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Au programme des chroniques
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• A • Antonio Adolfo • Sophie Alour • The Amazing Keystone Big Band • Gérard Amsellem • Evan Arntzen • Yaël Angel • B • Kenny Barron/Dave Holland • Jean-Philippe Bordier • Sam Braysher/Michael Kanan • Anthony Braxton • C • Gerald Cannon • Mario Canonge/Michel Zenino • Frank Carlberg/Noah Preminger • Fred Chapellier • Simon Chivallon • Anat Cohen/Fred Hersch • D • Steve Davis • Franck Dijeau Big Band • E • Echoes of Swing • Sangoma Everett • F • Alessandro Fedrigo • Guilhem Flouzat • Tia Fuller • G • Dexter Gordon • K • Ryan Keberle/Frank Woeste • H • Fred Hersch • Steve Hobbs • Archie Lee Hooker • I • Diego Imbert • J • Jo Jones • L • Ira B. Liss Big Band Jazz Machine • Lucky Dog • M • Thierry Maillard Big Band • Georgia Mancio/Alan Broadbent • Yves Marcotte • Laurent Marode • Dino Massa • Eva Mayerhofer • Laurent Mignard Duke Orchestra • Jean-Claude Montredon • N • Fred Nardin • P • Marilena Paradisi/Kirk Lightsey • Hermeto Pascoal • Chris Pasin • Enrico Pieranunzi • Leslie Pintchik • Lewis Porter • S • Ian Siegal • Soul Return • Dave Stryker • T • Wendy Lee Taylor • Alexis Tcholakian • Nico Wayne Toussaint • V • John Vanore • Frédéric Viale • Z • Itiberê Zwarg |
Des
extraits de certains de ces disques sont parfois disponibles sur
Internet. Pour les écouter, il vous suffit de cliquer sur les pochettes
signalées par une info-bulle.
© Jazz Hot 2018
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Alexis Tcholakian Trio
Inner Voice. Vol. 1Mirage,
Letter to the Unspeakable, Love Letter, Standing at Crossroads, Valentine,
Trajectoire, Un Monde de silence
Alexis
Tcholakian (p), Lilian Bencini (b), Cédrick Bec (dm)
Enregistré les
15 et 16 décembre 2017, Argenteuil (95)
Durée:
50' 50''
Alexis Music
555001 (http//alexistcholakian.wixsite.com/alexis-music)
Après un parcours musical mouvementé avant de se fixer sur le jazz et
pour son cinquième disque en trio, le pianiste Alexis Tcholakian nous offre une
belle réussite dans cet art du trio. Il a su s’entourer de deux musiciens qui
collent parfaitement à sa musique, sachant se fondre dans ses compositions et
improviser dans le même esprit. Alexis Tcholakian possède un jeu aéré, clair,
chantant. Il privilégie la mélodie, ce qui n’empêche pas quelques subtilités de
phrasé et d’harmonie. Le contrebassiste joue dans la même cour, solos
mélodiques, son pur, attaques nettes, il est remarquable à l’archet; à
goûter sur «Love Letter», pris d’abord ad libitum, puis le piano
s’insère, on a de beaux répons contrebasse-piano, avec des phrases mélodiques
répétées, le tout épousant quelque peu la forme rhapsodie. Quant au batteur, il
est comme un poisson dans l’eau: il déroule des tapis polyrythmiques
comme il se doit, pour asseoir le trio dans un drumming subtil et foisonnant, à
juger sur «Standing at Crossroads», titre annonciateur puisqu’on a
affaire à un trio de facture assez classique qui se tient à la croisée du jazz
mainstream et qui surtout joue sa propre chanson, qui enchante.
Serge Baudot
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Wendy Lee Taylor Quartet
Remembering Fred AstaireSteppin’ Out With My Baby, Fascinating Rhythm, C’est un jour
parfait, Puttin’ on the Ritz*, Night and Day, Something’s Gotta Give, Nice Work
If You Can Get It, Medley**, Cheek to Cheek*, Top Hat White Tie and Tails, The
Way You Look Tonight, You’re Easy to Dance With*, A Foggy Day
Wendy Lee Taylor (voc, tap*), Philippe Petit (p, arr), Pierre
Maingourd (b), Eric Dervieu (dm, perc) + Hervé Meschinet (fl)**
Enregistré en novembre 2017, Paris
Durée: 53' 42''
Autoproduit WTL 003 (www.wendyleetaylor.com)
Après All I Have to Do (sorti
en 2011), un joli album de standards où elle était notamment entourée de Pierre
Christophe (p) et de Luigi Trussardi (b), la chanteuse et danseuse australienne
Wendy Lee Taylor nous propose un disque dont le répertoire est issu des films
de Fred Astaire. Un choix qui fait écho avec son parcours marqué par la comédie
musicale. Elle est, de plus, une nouvelle fois, très bien accompagnée par le
trio de Philippe Petit (lequel vient d’ailleurs de sortir parallèlement son
propre opus, A Beautiful Friendship)
qu’on retrouve ici au piano –instrument qu’il a plutôt délaissé ces derniers
temps au profit de l’orgue– et qui a, par ailleurs, exercé ses talents
d’arrangeur. La section rythmique sert ainsi un bel écrin de swing à Wendy,
toute à son affaire dans cette évocation du roi de Broadway, et qui intervient
également aux claquettes sur trois titres. Cet album de bonne facture, entre jazz et comédie musicale jazzy, a le
mérite d’une interprétation sobre et «dans l’esprit».
Jérôme Partage
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Anthony Braxton Quartet
(Willisau) 1991 Studio
CD 1: No. 160
(+5) + 40J, No. 23M (+/10 =108D, No. 158 (+96) +40L, No. 40A, No. 40B; CD 2: No.
161, No 159, No. 23C = 32 + 105B (+30), No. 23M (+10 + 108D), No. 40M
Anthony
Braxton (s, fl, cl), Marylin Crispell (p), Mark Dresser (b), Gerry Hemingway (dm,
marimba)
Enregistré les
4 et 5 juin 1991, Willisau (Suisse)
Durée:
1h 04' 12'' + 1h 05' 02''
Hatology
7351-7352 (Outhere)
En 1991, pour
fêter ses 25 ans de musique, Anthony
Braxton enregistrait quatre disques, deux en studio et deux en public avec ses
compagnons favoris et de même langage musical dans ces années-là. Voici la
réédition des deux CD studio, présentés en un seul coffret. On sait qu’Anthony
Braxton a une vision très savante de la musique, et qu’on peut le classer plus
du côté de la musique contemporaine que du jazz. Il est aussi un philosophe, un
compositeur et un enseignant de poids. Je me souviens de ses prestations en
solo absolu au Festival de Châteauvallon au début des années 70. Il m’avait
fortement impressionné. Il y avait du jazz en lui, je suppose qu’il y en a
toujours. En fait, ces quatre musiciens sont des musiciens de jazz qui aiment à
essayer autre chose, à explorer divers territoires musicaux, à en inventer, à
aller dans l’avant-garde, même si elle est également touchée par le temps qui
passe.
On sait aussi le goût de Braxton pour les titres énigmatiques avec des
chiffres et des lettres, qui ont un sens pour lui, mais pas pour l’auditeur. On
a affaire ici avec de longues plages dans lesquelles les musiciens ont toute
liberté de s’exprimer. Le quartet joue en pleine homogénéité, Anthony Braxton
utilise les saxes, les clarinettes et la flûte; ses prestations sont brillantes.
Il a un vrai son et un phrasé jazz, on entend même des bribes de mélodies.
C’est au ténor et à la clarinette basse qu’il est le plus prenant. La pianiste
improvise autour des thèmes avec une certaine émotion. La rythmique est tout à
fait en accord dans ce contexte. Vingt-sept ans après cette musique tient la
route. Mais attention, elle demande une écoute attentive et ouverte. Il
y a de belles et réelles fulgurances. Elle peut aussi être ressentie comme un
pensum.
Serge Baudot
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Antonio Adolfo
Tropical InfinitoKiller Joe°°, Whisper Not,
Cascavel°°, Yolanda Yolanda*°, Stolen Moments, Song for My Father, Partido Leve*,
All the Things You Are*°°, Luar da Bahia*°
Antonio Adolfo (p), Jesse Sadoc (tp)*, Serginho
Trombone (tb), Marcelo Martins (ts, ss)°, Leo Amuedo (eg), Jorge Helder (b), Rafael
Barata (dm, perc), André Siqueira (perc) + Claudio Piewak (g)°°
Durée: 52'
Enregistré en 2016, Rio de Janeiro (Brésil)
AAM Music 0710 (www.aammusic.com)
Antonio Adolfo
Hybrido. From Rio to Wayne Shorter
Deluge, Footprints**,
Beauty & the Beast*°, Prince or Darkness, Black Nile, Speak no Evil,
E.S.P., Ana Maria, Afrosamba
Antonio Adolfo (p, kb), Jesse
Sadoc (tp), Serginho Trombone (tb), Marcelo Martins (ts, ss, fl)*, Lula Galvao
(eg), Claudio Spiewak
Enregistré en décembre 2016, Rio
de Janeiro (Brésil)
Durée: 54'
AAM Music 0711 (www.aammusic.com)
Depuis Tema et Chora Baião, le pianiste Antonio Adolfo est passé du quinteto à une formation
plus ample incluant saxophone, trompette et trombone. Il entend ainsi renouer avec la musique de sa
jeunesse quand les cuivres influençaient la jeune génération de jazzmen
brésiliens et la bossa nova. Il n’est plus nécessaire de louer les qualités d’Adolfo
comme pianiste et comme jazzman. Il brille encore sur ces disques mais il faut
souligner son impeccable travail d’arrangeur qui fait ressortir le talent de
ses nouveaux partenaires soufflants, les mêmes dans les deux disques. Dans Tropical
Infinito,unemention particulière pour Serginho sur «Killer Joe». La section
rythmique, rodée depuis des années, fait rêver. Le duo drums-percussions est une
machine huilée de haut vol qui fait swinguer –à la brésilienne– les compositions
d’Adolfo.
Hybrido s’inscrit
dans cette même démarche d’un retour d’Antonio Adolfo vers ses sources
d’inspiration des années 60. En parlant de swing, ce disque en est gorgé!
Celui-ci émerge dès le premier titre, «Deluge», seul thème pour
lequel Antonio Adolfo s’installe face à un synthé. Enregistré au même moment
que le précédent album, il en diffère
toutefois par son unité, puisque huit des neuf morceaux sont signés Wayne Shorter.
La forte influence brésilienne, apportée par Barata et Siqueira, n’altère en
rien le profond hommage au grand saxophoniste. Il marque au contraire le
respect qu’une culture spécifique a pour le jazz, ce qui n’a pas toujours été
le cas de la part de jazzmen envers la musique brésilienne. Antonio Adolfo est
vraiment excellent sur tous les thèmes mais on remarque aussi une nouvelle fois
le trombone de Serginho. Ça groove fort sur «Beauty & the
Beast», avec l’apport de la guitare acoustique de Spiewak. «Prince
of Darkness» permet à Martins de briller. Toujours avec le soutien des
rythmes brésiliens du duo, «Speak No Evil» met aussi en valeur
l’autre duo trompette/saxophone ténor. Sur «E.S.P.» Adolfo propulse
la guitare électrique tout en distillant délicatement les notes sur le piano
sur fond de chekeré. «Ana Maria», inégal, a ponctuellement de
superbes moments. On retrouve le
dynamisme du groupe sur la seule composition de Antonio Adolfo
«Afrosamba» qui caractérise sa personnalité, celle d’un musicien
ancré dans les rythmes de sa terre et qui sait ce qu’est le jazz, non seulement
avec des notes mais avec ce sentiment qui sort des tripes comme savent le faire
encore quelques artistes attachés à l’authenticité du jazz et des musiques
issues du/des peuples. Ceci vaut aussi pour les trois souffleurs qui, tout en exprimant
également leur personnalité, œuvrent dans le plus grand respect de Shorter mais
aussi des compositeurs abordés dans le disque Tropical Infinito: Benny Golson, Horace Silver, Jerôme Kern...
Patrick Dalmace
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Alessandro Fedrigo
Secondo solitarioNel vuoto, Marziana, Fetita, Hypersteps, Improvvisazione n°4, Futuritmi, Obscurio, Nautilus, Improvvisazione n°5, Hans, Due Lune
Alessandro
Fedrigo (eb)
Enregistré le
10 mars 2018, Milan (Italie)
Durée:
32' 52''
Nusica.org 13 (www.nusica.org)
Alessandro
Fedrigo, que l’on a connu dans l’excellent XY Quartet, se lance dans un album
solo de guitare basse acoustique. Entreprise difficile pour laquelle le musicien a puisé en lui et recherché un son personnel
très mélodieux et très beau, aidé magnifiquement par une excellente prise de
son. Il utilise toutes les techniques de la basse au service de ce
qu’il a à chanter. Il a placé la barre très haut, dédiant chaque morceau, tout
en s’en inspirant, à divers personnages: sa femme, sa fille, le XY
Quartet, et des écrivains, Jules Verne, Haruki Murakami, et même à un grand
compositeur du XXe siècle, Olivier Messiaen. «Fetita»
montre un pan de son style, il développe une mélodie en arpèges et en accord
tout en jouant la rythmique sur les cordes graves, un peu à la façon des
guitaristes. Sur «Improvvisazione N°4» Fedrigo nous emmène dans un
déluge, avec des cordes slappées, étirées, avant de partir dans une envolée
palpitante. «Due Lune» me semble le morceau le plus réussi, dédié à
Murakami et à Messiaen dont il utilise le 3e mode. Tous les morceaux sont d’Alessandro
Fedrigo, sauf «Hypersteps» qui est de Nicolas Fazzini, le compagnon de XY
Quartet. Des titres qui, malgré parfois une certaine complexité, n’oublient
jamais la mélodie et le beau.
Voilà un disque solo qui vous emmène au paradis
des bassistes.
Serge Baudot
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Frédéric Viale
Pars en thèse jazzVendredi 13, Empreinte céleste, Ika, Azul, Ole, From Day to Day, Swing interdit, Deep in a Dream, Paul Chambers, Sous les ponts de Paris, Song for Abdullah
Frédéric
Viale (acc), Emanuele Cisi (ts), Humberto Amesquita (tb), Aldo Zunino (b), Adam
Pache (dm)
Enregistré du
22 au 23 mai 2017, Turin (Italie)
Durée:
1h 05' 32''
Diapason 006 (http://diapason.online)
Frédéric
Viale (né à Cannes en 1977) est un accordéoniste dans la droite ligne des Tony Murena, Emile Carrara, Joss Baselli, Gus
Viseur, jusqu’à Richard Galliano. Il perpétue à ce titre la tradition jazz héritée
de Django. Dans ce disque, il rend hommage à Kenny Barrron, Sonny Clark, Paul
Chambers, Freddie Redd. C’est dire qu’il est dans le bon camp! Il s’est entouré
de musiciens dans le même esprit et qui ont joué avec de grosses pointures.
Mention particulière au saxophoniste ténor qui fait preuve d’une belle
maestria; on peut l’apprécier par exemple dans «Ole» avec une
introduction façon tango, laissant place à une pulsation plus marquée et à des
solos captivants. «Deep in Dream», sur tempo lent, évoque assez les
slows des années 50 et 60. Une belle version de «Sous les ponts de
Paris», illustre la parenté naturelle avec le musette.
Ce disque est
un petit régal, et provoquera pas mal de nostalgie chez les plus anciens de nos
lecteurs. Il permettra aux plus jeunes de constater que le jazz qui chante et
qui swingue, c’est plutôt bien!
Serge Baudot
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Marilena Paradisi / Kirk Lightsey
Some Place Called WherePortraits, Some Other Time, Like
a Lover, Soul Eyes, Little Waltz, Some Place Called Where, Autumn Nocturne,
Fresh Air*
Marilena Paradisi (voc), Kirk
Lightsey (p, fl*)
Enregistré en mai 2017, Rome
Durée: 45' 00''
Losen Records 187-2 (www.losenrecords.no)
La chanteuse italienne Marilena
Paradisi et le pianiste de Kirk Lightsey ont réalisé un album intimiste d'une
grande cohérence artistique, allant à l'essence même des compositions illustrant
ce beau projet. La vocaliste met ses expériences diverses –allant de la musique
contemporaine aux ragas et autres hindustanis classiques en Inde– au service
de dialogue, ce qui ouvre des perspectives au niveau de l'improvisation mais dilue
l’idiome jazz, bien qu’elle gravite autour depuis 1994. Sur le plan de la
tessiture, on se rapproche d’Helen Merrill, avec la capacité à installer
un climat et à faire passer une émotion dans l'interprétation des thèmes de Ron
Carter ou de Wayne Shorter. Son expression s’approprie chaque thématique pour
en faire quelque chose de singulier, comme sur le «Portrait»
contemplatif de Mingus ou le «Soul Eyes» de Mal Waldron. Un
sentiment de mélancolie ressort de cette rencontre où le pianiste se veut plus
orchestral que soliste, créant un duo complice et complémentaire avec sa partenaire.
L'utilisation de la flûte sur la seule composition originale de l'album («Fresh
Air»), où Kirk Lightsey alterne avec le piano sur un texte de
Marilena Paradisi, est un modèle d'originalité.
Cette expérience semble être une
jolie parenthèse dans la belle carrière de Kirk Lightsey démontrant toute la
richesse de l'école pianistique de Detroit.
David Bouzaclou
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Eva Mayerhofer
Life and DeathLife and
Death, Rest, A Pause, A Daugher of Eve, Grown and Flown, Remember, Sound Sleep
Eva
Mayerhofer (voc), Roger Hanschel (as), Matthias Lingenfelder (vln), Martina
Horesji (alto vln), Ulrike Zavelberg (cello), Dietmar Fuhf (b), Afra Mussawissade
(perc)
Enregistré en
mars 2016, Cologne (Allemagne)
Durée:
48' 43''
Neuklang 4143
(Pias)
Eva
Mayerhofer, qui est née en 1970 à Heidelberg, est une chanteuse de jazz
allemande. Elle a commencé par le piano classique puis a étudié à la Swiss Jazz
School de Berne, entre autres. Elle mène une carrière essentiellement en
Allemagne et en Europe du Nord, avec ses groupes ou dans
diverses formations. Pour ce disque, elle transforme en chansons quelques textes
de la poétesse anglaise Christina Georgina Rossetti (1830-1894) qui eut son
heure de gloire Outre-Manche au milieu du XIXe siècle. Elle était assez dévote,
mais sans prêchi-prêcha, pratiquant une poésie romantique dans laquelle la
nature et sa faune ailée ont une grande importance, ainsi que la vie fragile,
la mort omniprésente, le sommeil, le souvenir, une forme de désespérance: «No more to laugh, no more to sing/I sit
alone with sorrow (Plus de rire, plus de chansons/Je reste seule avec
mon chagrin)»
Eva
Mayerhofer possède une voix douce, chaude, pleine de charme, restant volontiers
dans le medium. Elle chante simplement les mots, laissant sa force au poème, et
donnant une place majeure à la musique. Le saxophoniste Roger Hanschel a
composé des mélodies enchanteresses comme écrin aux poèmes, avec un petit
parfum balkanique dans les arrangements. Le disque se répartit entre des
chansons purement jazz avec le trio sax, basse, batterie, et une approche plus «classique»avec le trio de cordes, bien que les
deux expressions se mêlent souvent et avec de belles réussites, comme sur
«Grown and Flown» où, après une longue plainte du saxophone sur des
tenues de cordes, la voix émerge. Un bel échange des cordes sur des tenues
de la contrebasse à l’archet, et le sax reprend la parole. Puis la voix
s’insère dans le tout d’où se dégage une grande émotion. Au demeurant, l’altiste,
Roger Hanschel, est excellent, volubile, d’une grande vélocité.
