),
« Steak Face », « Boff Boff » alias « Mop
Mop » (Sidney Catlett), « I Cried for You »,
« Since I Fell For You » (Velma Middleton). Le concert
débute par « Muskrat Ramble » où Louis Armstrong, roi
du jazz hot y démontre que l’improvisation n’est pas l’essentiel
du genre (toujours le même solo). Dans « Black And Blue »
la coda de trompette est fameuse. Belle version de « Mahogany
Hall Stomp » (solo de trompette, trombone –belle technique-,
piano –bien poussé par Catlett-, contrebasse, avant la reprise
avec sourdine du solo historique de Louis –magistralement joué-,
la clarinette et la collective finale). Le tempo de « Sunny
Side of the Street » est lent. Duo chanté entre Velma
Middleton et Louis Armstrong dans « That’s My Desire » :
Louis Armstrong conçoit ses concerts comme un spectacle populaire.
Belle complicité entre Jack Teagarden (qui assume le chant) et le
patron dans « Baby Won’t You Please Come Home ».
L’avenir est tracé, il y aura un All-Stars et pas d’autre roi du
Jazz Hot.
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Chris Bergson Band
Live at jazz Standard
Greyhound Station, Mr. Jackson, The
Only One, Heavenly Grass, High Above the Morning, 61st & 1st,
Bluemner, Chloe’s Song, Corinna, Baby I Love You, Just Before the
Storm, Sometimes It’s You, Christmastime in Bethlehem, The Bungler,
Gowanus Heights
Chris Bergson (g, voc), Craig Dreyer
(org, elp), Matt Clohesy (b), Tony Leone (dm, voc), Freddie Hendrix
(tp), David Luther (ts), Ian Hendrickson-Smith (bs), Ellis Hooks
(voc)
Enregistré les 25 et 26 juin 2013, New York
Durée : 1h 02' 45''
2 Shirts 1005 (www.chrisbergson.com)
Revoilà
Chris Bergson, boosté comme un adolescent pour délivrer un blues énergique à
souhait. En compagnie d’une section de cuivres et d’une base
rythmique traditionnelle, Tony Leone (dm) et Matt Clohesy (b), notre guitariste est reparti en quête de sensations fortes en exposant
des blues incandescents (« Greyhoud Station »). Son jeu
semble s’être un peu plus affirmé au cours du temps, signe d’une
maturité évidente. Cette assurance se retrouve aussi dans les
thèmes exposés où à part « Baby I Love You »,
popularisé par Aretha Franklin et le traditionnel « Corinna »,
toutes les compositions sont du New Yorkais ou de ses partenaires.
Le blues se fait de plus en plus torride à la rencontre de ce que
fût le rythm’n’ blues des sixties. « Mr. Jackson »
image pleinement ce propos avec un swing qui aurait donné envie à
un certain chanteur d’appliquer son moonwalk pendant que la
guitare extirpe ses cocottes. Le leader n’en délaisse pas moins
la source de ce qui lui a fait prendre la six cordes en délivrant un
blues acoustique profond (« Heavenly Grass »). Mais cette
parenthèse sert juste à le relancer sur ce qui semble être le
leitmotiv de Live at Jazz Standard, le R’n’B. Sa voix
chaude et profonde renvoie à Sam & Dave et Bruce Springsteen à
la fois (« High Above the Morning »). L’album se
termine sur un nouvel air hot, fruit du jazz et du blues
appris au contact des Hubert Sumlin, B.B. King, John Hammond, Etta
James, Bettye LaVette ou encore Norah Jones. Chris Bergson a très
bien retenu la leçon en se positionnant en pôle position sur la
ligne des bluesmen référents du 21e siècle.
Michel Maestracci
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Big Noise
New Orleans Function
Titres
communiqués sur le livret
Raphaël
D’Agostino (voc, cnt), Johan Dupont (p), Max Malkomes (b, voc),
Laurent Vigneron (dm)
Enregistré en
juillet et en septembre 2013
Durée :
51' 33''
Igloo 248 (Socadisc)
Il s’agit
de quatre musiciens belges et c’est ici leur deuxième album. Ils
s’inspirent surtout des musiques actuelles de New Orleans, funky
(« Tootie Ma is a Big Fine Thing ») ou « black
indians » (« My Indian Red » est « Didn’t
He Ramble »). Le pianiste est excellent dans un style dérivé
de James Booker. Belle prestation dans « Savoy Blues ».
Le contrebassiste a un son ample. Le drummer a bien assimilé le jeu
« parade » d’aujourd’hui (un « When the
Saints » très funky !). Le cornettiste n’a pas une
qualité de sonorité bien fameuse (mince et nasillarde :
« Hotter Than That »), on n’est loin, parfois, de la
fanfare des Beaux-Arts (« Egyptian Fantasy », « New
Orleans Function »). Mais il assure bien (« Struttin’
with SBQ »), même dans les tempos (trop) rapides comme « Black
Bottom Stomp » (plus dixieland commercial que d’esprit
mortonien). Le chant est parfois caricatural (« St James
Infirmary »). Une approche festive, très actuelle, qui doit
faire un tabac dans les festivals off.
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Brian Blade
Landmarks
Down River, Landmarks,
State Lines, Ark.La.Tex., Shenandoah, He Died Fighting, Friends Call
Her Dot, Farewell Bluebord, Bonnie Be Good, Embers
Brian Blade (dm), Jon
Cowherd (p, mellotron, harmonium), Chris Thomas (b), Melvin Butler
(ss, ts), Myron Walden (as, bcl), Jeff Parker (g), Martin Sewell (g)
Enregistré du 1er au 4
février 2012, Shreveport (Louisiane), du 7 au 9 novembre 2010,
Portland (Oregon), du 20 au 23 janvier 2013, New York
Durée : 54' 00''
Blue Note 060253770259
(Universal)
On
connaît Brian Blade pour son drumming à la fois puissant et fin et
ses talents de coloriste inventif. Bizarrement pour un album de
batteur, les atmosphères sont ici lancinantes et arythmiques. Comme
le suggère la photographie d’un mur en brique avec fenêtre sans
toit sur un fond de ciel gris et nuageux, il s’agit d’un disque
d’ambiances paysagères. Cette image est d’ailleurs un excellent
résumé de la musique : elle est terne, vaguement étrange tout
en restant accessible et possède des prétentions de profondeur dont
on attendra en vain la révélation. Harmonium et clarinette basse
donnent un aspect religieux à « Shenandoah » mais il
reste soporifique (en moins de deux minutes !) ; « He
Died Fighting » possède un jeu martial lourdingue (quel
littéralisme…) et « Friends Call Her Dot » poursuit
dans cette veine pop-folk d’une lenteur irritante. Le blues et
l’église sont présents de manière très discrète et interprétés
avant tout dans un cadre qui est celui de la variété folkisante. Le
manque d’intensité est criant : cette musique ressemble à un
dimanche après-midi pluvieux de novembre. Une musicalité
introspective qui tourne à vide.
