Bruxelles
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2 mai 2012
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Hôtel de Ville, Bozar, mai 2012
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A l’invitation de Lydia Reichenberg, une relation jazzeuse, j’étais convié le 2 mai à un double concert dans la Salle Gothique de l’Hôtel de Ville de Bruxelles. Titillé par la découverte d’un nouveau projet :
Solid Step Quintet et l’émergence des talents nouvellement nés des classes du Conservatoire Royal de Bruxelles, je me suis frayé un chemin à travers la Grand-Place et les clic-clacs des touristes asiatiques. Au pied du grand escalier menant à la salle des mariages, quelle ne fut pas ma surprise de me voir proposer un programme frappé du sigle de l’asbl « Les Amis Belges de l’Aliah des Jeunes », une association sioniste qui œuvre pour l’accueil des jeunes immigrants en difficulté d’intégration ou en état de précarité ! Marion Lemesre, Députée MR et Présidente de l’association, souligna dans le discours d’introduction : nous aimerions encore espérer que les lendemains de ce printemps arabe débouche sur un bel été. Nonobstant nos convictions pacifistes, nous attendions impatiemment la suite. Elle ne tarda pas trop avec l’entrée en scène du premier groupe. « Solid Step » est le titre du premier et excellent album enregistré par Joe Lovano, en 1986, en Belgique (Jazz Club - JC 6011) avec : Michel Herr (p), Bert Joris (tp, Hein Van de Geyn (b) et Dré Pallemaerts (dm). Pour recréer les six morceaux de l’album, Jérémy Dumont (p) s’était entouré de quelques professeurs : Stéphane Mercier (as), Sal La Rocca (b), Jean-Paul Estiévenart (tp) et Wim Eggermont (dm). La vérité m’impose de dire que, malgré quelques passages inspirés, la mise en place fluctuante dénotait une apparente impréparation. Après quelques vins de l’amitié, survint le Big Band des élèves du Conservatoire Royal de Bruxelles dirigé de main de maître (bien sûr) par Fabrice Alleman. Dix-neuf musiciens, sept nationalités – dont un Chinois et un Uruguayen - nous offrirent huit compositions de styles et de rythmes variés, allant de Dizzy Gillespie (« Groovin’ High ») à Michel Herr (« Distant Echoes ») pour conclure sur un très beau et très classique « Moanin’ » de Bobby Timmons. Nous avons spécialement remarqué le pianiste : Mickey Boccar, le contrebassiste : Félix Zurstrassen et un bel émule de Gerry Mulligan : Alexis Bertein (bs). Ceci promet. Tous auront été appelés, mais il y aura peu d’élus !Le 29 avril, le Baron Jean Baptiste Thielemans (hca), célébrait son nonantième anniversaire (NDLR : pour les Français : lire quatre-vingt-dixième). Le jubilé fut prétexte à de nombreuses réjouissances (réception royale à Laeken) et à une série de grands concerts en Flandre, en Wallonie et à Bruxelles avec quelques grandes pointures qui côtoyèrent le « ketje » national. J’étais au Palais des Beaux Arts le mercredi 9 mai parmi les deux mille privilégiés. Le concert avait été précédé de la projection d’un petit film avec quelques tranches de la vie de Toots : en Amérique, à Bruxelles, puis au Japon pour des séances d’enregistrement. Vinrent ensuite : les souhaits chaleureux de ses admirateurs-musiciens : Joe Lovano, Hein Van de Gein, Kenny Werner, etc. Pour ce concert « Toots’ 90 », l’harmoniciste avait préparé 90 minutes de purs délices avec son quartet hollandais d’abord : Karel Boehlee (p, kb), Hein Van de Gein (b), Hans van Oosterhout (dm) ; puis, avec deux de ses indispensables : Kenny Werner (p, kb) et Oscar Castro Neves (g). Au programme quelques-uns de ses plus beaux tubes : « I Do It For Your Love », « The Dolphins », «Smile », « How High The Moon », « My Way », « Tristesse/ Orpheu Negro », « Macadam Cowboy » et, bien sûr, en finale : « Bluesette » et « What A Wonderful World ». La plupart des thèmes furent joués en mode tendresse, avec, comme il aime le répéter : un sourire et une larme. On retrouva le jeu dansant, précis, puissant de Hein Van de Gein (b), la chaleur du Brésil avec Castro Neves (g) et l’extraordinaire communion de pensée entre Toots et Kenny Werner (call & answer/p, backings/kb). Au fil de sa très longue carrière Toots n’a jamais démérité. Après une terrible attaque cardiaque dans les années 80’, il a dû abandonner la guitare et son beau sifflet à l’unisson. Fort heureusement, il reste à jamais le grand maître de l’ordre des harmonicistes et, par-delà l’instrument : un prestigieux jazzman, créatif, jamais à court d’idées, à l’aise dans n’importe quelle aventure musicale. Ce soir-là, il n’a pas joué « Ne me quitte pas », mais, quand d’autres le joueront dans les prochaines années, ce n’est pas seulement à Jacques Brel ou à Nina Simone qu’ils penseront ! Don’t forget, Toots : « We Love You...Madly » !
Jean-Marie Hacquier
Photo Toots Thielemans avec Kenny Werner et Oscar Castro Neves © Jos Knaepen
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