Une belle
façon de chanter des poèmes en les frottant au jazz.
Serge Baudot
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Soul Return
Soul ReturnYou're Leavin' Me, In the
Meantime*, Life of Crime, FYI, Only Love Can Save Us Now, Va Va Voom, In
America, Kiss Me, Throwin' and Fumblin', Had We Not, Talk to Me, If These Walls
Could Talk
JJ Holiday (g, voc), Kellie
Rucker (voc, hca), Joe Sublett (ts)*, Keith Karman (b), Michael Barsimanto (dm,
perc)
Enregistré à Los Angeles, Californie, date non précisée
Durée: 46' 15''
Dixiefrog 8801 (www.bluesweb.com)
C'est la bonne surprise du moment
dans l’univers de la musique «americana», ici entre blues-rock,
soul aux accents funky, avec une bonne dose de rock organique issu des bords du
Mississippi. C’est un premier album pour ce groupe californien, formé
autour du guitariste des Imperial Crowns, JJ Holiday. Sa guitare slide a croisé
la route d'artistes aussi différents que Bruce Springsteen, Bob Dylan, Keith
Richard ou Buddy Guy, donnant une dimension plurielle à sa personnalité
musicale. L’équilibre entre blues et rock est trouvé grâce à la présence de
Kellie Rucker dont la voix au grain rocailleux évoque le meilleur de Bonnie
Raitt ou de Maria Muldaur, elle qui a sillonné les routes et les clubs auprès
de Debbie Davis (g, voc), l'ancienne partenaire d'Albert Collins. Sa
connaissance parfaite du blues se prolonge à l’harmonica, donnant dès l'ouverture, avec «You're Leavin' Me», une couleur
bluesy à l'ensemble de l'album; le sommet étant cette évocation du
classique de Muddy Waters, «Rollin and Tumblin», sur l'excellent «Throwin’
and Fumblin’» d'où émerge la slide de JJ Holiday. Amené par une solide rythmique –où l'on retrouve
Michael Barsimanto, au background jazz (Freddie Hubbard, Jean-Luc Ponty)–, le
groupe séduit comme avec ce riff rollingstonien sur «FYI» que n'aurait
pas renié Keith Richard. Le bon label Dixiefrog s’éloigne ici quelque peu du
blues proprement dit, même si le rock de Soul Return a été marqué par cette
tradition, comme c’est le cas pour Gregg Allman, Tony Joe White ou John Fogerty.
David Bouzaclou
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Dino Massa Quartet
Suite pour le piano for jazz quartet
Suite n°1, n°2, n°3, n°4
Dino Massa (p), Nicola Pisani
(ss, bs), Luca Garlaschelli (b), Alessandro Rossi (dm)
Enregistré en février 2017, Milan
(Italie)
Durée: 54' 30''
Losen Records 179-2 (Pias)
Très respecté en Italie en tant que concertiste de musique classique,
le pianiste Dino Massa, à l'instar de nombreux musiciens d’aujourd'hui, est aussi
un jazzman de grande culture et un fin
compositeur. Cette Suite pour piano
for Jazz Quartet (en franglais dans le texte) en est le plus récent
reflet. Elle s'inscrit dans une tradition qui tient du beau piano jazz
américain de
McCoy Tyner à Kenny Barron, et sur laquelle plane aussi l'ombre d'un
Bill Evans et de ses recherches harmoniques. Ayant trouvé en Nicola
Pisani
aux saxophones soprano et baryton un partenaire avec lequel dialoguer
(jeu imbriqué à l'unisson) et, avec l'appui
d'un contrebassiste et d'un batteur musiciens dans l’âme, parfaits
soutiens de cette démarche, Dino Massa livre ici une
musique superbe, swing, lyrique et débordante d'invention.
Le sens des ruptures rythmiques, le goût des surprises, la maîtrise des
harmonies complexes, mais, pourtant limpides à l'écoute, font merveille.
Mais pourquoi, diable, connait-on si mal les musiciens de jazz
italiens (une magnifique floraison de pianistes de jazz en particulier)
dont la musicalité est toujours si propice à l'exploration, avec
originalité, de la source américaine? Le festival d'Ospedaletti, certes,
en présente chaque année quelques-uns,
mais qu'attend-on de notre côté de la frontière, dans nos festivals
parfois si pauvres en jazz, pour programmer des musiciens de ce niveau,
si proches de nous?
Daniel Chauvet
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Nico Wayne Toussaint
Plays James CottonNo Cuttin Loose*, River's Invitation, One Move Mile, Born in
Missouri, Rocket 88, Hot'n Cold, Hard Time Blues, Today I Started Loving You Again, How Long a
Fool Go Wrong, Cotton Crop Blues, Down at Your Buryin', Got to Get You Off My
Mind, Midnight Creeper
Nico Wayne Toussaint (hca, voc), Michel Foizon (g, voc), Pascal Drapeau
(tp), Cyril Dumeaux (ts), Sébastien IEP Arruti (tb), Boney Fields (tp, voc)*, JP
Legout (kb, voc), Antoine Perrut (b), Romain Gratalon (dm),
Enregistré en mai et juin 2017, Pau (64)
Durée: 46' 48''
Dixiefrog 8799 (www.bluesweb.com)
Il aura fallu attendre le 13e album de
l’harmoniciste Nico Wayne Toussaint pour qu'il rende hommage à son mentor James
Cotton à travers un album qui dépasse la simple révérence au maître incontesté
du Mississippi. Car il y a chez James Cotton cet attachement au Sud qu'on
retrouve dans son jeu puissant et direct sans sophistication, à l'inverse d'un
Little Walter, qu'il remplaça en alternance chez Muddy Waters pendant une
douzaine d'années entre 1955 et 1967, ayant déjà fait ses preuves auparavant
chez Howlin’ Wolf au début des années 1950. A Chicago, il aida la nouvelle
génération du blues à s'affirmer et à s'émanciper en collaborant par exemple
avec Paul Butterfield, Mike Bloomfield, Barry Godberg ou Johnny Winter. Son
blues profondément ancré dans la tradition, entre Memphis et Chicago, était
teinté d'un côté funky exacerbé par une solide section de cuivres. L'idée d'un
hommage pour Nico Wayne Toussaint est née en réécoutant son Live in Chicago et ses superbes
arrangements pour cuivres. Une période qui permet d'exprimer pleinement sur
scène l'énergie d'un tel répertoire. Ayant collaboré avec quelques fidèles de
James Cotton, tels que le pianiste David Maxwell, le batteur Killer Ray Allison
ou le guitariste-chanteur Michael Coleman, il rencontra son modèle en 2003, lors d'une tournée entre
le Canada et les États-Unis. Le présent album met en relief la cohésion de son
groupe avec l’excellent Michel Fonzon, privilégiant ainsi une forme de
prolongement qui se déguste surtout sur scène. Malgré quelques faiblesses
vocales –quand il force son chant–, le natif de Toulon s’impose à
45 ans comme une figure incontournable du blues contemporain en Europe.
David Bouzaclou
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Ian Siegal
All the RageEagle Vulture, Jacob's Ladder, The Sh*t Hit (Explicite),
Won't Be Your Shotgun Rider, Ain't You Great, My Flame, One-Eyed King, If I
Live, Sweet Souvenir, Sailor Town
Ian Siegal (voc,g), Dusty Ciggaar (g, voc), Danny Van't
Hoff (b, voc), Rafael Schwiddessen (dm, perc, voc), Merel Moelker (voc), Jimbo
Mathus (g, p, org, perc, dm, voc)
Durée: 49' 56''
Enregistré en août 2017, Amsterdam (Pays-Bas)
Dixiefrog 8805 (www.bluesweb.com)
Ian Siegal appartient à cette famille américaine de musiciens faisant une synthèse, suivant les projets, entre blues,
rock, country et folk. Né en Angleterre, à Portsmouth, il est, à 47 ans, une
figure de la scène britannique. Sa première partie de
carrière s’est déroulée autour d'un blues-rock contemporain, mettant en avant
une voix évoquant quelque peu l'expressivité d'Howlin’ Wolf, associée à un jeu de guitare
sobre s'éloignant des clichés de ses nombreux confrères et laissant par exemple
la production et les chorus à l'excellent Matt Schofield (g). En 2011, il
explore l'univers du Delta Blues, par une rencontre dans le nord du Mississippi
avec le producteur et musicien Cody Dickinson du «North Mississippi
Allstars»: Robert Kimbrough (g), Garry Burnside (b) et de Rod Bland
(dm), fils du légendaire Bobby Bland, avec des invités tels que Alvin
Youngblood Hartet Duwayne Burnside.Les albums The Skinny et Candy Store Kid prolongent cette ballade
sudiste dégroupe des Mississippi Mudbloods.
En parallèle, il
a partagé la scène de l'ONJ de Daniel Yvinec pour un projet autour de Billie
Holiday intitulé Broadway in Satin.
Pour son 13e album, All the Rage, il retrouve son groupe là où il avait enregistré son
excellent One Night in Amsterdam,
produit par Jimbo Mathus dont il admire la travail sur le Sweet Tea de Buddy Guy. Si «The
Sh*t Hit (Explicite)», avec ses contrechants à la slide, reste dans une
veine traditionnelle du blues tout comme «If I Live», sous forme
d'hommage à Howlin’ Wolf, l'ensemble de l'album est digne des meilleures
productions de John Hiatt voire Tom Waits. Le blues étant un élément parmi
d'autres des nombreuses influences de Ian Siegal qui nous gratifie de deux
excellents derniers titres aux accents soul et gospel.
David Bouzaclou
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Simon Chivallon
Flying WolfCall,
Prélude, Flying Wolves, Rosemary in Blue, L'envol, Four Flowers, Sleeping
Angels, Mister G, Invitation, Landing
Simon
Chivallon (p), Boris Blanchet (ts,
ss), Gérard Portal (b), Antoine Paganotti (dm) + Baptiste Herbin (as), Julien Alour (tp)
Enregistré le
27 avril 2017, Meudon (78)
Durée:
57' 00''
Jazz Family
038 (Socadisc)
Ex-élève du
Centre des Musiques Didier Lockwood, Simon Chivallon déclarait dans une
interview que, pour lui, le jazz reposait sur des mélodies simples pour en faire
des variations; ou encore: «C’est la manière dont on joue la mélodie qui
va la faire chanter et la rendre pertinente». Si on y ajoute l’influence
de John Coltrane, on a tous les atouts pour découvrir un beau jazzman, qui en plus
des études s’est formé dans les clubs.
Ce disque a
été enregistré en une seule séance, ce qui évite les tripatouillages. Simon
Chivallon est non seulement pianiste mais aussi compositeur; il a conçu
ce disque comme une œuvre globale avec une progression de morceau en morceau.
«Call» qui ouvre le disque comme un appel, pris d’abord rubatos’enflamme sous la volubilité mélodique du soprano, et pour le dernier morceau,
«Landing», on atterrit dans le même foisonnement pour finir en
douceur après l’appel du ténor. Le saxophoniste, tant au ténor qu’au soprano,
est indubitablement de l’école Coltrane, lumineux, avec de la douceur, et un
lyrisme à faire pâlir Orphée. En fait le quartet de base reflète assez celui de
Coltrane, McCoy Tyner, Jimmy Garrison, Elvin Jones, toute proportion gardée, et
n’étant absolument pas dans l’imitation. Ces garçons ont déjà trouvé leurs
voies. Deux invités
viennent prendre part à la fête: le trompettiste Julien Alour, avec un
vrai son de trompette jazz et de belles envolées sur «Flying
Wolves» et un beau partage avec le ténor de l’autre invité, Baptiste
Herbin. Ce dernier est remarquable sur «Sleeping Angels»; on
a un déroulé de solos d’un lyrisme prenant, avec un ténor enthousiasmant. On
peut apprécier les qualités du contrebassiste sur un solo absolu «Mister
G», perfection du jeu, pas un bruit de glissement de doigts, notes
rondes, perlées, attaques nettes pour un chant onctueux. Le batteur est au
niveau des autres, c’est dire. Simon
Chivallon dit que la peinture l’inspire; à noter la reproduction du Mouvement 1 de Kandinsky sur la pochette
de l’album, lequel promet un bel avenir à cette formation.
Serge Baudot
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Archie Lee Hooker
Chilling90 Days, Love Ain't no Play Thing, Moaning the Blues, Don't
Tell Mama, Big Ass Fun, Found a Good One, Tennesse Blues, The Roots of Our
Family, Chilling, You Don't Love Me No More, Blues Shoes, I've Got Reasons,
Don't Forget Where You Came From, Your Eyes, Bright Lights Big City, Jockey
Blues, Thank You John
Archie Lee Hooker (voc), Matt Santos (hca, org, key), Fred
Barreto (g), Nicolas Fageot (b), Yves Deville Ditsch (dm, perc)
Enregistré à Waimes (Belgique), date non précisée
Durée: 1h 02' 04''
Dixiefrog 8804 (www.bluesweb.com)
Difficile de se faire un prénom lorsqu'on joue la carte de la
filiation avec une véritable légende du blues. Archie Lee Hooker revendique
l'héritage de son oncle tout au long de son nouvel album Chilling, sans jamais tomber dans l’effet miroir. Hormis un liveenregistré dans la Meuse en 2014 et un album studio avec Jake Calypso (g,
voc) gravé entre 2013 et 2016 (Mississippi Vance), la carrière de ce
chanteur à la voix parfois erratique reste confidentielle. Il est né en 1949,
au cœur du Mississippi, à Lambert, aux portes de Clarksdale, dans une région marquée
par la culture des champs de coton. Plus au nord, il y a Memphis, ville
mythique du blues dont il parle avec ferveur dans les textes de ses chansons
autobiographiques: «J'ai
quitté les
plantations du Mississippi à l'âge de 13 ans et me suis dirigé vers le
nord
sur l'autoroute 49 vers les lumières brillantes et la grande ville de
Memphis, Tennessee. Je ne pouvais pas en croire mes yeux alors que nous
approchions de
la ville. Je n'avais jamais vu de rues pavées et de lampadaires
auparavant.
C'était comme un monde différent. Inspiré par la scène musicale de
Memphis, il
ne m'a pas fallu longtemps avant que je commence à chanter avec mon
premier
groupe de gospel "The Marvelous Five”.» Sa rencontre avec son
célèbre
oncle, John Lee, en Californie, n'est pas très claire. A la fin des
années 1980, il
aurait vécu pendant un certain temps chez lui, profitant des conseils du
vieux
bluesman. On retrouve ensuite sa trace en Europe, auprès du guitariste
irlandais, Carl Wyatt, avant d'épouser une Française et de s'installer
dans
l'est de la France puis de monter en 2011 son Coast to Coast Blues Band;
une formation tout terrain –que l’on peut entendre sur le présent
disque – où
l'on retrouve le guitariste brésilien Fred Barreto dans un registre
blues-rock,
comme sur «Blues Shoes». Ce Chilling, enregistré en Belgique, est un
catalogue de clichés manquant de personnalité, bien que le personnage soit
attachant par son vécu et les textes qui le racontent. Quant à la filiation avec
John Lee Hooker, elle paraît encore lointaine…
David Bouzaclou
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Diego Imbert
Tribute to Charlie HadenFirst
Song, Charlie’s Waltz, Charlie Haden, Liberation Suit Part I, Liberation Suit
Part II, Liberation Suit Part III, Nightfall, Last Dance in Paris, Lennie’s Pennies,
Faith of The Bass, In the Wee Small Hours of the Morning, Silence
Diego Imbert (b), Enrico Pieranunzi (p), André
Ceccarelli (dm) + Stéphane
Chausse (cl), Anne Cécile Cuniot (fl), Ariane
Bacquet (oboe), Johann Renard, Caroline Bugala (vln), Gregoire Korniluk, Paul Colomb (cello),
Enregistré
les 28 février, 1er mars et 26 avril 2017, Meudon (78)
Durée:
58'
Trebim
Music 054 (L'Autre Distribution)
A son
tour, Diego Imbert, contrebassiste émérite, parmi nos sidemen nationaux les
plus recherchés, devient le leader et invite ses compagnons habituels, Enrico
Pieranunzi et André Ceccarelli (voir leur dernier album, Ménage à Trois,
chroniqué dans notre n°679) pour saluer la mémoire de Charlie Haden.
Pour évoquer son
univers, il a confié l’arrangement des cordes et anches à Pierre
Bertrand sur
un répertoire comportant trois titres de Charlie Haden qui ponctuent
l’album: en introduction «First Song», au milieu «Night Fall» et en
conclusion
«Silence». Entre ces fondamentaux, fort reconnaissables, Diego Imbert
nous
délivre ses compositions originales inspirés par le maître. De son côté,
Enrico
Pieranunzi, ancien compagnon de route de Charlie Haden (quatre albums
ensemble)
signe, sans doute le meilleur titre, «Charlie Haden», qui nous rappelle
son
talent et la dimension exceptionnelle de son style pianistique. Quant à
André
Ceccarrelli, il contribue par sa subtilité à illuminer l’écriture de ses
amis.
A la première écoute, l’album peut paraître monotone, voire répétitif,
mais il
faut réécouter pour en trouver la seconde dimension qui touche l’âme.
Les
titres en trio, sans fioriture, expriment la grande admiration de Diego
Imbert
envers ce confrère qui a marqué l’histoire du jazz, dans son combat pour
la liberté musicale et politique. Au passage le trio a aussi évoqué
Lennie Tristano en empruntant à son répertoire «Lennie’s Pennies».