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Paul Bley
Play Blue (Oslo Concert)
Far
North, Way Down South Suite, Flame, Longer, Pent-up House
Paul
Bley (p)
Enregistré
en août 2008, Oslo (Norvège)
Durée :
56' 51''
ECM
2373 376 6190 (Universal)
Un
long solo de piano de Paul Bley, ça ne se refuse pas, et ça se
déguste. On retrouve dans ce disque toutes ses qualités, (et aussi
quelques défauts, mais chut !), et toute sa technique, qui est
immense. Le concert débute par une main gauche staccato sur laquelle
la droite s’envole, mélodique, lyrique, retenue ; puis on
passe par différentes atmosphères, avec exploration-exploitation de
tout le clavier, pour revenir à un minimaliste assez
impressionniste. Ah ! le son Paul Bley ! J’aime quand il
laisse s’éteindre jusqu’au silence les accords. C’était « Far
North ». Dans « Way Down South Suite » il fait
ronfler le piano, puis on aborde une partie calme où les deux mains
se répondent, se cherchent et se trouvent, avec des moments très
blues. « Flame »
est tranquille et méditatif, avec de longues phrases montantes, s’en
suit un romantique rubato, et ça repart rythmé. « Longer »
est une longue méditation blues. Magnifique. Pour le rappel il joue
« Pent-Up House » de Sonny Rollins, un festival Bley. La
différence de ce piano solo d’avec ceux de Keith Jarrett, c’est
que Paul Bley fractionne ses impros, et qu’il est tout de suite
dans le vif de l’intérêt musical. C’est fort dès la première
note.
Du
grand Bley.
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Fabrizio Bosso & Javier Girotto Latin Mood
Vamos
Fabrizio Bosso (tp),
Javier Giorotto (ss, bs), Natalio Mangalavite (p, voc), Luca
Bulgarelli (el b, voc, g), Loreno Tucci (dm), Bruno Marcozzi (perc)
Vamos, Waltz del
clave, Algo contigo, In a Sentimental Mood, El mastropiero, Sophia, A
Taste if Honey, Teorema, Africa, Mathias, Maragliao
Enregistré en avril 2011, Rome
Schema Records 143(www.ishtar.it)
Le disque réalisé par Fabrizio
Bosso, Javier Girotto et leur formation Latin Mood ne relève pas
d’un jazz exceptionnel même si on veut se contraindre à admettre
qu’il existe un latin jazz dont pourrait se revendiquer ce Vamos.
Tant Girotto que le pianiste Natalio Mangalavite sont argentins
d’origine et ils font appel au vieux compatriote, le compositeur de
Santa Fé, Chico Novarro pour « Algo contigo » que chante
Natalio et qui, loin du jazz, offre une saveur argentine marquée de
nostalgie. Le fait que dans cette dernière
production discographique les deux meilleures plages soient « In
a Sentimental Mood » et « A Taste of Honey » tend à
montrer que l’un des problèmes principaux de ces musiciens réside
dans la composition (Bosso, Girotto, Mangalavite, Bulgarelli) qui
présente peu d’imagination, de saveur et manque de ce quelque
chose que le jazz a toujours à transmettre. Dès que l’on aborde
« In a Sentimental Mood » subitement on sent la
pulsation, ça commence à swinguer, le duo trompette-saxo est et de
bonne facture. « A Taste of Honey » est aussi entraînant
même si curieusement il se veut être joué sur une clave qui nous
paraît montada, ce qui veut dire qu’elle n’est pas
correcte. Mais les bonnes prestations de Bosso et Girotto, la guitare
de Bulgarelli sur « Maragliao », leurs qualités
personnelles – Girotto a fait partie du quartet de Enrico Rava qui
ne choisit pas n’importe qui pour le rejoindre – ne peuvent
exploser et rehausser les autres compositions.
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Rick Braun
Can You Feel It
Can You Feel It, Back to Back, Take Me
to the River, Mallorca, Get Up and Dance, Another Kind of Blue,
Delta, Silk, Radar, The Dream, Dr. Funkenstein Date et lieu d’enregistrement non
précisés
Durée : 50’ 00’’
Artistry
Music /Mack Avenue 7043 (www.mackavenue.com)
Rick Braun (tp, flh, tb, clav), assisté
d’une clique clinquante de cadors de studio, nous sert une énorme
louche de funk-r'n'b d’ascenseur. Cela pourrait être du RH Factor
mais la niaiserie mélodique est trop appuyée. L’ambition
rythmique est strictement mécanique, façon dance-floorabrutissant. La sonorité des instruments, les effets et les
rythmiques pointent tous dans cette direction défoulatoire. Tout
cela est bien réalisé (on compte parmi les musiciens Brandon
Fields, ts ; Jeff Lorber, g, clav) mais l’ambiance d’ensemble
connote trop un registre de type « décapotable et bronzage à
Majorque avec blonde pulpeuse ». Un effort assez anonyme.
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Henry Butler & Steven Bernstein
Viper's DragViper's
Drag, Dixie Walker, Buddy Bolden's Blues, Henry's Boogie, Gimmie a
Pigfoot, Wolverine Blues, King Porter Stomp, I Left My Baby, Some Iko
Henri
Butler (p, voc, arr), Steven Bernstein (tp, arr), Charlie
Burnham (vln), Peter Apfelbaum (ts, ss), Michael Blake (ts, ss), Erik
Lawrence (bs, ss), Doug Wieselman (cl), Curtis Fowlkes (tb), Matthew
Munisteri (g), Reginal Veal (b), Herlin Riley (dm)
Enregistré
en mars 2013, New York
Durée :
51' 40''
Impulse
0602537812837 (Universal)
Cet
album est l’aboutissement d’une longue coopération du pianiste
aveugle de New Orleans, Henry Butler, et du trompettiste/arrangeur de
Washington DC, Steven Bernstein, commencée avec son Millennial
Territory Orchestra en 2011 au Lowdown
Hudson Blues de New York : ils avaient relu quelques
classiques du blues. Après cette première rencontre réussie, les
deux protagonistes ont en 2012 récidivé en donnant Early Blues,
un autre spectacle redécouverte du répertoire de l’Orléanais au
Jazz Standard de New York. Pour cette troisième réunion,
enregistrée aux Avatar Studios, superbe réinterprétation de
quelques-unes des plus belles pièces de la musique de jazz, ils se
sont adjoints la fine fleur des sections rythmiques de Crescent
City : Herlin Riley, Le Magnifique, et le non moins talentueux
Reginald Veal. Et c’est
une formidable réussite. Car Henry Butler et Steven Bernstein n’ont
pas commis l’erreur de faire de « la copie d’ancien » ;
ils ont eu l’intelligence et surtout le talent de relire ce
répertoire de la grande tradition classique dans toute sa modernité
en tant que culture vivante : « sur des pensés
antiques faisons des vers nouveaux », comme ne l’a pas dit
qui vous savez. Le programme comporte une forte proportion de
morceaux (six) composés dans l’entre-deux-guerres et trois plus
récents de Butler, écrits entre 1989 et 2004. L’unité de
l’ensemble tient à la relation culturelle forte : Ecole
musicale du Sud et Style des orchestrations en parfaite cohérence.
La structure néo-orléanaise est l’élément fédérateur avec
trois compositions de Jelly Roll Morton (« Buddy Bolden's
Blues », « Wolverine Blues », « King Porter
Stomp ») des années 20 au caractère affirmé et celles de
Butler lui même ; y sont associés trois autres thèmes
représentatifs des années 30, choisis avec beaucoup de pertinence.
L’album
s’ouvre en beauté sur « Viper’s Drag », titre
éponyme de l’album, une composition de Thomas Fats Waller
(également connue en tant que « Timeless Rag »), chantée
par Cab Calloway dès 1930. Cette pièce de référence du maître de
l’Ecole noire du piano stride de Harlem
n’a en effet été interprétée par son auteur qu’en 1934
seulement. Cette orchestration débridée de Butler, élaborée sur
la déconstruction du thème, est écrite comme un concerto pour
piano et big band, en quatre mouvements.
Appuyé sur la masse sonore de l’orchestre, le pianiste rend la
part de fantaisie et de folie du "garnement" de Harlem.
Le second arrangement du pianiste, sur « Buddy Bolden Blues »,
est, dans le genre, une sorte de perfection dans sa manière de
recréer un univers qui, bien que remontant à un siècle, paraît
esthétiquement si proche de notre époque : magie du blues !
