Jazz Drums Legacy. Le langage de la batterie jazz
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1 oct. 2012
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par Guillaume Nouaux, 180p, 2012, 2Mc Editions
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Guillaume Nouaux (1976) est l’un des grands batteurs jazz d’aujourd’hui. Styliste (et même mélodiste) éclectique (Chuck Berry, Steve Lacy, Warren Vaché, Leroy Jones) et enseignant (conservatoire à Rayonnement Départemental des Landes), il est tout à fait qualifié pour nous initier au monde artistique qui est le sien. L’auteur a choisi 30 batteurs qui lui semblent représentatifs pour argumenter et illustrer son propos (et bien d’autres grâce aux citations). Le livre s’adresse aux batteurs déjà équipés d’une technique, et à notre sens aussi aux enseignants s’ils souhaitent avoir le niveau des élèves (professeurs de percussion, directeurs de stages, etc). Les jazzfans y trouveront aussi des informations utiles. Guillaume Nouaux conçoit bien, donc il exprime clairement. Ses deux pages d’introduction sont des conseils musicaux, avec imprimés en gras les mots clés : étude de la tradition, travail de la technique, le son, le swing, dynamiques et intensité, musicalité, etc. Un principe de Guillaume Nouaux s’applique à tous les instrumentistes : « Soyez attentif à la qualité de votre son. Au même titre que l’on peut identifier une personne au téléphone par le seul timbre de sa voix, les plus grands jazzmen sont non seulement reconnaissables par leur manière de construire leurs phrases musicales, mais aussi par leur sonorité souvent empreinte d’une forte personnalité ». Je dirais que ce principe va au-delà du jeu jazz (exemple : Maurice André pour la trompette classique). Guillaume Nouaux y revient p 35-36. Guillaume Nouaux reprend point par point ses mots clés qui constituent des chapitres qui aèrent les informations et transcriptions consacrées à des artistes, le plus souvent en groupe de trois (exemple : Baby Dodds, Zutty Singleton, Ray Bauduc). Pour chacun de ces batteurs, il y a un principe/remarque de l’intéressé, une discographie sélective et des appréciations de confrères. Par exemple pour Baby Dodds, nous avons les commentaires de George Wettling, Gene Krupa, Max Roach et Peter Erskine. La transcription choisie est « Tiger Rag » enregistré par Dodds avec Bunk Johnson (3 juillet 1944, AM CD 3) qu’il a déjà publié dans Jazz Classique no33 (2004, p10-16) avec des commentaires (p14) qui manquent ici (les deux transcriptions ne sont pas tout à fait superposables). Pas de surprise concernant Zutty Singleton, Guillaume Nouaux a choisi « Drum Face » (1951), chef d’œuvre enregistré par Vogue sous la supervision d’Hugues Panassié (séance Mezzrow). A noter que l’on trouve les notations au chapitre III, pour la compréhension des partitions pour les non batteurs. Deux citations sont valables pour tous les instrumentistes : « Si vous prétendez être batteur, vous devez être capable de jouer toutes sortes de musiques » (Buddy Rich, p21), « Il est impossible de jouer de la musique en se cantonnant à un seul style, ça équivaut à se limiter. On est musicien, point, pas musicien de jazz » (Greg Hutchinson, p22). Page 29, Guillaume Nouaux donne une liste de méthodes. A ce propos : « un batteur ne doit jamais être esclave de sa technique » (Shelly Manne, p30) et « commencez toujours par les bases, et vous ne serez jamais dans l’erreur » (Jo Jones, p31). Guillaume Nouaux donne des conseils sur les peaux, les cymbales, le jeu de grosse caisse, etc (p35-36). Deux pages (49-50) sont consacrées au swing (« si cela swingue, si cela balance, c’est du jazz. Sinon…c’est autre chose », Art Blakey, p50). Il est toutefois douteux que le lecteur soit éclairé sur ce point (Guillaume Nouaux sollicite pourtant 14 avis de batteurs célèbres). Page 66, Guillaume Nouaux définit ce qu’il entend par « dynamiques » (les nuances) et « intensité » (« un des éléments essentiels pour produire le swing »). Son ouvrage est progressif car page 80, quand il parle de « la musicalité », il affirme qu’ « il faut au préalable avoir suffisamment d’acquis techniques et culturels ». Page 87, Shelly Manne est à méditer : « je ne pense pas qu’il soit nécessaire pour un futur batteur de jazz d’étudier les rythmes orientaux ou africains avant de connaître les origines du jazz. Aujourd’hui, trop de gens connaissent tous ces rythmes exotiques sans savoir vraiment qui était Jelly Roll Morton » (1964). Ce n’est que p95-96 que Guillaume Nouaux aborde « improvisation et créativité », ce par quoi d’autres commencent avec les résultats que l’on sait. Mais non, désolé Guillaume ! L’improvisation n’est pas l’essence même du jazz (cf. Jazz Hot no1, 1935). Mais, s’il y a besoin, ça vient effectivement après le son et le swing. Guillaume Nouaux poursuit par d’intéressantes considérations sur le talent (subjectif), le style et la personnalité, et l’expérience, pour conclure p180 : « Certes, trente batteurs pour retracer tout un panel de l’histoire du jazz c’est bien peu. C’est pourquoi, je vous encourage vivement à faire vos propres relevés, ceux de vos batteurs favoris ». La liste des trente est sur la couverture. Ils sont tous importants. N’ayez crainte, il y a bien Kenny Clarke, Max Roach, Jimmy Cobb, Philly Joe Jones, Roy Haynes, Billy Higgins, Elvin Jones, Tony Williams, Herlin Riley, etc. Il serait absurde de chercher qui n’y est pas (Paul Barbarin, Sam Woodyard, Ed Blackwell, etc.) puisqu’il ne s’agit ni d’un dictionnaire, ni d’une encyclopédie. C’est un ouvrage pédagogique avec une démarche de respect et une volonté de transmettre qui manquent tant ailleurs. Ouvrage indispensable.