Michel Antonelli
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Chris Pasin and Friends
Baby It's Cold OutsideHave
Yourself a Merry Little Christmas*, Santa Claus is Coming to Town*, We Three
King of Orient Are*, Oh Come Oh Come Emmanuel*, Baby
It’s Cold Outside**, It Came Upon a Midnight Clear**, God Rest Ye Merry
Gentlemen**, Greensleeves**, Christmas Time Is Here**, I’ll be Home For
Christmas**, The Christmas Song*
Chris Pasin (tp,voc), Armen Donelian (p)*,
Ira Coleman (b)* Jeff Siegel (dm), Paricia Dalton Fennell (voc) + Peter Elhorn
(g)**, Rich Syracuse (b)**
Enregistré en juin 2016, New York
Durée: 55' 17''
Planets Arts 301714 (www.planetsarts.org)
A la lecture des titres, on l’aura
vite compris, le trompettiste Chris Pasin nous offre un album de Noël. Comme un
autre trompettiste, Miles Davis, et tant d’autres artistes américains, il prend
le prétexte de cette fête traditionnelle pour en célébrer la joie et l’humanité.
Peu connu de ce côté de l’Atlantique, Chris Pasin a collaboré à ses débuts avec
Jimmy Giuffre, Gunter Schuller, George Russel et Jaki Byard, etc., puis a rejoint
différents big bands, accompagnant le gratin du jazz vocal: Frank Sinatra,
Tony Bennett, Mel Tormé, Sarah Vaughan, Nancy Wilson, Ray Charles... Il
s’illustre ensuite au sein du Toshiko Akiyoshi/Lew Tabackin Band, auprès de
Brother Jack McDuff, et signe en 1987 son premier album, Detour Ahead, avec Steve Slagle, Benny Green, Rufus Reid et Dannie
Richmond. Plus récemment, il collabore dans deux groupes aux orientations
musicales très différentes, Orniquette, dont le répertoire s’inspire de la
musique d’Ornette Coleman et Don Cherry, et au sein du plus traditionnel Lee
Shaw Quintet.
Pour son 3e opus personnel, il a fait appel à
deux solides rythmiques dont le superbe Armen Donelian qui s’est illustré avec Billy
Harper. Dès le premier titre, «Have Youself a Merry Little Christmas», le
ton est donné, et la chanteuse
Patricia Dalton Fennel, dans une tonalité qui rappelle celle du jeune
Chet
Baker, pose sa belle voix. En quartet ou en duo, comme sur «Oh Come Oh
Come
Emmanuel» où le trompettiste dialogue avec le pianiste, l’ensemble de
l’album bénéficie
d’une interprétation de haut vol, dans une ambiance conviviale. On
notera l’omniprésence du pianiste, Armen Donelian, mais aussi du
guitariste invité, Peter Elhorn, dont les solos,
comme ceux du leader, enluminent ce bel opus recommandé pour Noël.
Michel Antonelli
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Leslie Pintchik
You Eat My Food, You Drink My Wine, You Steal My Girl!You
Eat My Food You Drink My Wine You Steal Me Girl, I’m Glad There Is You, Smoke
Get’s in Your Eyes, Mortal*, You Call Will Be Answered By our Next Available Representative
in the Order in Whicht It Was Received Please Stay on the Line Your Call Is
Important to Us, Hopperesque**, Happy Dog, A Simpler Time**
Leslie
Pintchik (p), Scott Hardy (b, eb, g, eg), Satoshi Takeishi (perc) + Michael
Sarin (dm) */**, Steve Wilson* (ts), Ron Horton* (tp, flh), Shoko Nagai (acc)**
Enregistré
en 2017, Stamford (Connecticut)
Durée:
47' 00''
Pintch
Hard 004 (www.lesliepintchik.com)
C’est un réel plaisir de découvrir cette pianiste qui se
produit régulièrement dans les clubs de la Côte Est américaine, notamment à New
York, et qui signe ici son 6e album. Ses débuts sont placés sous la houlette
de son mentor, le contrebassiste Red Mitchell qui lui a permis de s’illustrer
dans son trio sur la scène de Manhattan, avant qu’elle ne dirige son propre quartet.
Pour cet enregistrement, elle a choisi une formule originale en trio, avec
bassiste et percussionniste, où, selon les morceaux, se rajoutent des solistes de
renom. A remarquer sur la ballade «Mortal», un des rares thèmes en quintet, la
pureté du son du trompettiste Ron Horton et les subtils arrangements des deux
cuivres. A part des emprunts à Jerome Kern et Burt Bacharah pour le célèbre
«Smoke Gets in Your Eyes» dans une version épurée et à Jimmy Dorsey et Paul
Madeira pour «I’m Glad
There Is You», elle signe un album très personnel qui sait en 47
minutes
distiller l’essentiel de son jeu et de ses compositions, dont la plupart
portent des noms amusants. Bien épaulé par ses sidemen, notamment le
fidèle
Scott Hardy, elle a le génie de choisir un percussionniste japonais aux
multiples
sonorités orientales qui sait aussi bien manier ghatam, zarb , etc., et
qui donne à
l’ensemble une coloration musicale hors du commun... A retenir aussi,
les deux titres
avec l’accordéoniste Shok Nagai dont le final sur «Hopperesque» prouve
l’ouverture d’esprit de Leslie Pintchik qui, sur un album de courte
durée, délivre son message sans fioriture et séduit par un jeu
sobre et personnel.
Michel Antonelli
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Thierry Maillard Big Band
Pursuit of HappinessEcstatic,
Diverging, Hurricane, Modern Times, Pursuit of Happiness, Unknow Planet, The
Dream Is Over, Albatros
Thierry
Maillard (p, comp, arr, lead), Christophe Zoogonès, Ludivine Issambour (fl),
Lucas Saint-Cricq (as, bs), Samy Thiebault (ts), Stéphane Chausse (as,fl, cl,
bcl), Stéphane Guillaume (ss, ts, fl), Claude Egea, David Enhco (tp, flh), Médéric
Colignon (cnt, voc), Didier Havet (tu, euph), Daniel Zimmermann, Sébastien Llado
(tb), Hadrien Feraud (eb), Yoann Schmidt (dm)
Enregistré
du 28 au 31 août 2017, Pompignan (30)
Durée:
1h 01'
Ilona
Records 8367118 (L’Autre Distribution)
On s’était habitué à écouter Thierry
Maillard dans son trio qui a longtemps sillonné l’Hexagone et voici qu’il
débarque avec un équipage des plus solides pour une «Quête du Bonheur» qu’il
semble avoir trouvé avec la réussite de cet album. On y retrouve des valeurs
sûres de la scène française dont certaines multiplient les projets soit en
leader, soit en sidemen. Fort de la qualité de chacun, le chef d’orchestre
n’avait plus qu’à exécuter cette mission durant trois jours dans le studio
Recall à Pompignan sous la houlette de Phillippe Gaillot aux manettes du son.
Aucune demi-mesure: en introduction un «Ecstatic» pour nous donner le ton de l’album suivi de deux longs titres
pour nous mettre KO. Sur «Diverging» s’illustre particulièrement Médéric
Colignon; puis «Hurricane», tempête qui devient apaisante sous les solos de
Thierry Maillard, Ludivine Issambourg et Samy Thiebault. Dans «Modern
Times» et surtout «Pursuit of Happiness», le tempo ne ralentit pas, comme si le
groupe poursuivait le bonheur à travers les grands espaces américains, tel une
musique de road movie. Il faut saluer, sur le premier titre, Claude Egea à la
trompette et une nouvelle fois un beau solo de flûte (instrument souvent oublié
dans les big bands) de Christophe Zoogones; c’est Stéphane Guillaume au
soprano qui met le feu au charbon de la locomotive endiablée. Sur la planète
inconnue («Unknow Planet») Thomas Enhco est doublement mis à l’honneur dans
l’introduction puis en soliste sur un fond mélancolique comme dans un répit
nécessaire à cette poursuite ardente; tous les arrangements sont bien soignés mais
celui-ci est un véritable écrin pour le soliste. Suit un dialogue
d’introduction piano-clarinette basse pour annoncer «The Dream Is Over» mettant
en avant les trombonistes Sébastien Llado et Daniel Zimmermann pour laisser la
place à un «Albatros» dont l’envol n’est plus entravé par ses ailes de géant.
Ce
final met en valeur toute la section des cuivres et des vents qui improvisent ensemble,
le saxophone alto Lucas Saint-Cricq qui lorgne vers une fusion
électrique, avec la rythmique ponctuée des rappels du piano, sur laquelle Médéric
Collignon appose sa voix et son cornet. Un final à la hauteur de l’album qui
marque un tournant dans la déjà longue carrière du pianiste qui a su s’effacer
devant son orchestre pour le mettre encore mieux en valeur. A découvrir en concert.
Michel Antonelli
© Jazz Hot n°684, été 2018
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John Vanore
Stolen MomentsSelf Help Is Needed, A Taste of Honey, Stolen Moments,
El Gato, St Louis Blues, Blues and the Abstract Truth, Greensleeves, I Hope in
Time a Change Will Come, Reuben’s Rondo
John Vanore (tp), Steve Wilson (as, ss, fl), Bob Malach
(cl, bcl), TonyKadlek, Augie Haas, Jon Owens, Dave Ballou (tp, flg) Ryan
Keberle, David Taylor (b), George Barnett, Adam Unsworth (flh), Mike Richmond
(b), Danny Gottlieb (dm), Jim Ridl (p), Greg Kettinger (g), Beth Gottlieb
(perc)
Enregistré les
29-30 juin 2016, New York
Durée: 49'
24''
Acoustical
Concepts Records 53 (www.johnvanore.net)
John Vanore rend
ici un hommage vibrant à l’un de ses maîtres, Oliver Nelson, rencontré en 1966
dans un workshop estival, décisif pour le jeune trompettiste. Blues and the Abstract Truth, l’album mythique
du grand saxophoniste, décédé à l’âge de 43 ans, avait été enregistré par un
septet au son très hard bop, mais c’est ici avec une formation de quatorze
musiciens que John Vanore exprime sa reconnaissance vis-à-vis de celui auquel
il doit sa vocation de musicien professionnel, avec un son étoffé, inspiré des big
bands, mais toujours structuré et orchestré comme s’il procédait d’un combo ou
d’un petit groupe, façon comme une autre de proposer une relecture, une
réinvention du répertoire d’Oliver Nelson. De fait, si les mélodies sont
instantanément reconnaissables, le travail harmonique et les voicingss’éloignent sensiblement des originaux pour évoquer la cohérence des œuvres de grands
arrangeurs comme Duke Ellington ou Count Basie. Bien sûr, la collaboration
d’Oliver Nelson avec des musiciens de la stature de Freddie Hubbard, Eric
Dolphy ou Bill Evans, sur les enregistrements originaux, peut faire craindre
une tentative de réappropriation osée, et l’on songe aux multiples approches
aux contours mal définis qui gâchent certains tribute albums, par ailleurs
sincères. Mais John Vanore s’en est prémuni en méditant son concept sur une longue période. Le son étoffé produit par un tel line up est
déjà en lui-même une réponse possible à cette équation insoluble, et la
possibilité d’injecter en plus forte proportion des doses de gospel
en est une autre. Intervenant ici en tant que directeur d’orchestre,
John
Vanore se contente de prendre un solo sur le titre éponyme dans lequel
éclate
son amour pour celui qu’il considère comme un authentique modèle
musical. Dès
«Self Help Is Needed», les textures luxuriantes frappent les
auditeurs, et les saxophones de Steven Wilson et de Bob Malach
constituent des
pièces maîtresses pour l’identité sonore de l’ensemble. «El Gato»
apporte des couleurs différentes, plus syncopées et épicées, tandis que
«Reuben’s Rondo» exprime un sentiment de plénitude et de liberté
qui se retrouve à des degrés divers sur toutes les plages de l’album. Un
travail
irréprochable et un bel hommage.
Jean-Pierre Alenda
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Jean-Claude Montredon
Diamant H20Diamant H2O, Belia Africa, Freedom Intro, Freedom, Nanounat,
Thimothee Ma, Children Intro, Children, Just for You, Quartier la Batterie,
Biguine Holiday, Jean Ma Intro, Jean Ma, RdB 31 E part. 1, RdB 31 E part. 2,
RdB E part. 3
Jean-Claude Montredon (dm, hca), Stéphane Belmondo (flh, tp), Jon Handelsman
(ts, fl), Alain Jean Marie (p), Michel Alibo (b)
Enregistré en 2016, lieu non précisé
Durée: 54' 38''
Q-Mix (Rue Stendhal)
C’est un disque de jazz, même
si les racinesmartiniquaisesde Jean-Claude Montredon percent sous ce jazz. Vétéran
de la batterie et joueur d’harmonica,
il se révèle excellent compositeur comme le montrent les titres de cet
album, qui marque cinquante années de carrière, et qui sont tous de sa
plume. Il s’est
entouré de quelques belles pointures avec une section rythmique
caribéenne de culture (Alain Jean-Marie et Michel Alibo) et deux
soufflants de premier plan: Jon Handelsman et Stéphane Belmondo. Cette
alliage est totalement jazz dans l'esprit. «Diamant H2O»,qui
donne son titre au disque, est la plus aboutie de toutes les
compositions. Parmi les moments les plus intéressants figurent les
prestations du
leader à la batterie sur «Biguine Holiday» et les trois parties de
«RdB31
E». Alain Jean-Marie se distingue entre-autres
sur «Jean Ma», «Children»; Handelsman sur
«Thimothée Ma» et à la flûte sur «Children». Alibo dans
l’introduction de «Children». Quant à Stéphane Belmondo,il est excellent dans chacune de ses
interventions. On s’interroge seulement, par curiosité, sur la signification des
«intro» séparées du corps de certains morceaux, comme pour le découpage en plusieurs parties de «RdB 31».
Patrick Dalmace
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Fred Chapellier & The Gents
Set Me FreeAin't no Fool, Set Me Free, My
Reason to Live, Love Holiday, Crying With the Blues, The Gents, I'm Back, I Don't
Wanna Know, The Clock, Old School Blues, Bet on the Blues, 3'45 AM, Thank
You Lord
Fred Chapellier (g, voc*), Dale
Blade (voc), Pascal Bako Mikaélian (hca), Philippe Bill Billoin, Vic Martin (kb)*,
Christophe Garreau (b), Guillaume Destarac (dm)
Enregistré à Reims, date non
précisée
Durée: 58' 50''
Dixiefrog 8802 (www.bluesweb.com)
Fred Chapellier est une figure
incontournable de la scène blues en France, depuis plus de trois décennies. Il
a accompagné des artistes confirmés de la sphère soul et blues tels Otis Clay,
Neal Black, Bill Deraime, Billy Price ou Tom Principato. Son jeu fortement
influencé par Roy Buchanan, pour son lyrisme et sa virtuosité débordant du
cadre du blues, lui vaut de collaborer avec l'ancien partenaire de Roy, Billy
Price, sur un superbe album studio, Night
Work, et un live qui semblaient un aboutissement dans le parcours du guitariste originaire de
Metz. En 2014, il rencontre, lors du festival de Cahors Blues, le chanteur de New
Orleans Dale Blade avec lequel il partage la scène sur des vieux classiques du
rhythm & blues.
Trois ans plus tard, ils se retrouvent sur un album de
grande qualité avec une majorité de compositions originales. Dale Blade est un chanteur
issu de la tradition néo-orléanaise, avec tout ce background allant du blues à
la soul, en passant par le rhythm & blues et le gospel. Tout jeune, il déambulait
dans les clubs de NOLA avec son père musicien de blues afin d'écouter Fats
Domino, Professor Longhair, Lil Milton, BB et Albert King… Son chant gorgé
d'expressivité est un modèle du genre tout au long de l'album qui s'ouvre avec
un jump blues, «Ain't no Fool», où s'illustre l'impeccable
rythmique souple et swingante de Christophe Garreau (ex-Paul Personne) et
Guillaume Destarac, sans oublier l'harmonica virtuose de Pascal Mikaelian. Un
disque pas forcément de guitariste, mais plutôt d'un groupe en osmose avec un
répertoire riche, empruntant aussi bien à la country soul (sur «Love Holiday»
et «The Clock» ou «Crying With the Blues», le sommet du
disque) qu’au blues-rock gorgé de feeling, dont la guitare Fender Telecaster ne
s'éloigne jamais, soutenue par la voix de Dale Blade, rappelant dans ses
intonations le meilleur de Joe Louis Walker ou de Robert Cray. Sur
«3'45», Fred Chapellier prolonge
son hommage à son mentor Roy Buchanan avant de chanter les louanges du
Seigneur sur «Thank You Lord» tout en revenant aux racines du rock &
roll sur «I'm Back». Certainement le meilleur album de Fred
Chapellier, entièrement enraciné dans la grande tradition des musiques
populaires afro-américaines.
David Bouzaclou
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Franck Dijeau Big Band
Swing SessionsDinner With Friends, Basie Straight
Ahead, Leap Frog, Jeep Jockey Jump, Jumpin’ at the Woodside, Blues in the
Closed, Shiny Stockings, Carioca, Flight of the Food Birds, Sing Sing Sing
Franck Dijeau (p, dir), reste du
personnel détaillé dans le livret
Enregistré en décembre 2016, Rochefort (17)
Durée: 39'
Cristal
Records (Pias)
Voici
un bon travail, et c’est un premier album! Franck Dijeau a réuni un
joli plateau de jazzmen français qui ont donné le meilleur. De grands thèmes et
de grands noms au répertoire: Basie, Garland, Hefti, Shaw, Pettiford,
Miller, Prima, assurent également le succès de l’enregistrement qui ne vole pas
son titre de Swing Sessions et qui donne
raison au leader quand il clame: «Le swing n’est pas mort!». Les solos permettent à chacun de
briller, à commencer par Franck Dijeau lui-même au piano sur «Basie
Straight Ahead» ou encore «Flight to the Foo Birds». Une
mention spéciale pour François-Marie Moreau et son sax-ténor, en vedette sur
plusieurs thèmes: «Leap Frog», «Jumpin’ at the
Woodside» et particulièrement «Dinner with Friends» où la
batterie de Julien Tremouille s’illustre aussi dans un bon solo. Ce dernier
récidive sur «Sing, Sing, Sing» (Louis Prima). On apprécie aussi grandement le
trombone basse de Gaëtan Martin et le bugle de Mickael Chevalier dans
«Shiny Stockings» (Frank Foster).