Les
orchestrations des autres plages sont de la plume de Steven
Berstein ; elles sont tout aussi brillantes et ne sont pas sans
évoquer certaines de Wynton Marsalis ; les ensembles sont
superbement arrangés et interprétés avec beaucoup d’exigence.
Celles de « Wolverine Blues » et de « King Porter
Stomp » sont extraordinaires de richesses et magnifiées par la
qualité exceptionnelle des voicing. Les
solistes sont parfaits dans leurs interventions. Les cuivres et les
anches sont de belle tenue. Je retiendrai que Steven Berstein joue
son rôle de guide avec maestria mais que les autres instrumentistes
sont tout aussi magistraux dans cette polyphonie reconstituée en
2013 ! Quant à Henry Butler, qui commença en jouant « Giant
Steps » avec Billy Higgins (dm) dans les années 80, il a
acquis une maturité pianistique qui trouve à s’exprimer à
merveille dans ce type de répertoire dont il possède le langage
intime ; aussi bien en tant que chanteur qu’en tant que
pianiste ; sa manière évoque à la fois Earl Hines, par la
virtuosité maîtrisée (stop chorus sur « Wolverine Blues »),
et Ray Charles, par son toucher profond nourri de blues et/ou par la
clarté du détaché issue de la tradition sacrée des gospel
songs (« Henry’s Boogie » évoque
immanquablement le « Mess Around » de Ray). Mais cette
chronique serait incomplète, comme le disque ne serait tout
simplement que commun, si l’on ne faisait mention du reste de la
section rythmique : avec le guitariste Matthew Munisteri mais
également le batteur et le contrebassiste. Reginald Veal met la
formation sur ses rails ; il structure toutes ces faces avec la
rigueur et la mise en place qu’on lui connaît. Quant au drummer
enfin, c’est le chef d’orchestre en action de cet album
exceptionnel ; le maestro Herlin Riley tient, guide et colore
cette grosse machine avec la gravité de ses tambours et la poésie
légère de ses baguettes. Et rien ne serait pareil sans le génie de
son drive.
Viper's
Drag est un disque superbe, dont l’auditeur ne se lasse jamais. Il
fait honneur au jazz de 2014.
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Claudio Fasoli Four
London Tube
Fulham Broadway, Kew Gardens,
Knightsbridge, Parsons Green, Covent Garden, Leytonstone, Chancery
Lane, Finchley Road, London Tube, Bow Church
Claudio Fasoli (ts,ss), Michele Calgaro
(g), Lorenzo Calgaro (b), Gianni Bertoncini (dm, electronics) +
Michel Gassmann (tp)
Enregistré de juin à novembre 2013,
Cavalicco (Italie)
Durée : 56’ 08’’
Abeat ABJZ 135 (www.abeatrecords.com)
Revoici pour notre plaisir le groupe
« Four » de Claudio Fasoli, augmenté cette fois d’une
trompette, le Suisse Michel Gassmann sur quelques plages, peu connu
chez nous, il l’est plus en Italie où il joue avec Stefano
Battaglia, notamment dans l’hommage à Pasolini. Cette fois, Fasoli
tente une interprétation musicale de différentes stations de métro
de Londres, lesquelles, dit-il, peuvent faire naître toutes sortes
d’émotions. Et c’est réussi car on retrouve l’animation, la
presse, mais parfois aussi le calme du métro londonien. Nous ne
sommes plus dans le jazz de "chambre" de l’Emerald
Quartet. Dès les premières notes de « Fulham Broadway », ça
démarre en force avec le batteur qui joue assez funk, et après un
unisson, la guitare s’envole, puis Fasoli part dans un solo au
soprano, puissant, avec un son droit, vers des aigus diaboliques. Et
ça continue dans la même envolée avec « Kew Gardens », où
le saxophoniste poursuit sa route vers la lumière, et la ballade se
termine à la trompette bouchée, très tendre. Pour les autres
morceaux Fasoli passe au ténor, restant souvent dans le
médium-grave, il peut être rêveur comme sur « Knightsbridge »,
ou véhément, rageur, comme sur « Parsons Green », où
encore lyrique dans « Bow Church ». Les autres musiciens
sont à la hauteur. Le guitariste joue des solos mélodiques, des
motifs d’une belle richesse harmonique. Le batteur sait créer des
tapis, tant aux tambours qu’aux cymbales, un drumming solide d’une
parfaite mise en place. Le contrebassiste se place à merveille dans
le jeu du batteur. Quant au trompettiste, il est de la lignée d’un
Paolo Fresu, adepte d’un son pur et beau, avec de idées
mélodiques, on peut s’en faire une idée sur « Finchley
Road ». Un beau et fort voyage dans le métro londonien à
travers quelques stations musicales de hautes volées.
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Funky Butt
Shaft
Titres
communiqués sur le livret
Kare
Nymark Jr (tp), Even Kruss Skatrud (tb), Havard Fossum (as, ts),
Anders Aarum (p, Rhodes, org B3), David Gald (tu), Knut Lothe (dm,
perc), Tricia Boutté (voc), Paul Longstreth (p, org)
Enregistré en
avril 2013, New Orleans
Durée :
40' 22''
Schmell ! 221
(www.funkybutt.no)
On ne
compte plus les musiciens européens qui ont assimilé la façon de
jouer funky néo-orléanaise actuelle. Ce groupe norvégien en est un
bon exemple. Un CD réussi, fait de compositions originales très
bien faites et orchestrées. Le trompette d’essence bop n’a pas
une sonorité séduisante (« Life »), mais la technique
est bonne. Altiste genre Jackie McLean, Havard Fossum est aussi un
ténor rageur (« Shaft » avec intro de tuba et partie
d’orgue). L’influence des brass bands louisianais se sent dans
les riffs. Knut Lothe a assimilé le drumming « parade ».
Démonstration dans « Mario’s Revenge » (présence de
Paul Longstreth) et dans « We’ll Fly to New Orleans Today »
où intervient la chanteuse néo-orléanaise Tricia Boutté comme
aussi dans « Hot Calas » (présence de Paul Longstreth)
et « Life ». Ceux qui nous interpellent sont le tubiste
David Gald (très présent par de bonnes lignes de basse, et solo
dans « Sidekicker » de touche latine) et le trombone,
Even Kruss Skatrud (né en 1977, professeur assistant à l’Université
d’Oslo). Il a une technique digne des Carl Fontana et Bill Watrous
(« Leather Jacket », « Gutter Ball Strut »)
et peut aussi jouer de façon « rentre dedans »
(« Shaft »). Les arrangements sont bons comme nous
l’avons dit avec parfois une tendance au démarquage (« Blue
Suede Blues » évoque « The Sidewinder », dommage
que la coda « militaire » soit d’un goût douteux). Au
total un album réussi dans le genre.
Michel Laplace
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Igor Gehenot Trio
Motion
Crush, Santiago, Prémices,
Interlude, Jaws Dream, Back Country, Song From Eden, Ô Lac, Deep
Unseen, In the Wee Small Hours of the Morning
Igor Gehenot (p), Philippe
Aerts (b), Teun Verbruggen (dm)
Enregistré en avril 2014,
Bruxelles
Durée : 43’
Igloo Records 253 (Socadisc)
Igor Gehenot (né en 1989) a
connu une ascension fulgurante : prix SABAM Jazz Awards, album de
l’année 2012 pour la revue britannique Jazz Wise avec Road
Story ; carte blanche, l’été dernier, au Gaume Jazz
Festival. Le pianiste liégeois a suivi les cours d’Eric Legnini.
Toutefois, loin de la ligne groovy-funky adoptée par son prof, il a
suivi une voix qui, en Belgique, le met, je pense, plus en filiation
avec Charles Loos ou Ivan Paduart. Par ses compositions chantantes et
dansantes (« Santiago »), on peut encore le situer au
plan international dans une ligne (courbe) allant de Bill Evans à
Brad Mehldau (« Back Country », « In the Wee Small
Hours of the Morning »). Son jeu est assuré, parfois même
appuyé (« Crush »). Compositeur romantique, lyrique,
expressif, il suspend ses mélodies avec délicatesse (« Prémices »,
« Interlude ») résonnant ou crochetant quand il le faut,
quand il le sent (« Back Country », « Deep Unseen »).
Il est délié, sûr de lui. Les phrases coulent, respirent et
rebondissent avec quelques audaces parfois : « Ô Lac ».
Il nous offre de très belles valses lentes : « Song From
Eden », « Deep Unseen » et un song profond de
Mann-Hilliard : « In the Wee Small Hours of the Morning ».
Il ose des évolutions contrastées, des accentuations (« Jaws
Dream », « ô Lac »). La musique coule comme
brassées de pétales à la procession. C’est beau, ça swingue, ça
chaloupe aussi ! Avec cette seconde galette, le jeune pianiste
liégeois s’est entouré d’un nouveau trio de musiciens
consacrés et totalement imbriqués dans l’œuvre : Teun
Verbruggen (dm), fusionnel (« Back Country », « Ô
Lac », « Deep Unseen ») ; Philippe Aerts (b),
juste sur la note, le tempo, le vibrato (« Interlude »,
« In the Wee Small Hours of the Morning»). Médaille d’or
aussi pour Daniel Léon : un ingé-son qui a de jolies oreilles
et des poils qui aiment la chair de poule ! Cet album est un
coup de maître. La meilleure de nos cotes s’impose donc à moi…
sans chauvinisme aucun !
Jean-Marie Hacquier
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Jared Gold
JG3+3
Pendulum,
Spirits, Sermonette, Shower The People, No Moon at All, I Just Can't
Stop Loving You, Fantified, Cubano Chant, Charcoal Blues. Jared
Gold (org),
Dave Stryker (g), Sylvia Cuenca (dm),
Patrick
Cornelius (as),
Jason Marshall (bs),
Tatum Greenblatt (tp)
Enregistré
le 1er février 2013, New York
Durée :
48’ 39’’
Posi-Tone
Records 8122 (www.posi-tone.com)
Jared Gold fait partie de
la relève de l’orgue contemporain – d’une manière peut-être
moins sèche que Brian Charrette car il ne renonce pas aux aspects
blues et funk de l’instrument. Jared Gold laisse notamment parlerDave Stryker, lui-même leader d’un superbe groupe (Blues to
the Bone). Ce dernier est d'ailleurs pour beaucoup dans la réussite
de cet album : la clarté intensément blues de ses
interventions possède un swing remarquable, agressivement moderne
mais avec une touche mélodique et une fraîcheur constante. On sent
que Jared Gold s’inspire des organistes considérés comme "modernes" (Larry Young et Don Patterson) mais il
conserve l’esprit Jimmy Smith et est capable de sobriété blues
(citation de « SKJ » sur le « Sermonette »
de Cannonball Adderley qui permet d’invoquer les ambiances churchynécessaires façon Ray Charles).
Les cuivres sont utilisés pour des soulignements bienvenus, comme
sur le très funky « Spirits » et
prennent la parole avec enthousiasme. James Taylor et Michael
Jackson ne sont peut-être pas les meilleurs auteurs à reprendre
dans ce format, mais le reste des choix est assez inspiré : un
bon « No Moon At All », rapide avec balais, un « Cubano
Chant » de Ray Bryant brûlant, un très décontracté
« Charcoal Blues » de Wayne Shorter (Patrick
Cornelius avec un velouté à la Johnny Hodges). Un
bel album dans une tradition auquel le leader apporte une approche à
la fois respectueuse et rafraîchie.
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Jésús Hernández
Bojaira
Jesús
Hernández (p), Álvaro Maldonado (dm), Manuel Saez (elb) + Jorge
Pardo (fl, ss), Jesús Méndez (voc.), Guga Murray (g), Ana Calí
(taconeos, palmas), Sergi El Colorao (voc), Babacar Kamara
(dm), Frano Kakarrigi (b)
Pa’tras!,
Laura, Sugestiones Goldberg, Camino a Mauá, Sueño alfa, La bojaira,
Esa morena guapa, La risa de Mario
Enregistré
en 2013, Malaga (Espagne)
Durée 46' 44''
Quadrant Producciones
031 (www.quadrantcorner.com)
Qualifié par de nombreux "spécialistes" de flamenco jazz
(ou le contraire) ce disque est un excellent disque de flamenco contemporain,
joué par un trio et ses invités à la large culture musicale. Le pianiste de
Grenade, Jesús Hernández, possède une culture apparemment profonde du flamenco
et une bonne connaissance du jazz qui lui a permis de donner aux seguirillas,soleás et autres tangos et alegrías de sa composition une
modernité aujourd’hui admise par les plus stricts défenseurs de la tradition.
La belle soleá «Sugestiones de Golberg» permet aussi
d’apprécier le pianiste dans un registre qui met en valeur sa formation
classique.
Bien qu’il en soit à son premier disque, Jesús a réuni des invités de grande
classe qui hissent son travail à un très bon niveau. Le premier d’entre eux,
Jorge Pardo, est à l’honneur sur deux thèmes dont «Laura» – seul
thème dont Jesús n’est pas l’auteur – traité comme une buleria. Notons
qu’il est fréquent que ce thème de Raskin soit capté par des musiciens de
flamenco. Pardo reste un phénomène insaisissable tant son langage est
personnel. Récemment gagnant d’un célèbre Prix du Jazz en France il s’est
toujours attaché à dire qu’il n’était pas un jazzman. On peut encore
l’apprécier au soprano sur «Sueño alfa» avec cette fois l’accompagnement
de la contrebasse d’un Frano Kakarigi de formation totalement classique (en
partie française). Sans mésestimer Jesús Méndez sur «Esa morena
guapa» notamment, c’est plus particulièrement «El Colorao»
issu d’une lignée fameuse de cantaores qui offre sur«Camino
a Mauá» une prestation magistrale. Sur le même thème le Brésilien Guga
Murray (g) se joint au Sénégalais Babacar Kamara pour offrir à un versatile
Hernández un accompagnement plus proche du jazz. Le batteur se livre à de
belles prouesses qui sortent nettement du flamenco mais qui s’inscrivent
aisément dans le travail de Hernández. Les taconeos d’Ana Calí, une bailadoraparmi les plus en vues actuellement, laissent à entendre que l’on aimerait sans
aucun doute voir la prestation complète sur scène. Deux compositions sont
jouées uniquement par le trio, la trop courte «Risa de Mario» et «
La Bojaira»de laquelle jaillit toute la culture arabo-andalouse de
Jesús Hernández. Ces thèmes permettent d’apprécier toutes les belles qualités de
la formation de base.
Un disque à mettre entre toutes les mains des amateurs de musiques en général.