Patrick Dalmace
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Gerald Cannon
CombinationsEvery Man is a King, A Throught,
Prelude to a Kiss, Colombus Cicle Stop, Amanda's Bossa, One for Amos, Garys
Tune, How Great Thou Art, How My Heart Sings, Combinations, Darn That Dream
Gerald Cannon (b), Gary Bartz (as), Sherman Irby
(as), Steve Slagle (as), Jeremy Pelt (tp), Duane Eubanks (tp), Russell Malone
(g), Rick Germanson (p) ou Kenny Barron
(p), Will Calhoun ou Willie Jones III (dm)
Enregistré à New York, date non
précisée
Durée: 1h 06' 33''
Woodneck Records (www.cannonmusicnart.com)
C'est
un beau disque de jazz que
nous propose le contrebassiste Gerald Cannon pour son deuxième opus en
tant que
leader. Un jazz de culture, à la fois vivant et enraciné. Né en 1958 à
Racine
dans le Wisconsin, Gerald Cannon a toujours baigné dans une ambiance
musicale
pétrie de gospel que jouait son père Benjamin à la guitare. Dès l'âge de
10 ans,
il joue de la basse dans la formation familiale, The Gospel
Expressions, avant de rencontrer plus tard, à l'université du Wisconsin,
le légendaire Milt Hinton. Un évènement qui décide de l’avenir d’un
musicien qui poursuit ses études supérieures de piano, contrebasse jazz
et classique et arts plastiques (la peinture étant l’autre passion du
contrebassiste). Après
avoir été directeur musical de la chanteuse Penny Goodwin, il travaille
la
composition et l'arrangement avant de débarquer à New York en 1986 où il
écume
les clubs, dont le Blue Note, partageant la scène avec des musiciens de
sa
génération tels que Russell Malone (g), Winard Harper (dm) et Philip
Harper (tp),
Justin Robinson (as), mais participant aussi à des concerts prestigieux
où il
travaille son rôle de sideman auprès des Jazz Messengers d'Art Blakey,
Dexter
Gordon, Cedar Walton avec Billy Higgins, Jimmy Smith, Jimmy Scott, James
Williams, Hamiett Bluiett, Ed Thigpen, Frank Foster, John Bunch, Eddie
Harris,
Stanley Turrentine et Bunky Green. Lors d'un concert avec Buddy
Montgomery, il
croise le jeune Roy Hargrove (tp) qui cherche un remplaçant à Rodney
Whitaker.
La collaboration durera sept ans avant de faire partie de la Jazz
Machine d'Elvin
Jones jusqu'à sa disparition en 2004. Une collaboration tant musicale
que
spirituelle et créative qui donnera une nouvelle dimension à Gerald
Cannon en
tant que leader.
Il nous le démontre avec Combinations, une merveille d'authenticité dans une esthétique hard
bop avec, dès le début, une version de «Everyman Is King» de Slide
Hampton revisité avec une superbe introduction pleine d'autorité de Gerald
Cannon dont la sonorité boisée et pleine ouvre l'espace à Jeremy Pelt, ici dans
une approche flamboyante évoquant Freddie Hubbard. Rick Germanson, son
partenaire chez Louis Hayes, démontre un réel talent de sideman, jouant avec le
soliste et relançant en permanence le swing de l'ensemble par de brèves
phrases. Gary Bartz est également en pleine forme avec un jeu ouvert à l'image
de sa carrière conjuguant les Jazz Messengers avec Mingus. Le talent de
compositeur du leader est visible sur «Though», un thème plutôt
latin avec la présence de Kenny Barron (un autre musicien d'exception) qui
donne toujours un supplément d'âme à chacune de ses collaborations, comme avec
son solo sur «Amanda's Bossa» autre composition de Gerald Cannon.
Le blues en fil conducteur est la marque de fabrique de ces musiciens qui ont
côtoyé les maîtres du jazz et qui font de la transmission une nécessité comme
sur «One for Amos» de Sam Jones, dont l'arrangement du leader donne
un dynamisme supplémentaire. La variété des climats et des formules est au cœur de cet album passant du trio au
quintet et donnant au titre de l'album, Combinations, tout son sens puisqu'il est à la fois producteur,
compositeur, arrangeur et soliste. Petite touche finale avec les notes de
pochette de Ron Carter, sa principale influence pour son sens du placement
rythmique et de son accompagnement toujours solide. On retrouve aussi à la
production Willie Jones III, pierre angulaire de l'album, au drive et
swing impeccable.
David Bouzaclou
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Gérard Amsellem
RecifeBerbère Blues, Mar Hôtel*, Bc Road, Sindolfo*, La Belle
colombe°, Recife, Shorashim°, Le Long du riff, Clin d’œil*, Sur le volcan°*,
Nimrod (For Meïr)°
Gérard Amsellem (g), Eric Seva (bar)*, Sylvain Luc (g°, b),
Robert Benzrihem (p, ep), André Ceccarelli (dm)
Date et lieu d’enregistrement non précisés
Durée: 41' 45''
Justlooking Productions 14 (Pias)
Avec Recife, Gérard
Amsellem fait plaisir aux amateurs de jazz en général et de guitare jazz en
particulier. Ses bonnes compositions sont connectées à la tradition, comme
cette intro de «Bc Road» qui renvoie à «So What». Pour l’occasion, il
a réuni ses amis: André Ceccarelli, Sylvain Luc, mais aussi Robert Benzrihem et
Eric Seva. Le voyage commence avec «Berbère Blues». La rythmique est dynamique et le Fender
Rhodes crée des espaces rafraîchissants. On est dans un jazz
fusion délicat avant de basculer vers des rythmes latins et ce fameux «Bc
Road». Sylvain Luc, qui jusqu’à présent tenait la basse, croise les
cordes avec son ami leader, tout en délicatesse
sur «La Belle colombe». Avec «Recife», départ express
pour le Brésil: la guitare se met au diapason des petites percussions délivrées
par Ceccarelli. Les phrases s’envolent comme un nuage de sable sur le bleu de
l’océan. Les musiciens sont en parfaite osmose pour exprimer un ressenti
partagé. La douceur devient le leitmotiv de l’expression du combo. Elle se
retrouve encore sur «Shoarashim», «Clin d’œil» et
«Nimrod (For Meïr)». Au final, Recifefait preuve d’une finesse certaine, une belle réussite pour une tranche
d’émotion haut de gamme.
Michel Maestracci
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Echoes of Swing
Travelin'Orient
Express, Volare, The Old Country, On a Slow Boat Through China, Das
Wrack der guten Hoffnung, The Fiji Hula bula, Where or When, On a
Turquoise Cloud, Cabin in the Eye, Gan Hyem (Going home), Southern
Sunset, En auto, Trav'lin Light, Disorder at the Border, Wohin?
Colin T. Dawson (tp, crt, voc), Chris Hopkins (as), Bernd Lhotzky (p, celesta), Olivie Mewes (dm)
Enregistré du 5 au 7 septembre 2017, Kefermarkt (Autriche)
Durée: 55' 30''
ACT 9104-2 (Pias)
L'ensemble
d'outre-rhin, qui vient de fêter l'année dernière ses vingt ans
d'existence, reste un modèle du genre pour l'évocation du swing au sens
large. Après son Dancing en hommage à la danse Charleston, Carioca, etc., suivi d'un Tribute to Bix (Jazz Hot n°678) plutôt réussi, le quartet sans contrebasse nous revient avec une
thématique autour d'un voyage intemporel sans tomber dans la relecture
d'une époque avec un modernisme assumé. On débute avec «Orient Express»
de l'atliste Chris Hopkins en faisant quelques arrêts du côté des
grandes figures du jazz de Sidney Bechet sur «Southern Sunset» à Coleman
Hawkins et son fameux «Disorder at the Border». Bernd Lhotzky est
excellent au piano stride sur «En auto» en hommage à Dick Hyman et tire
sa révérence à Schubert sur «Wohin». Les arrangements des principaux
solistes donnent à ces classiques comme aux originaux une couleur
contemporaine à l'image d'un «Volare» au style west coast dans le
traitement et de la sonorité de Colin T. Dawson proche d'un Chet Baker.
La réussite de ce 8e album réside également dans
la cohésion du quartet et de sa connaissance étendue du langage du jazz.
Une belle réussite d'un jazz qui se veut classique mais qui ne respecte
pas la poussière.
David Bouzaclou
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Hermeto Pascoal & Grupo
No muno do sonsCD1:
Viva São Paulo!, Vinicius Dorin em Buzios, Para Thad Jones, Para Miles Davis,
Mazinho Tocando no Coreto, Viva Piazzolla!, Forró da Gota para Sivuca, Carlos
Malta Tupizando, Som da Aura; CD2:
Entrando pelos Canos, Para Tom Jobim, Ilza Nova, Salve- Pernambuco Percussaõ,
Viva Edu Lobo!, Para Ron Carter, De Fabio para Jovino Santos, Um Abraço Chick
Corea, Rafael Amor Eterno
Hermeto
Pascoal (p,, kb, perc, melodica, voc), Itiberê Zwarg (eb, tu, voc), Fabio
Pascoal (perc,voc,) Jurina Zwarg (dm, ss,
voc), André Marques (p, kb), Jota P. (ss, ts, bar, fl)
Enregistré
en février 2017, Alambari (Brésil)
Durée:
45' + 44'
SeloSesc
0094/17 (selosesc@sescsp.org.br)
Agé
de 80 ans, Hermeto Pascoal, le maître de la Musica Universal prouve avec ce
nouveau double album sa vitalité musicale et son éternelle jeunesse. Il faut
remonter à 1999 et l’album Eu e Eles pour écouter ses derniers
enregistrements avec son Grupo. Entre temps, rééditions et albums en
compagnie d’Aline Morena sont parus, de nombreux concerts et participation à
des albums d’autres musiciens ont eu lieu mais le mage Hermeto n’avait rien
publié de nouveau sous son nom. Retour en force avec un Grupo redynamisé
par de jeunes recrues. Aux côtés d’Itiberê Zwarg, bassiste attitré d’Hermeto
depuis quarante et un ans et de son fils Fabio Pascoal (perc) se sont joints désormais, le
fils d’Itibere, Jurina Zwarg (dm, ss) qui officie à la place, et avec sa
bénédiction, à Marcio Bahia, batteur et beau-fils d’Hermeto. Au piano on trouve
André Marques (fils du célèbre guitariste brésilien Nathan Marques) qui succède
à Jovino Santos et aux saxophones Jota. P vient remplacer Vinicius Dorin
disparu en 2016, lui-même avait succédé à Carlos Malta. La formule du sextet historique
des années 80, qui avait révélé au monde Hermeto Pascoal, retrouve sa forme
initiale. Ce double album enregistré dans le studio Gargolandia, en pleine
campagne de São Paulo, se veut un vibrant hommage à ses compagnons de route qui,
du sertão nordestin de ses débuts, aux studios américains, en passant par les
scènes internationales, ont croisé sa route et ses inventions musicales. Trois
catégories de musiciens –sans aucune
hiérarchie ou distinction dans l’évocation de leur portrait– sont saluées par le
compositeur qui signe la totalité des titres et des arrangements en leur
honneur. Les musiciens qu’il a croisés sur sa déjà très longue route, sont des
artistes issus de la scène de la musique populaire brésilienne, tels Tom Jobim,
Edu Lobo, Sivuca (en compagnie duquel il a débuté, avec son frère, en formant
un trio albinos) ou encore l’Argentin Astor Piazzolla. Il y a aussi les Américains
qu’il a servis sur scène et en studio, lors de sa période de résidence aux
Etats-Unis, tels Miles Davis (sans rancune car Miles s’est approprié des compositions
d’Hermeto dans l’album Live Evil), Ron Carter ou Chick Corea. Enfin de
longues salutations aux musiciens qui se sont succédés au sein de son Grupo,
le génial percussionniste Pernambuco, le regretté Vinicius Dorin
mais aussi ceux qui ont choisi de faire carrière sous leur nom, Carlos Malta et
Jovino Santos qui lui s’est établi à Seattle.
Dès
le
premier titre «Viva São Paulo» on replonge dans l’univers fantasque et
festif de l’œuvre du compositeur multi-instrumentiste qui célèbre la
capitale
économique du Brésil mais aussi le berceau culturel actuel de cet
immense pays
aux multiples styles musicaux. Pour saluer l’âme de Vinicius Dorin, aux
côtés de Pixinguinha et Paulo Moura, c’est Jota P. qui évoque dans
«Vinicius
Dorin em Buzios» le son de ce gentil
géant notamment au soprano qu’il affectionnait tant, un clin d’œil comme s’il
était juste parti
sur la plage du St-Tropez brésilien, Buzios. Pour «Para Thad
Jones», Hermeto accélère le tempo et choisit le mélodica pour swinguer
sur sa rythmique affolante qui poursuit sa course dans «Para Miles
Davis». Comme une
marche rigolote sur un tempo de frevo, «Mazinho tocando no Coreto»,
revisite
ces tempos du vaste territoire du nord du continent-Brésil laissant
place à un
tango débridé qui fête le grand bandonéiste Astor Piazzolla. Autre ami
disparu,
l’accordéoniste (chef d’orchestre, guitariste, accompagnateur de Miriam
Makeba,
Harry Belafonte…) du Paraiba, frère de cœur et d’instrument et albinos
comme
Hermeto, auquel un authentique forro est dédié, «Forro da Gota para
Sivuca»;
ici Hermeto s’amuse en chantant à travers un verre rempli d’eau. Carlos
Malta,
qui se consacre à revisiter la musique traditionnelle et le jazz, est
lui aussi
salué dans «Carlos Malta Tupizando», comme si Carlos devenait un Indien
Tupi, mariant
sa musique avec celle de ces Indiens de la forêt. «Som da Aura» est un
amusement sur la voix de chaque musicien récitant un texte ensuite
repris et
mixé avec son propre instrument, une distraction qu’Hermeto affectionne
en
studio, et que l’on peut retrouver sur internet avec un pastiche de la
voix
d’Yves Montand. Cuillère en plastique, tube d’aluminium, sur fond de
sifflets
de bois et autres ustensiles, introduisent le second volet dans
«Entrando pelos
Canos» comme dans un jeu pour enfants en délire. «Para Tom Jobim» semble
emprunter
la promenade de Copacabana bousculant un peu une bossa nova timide vers
un jeu
de souffle entre saxophone et flûte. Pour «Salve, Pernambuco Percussaõ»,
Hermeto se remémore cet étrange lutin aux multiples percussions allant
de la
poêle à frire à la machine à coudre qui colorait les propos insolites du
pianiste.
Comme une fête pour le chanteur, «Viva Edu Lobo» démarre sur fond de
baryton
rythmant un piano préparé déconcertant laissant place au son d’un pifano
(petite flûte du Nordeste) qui célèbre Ron Carter et donne à Itibere
l’occasion
de démonter sa technique et son swing à la basse électrique. «De Fabio
para
Jovino Santos» est le message du percussionniste à son ami Jovino parti
au
loin, laissant au saxophoniste Jota P. libre cours à ses méandres
circulant sur
les ailes de ses multiples saxophones; Hermeto en profite pour lui aussi
souffler mais dans une bouilloire. Le final «Rafael Amor Eterno» évoque
l’âme
d’un petit enfant qui a rejoint le ciel (sans doute son
arrière-petit-fils)
dans un souvenir sobre et tragique; Hermeto nous rappelle ses talents de
pianiste. Un album de renaissance après une période d’accalmie.
Michel Antonelli
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Mario Canonge / Michel Zenino
Quint' UpQuint'Up, Calypsonge, Ames Sœurs, Not Really Blues, Brehec, Room
150, Ipaninon, Bass Loop, J.F.
Mario Canonge (p), Michel Zenino (b), Josiah Woodson (tp,
flh, fl), Ricardo Izquierdo (ts, cl), Arnaud Dolmen (dm)
Enregistré les 7 et 8 mars 2017, Villejuif (94)
Durée: 1h 01' 14''
CM 2520 (www.mariocanonge.net)
Excellent disque pour un magnifique quintet où les deux
complices, Mario Canonge et Michel Zenino, qui viennent de fêter les 10 ans d’une
rencontre musicale très fructueuse, ont entraîné trois excellents musiciens
Josiah Woodson, venu des Etats-Unis, Ricardo Izquierdo, de Cuba, et Arnaud
Dolmen, de Guadeloupe, pour un projet post bop, dans la veine de la musique de
Woody Shaw, mais on pourrait aussi évoquer Wayne Shorter («Brehec») et Art
Blakey («Not Really Blues») comme sources, pour donner un repère… C’est une
très belle musique, tendue et brillante, avec de beaux arrangements, originale
(les deux leaders se partagent les belles compositions), dans la continuité
d’un jazz contemporain sans concession ne perdant jamais de vue le fil du jazz
de culture, coloré par les Caraïbes sur le plan rythmique («Calypsonge») sans
que cela soit systématique.
On connaît Mario Canonge, un musicien multidimentionnel, dont les projets
personnels ou ceux où il est sideman, alternent ou mêlent le jazz du plus haut
niveau avec la musique caribéenne, et dans le registre du jazz, comme ici, il
est un pianiste d’une exceptionnelle virtuosité, notamment par ses qualités
rythmiques, d’impulsion mais aussi de richesse harmonique («Not Really Blues»,
«Room 150»). On connaît également Michel Zenino, bassiste né dans le jazz,
formateur à l’IMFP, connaisseur-savant du jazz, et qui a accompagné beaucoup de
grands jazzmen (Archie Shepp, Steve Grossman, James Carter, Danilo Perez…) et
développe, comme Mario, une activité tous azimuts avec un enthousiasme intact,
des qualités d’écriture et d’arrangement, un bon son de basse, une musicalité
qui ne perd jamais le sens du collectif («Bass Loop», «Room 150»). Les deux
inséparables, qui font les beaux jours du jazz au Baiser Salé, le club de la
rue des Lombards à Paris où ils sont «en résidence» depuis des années, ont
adopté trois formidables compagnons, installés à Paris, pour ce Quint’Up qui donne le titre au disque. Les ensembles de cuivres, bien arrangés, sonnent parfaitement (un beau «J.F.»),
et chacun développe de beaux chorus. Le batteur se coule parfaitement dans une
section rythmique dont il connaît les codes et tisse, avec un beau volume et un
drive certain, la trame rythmique qui sous-tend la formation et la musique. L’ensemble
possède cette énergie et cette qualité dynamique qu’on retrouve dans les
meilleures formations de ce type outre-Atlantique, et les arrangements, de
belle facture et dans l’esprit, donnent une tonalité très cohérente à
l’enregistrement. Une belle construction sonore dans cette veine post bop, à
laquelle chacun apporte sa contribution avec des qualités d’invention et de son,
sans retenue et sans timidité. On pense à l’écoute à un groupe établi par des
années de scène, et il n’en existe pas tant d’un tel niveau dans cette
esthétique du jazz. Ça devrait faire le bonheur des meilleures scènes des
festivals et des clubs de jazz, en France et au-delà, c’est ce qu’on leur
souhaite avec la capacité de maintenir cette belle formation aussi longtemps
que le duo Zenino-Canonge, pour le plus grand bien du jazz.