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Ricardo Izquierdo
Ida
Ricardo
Izquierdo (ts, bcl), Sergio Cruz (p), Juan Sebastien Jimenez (b),
Mauro Gargano (b), Lukmil Pérez (dm)
EP,
La Reine du Domino, Intro-Ida, ida, Flora, Sea el santísimo, Délit
à Delhi, S.O.S., Visteme despacio, Retoño d’Esperanza
Enregistré
en décembre 2012 et février 2013, Paris
Durée : 53' 39''
Plus
Loin Music 4572 (Abeille Musique)
On connaît dans le monde
hispanique musical les chants de Ida y Vuelta, c’est à dire ceux qui,
lors des siècles passés, on fait les allers-retours entre l’Espagne et les îles
caribéennes, principalement Cuba, sur les bateaux marchands. Les habanerasfont notamment partie de ces chants. Ricardo Izquierdo baptise son disque Ida…
sans retour. Le quartet est formé de musiciens ayant quitté leurs terres d’origine,
Cuba pour Ricardo et Lukmil, l’Argentine pour Sergio, le Venezuela pour Juan
Sebastien et la perspective d’une vuelta est des plus improbables. Il y
a même dans les compositions de Ricardo Izquierdo, tout comme dans sa manière
d’interpréter sa musique, une manière de tourner le dos à son passé pour aller
vers l’avant. Après une formation classique qui a laissé des traces jusqu’à
aujourd’hui dans sa musique, il joue dans ses premières années de musicien avec
des salseros -Yumurí –, travaille ensuite avec des musiciens inspirés
des traditions afro-cubaines comme Oscar Valdés et avec ceux proches du jazz
tel qu’Alexis Bosch. Et c’est vers ce jazz qu’il penche définitivement,
travaillant ou étudiant avec des américains avant de s’installer en France. Même
s’il fréquente et joue avec le monde franco-latino il rompt avec
ses racines – au moins dans ce disque – pour offrir une musique personnelle,
créative, aux couleurs variées, sans jamais user de clichés ou de phrases
latines toutes faites comme beaucoup d’expatriés savent le faire. Dans ce
disque Izquierdo laisse une grande part de liberté et d’initiative personnelle
à ses partenaires à travers de véritables dialogues instrumentaux.
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Jewly
Bang Bang Bang
A Bowl of Cotton in the Sky, The Other
Side Bang Bang Bang, Don’t Be Late, L’Incarcérée, Provocation,
Boozy, Peanuts, 2x6 ans, Next Time You Will, Virtual Lover
Jewly (voc, bck voc), Sylvain Troesch
(g), Phil Spalding (b), Ralph Schuler (dm), Hervé Koster (perc, g,
elp, voc), Michael Lecoq (org, key)
Enregistré à Paris
Durée : 41’12’’
Autoproduit (www.jewlymusic.com)
Après avoir sorti un premier EP cinq
titres (No Shoes), Jewly délivre une première vraie galette
au son complet. Cette jeune femme, native d’Alsace, s’est très
vite imprégnée de la musique des rebelles, qui se frayaient,
guitare à la main, un chemin vers la liberté d’être. Mais aussi
celle des Afro-Américains, qui chantaient pour survivre dans les
champs de coton ou encore, en passant par l’Angleterre, celle des
Rolling Stones gorgée d’universalité. Après avoir évolué dans
un registre jazz-rock prononcé, mais malheureusement difficile en
termes de débouchés live, Jewly s’est adonnée sans compter aux
concerts glissant peu à peu du jazz-rock au blues. Cette musique
qu’elle a chevillé aux pieds et son moteur d’expression. Dans
Bang Bang Bang, son blues se fait, très british tendance Led Zep
voire rock-sudiste dans l’esprit des Allman Brothers. Ce son si
caractéristique est sûrement le fruit de la collaboration avec
Steven Forward (Ray Charles, Dee Dee Bridgewater, Stevie Wonder ou
Paul Mc Cartney). L’album débute avec la guitare
flamboyante de Sylvain Troesch qui place sa « patronne »
sur la « voix » du Blues avec une rythmique diabolique,
composée de l’anglais Phil Spalding (b) et du souple Ralph Schuler
(dm), qui swingue merveilleusement. Sur « The Other Side of
Bang Bang », la jeune femme injecte une merveilleuse dynamique
très blues sudiste et toujours cette rythmique de feu, qui assoit le
thème avec force. Le morceau décolle admirablement se positionnant
en hit majeur. La guitare de Troesch continue de donner de la
vitalité aux propos en puisant dans le phrasé de Jimmy Page
(« Don’t Be Late »), le tout augmenté par les
interventions à l’orgue de Michaël Lecoq. Après ce départ
fulgurant, Jewly calme le jeu en exposant une chanson gorgée
d’émotion dans la langue de Molière, où elle se demande ce
qu’elle a fait d’elle ? En français ou en anglais, ses
textes possèdent toujours autant de saveur. Toutes ses influences se
diffusent dans les thèmes qu’elle a, de sa main, écrits. Les
atmosphères créées se situent davantage dans une situation
anticyclonique plutôt que de basse pression. Cet album, promis à un
beau succès donne l’impression d’entendre la chanteuse aux pieds
nus en direct sur sa chaîne. Ce qui ne signifie pas qu’il ne faut
pas se déplacer pour l’écouter en concert !
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Elisabeth Kontomanou
Amoureuse
Amoureuse,
Et maintenant, Le Temps, Il est mort le soleil, Sur un air de Navajo,
Sur ma vie, Où sont tous mes amants ?, Milord, La Valse à
mille temps, Les Anges de la nuit, Chantez ! Elisabeth
Kontomanou (voc), Gustav Karlstrôm (p), Thomas Bramerie (b), Donald
Kontomanou (dm), Joey Belmondo (g), Eric Le Lann (tp), Olivier Ker
Ourio (hca), Renez Sabusito Martinez (cga)
Enregistré
en septembre 2013, Pompignan (82)
Durée :
47' 47''
Plus
Loin Music 4571 (Abeille Musique)
Pour
ce disque, Elisabeth Kontomanou a choisi d’interpréter quelques
grandes chansons françaises du répertoire, plus deux de sa
composition. Pour ce faire elle s’est entourée de jazzmen
impeccables dont certains sont bien connus, tous auteurs de solos
bien venus. Elle se fond souvent dans le style du créateur comme
dans « La Valse à mille temps » où l’on entend Brel ;
dans « Où sont tous mes amants » c’est Fréhel, avec
un beau solo de Le Lann ; dans « Sur ma vie » c’est
bien sûr Aznavour, etc. Elle sait être passionnée comme sur
« Les Anges de la nuit » d’elle-même et Gustav
Karlström. C’est donc un disque très agréable, une belle et
forte façon de redonner vie à ces thèmes, dont certains ont été
des tubes.
Serge
Baudot
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Joe Magnarelli
Lookin' Up !Titres 44,
Third Set, Inner Beauty, You Go To My Head, Blue Key, Easy
Transition, Suddenly It’s Spring, Miles’ Mode, Darn That Dream,
In Walked Lila
Joe
Magnarelli (tp, flh), Steve Davis (tb), Anthony Wonsey (p), Mike Karn
(b), Jason Brown (dm)
Enregistré
le 23 octobre 2013, New York
Durée :
56’ 06’’
Posi-Tone
Records 8125 (www.posi-tone.com)
On
n’en finit pas de découvrir Joe Magnarelli, un des trompettistes
les plus respectés de New York. Ce très bel enregistrement possède
une certaine densité même s’il ne revendique pas d’ambition
dans la mise en forme musicale. Ce sont donc les pures performances
instrumentales qui comptent. Mags ne déçoit pas : constamment
attentif à la sonorité de l’instrument et la clarté des
développements, il est superbe sur les ballades « Inner
Beauty » et « Darn That Dream ». Trompettiste
contemporain synthétisant les influences de Clifford Brown, Freddie
Hubbard et Lee Morgan, il n’oublie pas Kenny Dorham (« Third
Set ») avec lequel on peut lui trouver une affinité
particulière pour une forme de délicatesse (« Blue Key »,
bossa sobre). Son lyrisme contrôlé est élégant, même s’il ne
débouche pas sur une musique à l’intensité électrique. « Miles’
Mode » est une démonstration de Magnarelli à la trompette
bouchée avec uniquement basse et batterie, ce qui est toujours plus
sec, malgré l’engagement de chacun. « Suddenly It’s
Spring » est la démonstration up-tempo obligatoire. On
apprécie la trop courte introduction de Wonsey sur « Easy
Transition », belle composition hubbardienne dont les couleurs
sont bien exploitées par chacun. Anthony Wonsey, influencé par
Mulgrew Miller (« 44 »), est présent et brille
particulièrement, comme soliste et comme accompagnateur (« Darn
That Dream »). Steve Davis, toujours mélodique, est d’une
belle sobriété.
Un album avec beaucoup de classe et de maîtrise
même s’il manque l’effervescence d’une personnalité plus
affirmée.
Jean
Szlamowicz
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Malted Milk
On Stage Tonight
Introducing, Touch You,
Easy Baby, Human Wave, Sweet Baby, Noal Dance, Hope She Believes in
Me, Sunshine, True Love, Down the Road, That Wiggle, Da Bump, Final
Arnaud Fradin (voc, g),
Timothée Bakoglu (kbds), Yann Cuyeu (g, bck voc), Igor Pichon (b,
bck voc), Richard Housset (dm), Pierre Marie Humeau (tp), Sylvain Sly
Fetis (ts), Laurence Le Baccon, David Muppet Allain (bck voc) + Nina
Attal (voc), 20 Syl (turntab), Kevin Doublé (hca), Karl W Davis
(voc)
Enregistré le 10 Octobre
2013, Nantes (44)
Durée : 1h 08' 38''
Dixiefrog 8760 (Harmonia
Mundi)
Après un premier album en
1999 (Peaches, Ice Cream and Wine), sorti chez MosaicMusic, le soul band le plus redoutable du continent, comme se
définit Malted Milk, présente sa nouvelle production à un public
forcément de connaisseurs. Ce troisième album, enregistré en live,
ce qui donne des arguments de masse pour transférer de bonnes
vibrations. La machine de guerre se met vite en action. Sous la
conduite d’Arnaud Fradin (g, voc), le leader charismatique de ce
combo qui au départ n’était qu’un duo, la température ne tarde
pas à monter. L’introduction pose les premiers jalons de ce qui
s’annonce comme une nuit « hot ». Les références à
James Brown, sont bien évidemment là (« Nola Dance »),
mais pas que. En effet, bien qu’il n’y ait point de percussions,
« Human Waves » évoque Santana par le phrasé
guitaristique. Malgré tout, le combo déverse surtout une bonne dose
de funk avec des interventions cuivrées de qualité. Petit plus,
avec la présence d’invités appréciés, comme Nina Attal (voc)
sur « Sweet Baby », comme par hasard, avec une guitare
étincelante ou Karl W. Davis (voc) et sa voix d’une chaleur
phénoménale qui fleure le blues à plein nez (« Sunshine »).
Une belle réussite avec de jolis chœurs pour envelopper le chant du
néo-Nantais. « True Love », est une véritable petite
perle, notamment par son intro et « That Wiggle »
swingue avantageusement. Ce On Stage Tonight est un véritable
bijou qui retranscrit l’ambiance des grands combo funk avec
profondeur blues et entertainement de haut-vol.
Michel Maestracci
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MCFC Jazz Quartet
Relatively Out ThereDo You Like 7th Chords, When You Get
There, Pluton, Summertime, 7 sur 5, La Finca, Simple Melody
Patrick Mottaz (g), Philippe Crettien
(s), John Funkhouser (b), Mike Connors (dm)
Enregistré les 25 et 26 octobre 2003,
Boston
Durée : 55' 31''
PM Music (www.pmottaz.com)
Le saxophoniste français émigré aux
Etats-Unis Philippe Crettien, qui fut un élément déterminant du
festival Jazz à Toulon, s’est lié à trois jeunes musiciens de
Boston pour fonder MCFC (leurs initiales) Jazz Quartet. Et
aujourd’hui, en 2014, ils continuent leur route ensemble. Après
avoir cultivé un gros son rentre-dedans, Philippe Crettien amorçait
son glissement vers un jeu de sax dans la lignée de Wayne Shorter,
et Warne Marsh, qui est devenu l’influence principale. Voilà
quatre musiciens, ayant chacun un beau parcours, réunis pour un jazz
qui s’ancre dans la grande tradition. Patrick Mottaz joue dans la
même cour lyrique, son jeu semblant l’héritier de Charlie
Christian, Wes Montgomery en passant par le blues et le rock. John
Funkhouser est d’une grande richesse harmonique, développant un
lyrisme tendre et fort à la fois. Quant à Mike Connors, il sait
allier swing, discrétion et efficacité. Nous avons ainsi affaire à
un quartet qui parle le même langage, et en partage, un jazz fort et
prenant. L’une des grandes qualités d’un
jazzman c’est de s’emparer d’un thème du répertoire et de le
faire sien ; c’est à dire que son interprétation se démarque
de toutes les autres et renouvelle le thème. C’est le cas ici avec
« Summertime », pris sur tempo lent avec un bon feeling,
une belle délicatesse et une grande émotion. Sur « 7 sur 5 »
on entre au contraire dans une sorte de rage du ténor, d’une
exacerbation du groupe, qui les propulsent de plain pied dans l’après
Coltrane. Un quartet qui s’exprime dans un véritable échange à
quatre voix, sans qu’aucun des musiciens ne tire la couverture à
lui, pour un jazz expressif, tendre et délicat, aussi bien que
passionné et violent. Du beau, du vrai jazz, et du jazz
d’aujourd’hui !
Serge Baudot
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Milesvska Trio
TriDo,
Ludo Mlado, Caprice de Paganini, Oblivion, Bavardage, O morro nao tem
vez, Tri, Why I Feel This Way, Espérance, State of Mind
Rossitza
Milevska (harp, voc), Fred Lacroix (b), Cédric Le Donne (dm)
Enregistré
en juillet et octobre 2013, Antibes (06)
Durée :
56' 30''
ECL
001 (www.rossitzamilevska.com)
Voici
le deuxième disque du Milevska Trio, et c’est un enchantement. On
retrouve toutes les qualités de la harpiste, cette façon de jouer
avec des accords qui laissent croire qu’il y a une main gauche
piano (elle est aussi pianiste), tandis que la droite développe son
chant. Cela sort la harpe des traditionnels et sempiternels arpèges.
Elle a un phrasé absolument jazz, personnel, des attaques guitares,
du punch, mais aussi du lyrisme comme dans ce si prenant « Oblivion »
de Piazzolla, morceau qui a lui tout seul justifie l’achat du
disque. Ce morceau est pris sur un rythme lent bolero-milonga, que ce
soit la harpe, ou la contrebasse à l’archet, on entend la chanson,
qui distille une grande émotion. Le partage harpe-basse est
admirable sur un drumming fin et retenu. Le contrebassiste est un
adepte du beau et gros son, avec la note tenue dans les tempos lents,
et pas un bruit parasite. Il est plus dans le contrechant, dans les
répons à la harpe, que dans la pompe, le batteur assurant à la
fois avec tact et engagement la rythmique et les couleurs. Il utilise
peu de matériel et donne de rares solos, ce qui est bien (son plus
long solo sur « Espérance » est essentiellement à la
caisse claire). Ses roulements sont fins et d’une netteté
appréciable. Rossitza Milevska chante aussi ; de ce côté-là
il y a une indéniable évolution par rapport au premier disque (As
I Am : Jazz
Hot n°660). « Ludo
Mlado » est un traditionnel bulgare plein de charme. En
revanche, dans « Why I Feel This Way » elle a une façon très
personnelle de chanter le jazz, avec une voix à la fois acidulée,
assez grave et fluctuante, tout à fait une de ces voix bulgares si
particulières. Il
s’agit d’un vrai trio, avec son propre son, à nul autre pareil,
dont l’enchevêtrement des trois voix laisse sortir un solo
toujours dans le droit fil du thème. C’est un trio habité qui a
atteint sa maturité. Une lumière dans la nuit de productions par
trop semblables.