Yves Sportis
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Itiberê Zwarg & UMO
Universal Music OrchestraGalopada*,
De Lá Pra Cá*, Tem Mico No Quintal, No Melhor da Festa*, Pimenta da Brasa, Pra
Vocés da UMO, Autumn Leaves, Comichão*, Realejo, Acordando, Maracajü, Muriqui*,
Pastel & Caldo de Cana*
Itiberê
Zwarg (eb) Hermeto Pascoal*(p, melodica), Aline Morena (perc,voc), Mariana
Zwarg (picfl), Maria Teresa Maldonado (voc) & UMO Jazz Orchestra:
Teemu Mattson, Timo Paasonen, Mikko Pettinen, Tero Saarti (tp), Kasperi
Sarikoski, Mikko Mustonen, Pekka Laudkanen (tb), Juho Viljanen (btb), Jouni
Järvelä (as,ss), Teemu Salminen (ts), Mikko Mäkinen (as), Manuel Dunkel (ts),
Pepa Pälvinen (bar), Kirmo Lintinen (p), Vesa Ojaniemi (b,eb), Markus Ketola
(dm), Sami Kontola (perc)
Enregistré
en Novembre 2015, Helsinski
Durée:
1h 01'
Biscoito
Fino 443-2 (http://biscoitofino.com.br)
En
août
2015, Itiberê Zwarg, est invité au Festival d’Helsinski pour diriger
l’UMO
Jazz Orchestra. Pour ce concert exceptionnel, il convie à son tour, sa
fille
Mariana (ss, fl), Aline Morena (fl,voc), Sami Kontola (perc), le
régional de
l’étape, et son mentor Hermeto Pascoal qu’il accompagne depuis quarante
ans. En
novembre, cette joyeuse troupe se réunit au E Studio d’Helsinski pour
enregistrer des compositions originales d’Itiberê. A l’exception des
«Feuilles
Mortes-Autumn Leaves» signé par Kosma et complétement revisité, les
titres et
les arrangements sont de la main du bassiste brésilien. L’UMO Jazz
Orchestra
est totalement à son service et vibre sous sa direction. Depuis des
années,
Itiberê mène, en parallèle de son travail avec Hermeto, ses propres
projets,
notamment avec le groupe Itiberê Familia Orchestra qui réunissait 24
jeunes
musiciens et qui maintenant a laissé la place à son septet (entré en
studio en
février 2018). Ses activités d’interprète se complètent de nombreuses
master classes à travers le monde et notamment aux Etats-Unis,
Argentine… On peut le
retrouver chaque semaine dans le quartier de Botafogo, menant ses Oficinas de
Musica Universal Pro Arte. L’album s’ouvre sur une «Galopada»
dédié aux hommes
travaillant dans les champs du monde entier et à leurs chevaux. Comme
tout le
reste de l’album, les arrangements sont parfaitement soignés et la prise
de son
parfaite. La section de trompette donne le rythme du galop, et chaque
pupitre
brille de tous ses feux. Deux solistes se distinguent: le pianiste Kirmo
Lintinen dont chaque note scintille et Hermeto qui chevauche son
melodica pour relancer la machine. Puissance
sonore et fignolage remplissent l’espace et pour «De Lá Pra Cá» les
solistes Kasperi Sarikoski (tb), Jouni Järvela (ss) précèdent avec
originalité Hermeto Pascoal, toujours au mélodica. L’orchestre complet
dialogue
dans un tumulte réjouissant. Toutes les compositions sont léchées, et
les
solistes font preuve d’une grande maîtrise dans un album qui embrasse,
au-delà du Brésil, des thèmes inscrit dans la tradition des grands
orchestres modernes
de jazz. Le froid d’Helsinski s’est réchauffé aux rythmes de maracatu ou autres frevo pour un résultat qui
mériterait largement d’être présenté sur les scènes
des grands théâtres et festivals d’Europe. Tout le monde est à saluer: à
noter, le trompettiste Mikko Pettinen sur «Maracajù», et dans «Pastel
& Caldo de
Cana» qui clôt ce bel album, les voix (Aline Morena) s’entrecroisent
virevoltantes aux cuivres; Mariana Zwarg (le bras en écharpe) livre un
bref
solo de flûte significatif de son art, et Hermeto, toujours en
extraterrestre
rigolard nous délivre un solo au piano
préparé. Tout l’album présente une rare unité, et il est difficile de mettre en
avant un titre plutôt qu'un autre, il faut tout écouter.
Michel Antonelli
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Kenny Barron / Dave Holland
The Art of ConversationThe Oracle, The Only One, Rain, Segment, Waltz For Wheeler
(Dedicated to Kenny Wheeler), In Walked Bud, In Your Arms, Dr. Do Right, Seascape, Day Dream
Kenny Barron (p), Dave Holland (b)
Enregistré le 5 mars 2014, New York
Durée: 1h 04' 33''
Impulse! 0602537946617 (Universal)
Ce bon label Impulse!, trop souvent galvaudé par les temps
qui courent, trouve ici dans cet enregistrement déjà ancien qui ne nous était
pas parvenu et avait échappé à nos radars, de belles couleurs avec ces deux
magnifiques musiciens que sont Kenny Barron et Dave Holland. Il faut signaler
que les producteurs ne sont autres que les deux musiciens. On n’est jamais si
bien servi… Comme l’indique le titre, on trouve ici une conversation d’un
niveau exceptionnel entre deux légendes vivantes du jazz, deux musiciens
coutumiers de la perfection. Dans ce registre d’un jazz intimiste où la
mélodie, les harmonies et les nuances sont conjuguées avec une telle maestria,
on peut faire différent mais pas mieux. Pour cette rencontre, quatre thèmes
sont de Dave Holland dont un sensible hommage à Kenny Wheeler, trois de Kenny
Barron dont un émouvant «Rain» également composé pour cet enregistrement, un de
Charlie Parker, un de Thelonious Monk (plus l’évocation qui en est faite dans
«The Only One»), un de Billy Strayhorn-Duke Ellington. Si on avance en
territoire connu, tout est toujours nouveau, étonnant, enthousiasmant chez ces
deux musiciens, leur qualité d’écoute qui permet une telle complicité musicale,
leur virtuosité naturelle sans démonstration au service de la beauté musicale,
toujours de la mélodie, du swing, du blues, comme pour «Segment» de Charlie
Parker ou «In Walked Bud». Ce disque est le produit d’une belle sérénité,
plénitude artistique de musiciens d’exception, qui pourraient dialoguer pendant
des heures avec la même profondeur, la même perfection d’expression. Ce disque
est un de ces moments de grâce, délicate, comme le jazz en offre parfois où l’on
peut se perdre avec bonheur des heures durant. On attend le dernier opus de Kenny Barron, Concentric Circles, qui vient de paraître, pour vous en parler, en espérant que le facteur ne va pas mettre trois ans… mais là nous sommes prévenus, on pourra toujours aller chez Paris Jazz Corner.
Yves Sportis
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Jo Jones
The Drums
CD1:
Warm Up solo, Basics-Gadgets Effects, Rudiments, Rim Shots-TomTom, Home
Practice, Two Beat-Four Beat- Three Beat, Drum Solo N°1, Accompaniment, Latin
Rhythms, Rock N’Roll Rhythms, Making Changes, Drum Solo N°3, Colours
CD2:
Drum Solo N°2, Drummers I Met, Baby Dodds, Josh, Unnamed Drummer From
Saint-Louis, Alvin Burroughs, A.G Godley, Gene Krupa, Big Sid Catlett, Unamed
and Unplaced Drummer, Walter Johnson, Sonny greer, Billy Gladstone, Manzie
Campbell, Chick Webb, Baby Lovell, Jo Jones’ Personnal Contribution, Dancers I
Met, Pete «The Tapper» Nugent, Eddie Rector, Baby Laurence, Bill «Bojangles»
Robinson, Caravan*
Jo Jones (dm,
présentation), Milt Buckner (org)*
Enregistré
probablement début février 1973, New York et en juillet 1969, Biarritz (64)*
Durée:
57' + 55'
Frémeaux
& Associés 5672 (Socadisc)
La parution de ce coffret est à saluer haut et fort
car elle permet de recevoir l’enseignement hors pair d’un des batteurs fondamentaux
de l’histoire du jazz. Les séances originales en studio avaient été organisées
par Louis Panassié (fils d’Hugues), et ce double album présente des passages
restés inédits lors de la parution en LP à l’époque. Un livret très complet (bilingue
anglais-français) nous permet de suivre ces enregistrements non seulement
destinés «aux batteurs (amateurs comme confirmés) qu’aux jazzmen, aux historiens
de la musique, et aux beatmakers en tous genres». Dans le premier CD, Jo Jones
présente les différentes techniques de jeu sur les différents éléments d’une
batterie: tom-tom, cymbales, grosse caisse… ainsi que différents rythmes:
latin, rock & roll, deux temps, trois temps. Il n’oublie pas d’illustrer son
propos par des citations pleines d’humour, notamment sur les accessoires comme le
«slap stick» qui évoquait le coup de rouleau à pâtisserie que les épouses
donnaient à leurs maris éméchés de retour de concert. Un véritable cours qui
reste tout le temps très intéressant et divertissant. Sur le second CD, il
évoque plus particulièrement le jeu de différents batteurs de son époque
devenus de vraies références pour tous les adeptes de la batterie. De Baby
Dodds, à Gene Krupa, de Sonny Greer, Chick Webb à Billy Gladstone et Manzie Campbell,
jusqu’à un batteur inconnu de St. Louis, sans oublier son propre jeu. On découvre
ainsi la palette et la variété de ces musiciens extraordinaires, souvent restés
dans l’ombre de leur employeur ainsi que les rythmes et tempos apportés par les
danseurs de claquettes tels Pete
«The Tapper» Nugent ou Bill «Bojangles» Robinson. Pour conclure cet album essentiel dans l’art de la percussion, on a le plaisir
d’écouter Jo Jones en duo avec l’organiste Milt Buckner avec lequel il a longtemps
collaboré les dernières années de sa vie. Duo remarquable dont j’ai eu la
chance d’écouter un concert fabuleux au Festival de Jazz de Salon-de-Provence,
dans la cour du Chateau l’Empéri, devant un public médusé devant tant de
fantaisie, d’humour, de simplicité et de génie. Jo Jones tout comme Kenny
Clarke, reste le batteur de référence pour des générations de musiciens.
Michel Antonelli
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Dexter Gordon
Our Man in ParisScrapple From the Apple, Willow Weep for Me, Broadway,
Stairway to the Stars, A Night in Tunisia, Our Love Is Here to Stay, Like
Someone in Love
Dexter Gordon (ts), Bud Powell (p), Pierre Michelot (b),
Kenny Clarke (dm)
Enregistré le 23 mai 1963, Paris
Durée: 50' 02''
Jazz in Paris/Decca 537 565-2 6 (Universal)
C’est la reprise, dans le cadre de la collection «Jazz in
Paris» d’Universal Music France, d’un célèbre album du label Blue Note (BST
84146 pour la version stéréo) enregistré à Paris, bien entendu, avec une belle
section rythmique, où le régional de l’étape, en quelque sorte, est Pierre
Michelot. La belle pochette originale
est une photo portrait de profil d’un Dexter Gordon pensif, cigarette
élégamment tenue, le menton pris entre le pouce et l’annulaire de la main
droite, un autre Rodin (Alfred Lion, grand collectionneur, et Francis Wolff y
ont certainement pensé), avec un titre en bleu et rouge sur fond blanc, histoire
de rappeler le lieu.
Cette photo et cet album réunissant Bud Powell et Dexter
Gordon sont pour beaucoup, même si on ne peut que l’imaginer, dans la décision
de Bertrand Tavernier, vingt ans après, de tourner l’émouvant ’Round Midnight, sur la trame de La Danse des infidèles de Francis
Paudras, et d’y inviter un certain Dexter Gordon pour incarner le personnage de
Bud Powell, transposé bien entendu, décalé car la personnalité, la beauté de
Dexter Gordon éclaboussent le film. Le film est une immortalisation d’un
emblématique itinéraire d’un Afro-Américain à Paris, une autre histoire que
celle de George Gershwin mise en images par Vincente Minelli, plus contrastée,
plus difficile, une page de l’histoire de l’art, le jazz, dans ce Paris de
l’après-guerre qui vit une pléiade de génies musicaux illuminer les scènes les
plus modestes, les clubs les plus sombres mais aussi les scènes les plus
célèbres. On ne va pas faire la liste, mais ce disque (avec quelques autres)
évoque, symbolise une époque absolument épique, même si peu l’ont perçu sur le
moment, jusqu’à ce que le «grand Charles» (de Gaulle) boute les Américains hors
du pays en 1967 et contribue, avec les promoteurs du yé-yé et de la soupe de
grande consommation made in France, à
réduire progressivement une culture populaire du jazz en France, et affaiblisse
la transmission culturelle. Une colonie américaine a bien résisté avec le temps,
en marge, mais cet album est l’âge d’or de l’échange dans le jazz (qui ne se
limita pas qu’au bebop), et la présence de Pierre Michelot ici rappelle que la
culture jazz a été possible et riche en France et en Europe grâce à
l’implantation de ces musiciens hors normes; ici Dexter Gordon, Bud Powell,
Kenny Clarke.
Si vous voulez en prendre conscience, mettez le disque sur la
platine, fermez les yeux et écoutez de la première à la dernière note (deux
thèmes supplémentaires par rapport à l’édition vinyle, dont un splendide «Like
Someone in Love» en trio sans Dexter. De la conviction, de la tension, du
swing, du blues, de la beauté brute, du sombre et de la lumière, du grand jazz,
du grand Art!
Yves Sportis
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Lewis Porter
Beauty & Mystery
Prologue,
Birthplace*, Bye Bye Blackbird, People Get Ready*, Blues for Trane and McCoy,
1919,Chasing Lines, Dazzling Raga, From Giovanni to Jimmy, Day Is Done
Lewis
Porter (p), John Patitucci (b), Terri Lyne Carrington (dm) + Tia Fuller (ts)*
Enregistré
le 27 Septembre 2017, New York
Durée:
1h 10' 11''
Altrisuoni
348 (PBR Records)
Même
si le pianiste Lewis Porter est moins connu que ses acolytes Terri Lyne
Carrington et John Patitucci, il assure dignement la direction de cet album
enregistré en une seule session. Après un «Prologue» en solo très imprégné de
Bach, il propose un album fort agréable dont trois titres sont dédiés à John
Coltrane et ses musiciens: «Birthplace», «Blues for Trane and McCoy» et
«From Giovanni to Jimmy» (Garrison), parfaitement menés et très bien servis par
une rythmique parfaite. Son style pianistique est à la rencontre du classique
et du negro-spiritual, comme on l’entend sur la longue introduction en duo avec
John Patitucci sur «Bye Bye Blackbird», laquelle souligne la complicité et la
sérénité des deux compagnons. Sur ce thème le contrebassiste s’exprime dans une
claire volupté ciselée par la rondeur de ses cordes. La qualité de
l’enregistrement restitue à la perfection le son original de chacun, et Terri
Lyne Carrington apporte autant la caresse de sa percussion raffinée que sa
poigne de fer assurée. La formule du trio fonctionne sans temps mort et sur certains
titres («Birthplace», «People Get Ready») le saxophone chatoyant de Tia Fuller
vient compléter l’équipe. «1919» s’inspire en droite ligne de l’album
«Ballads» de Coltrane. Tout en sobriété et délicatesse, le trio s’entrelace
dans une lente danse à trois. D’inspiration indienne, «Dazzling Raga» empreinte
les voies mystérieuses de l’Orient et serpente dans notre imaginaire comme un
raga authentique baigné de jazz. Un album à découvrir comme le toucher parfait
de Lewis Porter qui apparaît déjà sur plus de vingt-cinq albums, notamment aux
côtés de Dave Liebman et Marc Ribot. En tant qu’écrivain, il a signé plusieurs
essais sur le jazz notamment sur Lester Young et une biographie intitulée John Coltrane: His Life and Music (University of Michigan Press) avalisée
par Ravi Coltrane.
Michel Antonelli
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Evan Arntzen
Meets La Section RythmiqueBallin' the Jack, Mister Jelly Lord, Half Eyes, Isn't It
Romantic, Tickle Toe, Please, Little White Lies, Afterthought, I'll Get By,
12th Street Rag, Lotus Blossom
Evan Arntzen (cl, ts, voc), Dave Blenkhorn (g), Sébastien Girardot (b), Guillaume Nouaux
(dm)
Enregistré les 22-23 janvier 2017, Créon (33)
Durée: 52' 57''
Autoproduction (www.evanarntzen.com)
Si on connaît bien maintenant la section rythmique dont il
est question dans le titre avec les trois complices Dave Blenkhorn, Sébastien
Girardot et Guillaume Nouaux, qui se produisent régulièrement à Paris, à La
Huchette souvent, dans un registre swing et new orleans parfois mâtiné de
Django spirit, le leader de cet enregistrement ne nous était pas connu. Venu de
Vancouver, ce clarinettiste, mais aussi saxophoniste et chanteur est le rejeton
d’une longue lignée de musiciens. Le texte de livret du savant Dan Morgenstern
(Rutgers Institute of Jazz Studies) refait la généalogie de l’héritier Evan,
avant de se réjouir de trouver en ce XXIe siècle tant de jeunes musiciens
capables de réactiver les sources de toutes les époques du jazz avec autant
d’envie, d’esprit et d’originalité que ces trois mousquetaires (qui étaient
quatre comme vous le savez).
Le répertoire fait appel à Jelly Roll Morton aussi bien qu’à
Lester Young, Billy Strayhorn, en passant par des standards de Richard Rogers
et Walter Donaldson. Le bois de la clarinette en particulier, le jeu dépouillé
de Dave Blenkhorn (arpèges avec nuances à la Django), de Guillaume Nouaux (utilisation
de la caisse claire) et Sébastien Girardot, qu’on dirait presque acoustique,
donnent beaucoup d’authenticité à cette démarche et à la musique, un plaisir de
sonorité, une belle atmosphère swing, non dépourvue de lyrisme («Isn't It
Romantic», «Tickle Toe», le beau duo clarinette guitare sur «Lotus Blossom») et
d’expressivité («I'll Get By» au ténor).
Une formation à découvrir dans ce bon enregistrement, sans
doute aussi en live au détour d’une
soirée en club…
Yves Sportis
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Laurent Marode Nonet
This Way Please
Sacha’s
Mood, Wives and Lovers, The Adventure on Kepler, Start Stop, The Reason Why I
Love You, Penny Lane, Very East Round
Laurent
Marode (p), Fabien Mary (tp), Luigi Grasso (as), David Sauzay (ts, fl), Frank
Bazile (bar), Jerry Edwards (tb), Nicolas Thomas (vib), Fabien Marcoz (b),
Mourad Benhammou (dm)
Enregistré
le 17 Mars 2016, Meudon (78)
Durée:
40’
Black
& Blue 816.2 (Socadisc)
Un
nonet aux arrangements soignés qui sonne comme un big band! Laurent
Marode alterne compositions personnelles et évocations des succès de Burt
Bacharach ou des Beatles, en passant par Lee Morgan. Tout son orchestre –dont
les musiciens n’ont pas peur d’exprimer leur ancrage dans la tradition– s’exprime parfaitement sous la direction du pianiste-arrangeur-compositeur.