Serge
Baudot
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Ben Riley
Grown Folks MusicFriday
The 13th, Laura, Teo, Without a Song, A Weaver Of Dreams, Lulu’s
Back In Town, If Ever I Would Leave You
Ben
Riley (dm), Wayne Escoffery (ts), Avi Rothbard (g), Freddie Bryant
(g), Ray Drummond (b)
Enregistré
le 30 août 2010, Paramus (New Jersey)
Durée :
56’ 00’’
Sunnyside
1305 (Naïve)
Ben
Riley a accompagné les plus grands, à commencer par Thelonious
Monk, Earl Hines, Randy Weston, Sonny Rollins, Andrew Hill, Hank
Jones, Woody Herman, Stan Getz. Avec Ray Drummond, il constitue l’un
des plus beaux trios de Kenny Barron. La clarté chaleureuse de son
drumming est une leçon de musicalité depuis très longtemps et il
est intéressant de le voir confirmer cela dans un contexte où il
est entouré de jeunes gens ayant trente ou quarante ans de moins que
lui. Wayne Escoffery, qui co-produit l’album, est le membre le plus
éminent (Eric Reed, Abdulah Ibrahim, Mingus Big Band…) de ce
quartet de grande classe. Il s’exprime dans une veine contemporaine
riche où se croisent Joe Henderson, Michael Brecker, Rollins, Joe
Lovano et beaucoup d’autres (on ne peut s’empêcher de penser à
Charlie Rouse, sur « Lulu’s Back in Town » par
exemple). Il possède une belle présence puissante qui contraste
avec le talent plus tempéré et appliqué d’Avi Rothbard et
Freddie Bryant. L’influence de Monk est présente, mais l’absence
de piano évite le sentiment d’une possible redondance. La musique
est sensible (« A Weaver Of Dreams »), pleine d’idées
savoureuses (intro à la « Poinciana » sur « Laura »)
et d’une richesse subtile, celle d’instrumentistes maîtres de
leur discours et refusant le spectaculaire de tout concept. Un beau
disque sobre.
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Annick Tangorra
Springtime
Titres détaillés sur le livret
Annick Tangorra (voc), Mario Canonge
(p), Alain Jean-Marie (p), Thomas Bramerie (b), Tony Rabeson (dm),
Arnaud Dolmen (dm), Adriano Tenorio (perc)
Enregistré en décembre 2012 et
janvier 2013, Montreuil (93) et Paris
Durée : 51' 28''
Frémeaux & Associés 598
(Socadisc)
Voilà une musique qui sent bon les
îles lointaines. La chanteuse Annick Tangorra s’est entourée de
musiciens venus de ces parages : Alain-Jean Marie qui vient de
Pointe-à-Pitre, Tony Rabeson de Madagascar, Arnaud Dolmen de la
Guadeloupe, Adriano Tenorio du Brésil, et Mario Canonge, qui a
réalisé ce disque, de la Martinique ; seul Thomas Bramerie est
du Continent, mais il est parfaitement intégré à cette musique qui
chante et qui danse. Annick Tangorra possède une voix
chaude et agréable, elle a de la puissance dans les aigus, un scat
personnel, et un délicieux accent quand elle chante en français, et
qu’elle perd en anglais, plus un certain charme musical. On peut
s’en rendre compte sur « Vouvouka » avec une belle idée
d’arrangement chromatique à l’unisson voix-basse-batterie.
« Cantabile for Lady Day » dont la musique est de Michel
Petrucciani est un magnifique pont entre jazz et caraïbe. Une belle
cohésion du groupe sur « Destiny Destination », une
sorte de samba funk. « Urban Child » est du grand Canonge
sur une expression-explosion rythmique. Sur « Melancholia »
Alain Jean-Marie est au piano, on peut admirer la richesse harmonique
des accords, la profondeur de l’expression, et il pousse la
chanteuse vers un lyrisme plus profond. « Little Princess »
est un bel arrangement de Canonge, avec de belle envolées du piano,
sur une valse ensoleillée. A noter un beau solo de contrebasse
chantante sur « Mimosa » de Herbie Hancock dont Canonge
s’inspire ici dans son jeu.
Toutes les paroles (qu’on peut lire
sur le livret) sont d'Annick Tangora. Pour son quatrième disque, la
chanteuse s’est offert un écrin rutilant pour exprimer son
printemps doucement sensuel.
Serge Baudot
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The Basin Street Brawlers
It's Tight Like That !
Titres
communiqués sur le livret
Peter Horsfall (tp, voc),
Malcolm Earle-Smith (tb, voc), Ewan Bleach (cl, as, ts), Colin Good
(p), Martin Wheatley (g, bj), Dave O’Brien (b), Mez Clough (dm),
Natty Bo (voc)
Enregistré à
Londres
Durée : 37' 54''
JohnJohn Records 006
(www.basinstreetbrawlers.com)
C’est
le premier album des Basin Street Brawlers de Peter Horsfall en
activité depuis 2011. Alias « Baby Face », ce jeune
trompette a travaillé pour Chris Barber Band, Keith Nichols et ce CD
est une édition limitée à cinq-cents exemplaires. Nul doute qu’ils
seront vite vendus dans les dancings où l’orchestre se produit.
L’orchestre fait penser à ceux de Marty Grosz d’autant plus que
Martin Wheatley a, en solo, le même jeu de guitare en accords (« If
Dreams Come True », etc). Colin Good peut évoquer Teddy
Wilson (« How Am I to Know ? »). Earle-Smith
évoque parfois Jack Teagarden (« Stars Fell on Alabama »
où le phrasé du trompettiste est dans la lignée Armstrong). Il
donne un bon solo avec plunger dans « It’s Tight Like
That ! » (échanges entre trompette et clarinette, ce
dernier, ici, a un growl à la Cecile Scott). On aime bien
l’exposé chantant, à l’alto, d’Ewan Bleach dans « If
Only You Knew ». Peter Horsfall chante bien
dans le genre ("All My Life”). Sa sonorité de trompette est
mince et nasillarde (peut-être utilise-t-il un instrument
« vintage »), ce qui est gênant sur tempo lent (« Lotus
Blossom »). Son stop chorus dans « Once in a While »
est bon et il sait jouer avec drive (« Swing That Music »).
La rythmique swingue modestement. Agréable sinon nécessaire.
Michel Laplace
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The Delta Saints
Death Letter Jubilee
Liar, Chicago, Death Letter Jubilee,
Jezebel, Boogie, Out to Sea, Sing to Me, Drink It Slow, From the
Dirt, The Devil’s Creek, River, Old Man, Jericho
Ben Ringel (g, voc), Dylan Fitch
(g), David Supica (b), Ben Azzi (dm, perc), Greg Hommert (hca)
Enregistré à Nashville (Tennesse)
Durée : 43' 04''
Dixiefrog 8735 (Harmonia Mundi)
Après avoir publié deux EP (A Bird Called Angolaet Pray On), The Delta Saints sortent Death Letter Jubilee. Le groupe mixe avantageusement
des références blues, cajun et rock. D’entrée de jeu, la
puissance se distille par la voix de Ben Ringel et le soutien
exacerbé de Greg Hommert (« Liar »). L’harmonica est
omniprésent et introduit un « Chicago » qui dégouline
de groove. La suite du CD se situe dans cette veine blues énergique,
avec une volonté de montrer la puissance de la musique exposée.