Tantôt on pense à Art Blakey et ses Messengers, à Herbie Mann, le tout
orchestré par Quincy Jones pour petit ensemble. Depuis son premier album, I
Mean (2005), en sextet, Laurent Marode s’était surtout consacré à son
groupe, le TrioInvite, qui existe depuis 2002, proposant des ciné-concerts. Avec
ce nonet, il fait un retour en force sur la scène jazz. Nul besoin de présenter
chacun de ses musiciens qui incarnent un jazz authentique mais ancré
dans son époque. Ce disque, où la complicité est évidente, apparaît ainsi comme un bon moment en compagnie d’amis. L’utilisation
d’un vibraphoniste et d’un flûtiste, tous deux mis en valeur par certains arrangements,
donne une coloration originale à l’album. Nul rajout
inutile, le pianiste va droit à l’essentiel et nul besoin de faire long pour
faire bien. C’est surtout le public des clubs parisiens qui a pu, jusqu’à présent,
écouter cet ensemble chaleureux. Il faut espérer que des programmateurs de
festivals inviteront Laurent Marode sur leurs scènes afin qu’un public plus large puisse découvrir cette bonne musique.
Michel Antonelli
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Sophie Alour
Time for Love
Nos cendres, I Love You Porgy, The Second Time Around, Left
Alone, Skylark, Ev’ry Time We Say Goodbye, Stars Fell on Alabama, Answer Me,
I’m Old Fashioned, A Time for Love, Comptine
Sophie Alour (ts, ss), Sandro Zefara (g), Sylvain Romano
(b), André Ceccarelli (dm) + Stéphane Belmondo (flh), Glenn Ferris (tb), David
El Malek (ts), Rhoda Scott (org), Alain Jean-Marie, Laurent Coq (p), Quintet
Allegria
Enregistré les 29 et 30 mai 2017, Meudon (78)
Durée: 51' 34''
Music From Source 2975838 (L’Autre Distribution)
Dans l’interview qu’elle nous a accordé dans ce numéro,
Sophie Alour s’explique sur la démarche qui a présidé à son sixième album: un «retour
aux sources» du jazz tel qu’elle a appris à l’aimer et à le jouer, qui se
caractérise par un retour aux standards (deux compositions personnelles marquent cependant le
début et la fin de l’album), qu’elle a pourtant peu enregistré sur
ses précédents disques. Fidèle à son tempérament introspectif –son ténor,
très caressant, n’est jamais démonstratif–, elle a choisi un répertoire de
ballades en hommage aux chanteuses qu’elle admire, en particulier Shirley Horn.
Ce Time for Lovese caractérise, en outre, par la présence d’invités qui, pour
beaucoup, ont accompagné ou accompagnent encore la carrière de la
saxophoniste:
Stéphane Belmondo, Laurent Coq, Rhoda Scott, David El Malek (excellent)
et –toujours– Alain Jean-Marie dont la présence irradie et porte Sophie
Alour qui,
quand elle dialogue avec lui, s’exprime avec une grande beauté dans
l’idiome du
jazz. A ce titre, «I Love You Porgy» et «Stars Fell on Alabama» sont, de
loin,
les deux titres de cet opus que nous retenons. A l’inverse, Rhoda Scott,
sur «Answer
Me», s’est, elle, laissée entraîner hors du jazz. Malgré ce choix de
jouer le répertoire, l’album se perd parfois, pas seulement en raison de
l'intervention d’un quintette classique
sur quatre titres, dans d’autres contrées que le le jazz.
Sophie Alour n’en reste pas
moins une instrumentiste solide et d'une belle sensibilité.
Jérôme Partage
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Fred Nardin
Opening
The
Giant, Parisian Melodies, New Waltz, I Mean You, Don’t Forget the Blues,
Hope,Travel to, You’d Be so Nice, Lost in Your Eyes, Green Chimneys
Fred
Nardin (p), Or Bareket (b), Leon Parker (dm, perc)
Enregistré
les 9 et 10 Mai 2017, Meudon (78)
Durée:
1h 04'
Jazz
& Family 034 (Socadisc)
Le pianiste français, Fred Nardin, notamment connu
pour sa codirection de The Amazing Keystone Big Band (cf.
chronique), se plonge dans l’art du trio. Pour se faire, avant de rentrer en studio,
il a rodé son répertoire et sa formation dans différents clubs de l’hexagone, et
le résultat confirme son travail. Il signe un album où la quasi-totalité des
titres sont de sa plume (exceptés «I Mean You» de T. Monk et «Green Chimneys» de C. Porter).
Sa solide équipe, formée d’Or Bareket (installé à New York) et de Leon Parker
(résidant à Toulouse), est habitué aux scènes internationales et lui apporte le
soutien idéal pour un tel projet. Son
premier titre, «The Giant», est dédié au regretté pianiste Mulgrew Miller, et Fred
Nardin s’y exprime dans un style fort épuré en empruntant la grande voie du
jazz. Ses compositions restent souvent intimistes et introspectives, comme «Hope»,
mais deviennent plus intenses, comme dans «Travel», au piano électrique, en
symbiose avec sa rythmique. Avec «Lost in your Eyes», il nous entraîne dans une
triste ballade qui doit parler d’amour profond, un chant mélancolique donnant
l’occasion à Or Bareket de plonger dans la nostalgie soulignée par les balais
de Leon Parker. Ici aussi, l’utilisation du piano électrique, même parcimonieuse,
revêt un intérêt particulier, à la façon d’un Bill Evans. Dans «Green Chimney»
un dernier tour de piste met en valeur le batteur: Fred Nardin prouve
qu’il connaît ses classiques et rend hommage au compositeur Cole Porter avec
vivacité et panache.
Michel Antonelli
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Lucky Dog
Live at the Jacques Pelzer Jazz Club
Knock Knock, Manzana Mood, Trouble,
C’est tout, The Game, Waterzooï Suite, Wake Up Panda!, Instant I, Faits Divers,
Old and New
Frederic Borey (ts, ss), Yoann Loustalot (tp, flh), Yoni
Zelnik (b), Frédéric Pasqua (dm)
Enregistré les 7 et 8 février 2017, Liège (Belgique)
Durée: 1h 16' 08''
Fresh Sound New Talent 542 (Socadisc)
Nous avions assisté, le 6 février 2017,
à un concert «de chauffe», sur la péniche Le Marcounet, du quartet Lucky Dog.
Au lendemain de ce concert intense, pour lequel leur producteur barcelonais,
Jordi Pujol, avait fait le déplacement, Frederic Borey, Yoann Loustalot,
Yoni Zelnik et Fred Pasqua prenaient le train pour Liège afin d’enregistrer
live, le soir même, dans le fameux Jacques Pelzer Jazz Club, leur album à
venir. On espérait bien retrouver sur le disque les sensations vécues lors de
cette nuit parisienne de février que la musique et la bonne humeur avait rendue
chaleureuse.
Et
c’est avec plaisir qu’on retrouve cette formation, codirigée par
Frederic Borey et Yoann Loustalot, auteurs à part
égale des dix originaux joués. Enseignant, disciple de Jerry Bergonzi,
le ténor
fréquente les scènes parisiennes depuis 2012; bien que son cadet, le
trompettiste soit, lui, à Paris depuis le début des années 2000 (avec le
Vintage
Orchestra, Brisa Roché, puis Olivier Ker Ourio, Dave Liebman ou encore
Lee
Konitz). Tous deux ont quelques disques en leader à leur actif, et c’est
ici le
second de leur Lucky Dog, après un premier enregistrement en 2013,
toujours
dans la bonne maison Fresh Sound. c'est un jazz très dense, où les notes
claquent
comme des uppercuts, avec des compositions réussies (mention spéciale à
«C’est tout»
de Loustalot et «Old and New» de Borey), le tout servi avec énergie et
conviction par un quartet soudé où les qualités de chacun
s’additionnent: la
puissance du saxophoniste, l’expressivité du trompettiste, la finesse du
contrebassiste, la créativité du batteur. Cette formule sans piano
aurait pu donner lieu à une musique plus aride. Il n'en est rien. Le
discours mélodique des soufflants, de même que la précision de la
rythmique (occasion de souligner l'atout que représentent Yoni
Zelnik et Frédéric Pasqua pour la scène jazz contemporaine en France) rendent la musique totalement «lisible».
Dans une actualité européenne peu
réjouissante, voilà au moins un projet européen enthousiasmant: un bon disque de jazz
enregistré par des Français en Belgique et produit par un Catalan. Le jazz a
toujours un coup d’avance!
Jérôme Partage
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Fred Hersch Trio
Live in Europe
We See, Snape Maltings, Scuttlers, Skipping, Bristol Fog
(For John Taylor), Newklypso (For Sonny Rollins), The Big Easy (For Tom Piazza),
Miyako, Black Nile, Blue Monk (Solo Encore)
Fred Hersch (p), John Hébert (b), Eric McPherson (dm)
Enregistré le 24 novembre 2017, Bruxelles (Belgique)
Durée: 1h 03' 51''
Palmetto Records 2192 (www.palmetto-records.com)
Enregistré au Studio du Flagey –le centre culturel (historique)
dédié à la musique à Bruxelles–, lors de la tournée d’automne 2017 du trio de
Fred Hersch, ces prises ont convenu tout spécialement au pianiste, tant sur le
plan du contenu que de la qualité de l’enregistrement; et on le comprend, c’est
un bon disque. On retrouve en effet les ingrédients du Fred Hersch
d’aujourd’hui, un belle technique pianistique mêlant technique classique et
accents jazz, mêlant un répertoire d’originaux et de compositions jazz
(Thelonious Monk, Wayne Shorter, de beaux «Miyako», «Black Nile»), et une
manière qui alterne jazz, musique classique et contemporaine, avec des partis
pris, parfois surprenants («We See» sautillant), mais toujours une perfection
formelle, une qualité technique et d’expression, de belles idées et une belle
atmosphère, soutenu par un excellent Eric McPherson, d’une musicalité
appréciable et qui tisse une véritable toile aux cymbales, et un John Hébert au
diapason.
Cet album est bourré de renvois à Thelonious Monk
(intéressant «Blue Monk», contemporain et jazz), Sonny Rollins, John Taylor,
Tom Piazza, à la Nouvelle-Orléans, à Bristol… enfin à ce qui inspire un Fred
Hersch en pleine maturité, sûr de son art et heureux de la période qu’il vit,
sur le plan de la création et pas seulement. Ça se sent, il est parfois
explosif («Black Nile»)! Fred Hersch matérialise ainsi, grâce au Flagey, le
résultat d’une de ses tournées les plus réussies en Europe. Sa démarche reste
toujours aussi originale, entre plusieurs mondes musicaux dont il réussit une
belle synthèse personnelle, sans complaisance et sans faiblesse.
Yves Sportis
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Laurent Mignard Duke Orchestra
Jazzy Poppins
Quelle vie parfaite, La Nounou idéale, Un P’tit morceau de
sucre, Jolie promenade, Supercalifragilisticexpialidocious, Ne fermez pas les
yeux, C’est bon de rire, Nourrir les p’tits oiseaux, Chem cheminée, Beau cerf
volant, Gardez l’rythme
Laurent Mignard (dir), Sophie Desbois (voc), reste du
personnel détaillé dans le livret
Enregistré le 7 janvier 2018, Paris
Durée: 37' 40''
Juste une Trace AMOC406470282757 (Socadisc)
Les disques et spectacles de jazz
destinés aux enfants ne manquent pas, mais peu sont ceux qui susceptibles
d’intéresser aussi l’amateur averti. Plus étonnant –c’est une plate
constatation–, peu sont ceux qui relèvent véritablement du jazz… Passeur passionné
du répertoire, Laurent Mignard dépasse sans peine ces deux écueils avec ce
spectacle inédit, Jazzy Poppins, qui propose
une adaptation des chansons du film produit par les studios Disney en 1964, Marry Poppins, lui-même adapté du roman
de Pamela L. Travers. Comme souvent chez Disney, la musique se prête aisément à
un traitement jazz (quand elle n’en est pas tout simplement). En l’occurrence Jazzy Poppins met en scène la version
que donna Duke Ellington himself des
chansons des frères Richard M. et Robert B. Sherman, dès après la sortie du
film (Duke Ellington Plays Mary Poppins,
Reprise, 1964). A travers Mary Poppins, c’est donc bien à une nouvelle
évocation du maître que s’adonne le Duke Orchestra…
Le spectacle,
d’abord joué à Paris, au Pan Piper, en janvier 2018 (où il a été enregistré), permet
d’apprécier, une nouvelle fois, le savant travail d’adaptation et de
transcription de Laurent Mignard et les
qualités d’interprétation de son big band, lequel compte pas mal de solistes de
premier plan: Philippe Milanta (p), Julie Saury (dm), Philippe Chagne (ts),
Jérôme Etcheberry (tp), Jerry Edwards (tb), pour n’en citer que quelques-uns…
La narratrice, Sophie Kaufmann, comédienne et chanteuse, n’est certes pas une
jazzwoman mais elle livre une interprétation dans l’esprit «comédie musicale»
(et c’est bien de cela dont il s’agit ici) avec laquelle l’orchestre s’accommode
fort bien.
Une agréable récréation jazz à écouter en famille.
Jérôme Partage
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Anat Cohen / Fred Hersch
Live in Healdsburg
A Lark, Child's Song, The Purple Piece, Isfahan, Lee's
Dream, The Peacocks, Jitterbug Waltz, Mood Indigo (encore)
Anat Cohen (cl), Fred Hersch (p)
Enregistré le 11 janvier 2016, Healdsburg (Californie)
Durée: 1h 01' 27''
Anzic Records 0061 (www.anzicrecords.com)
Deux instrumentistes hors pairs se rencontrent en juin 2016
au Raven Performing Arts Theater d’Healdburg, en Californie, pour un moment qui
tient plus de la musique classique que du jazz, malgré un répertoire qui fait
parfois appel à des compositeurs du jazz (Billy Strayhorn, Duke Ellington, Jimmy
Rowles, Fats Waller). Il n’y a rien là pour surprendre les connaisseurs de Fred
Hersch qui définit son univers dans le jazz et au-delà, ni ceux d’Anat Cohen,
qui expérimente dans tous les univers sans véritable enracinement. Ils sont en
cela fidèles à ce qu’il et elle sont, des artistes savants, amateurs de toutes
les musiques, classique, jazz et autres, populaires et savantes. On ne va pas chercher chez eux la puissance, la conviction
et la profondeur d’une expression populaire enracinée, mais plutôt la recherche
esthétique, de la forme, de la beauté, l’originalité, la richesse harmonique,
la maîtrise technique. C’est en cela qu’une et l’autre, même s’ils se
définissent parfois comme musicien de jazz (Fred Hersch, par l’esprit, le jazz
comme un symbole de liberté) ou musicien populaire (Anat Cohen, par
l’inspiration, le Brésil en particulier), appartiennent à ce que la musique
occidentale savante, de répertoire ou de création, a de plus intéressant et
curieux, hors du champ trop restreint de la musique académique (classique ou
contemporaine). Le toucher exceptionnel de piano, la sonorité sans altération
de la clarinette, la perfection formelle, tout est un plaisir pour les amateurs
de musique, et de musique classique et contemporaine aussi. La qualité d’écoute
réciproque des deux musiciens est rare, on pourrait croire qu’ils ont joué de
longues années ensemble, en particulier sur les originaux de Fred Hersch et
Anat Cohen, les meilleurs moments de cet enregistrement.
Il reste à évoquer le traitement réservé aux thèmes jazz:
«Isfahan» est joué à la lettre sans effet par Anat Cohen et Fred Hersch apporte
la touche de jazz, par ses accents qui raccrochent le thème à son histoire. Car
Fred Hersch possède aussi la maîtrise rythmique des accents du jazz, et avec
beaucoup d’intelligence esthétique, il redonne à ce thème sa couleur d’origine,
et rend cette interprétation intéressante. Anat Cohen s’y essaie en fin de
thème avec moins de réussite, la belle sonorité et toutes les qualités ne
peuvent masquer le manque d’expressivité. «The Peacocks» a droit à un traitement classique au sens
académique, par un pianiste exceptionnel, la clarinettiste exposant pour sa
part la belle mélodie, puis Fred Hersch raccroche à nouveau le jazz sur le plan
rythmique, avant une fin classique et quelques longueurs. Le traitement
sautillant de «Jitterbug Waltz» n’apporte pas grand-chose au thème original de
Fats qui a connu tant de belles versions (encore récemment). Enfin «Mood Indigo» pâtit du manque d’expressivité de la
clarinettiste, même si Fred Hersch fait ce qu’il faut pour rendre à ce thème
splendide un peu de sa profondeur. C’est la limite du traitement «classique» d’un répertoire
jazz ancré dans le blues et l’expressivité. Sur un concert entier, il y a des
fautes de goût, de la superficialité et des longueurs, malgré la qualité
technique des intervenants.
Si on parlait du répertoire de la musique classique, on
dirait «des erreurs d’interprétation impardonnables», mais le jazz est moins
sévère: on dira «des recherches qui sont restées vaines».
Yves Sportis
© Jazz Hot n°684, été 2018
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The Amazing Keystone Big Band
Django ExtendedDjangology,
Troublant Boléro, Nuages, Rythme Futur, Manoir de mes rêves, Tears, Anouman,
Flêche d’or, Minor
Swing
Fred
Nardin (p, dir, arr), Patrick Maradan (b), Romain Sarron (dm), Thibaut François
(g), Vincent Labarre, Thierry Seneau, Felicien Bouchot (tp), David Enhco (tp,
dir, arr), Bastien Ballaz (tb, dir, arr), Loïc Bachevillier, Alain Benoit (tb),
Sylvain Thomas (tb, tub), Ghyslain Regard (fl, bs), Kenny Jeanney (as,ss),
Pierre Desassis (as, cl), Jon Bouteiller (ts, cl, b, dir, arr), Eric Prost (ts)
+ Didier Lockwood (vln), Stochelo Rosenberg, Thomas Dutronc (g), Marian Badoï (acc)
Enregistré
du 4 au 7 Février 2017, Paris
Durée:
57'
Nome
010 (L’Autre Distribution)
La tâche n’était pas facile, mais The Amazing
Keystone Big Band a déjà affronté Pierre
et le Loup ou encore le Carnaval Jazz
des Animaux pour se préparer à revisiter l’univers de Django Reinhardt.
Après un démarrage sans faute sur «Djangology» où le big band souligne la
technique et les harmonisations de Stochelo
Rosenberg qui s’exprime dans un long solo, on saute dans une introduction très
musique classique pour un thème plus rare «Troublant Boléro». Ce morceau nous délivre un beau duel amical
entre Didier Lockwood (très Grappellien) et toujours Stochelo, les deux
tricotant à merveille dans les pas d’un boléro endiablé. Toujours dans les pas
de son aîné, Didier Lockwood étale son talent dans «Nuages», swinguant
sur des cuivres parfaitement arrangés qui lorgnent par moment vers des formes
plus libres pour retrouver la tradition manouche. Pour «Rythme Futur», les
trompettes suivies de la section entière des cuivres annoncent que la suite
sera tonitruante mais, surprise, c’est une flânerie qui introduit un solo de
saxophone errant dans les limbes des percussions, bientôt rejoint par la
puissance sonore de tout l’orchestre accélérant dans un tempo d’enfer. Fred
Nardin introduit finement au piano «Manoir de mes rêves» interprétée dans une orchestration
très ellingtonienne où brillent les clarinettes qui laissent le pas à un long
solo inspiré de Stochelo Rosenberg dans la tradition du Maître. Pour
«Tears», le piano à bretelles rappelle que le musette a souvent côtoyé
l’art des Manouches et que sa place dans l’écrin de cet orchestre est totalement
justifié. C’est le moment où Thomas Dutronc a décidé de rejoindre la fête pour
un bref solo. Les titres «Anouman» et «Flêche d’Or» mettent plus
particulièrement en valeur les solistes de l’orchestre (trombones, piano) et,
dans le final («Minor Swing»), tous les invités viennent participer à la noce
célébrée avec vigueur par un orchestre de jeunes loups.
Michel Antonelli
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Steve Hobbs
Tribute to BobbyThe Craving Phenomenon, Into the Storm,
Besame Mucho, New Creation, Tres Vias, Millie, Thelonious Funk, The Road to
Happy Destiny, Blowing in the Wind, El Sueno de Horace Silver, In From the
Storm, Let’s Go to Abaco!, Where or When
Steve Hobbs (vib, marimba), Bill O’Connell
(p), Adam Kolker (as, ts), Peter Washington (b) John Riley (dm), Carol Ingbretsen,
Maurice Myers, Marvin Thorme (voc)
Enregistré les 12 et 13 juillet 2016,
New-York et le26 juillet 2016, Durham (Royaume-Uni)
Durée: 1h 14' 50''
Challenge Records 73433 (www.challengerecords.com)
Pour cet hommage à son ami Bobby Hutcherson,
Steve Hobbs, l’un des rares vibraphonistes actuels de jazz, a choisi un
répertoire original, presque entièrement signé de sa main, excepté deux
standards, «Besame Mucho» et «Where or When» (ce dernier de Rodgers & Hart) et
un titre de Bob Dylan, «Blowing in the Wind», très peu repris en version jazz. Au
noyau initial de son quartet habituel, Steve Hobbs a accolé le saxophoniste
Adam Kolker et un trio vocal issu du groupe Triangle. Alternant entre marimba
et vibraphone, les titres s’enchaînent sur tempo rapide («The Craving
Phenomenon», «Into the Storm») pour débouler
sur une superbe version bien secouée de «Besame Mucho» au marimba, sans cesse
inventive et surprenante. Adam Kolker apporte son souffle et sa puissance sur
«New Creation», une composition inspirée par Cedar Walton –membre du sextet de 1982
de Bobby Hutcherson–, qui laisse le champ libre à deux solos intensifs et vibrant
du bassiste puis du pianiste. Avec «Tres Vias», le titre favori du leader dans
cet album, les sonorités rejoignent le latin jazz et les échanges se
multiplient; Adam Kolker livre un solo marqué par son partenariat avec Ray
Barretto et en fait revivre l’âme latine. Suit une douce ballade dédiée à Millie
Hobbs (parente?) où Bill O’Connell complète avec délicatesse
cette tendre évocation. Tout au long de l’album, Steve Hobbs laisse paraître
ses différentes influences, qu’il puise aussi chez des rockers tels Frank
Zappa pour «Thelonious Funk», chez Allman Brothers Band ou encore Joe Cocker.
Pour illustrer ses propos, «The Road to Happy Destiny» est introduit par le
trio vocal, suivi de solos du leader et d’un scat de Marvin Thorme. La suite
est du même niveau, ambiance folk, calypso où le chant reste discret, un long album
aux ambiances variées servies pas des musiciens talentueux et, même si l’avant-garde
n’est pas de mise, l’ensemble est très agréable à découvrir.
Michel Antonelli
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Ira B. Liss Big Band Jazz Machine
Tasty TunesYou Don't Know What
Love Is, Early Autumn, I Didn't Know What Time It Was, When the Lady Dances,
Oleo, Nature Boy, Manhattan Burn, Over the Rainbow, Mountain Dance, Ya Turn Me
on Baby, Recon
Ira
B. Liss (dir) et le Big Band Jazz Machine (personnel détaillé dans le livret) +Dean Brown (g), Holly Hofmann (fl), Eric Marienthal
(as), Bob
Mintzer (ts)
Enregistré
en 2017, Californie
Durée:
1h 06' 17''
Tall
Man Productions 005 (www.bigbandjazzmachine.com)
Ira B.
Liss se dédie à faire vivre le jazz en big band. Ce disque est son cinquième.
Il est basé à San Diego où il a formé sa Jazz Machine en 1979, dans un esprit très swing era. Les
arrangements sont simple: des blocks sonores des sections cuivres et
anches, dans le but de faire swinguer l’ensemble et de ponctuer les solos, avec
une rythmique solide. Ça joue, ça sonne, sans trop se poser de problèmes, avec
un petit côté Claude Bolling Big Band.
Pour
ce Tasty Tunes de nombreux invités:
Ladies first, la vocaliste Janet Hammer est sur trois titres; elle
possède une voix agréable, elle chante les mots sans fioritures. Sur l’émouvant
«Nature Boy» qui vient un peu calmer le jeu en milieu de disque,
elle dispense une belle émotion dans la première partie sur tempo lent, et
tient bien sa place dans la deuxième partie sur tempo rapide; à noter, un
parfait solo de flûte alto de Holly Hoffmann avec l’explosion finale du big band.
D’autres invités: Eric Marienthal à l’alto qui fait un beau point
d’orgue, seul, sur «Early Autumn», et Bob Mintzer au ténor, très en
verve sur «When the Lady Dances»; tous deux s’éclatent dans
cet environnement; et encore Dean Brown, très rock à la guitare.A noter une chose rare: pour chaque morceau sont
nommés sur le livret les noms des compositeurs, des arrangeurs et des solistes.
De plus l’enregistrement est excellent.
Serge Baudot
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Sangoma Everett Trio
DebiWaof, Saint Igny,The Born Frees, Moon
Alley, Too Early, Frida, Out of the Past, Remembering Ma Byrd, WBTB, Lani,
Debi, Brooklyn
Sangoma Everett (dm), Bastien Brison
(p), Christophe Lincontang (b), et Sabrina Romero (cajon, perc)
Enregistré du 16 au 18 Décembre 2013,
Pernes-les-Fontaines (84)
Naïve NJ625711 (Naïve)
Voici bien des années que Sangoma Everett a choisi la France
comme lieu de résidence et qu’il se produit en leader et très souvent en
sideman. Ses deux précédents albums remontent à 1997 et 1998, le premier, The Courage to Listen to Your Heart, en quartet avec Chico Freeman, Mal
Waldrom et Cecil McBee, le second, Fresh
Air,en trio avec Kirk Lightsey et Ricardo Del Fra, des compagnons
réguliers de sa carrière.
Cet album enregistré
dans le studio de référence de la Buissonne date déjà de 2013, et il nous propose
un trio parfaitement rodé. Le répertoire a été essentiellement composé par le
pianiste Bastien Brison qui peut apparaître en alter ego du leader. Belles ballades, évocation de l’Afrique,
complicité et écoute de chacun, la formule fonctionne bien et fait mouche à
chaque titre. Loin de tirer la couverture à soi, Sangoma Everett en
percussionniste avisé préfère enluminer chaque composition pour la mettre en
valeur et laisser notre imagination accompagner ce voyage vers d’autres
horizons. A retenir en particulier les thèmes envoutants «Saint Igny» signé de
Bastien Brison et «Out of the Past» de Benny Golson dont il fut le sideman. Sur
le dernier titre «Brooklyn», comme une escapade au pays natal, il se veut
un peu plus démonstratif et nous offre un dialogue bien rythmé en symbiose avec
son pianiste.
Michel Antonelli
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Ryan Keberle / Frank Woeste
Reverso. Suite RavelOstinato (Prelude), Luminism,
Impromptu 1, All Ears (Fugue), Alangui (Forlane), Dialogue, Mother / Nature
(Rigaudon), Impromptu II, Sortilège (Menuet),Ancient Theory (Toccata), Clair Obscur
Ryan Keberle (tb), Frank Woeste
(p), Vincent Courtois (cello), Jeff Ballard (dm)
Enregistré à Antony (92), date
non précisée
Durée: 54'
Phonoart 001 (Socadisc)
Cette citation du livret est
savoureuse: «Vous, les
Américains, prenez le jazz trop à la légère. Vous semblez y voir une musque de
peu de valeur, vulgaire, éphémère. Alors qu’à mes yeux, c’est lui qui donnera
naissance à la musique nationale des Etats-Unis. Maurice Ravel, avril 1928».Des paroles prophétiques (en écho avec la philosophie ayant présidée à la
fondation de Jazz Hot moins de dix
ans après), même si le jazz est aujourd’hui de moins en moins considéré comme
un objet de culture, mais davantage comme un produit prétexte à tous les
mélanges. Voici donc une suite Ravel concoctée par le pianiste Frank Woeste;
bonne idée puisque Ravel non seulement prenait le jazz au sérieux, mais sa
musique en a été influencée.
On se trouve ainsi devant une
œuvre particulière qui est basée sur l’échange violoncelle/trombone; les deux
voix se fondent et se répondent dans un grand lyrisme mélodique. On connaît les
qualités de Vincent Courtois, aussi bon pizzicato qu’à l’archet. Ryan Keberle joue quant à lui dans la grande tradition du
trombone jazz, avec un son cuivré, doux, sur une très grande tessiture, et avec un
beau feeling. On peut se faire une idée sur«All Ears
(fugue)», où tous s’expriment sur de lancinants ostinatos piano-batterie,
suivi d’un solo de piano très sombre et envoûtant. Ou avec un autre titre très ravélien,
«Dialogue», qui porte bien son nom, avec le piano derrière le
violoncelle sur des ponctuations de la batterie. Les morceaux reposent sur des
formules musicales, détournées bien sûr: impromptu, fugue, forlane,
rigaudon, menuet, toccata; c’est plutôt une bonne idée. «Sortilège
(menuet)» donne un bel aperçu du travail du groupe: un festival
avec un violoncelliste qui s’envole sur de riffs brisés de la batterie. Dans ce disque règne une atmosphère
impressionniste, étrange, lancinante, sombre et envoûtante, qui dure jusqu’à la
dernière note, et donne du poids à cet hommage à Ravel entre musique classique et jazz.
Serge Baudot
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Enrico Pieranunzi
Monsieur Claude [A Travel With Claude Debussy]
Bluemantique*, Passepied Nouveau, L’autre Ballade*,
Romance°, Rêverie°, Cheveux*, Blues For Claude, Nuit D’étoiles°, Mr.
Golliwogg*, My Travel With Claude, L’Adieu°
Enrico Pieranunzi (p), Diego Imbert (b), Andre Ceccarelli
(dm), David El Malek* (ts), Simona Severini° (voc)
Enregistré les 14-15 janvier 2018, Meudon (78)
Durée: 1h 01' 10''
Bonsaï Music 180301 (Sony Music)
Il y a
100 ans disparaissait Claude Debussy, et cela explique
la multiplication des hommages au compositeur classique, dans le jazz en
particulier car il a inspiré bien au-delà de la seule musique classique.
Hervé
Sellin et Philippe Milanta, entre autres, ont aussi apporté leur bonne
contribution à cet hommage (cf. notre rubrique disques). Enrico
Pieranunzi, un
autre excellent pianiste de la scène européenne, a choisi le contraste,
alternant une relecture distanciée, un hommage décalé voire monkien
(excellent «Blues
for Claude») aux accents jazz avec de brefs retours à Debussy, l’esprit
et
parfois la lettre («Passepied Nouveau», «Mr. Golliwogg»). En trio ou
solo, il y
a de bons moments, la matière est belle et Enrico Pieranunzi est un
excellent
instrumentiste, classique aussi par son toucher. André Ceccarelli s’en
sort
avec les honneurs par une délicatesse qui convient parfaitement à
l’univers. Les
interventions de David El Malek sont réussies contrairement à celles de
Simona
Severini sans intérêt en regard de la matière, du texte comme de la
voix;
peut-être aussi le choix des arrangements; peut-être une touche d’humour
à l'instar du titre, mais pas forcément du meilleur goût. Enrico
Pieranunzi y fait penser
dans sa lettre à Achille-Claude (le livret), pleine de respect et
d’humour pour
l’œuvre du Maître Debussy.
Un disque inégal donc où nous préférons le court «My Travel
With Claude» en solo et «Blues for Claude».
Yves Sportis
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Frank Carlberg / Noah Preminger
Whispers and Cries
Someone to Watch Over Me, Take the ‘A’ Train, Embraceable You, Reflections,
The Meaning of the Blues, These Foolish Things, Try a Little Tenderness, Aura
Lee, Tea for Two, I’ve Grown Accustomed to Her Face
Noah Preminger (ts), Frank Carlberg (p)
Enregistré les 5 et 6 juillet
2017, Boston (Massachusetts)
Durée: 1h 07' 37''
Red Piano Records 14599-4431-2 (www.redpianorecords.com)
Sur cet enregistrement en duo (réalisé dans le cadre prestigieux du
Jordan Hall à Boston) est célébrée une façon toute littéraire de considérer le
jazz, placée sous les auspices des plus grandes figures de la musique.
Originaire du Connecticut, Noah Preminger a enregistré son premier disque à
l’âge précoce de 21 ans, et a depuis joué avec de grands noms de la scène jazz,
comme Dave Holland ou Fred Hersch. Frank Carlberg a travaillé avec Steve Lacy,
et conçu des arrangements pour big bands, s’intéressant notamment à la poésie
contemporaine américaine. Ensemble, ils revisitent un panel de classiques
inoxydables. On sait l’exercice périlleux –tant la restitution de standards en
duo paraît condamnée à une certaine aridité–, mais la sincérité des musiciens,
leur talent individuel, et le fait d’avoir exploré cette musique en tous sens
durant de nombreuses années, permet de proposer des teintes inédites et
originales. «Someone to Watch Over Me» annonce la couleur, très Great American Songbook, et cette
ballade augure de l’intimisme revendiqué de toute la prestation. «Take
The ‘A’ Train», de Billy Strayhorn, met en standby son caractère
entraînant
pour révéler les trésors recelés par ses lignes mélodiques. «Embraceable
You» poursuit dans cette veine, avec un accent particulier mis sur sa
structure
et sa logique interne. «Reflections» retrouve le classicisme des
enregistrements Prestige, diluant quelque peu l’étrangeté de sa
signature rythmique.
«The Meaning of the Blues» voit sa pulsation singulière remaniée
pour devenir un blues authentique, tandis que les chorus de Noah
Preminger
reproduisent les lignes vocales de «These Fooling Things». Après un
«Try a Little Tenderness» et le traditionnel «Aura
Lee», peut-être moins originaux et intéressants, il faut attendre «Tea
for Two», qui touche au registre du music-hall, et «I’ve Grown
Accustomed to Her Face», tiré de My
Fair Lady, pour conclure ces sessions dans une ambiance très music-hall.
Un très beau disque.
Jean-Pierre Alenda
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Yves Marcotte
Always Know MonkCriss Cross/Misterioso, San Francisco Holiday/Let's Cool
One, Shuffle Boil/Rhythm-a-ning/Thelonious, Introspection/Light Blue, Oska T,
Children's Song/Gallop's Gallop, Pannonica
Yves Marcotte (b, arr), Shems Bandali (tp, flh), Zacharie
Canut (as, ts), Nathan Vandenbulcke (dm, perc)
Enregistré le 22 décembre 2016, Lausanne (Suisse)
Durée: 36' 34''
Autoproduction AKM 001/1 (www.yvesmarcotte.com)
On connaît l’infini des propositions qu’offre la centaine de
compositions de Thelonious Monk, et voici une contribution de plus,
originale,
à la célébration d’un des compositeurs les plus curieux de l’histoire du
jazz.
Ici, le parti pris est double: respecter l’œuvre tout en s’accaparant
totalement,
par des arrangements plus actuels, voire parfois teintés, volontairement
ou
pas, d’autres couleurs et époques du jazz, d’humour ou ludique («San
Francisco
Holiday/Let's Cool One», «Oska T») ou d’autres références, c’est
certain. On
peut y trouver des atmosphères qui ne furent développées que plus tard,
dans la
période free jazz, aidé en cela par des petites citations de motifs
rappelant
aussi bien John Coltrane, qu’Art Blakey ou Ornette Coleman («Children's
Song/Gallop's Gallop»), Max Roach/Booker Little («Pannonica»), d’autres
encore… Le plus remarquable est que ces compositions du pianiste de
légende s’accommodent parfaitement de ce traitement, moins complexe et
subtil
sur le plan harmonique que l’original, mais qui utilise les ressources
de cet
orchestre, à commencer par l’énergie de
ce groupe, une belle écriture, une composition originale d’orchestre (deux
cuivres, basse, batterie, sans piano), une bonne culture d’oreille de l’univers
du jazz. Tout est bien arrangé à la mesure de l’orchestre, et si le disque est
court (un bon 33 tours), tout est dense
et intense, ce qui est indispensable à ce répertoire. Chacun des musiciens apporte swing et invention, est dans
l’esprit, l’excellent leader bassiste, Yves Marcotte, comme ses jeunes
compagnons, et on ne sent aucune lourdeur scolaire à cette réinterprétation, ce
qui est en soi une performance eu égard à l’âge moyen de l’orchestre et au
compositeur abordé. Le batteur Nathan Vandenbulcke, fait preuve d’une belle
musicalité monkienne, de la légèreté ou
du drive indispensables. Shems Bedali (tp, flh) apporte par ses couleurs ce
qu’il faut d’intensité et de profondeur, et Zacharie Canut (ts, as) prolonge
cette exploitation des racines, entre plusieurs époque, sans aucune imitation.