Par moments, le chanteur possède des inflexions de Steve Tyler
(Aerosmith) et complète parfaitement le travail de ses partenaires
(« Liar »). « Boogie » comme son nom l’indique
balance un… boogie torride, à la limite du heavy blues. Greg
Hommert éclaircit le son rond de David Supica (b). Tout n’est pas
dans le diabolique, car le groupe sait aussi proposer des moments de
tendresse avec « Out to Sea », mais c’est forcément
pour mieux relancer la machine et enfiler des titres, que n’aurait
pas dénigrer Led Zep (« Sing to Me »). Au final, les
Saints du Delta booste complètement ce bon vieux blues tout en
privilégiant les twelve-bar aux power-chords.
Michel Maestracci
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The Puppeteers
The Puppeteers
Arturo O’Farrill
(p), Bill Ware (vib), Alex Blake (b), Jaime Affoumado (dm)
On the
Spot, Jumping, In Whom, Peaceful Moment, Biodiesel, Dreams of Dad,
Not Now Right Now, Lonely Days Are Gone, The Right Time
Enregistré
à New York
Durée : 49' 23''
Puppet's
Records (www.puppetsrecords.com)
Jaime Affoumado est une figure
incontournable du… skateboard américain mais… il est aussi
batteur et fondateur en 2005 d’un club de jazz bien situé sur la
5e avenue… de Brooklyn, le Puppet’s Jazz Bar. Le nom provient
tout simplement du surnom de Jaime, « Puppethead », dans
le monde de la planche à roulettes. Le club a été jusqu’en 2011
un rendez-vous de musiciens, O’Farrill, Blake, Carter… Après la
fermeture du lieu Affoumado convainc ses amis d’enregistrer pour
son nouveau projet, un label dénommé Puppets Records. Arturo
O’Farrill et Blake le rejoignent et Bill Ware, vibraphone, complète
le quartet. Il sort de cette rencontre un disque de neuf titres
composés par les membres du groupe plus la composition du latino
Papo Vásquez « Not Now Right Now ». Les quatre
partenaires ont « pris leur pied » ! L’ensemble
est plaisant, du « fresh jazz » pour reprendre le
qualificatif d’un chroniqueur américain. Sans discuter le fond de
ce jazz il reste évident que ce sont d’excellents musiciens dont
le jeu suscite sinon l’émotion du jazz, l’envie d’en battre
la pulsation… Jaime, habituel membre du trio de Ware, est à la
hauteur de ses collègues et ce n’est certainement pas seulement
pour lui plaire qu’ils ont participé à ce projet. Affoumado sait
faire autre chose que du skate. Au-delà de la composition de
Vásquez, l’ensemble du disque à un aspect latin dû sans aucun
doute à l’apport de Arturo (« In Whom ») et de Bill
Ware (« Bio Diesel », « The Right Time » et
« Lonely Days Are Gone ») qui fréquente lui aussi les
musiciens marqués de latinité. Quant à Blake (« On the
Spot », « Jumping » et « Peacefull
Moment ») il est né à Panama. Cette latinité reste un
parfum semé dans l’interprétation mais ne s’aventure nullement
dans les modes du « Latin jazz ».
Patrick Dalmace
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Walt Weiskopf
Overdrive
The
Path Is Narrow, Like Mike; Jewel and a Flower, Night Vision,
Overdrive, Waltz for Dad, Four Horsemen, Midwinter Night's Dream,
What Are You Doing The Rest of Your Life ?, No Biz
Walt
Weiskopf (ts), Behn Gillece (vib), Yotam Silberstein (g), Peter Zak
(p), David Wong (b), Donald Edwards (dm)
Enregistré
le 29 octobre 2013, New York
Durée :
50' 35''
Posi-Tone
Records 8126 (www.posi-tone.com)
Walt Weiskopf est un musicien qui tente de
construire une véritable musique dans une veine straight-ahead mais
clairement post-fusion. Il possède un drive tendu venu de la
tradition coltranienne contemporaine (Brecker, Bob Berg, Javon
Jackson, Jimmy Greene, Joshua Redman…). Le poids de sa sonorité
virile est constamment évident et parfaitement tonifiant sur les
tempos rapides, comme « Like Mike », clairement
breckerien où l’entrelacs des vamps de la rythmique et des
interventions du vibraphone montre un véritable souci de la
construction qui ne sacrifie pas l’excitation des interventions. Le
lyrisme agressif de Walt Weiskopf comme saxophoniste est couplé à
une vraie inspiration d’écriture même si les ballades souffrent
un peu du tranchant métallique de son expression (« Jewel and
a Flower » est un peu hiératique). La rythmique est dans le
même esprit avec le remarquable Peter Zak, un David Wong souple et
solide, et le magnifique Donald Edwards toujours massif, agile et
coloré. Weiskopf est très à l’aise dans l’interaction avec
guitare et vibraphone, ce qui fournit de belles alliances sonores, et
dans l’utilisation de motifs pour la rythmique qui débouchent sur
des atmosphères bluesy ou funky (« Night Vision »,
« Midwinter Night’s Dream », avec des accents latins).
Le titre de l’album est bien choisi car Weiskopf donne l’impression
d’une voix de saxophone survitaminée au mordant batailleur et
propulsif. On apprécie « Waltz for Dad » et « What
Are You Doing The Rest of Your Life ? » qui permettent de
respirer dans cette puissance parfois saturée mais toujours fraîche
mélodiquement. Un
musicien qui possède un véritable univers.
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Big Daddy Wilson
I'm Your Man
Travellin’ Blues, Hold
the Latter, I’m Your Man, I Wanna Be Your Man, My Day Will Come,
Please, Hurricane, Oh Carolina, Born Loser, Baby’s Coming Home
Again, Show Dog, I’m So Glad
Big Daddy Wilson (voc),
Peter Hallström (p, org, bck voc), Staffan Astner (g), Sven Lindvall
(b, tba), Per Lindvall (dm, perc), Petra Wahlgren (vln, alto), André
De Lange (bck voc), Eric Mossnelid (cl)
Enregistré à Moholm
(Suède), date non précisée
Durée : 44' 13''
Dixiefrog 8742 (Harmonia
Mundi)
Big Daddy Wilson est
originaire de Caroline du Nord, plus particulièrement d’Edenton.
Une petite ville très pauvre où plus de la moitié de la population
était d’origine afro-américaine. Comme il le souligne dans sa
biographie, Wilson était un vrai gars de la campagne. Très jeune,
il fréquente l’église et travaille même dans les plantations de
coton et de tabac. Tout un symbole. A seize ans, il s’engage dans
l’armée et rejoint l’Allemagne. C’est en Europe qu’il
rencontre sa femme et, ô surprise, qu’il découvre le blues !
Après avoir écrit quelques poèmes, il se lance sur la scène
blues …en Allemagne toujours. I’m Your Man est son
quatrième album sous ce nom (il en a sorti deux autres sous le nom
de Wilson B.). Pour ceux qui le connaissent, le chanteur est plutôt
marqué par le blues acoustique à forte sonorité agraire. Sa
sonorité est plus country que « Windy City ».
« Travellin’ Blues » situe bien l’opus du chanteur.
Un voyage entre les villes, que l’on peut imaginer du Sud, pour
retrouver sa bien-aimée. Une composition d’Eric Bibb (« Old
the Latter »), suivie d’une autre de son pianiste et la
chaleur de la voix de Mister Wilson nous enveloppe. Le propos reste
marqué par les histoires que les bluesmen ont l’habitude de
chanter. L’accompagnement est soyeux et délicat, sans grincement
de cordes, voire un tantinet désuet, par moment, avec la clarinette
d’Eric Mossnelid (« I Wanne Be Your Man »). La suite de
l’album est dans la même veine avec beaucoup de chaleur dans la
voix et une énergie a minima pour distiller la musique dite du
« Diable ».
Michel Maestracci
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