C’est une belle réussite, une sorte de synthèse inattendue entre
deux mondes, celui de Monk, si personnel, et du jazz des années soixante à nos
jours, autour du post bop et free jazz de culture (l’américain). L’oreille des
musiciens fait parfois des miracles. Pour ceux qui aiment la recherche, un
petit jeu de pistes de ce qui s’est passé dans cette période si riche autour
d’un des plus grands compositeurs du jazz. Bravo à l’équipe et à l’arrangeur!
Yves Sportis
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Guilhem Flouzat Trio
A Thing Called Joe
There’s no You, Oska T,
Perdido, When I Fall in Love, Walking My Baby Back Home, Midnight Mood, Mrs
Parker of KC, Happiness Is a Thing Called Joe
Sullivan Fortner (p), Desmond
White (b), Guilhem Flouzat (dm)
Enregistré le 9 octobre 2016, New York
Durée: 39' 54''
Sunnyside 1492 (www.sunnysiderecords.com)
Guilhem Flouzat est un batteur éclectique,
capable de rendre hommage aux classiques comme de défricher des territoires
inédits au travers de compositions originales. Sur une idée de Laurent Coq, il
joue en trio un répertoire de standards qui s’apparente à un véritable voyage
mélodique. L’entreprise de relecture toute en suggestion d’un patrimoine où
s’illustrèrent de nombreux chanteurs et chanteuses, et qu’un long séjour du
musicien à New York a sans nul doute nourrie et inspirée, débute sur le mode
crooner avec «There’s No You». Le classicisme de la formation prend
explicitement racine chez les grands trios de l’histoire du jazz, et on se sent
ici à proximité immédiate de Red Garland et de Cedar Walton, eu égard au jeu
très rythmique du pianiste Sullivan Fortner, membre du quintet de Roy Hargrove.
L’enchaînement avec «Oska T» reflète la façon dont Thelonious Monk
étend aujourd’hui son influence sur la
quasi-totalité des courants du jazz, avec un arrangement original et singulier.
«Perdido», en ce contexte, fait autant référence à Ella Fitzgerald et Sarah
Vaughan qu’à Duke Ellington, tout de syncopes et de silences choisis. «When
I Fall in Love» incarne le versant romantique et épique d’une telle
session, avec un aspect minimaliste dans l’interprétation qui laisse libre
cours à l’imagination. «Walking My Baby Back Home» touche à la
comédie musicale en mettant le talent du leader en valeur, et «Midnight
Mood» est une tentative d’approche de la poésie de Bill Evans, d’une
beauté inouïe sur une composition mémorable de Joe Zawinul. Eric Dolphy est à
l’honneur avec «Mrs Parker of KC», pour un festival de tempos et de
couleurs, et le récit en musique prend fin avec «Happiness Is a Thing Called Joe»,
écrit pour le célébrissime film musical Cabin in the Sky de Vincente
Minnelli, sorte de conclusion heureuse à un tableau languide et tourmenté.
Jean-Pierre Alenda
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Steve Davis
Think AheadWarrior, Abena's Gaze, A Little Understanding, Atmosphere,
Mountaintop, Polka Dots and Moonbeams, Love Walked In, Think Ahead, Little B's
Poem, Evening Shades of Blue, Farewell Brother
Steve Davis (tb), Steve Wilson (as, ss, fl), Jimmy Greene
(ts), Larry Willis (p), Peter Washington (b), Lewis Nash (dm)
Enregistré le 16 janvier 2017, New York
Durée: 1h 15' 28''
Smoke Sessions Records 1704 (www.smokesessionsrecords.com)
Qu’est-ce qui rend ces disques toujours aussi passionnants?
L’esthétique hard bop dans la droite ligne des formations d’Art Blakey n’est
pas nouvelle, mais elle a continué de mûrir avec le temps, de s’enrichir de
nombre de musiciens de talent, comme ici, et comme le grand vin, elle se
bonifie avec le temps, élargissant son spectre créatif de ces nouveaux apports,
de l’imagination de nouveaux musiciens, sans perdre aucun des repères
essentiels : drive, tonalité des arrangements, blues, authenticité de
l’expression. Cette formation réunit des musiciens qui ont reçu le message en
droite ligne des Maîtres de cette période, avant de le transmettre aux
générations nouvelles. Ce véritable all stars possède toutes les clés de cet
héritage, et année après année, on perçoit davantage l’importance d’Art Blakey
et de son monde dans la survivance de cet âge du jazz, du jazz dans son
ensemble. Larry Willis, Peter Washington et Lewis Nash, une section rythmique
hors norme, constituent le fondement de ce splendide sextet, sur lequel
s’appuient Steve Davis, le leader du jour (son 17e enregistrement),
un habitué de la formation de Chick Corea, Origin, comme Steve Wilson, autre protagoniste de la séance. Les
deux saxophonistes, Steve Wilson et Jimmy Greene, déroulent une belle musique,
même si Steve Davis se taille la part du lion dans les exposés et les chorus,
une musique toujours aussi straight aheadpour détourner quelque peu le titre qui fait référence à la nécessité de
continuer quelles que soient les circonstances: car en janvier 2017, un
président nouveau venait assombrir l’horizon, et Steve Davis perdait son frère,
un travailleur social, auquel il rend un hommage dans ce disque (le beau
«Farewell, Brother»).
Le répertoire est bien équilibré avec sept originaux de
Steve Davis, deux standards et deux compositions de Tony Williams et Bobby
Hutcherson. L’unité de ton est établie par la nature des arrangements, tous
très beaux. Steve Davis apporte lui-même de très belles compositions, sans âge,
juste une belle matière que chacun développe et que tous contribuent
collectivement à faire vivre, car il faut penser à l’avenir…
Yves Sportis
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Jean-Philippe Bordier Trio
Hipster's AlleyHipster’s Alley, Havana Twist, Riding on a Cloud, Dr Oligo,
Heaven’s Bell, Mars’ Waltz, Quicky Boy, Pick Me Up, Colors of Jupiter, Blazing
Sun, Seventies Road, Korsika
Jean-Philippe Bordier (g), Guillaume Naud (org), Pascal
Bivalski (vib), Andreas Neubauer (dm)
Enregistré les 25 et 26 août 2016, lieu non précisé
Durée: 55' 03''
Black & Blue 859.2 (Socadisc)
Le guitariste Jean Philippe Bordier n’est pas un inconnu. Nous
avions chroniqué ses premières productions et aujourd’hui nous continuons avec Hipster’s Alley, un petit bijou dans la
mouvance de ce que vient de réaliser Dave Stryker (Strykin’ Ahead). En effet, son combo guitare-orgue-batterie
augmenté d’un vibraphone donne une double couleur à ses compostions. De
«Havana Twist» à «Korsika», en passant par «Mars’
Waltz», le guitariste nous délecte de son phrasé. Pascal Bivalski l’accompagne
dans un jeu d’équilibriste sur «Havana Twist» tandis que Guillaume
Naud apporte une sonorité ouatée pour donner plus de charme à l’expression de
ce titre. «Quicky Boy» constitue un grand moment de ce disque avec
une expression très bleutée du guitariste et la vigueur du soutien de l’orgue
et du jeu sur les fûts d’Andreas Neubauer. Les influences de Bordier
transparaissent au gré de ses interventions, Jimmy Raney pour la finesse de son
jeu («Pick me Up»), Kenny Burrell et son côté blues marqué
(«Colors of Jupiter»), mais aussi Wes Montgomery («Hipster’s
Alley). La tension est plus souvent
langoureuse dans l’expression de l’Angevin.Il n’hésite pas à apporter dans son phrasé des éléments venus de la Côte Ouest des USA avec de jolis
déboulés guitaristiques («Seventies Road»). Au final, Jean-Philippe Bordier nous offre un
album très marqué par les maîtres de la guitare jazz. Il utilise un format qui a
fait ses preuves dans les années 60-70 et le remet au goût du jour avec bonheur.
Il termine par «Korsika», comme une invitation à partir sur l’île
pour s’imprégner des saveurs épicées de l’été.
Michel Maestracci
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Sam Braysher with Michael Kanan
Golden EarringsDancing in the Dark, Cardboard, Irving Berlin Waltz Medley:
What'll I Do/Always Remember, BSP, All too Soon, In Love in Vain, The Scene Is
Clean, Beautiful Moons Ago, Golden Earrings, Way Down Yonder in New Orleans
Sam Braysher (as), Michael Kanan (p)
Enregistré les 31 mars et 1er avril 2016, New
York
Durée: 49' 48''
Fresh Sound New Talent 1007 (Socadisc)
Enregistré à New York, ce répertoire tiré pour l’essentiel
de l’American Song Book (les standards) et du répertoire du jazz (Tadd Dameron,
Duke Ellington, Charlie Parker) par la grande connaissance qu’en a, selon le
livret, Michael Kanan, le pianiste, est l’occasion de découvrir une
conversation intime entre deux musiciens, un aîné, le pianiste, et le jeune
altiste, Sam Braysher, coleader de cet enregistrement et auteur du seul
original, la bonne composition «BSP».
Ce répertoire, comme ce pianiste qui a accompagné Jimmy
Scott, Jane Monheit, Peter Bernstein ou Kurt Rosenwinkel, raconte un pan de l’histoire
musicale des Etats-Unis, notamment le versant mélodique, telle qu’on la rêve,
vue d’Europe: de splendides mélodies, jouées ici avec beaucoup de feeling et de
proximité par rapport aux partitions, pour en tirer la substance qui fut à la
base des compositions, l’atmosphère… Le saxophoniste, qui possède un bon son, se coule
parfaitement dans l’univers tressé par le pianiste, enregistré «à l’ancienne»
pour respecter le climat d’ensemble, et le résultat propose 50 minutes d’une
belle musique populaire, fortement marquée par le jazz, la reconstitution de
cette belle synthèse américaine entre jazz et musique populaire qui a valu tant
de splendides enregistrements, parfois dans le jazz, parfois dans la musique de
variété… et parfois entre les deux, comme ici, car le blues et le swing sont
parfois absents, sans aucune faiblesse car les musiciens sont sincères.
L’essence de cette musique est mélodique avant toute chose.
Yves Sportis
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Dave Stryker
Strykin' AheadShadowboxing, Footprints, New You, Passion Flower, Strykin’
Ahead, Blues Down Deep, Joy Spring, Who Can I Turn To, Donna Lee
Dave Stryker (g), Steve Nelson (vib), Jared Gold (org),
McClenty Hunter (dm)
Date et lieu d’enregistrement non précisés
Durée: 59' 39''
Strikezone 8815(www.davestryker.com)
Pour son 30e album, le guitariste de Omaha
(Nebraska) a fait fort. Avec Strykin’
Ahead, l’ancien partenaire de Stanley Turrentine, Jack Mc Duff et Kevin
Mahogany, recrée les atmosphères qui ont prévalu pendant deux décennies,
souvent pour le label Blue Note, et pour cause: n’a-t-il pas écrit les
notes du livret de l’album Jazz Profile:
Grant Green, paru chez l’illustre label en 1997? Sur sa dernière
production, il a choisi une configuration à la fois groove et délicate. On retrouve
Steve Nelson au vibraphone, qui accompagna Grant Green pendant une année, et
Jared Gold, à l’orgue Hammond, se transforme un tant soit peu en Jack McDuff,
voire Larry Young. Enfin, c’est McClenty Hunter, déjà présent sur Messin
With Mr. T du
guitariste, qui officie sur les fûts. L’ambiance globale de cet album renvoie immanquablement
aux maîtres du passé qu’étaient Wes Montgomery, Kenny Burrell, Tal Farlow.
Strykin’ Ahead débute
avec «Shadowboxing», un thème écrit par Dave Stryker qui lance le
projet sur une voie semée de virtuosité. C’est tout d’abord le leader qui s’y
colle avec beaucoup de velouté dans son phrasé, tandis que les cymbales
scintillent en arrière plan avec le soutien des accords de l’orgue. Puis vient
le tour de Steve Nelson qui, sur les touches de son instrument, transmet de
bonnes vibrations. Le combo enchaîne avec une composition de Wayne Shorter
(«Footprints») beaucoup plus paisible, tout comme les morceaux qui
suivent. Le jeu du vibraphoniste y joue forcément pour beaucoup. Retour aux sources avec un
blues lent de toute beauté où l’on retrouve tous les ingrédients qui permettent
de magnifier cette expression («Blues Down Deep»). Les langoureuses
phrases de l’orgue donnent de la profondeur d’âme au propos, la sonorité de la
guitare se fait ouatée avec des petits déboulés magiques et les interventions
cristallines du vibraphone rafraîchissent le tout avec un solide soutien des fûts de McClenty Hunter. Après une relecture de Clifford Brown, c’est
avec «Donna Lee» que l’album se conclut comme il avait débuté. Avec
les flèches dispensées à grande vitesse par la guitare associées aux frappes
légères et dynamiques de Steve Nelson. Un album qui renvoie aux grands
moments de Blue Note.
Michel Maestracci
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Georgia Mancio / Alan Broadbent
Songbook
The Journey Home, The Last Goodbye, Someone's Sun, Cherry Tree, Small Wonder, One for Bud, Hide Me From the Moonlight, Forever, Close to
the Moon, Where the Soft Winds Blow, Just Like a Child, Lullaby for MM
Georgia Mancio (voc), Alan Broadbent (p), Oli Hayhurst
(b), Dave Ohm (dm)
Enregistré en 2015
et 2016, lieux non renseignés
Durée: 56' 50''
Roomspin Records 1923 (www.georgiamancio.com)
Né à Auckland, le pianiste Alan
Broadbent (Natalie Cole, Diana Krall et Charlie Haden…) est tout sauf un
débutant. Il s'associe ici à la jeune chanteuse britannique Georgia
Mancio, révélée au Ronnie Scott’s, remarquée par Bobby McFerrin et David
Lynx. L'osmose est totale. Alan a composé tous les thèmes et Georgia
écrit tous les textes. Sobrement mais efficacement accompagnée par la
contrebasse et la batterie, cette musique, pourtant originale, sonne à
la façon d'un brillant medley de standards du répertoire américain. Le pianiste néo-zélandais et la chanteuse anglaise enjambent allègrement les frontières...
Daniel Chauvet
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Tia Fuller
Diamond CutIn the Trenches, Save Your Love for Me, I Love You, Queen
Intuition, Joe'n Around, Crowns of Grey, The Coming, Soul Eyes, Delight, Fury
of Da'mond, Tears of Santa Barbara, Joe'n Around (Alternate Take)
Tia Fuller (as), Adam Rogers (g), Sam Yahel2-7,James
Genus (b)1-3,6,10,12, Dave Holland (b)4-5,7-9,11, Jack
DeJohnette (dm)4-5,7-9, Bill Stewart (dm) 1-3,6,10,12, Terri
Lyne Carrington (perc)7-8
Enregistré à Rhinebeck (New York), date non précisée
Durée: 1h 03' 45''
Mack Avenue 1127 (www.mackavenue.com)
Produit par Terri Lyne Carrington, qui participe ici à deux
thèmes, et qui l’a elle-même recrutée dans plusieurs de ses projets, voici ce
qui semble être le 5e enregistrement personnel de Tia Fuller. Bien
installée déjà dans sa vie de musicienne, elle enseigne au Berklee College, a
accompagné nombre de stars de la scène américaine, parfois commerciale, comme
Chaka Kahn, Dionne Warwick et Aretha Franklin parmi beaucoup d’autres comme
l’inévitable Esperanza Spalding, elle a déjà fait l’actualité ou la une des
revues spécialisées américaines. Dans le jazz, en dehors de sa productrice, elle a côtoyé
Dianne Reeves, Ralph Peterson, Rufus Reid, Nancy Wilson, Geri Allen, Wycliffe
Gordon ou le Jon Faddis Orchestra. Tout cela témoigne de l’intensité de son activité en
général, même si elle est moins bien connue en Europe dans le circuit des
tournées, et que son précédent album en leader date déjà de 2012.
Cet album propose une musique de Tia Fuller impactée par la
présence d’Adam Rogers, présent sur tous les thèmes, avec un all stars à
géométrie variable comprenant Jack DeJohnette, Dave Holland, James Genus, Sam
Yahel, Bill Stewart, que du beau monde. L’altiste est une bonne instrumentiste, avec un son,
la musique est parfaite, accomplie, dans sa réalisation, même si la tonalité
des compositions, la plupart de Tia Fuller, à l’exception de trois thèmes de
Cole Porter, Buddy Johnson et Mal Waldron, propose une musique dont le relief
n’est pas la qualité. Il y a d’agréables moments, mais tout semble une peu
froid, trop «proprement» arrangé, comme manquant de la profondeur du blues, de
vérité ou de conviction, et le jazz en a besoin, au-delà des qualités musicales.
Au demeurant, elle appartient à une des esthétiques du jazz dont font partie
beaucoup de musiciens de jazz et pas des moindres. Cela peut séduire des
amateurs plus sensibles à la musique bien faite qu’aux racines (quand il y a
les deux, c’est de l’art). Même le beau «Soul Eyes» de Mal Waldron passe à la
moulinette de ce ton éthéré, sans relief.
Yves Sportis
© Jazz Hot n°684, été 2018
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Yaël Angel
Bop Writer
So What, Teru
(Ophélia), Round Midnight, Good Bye Pork Pie Hat, In Walked Bud, Lonely Woman,
Falling Grace, Melodies of Monk, Rhythm-a-ning, Infant Eyes (Reflections)
Yaël Angel (voc),
Olivier Hutman (p), Yoni Zelnik (b), Tony Rabeson ou Jean-Marc Sajan (dm)
Enregistré en février 2017, Antibes (06)
Durée:
48' 08''
Pannonica (InOuïe Distribution)
Merveilleusement accompagnée par
Olivier Hutman, Yoni Zelnik et Tony Rabeson –à qui elle laisse souvent
les coudées franches– la chanteuse Yaël Angel signe ici son plus beau
disque. Très impliquée dans cette œuvre, elle a écrit plusieurs
arrangements, une grande partie des textes, composé les paroles et la
musique d'un hommage à Thelonious Monk qui s'inscrit parfaitement au
sein des compositions de Miles Davis, Wayne Shorter, Ornette Coleman,
Steve Swallow, Charlie Mingus et Thelonious Monk... dont elle a commencé
à apprécier la musique à New York toute jeune encore. Répertoire
audacieux, mais Yaël Angel, formée au chant lyrique au Conservatoire de
Nice, ne manque pas de culture et est douée d'une belle voix de mezzo
soprano juste, ample et solide qui lui permet ce tour de force. Elle
interprète ses textes et scatte d'une façon impérative qui force le
respect. La prise de son est remarquable.
Daniel Chauvet
© Jazz Hot n°684, été 2018 |
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