Michel Laplace
Jazz Drums Legacy. Le langage de la batterie jazz par Guillaume Nouaux
Le batteur français Guillaume Nouaux, que j’ai rencontré à JazzAscona en juin 2012 et qui m’en avait parlé, a écrit cet ouvrage, Jazz Drums Legacy, consacré au langage de la batterie jazz ; c’est le fruit d’une pratique, d’une expérience professionnelle et pédagogique, d’une réflexion sur le rôle de la batterie dans la musique de jazz. Après une courte biographie de l’auteur, une succincte présentation du mode de notation, une préface de Jacques Aboucaya décrivant la démarche de l’auteur et une courte introduction sur l’objet de l’ouvrage, cette publication propose dix thèmes : L’Etude de la tradition ; Le Travail de la technique ; Le Son ; Le Swing ; Dynamiques et intensité ; La Musicalité ; Improvisation et créativité ; Le Talent ; Style et personnalité ; L’Expérience ; Et Après. Cette organisation permet d’aborder les différents éléments constitutifs de la technique instrumentale et leurs transformations en même temps que l’évolution du langage de la batterie dans l’histoire du jazz. Pour chaque partie, Guillaume propose plusieurs solos de grands batteurs relevés dans des albums référencés en illustration du propos. Cette anthologie de solos de trente batteurs (de Baby Dodds ou Zutty Singleton à Jeff « Tain » Watts et Brian Blade en passant par Jo Jones, Art Blakey ou Max Roach) illustre les aspects stylistiques et musicaux de la batterie dans la musique de jazz. C’est également un formidable document sur l’histoire que cet instrument a connue : sont notamment montrées les filiations et les influences surprenantes de certains batteurs sur leurs confrères. En début de chaque chapitre le thème est rapidement présenté et sont aussi exposées, sous forme de citations, la philosophie et/ou la conception instrumentale des musiciens dont les solos sont relevés. François Laudet voit fort justement en cet ouvrage un outil pédagogique : « Cet ouvrage s’adresse avant tout aux étudiants batteurs possédant déjà des bases techniques sur l’instrument et désirant apprendre, comprendre et perfectionner leur jeu dans l’univers du jazz. Il s’adresse aussi aux professeurs de batterie recherchant un support pédagogique pour le travail spécifique du jazz auprès de leurs élèves, ainsi qu’à tous les batteurs qu’ils soient amateurs ou professionnels, désireux d’enrichir leurs connaissances et leur vocabulaire dans ce domaine ». « Manuel d’apprentissage, vade mecum et profession de foi » selon Jacques Aboucaya, certes ; ouvrage pédagogique clair sur le « développement des techniques de jeu » selon Franck Agulhon, évidemment. Mais ce type d’ouvrage dépasse le seul domaine technique de la batterie pour ouvrir sur la musique elle-même. J’ai, en effet, réécouté quelques enregistrements concernés par ces relevés. J’ai pu, comme lorsque je suis un quatuor de Beethoven avec la partition sous les yeux, apprécier la qualité du relevé mais aussi l’aide à la compréhension d’un style ; non que la feuille remplace le fait sonore mais parce que le support écrit permet de visualiser la structure et d’entrer dans l’intimité de l’interprétation, cette relation si particulière entre le musicien et la musique. Or, en matière de jazz, cette dimension touchant à l’un des critères essentiels de cet art musical, le swing (qui reçoit dans l’ouvrage un traitement spécifique), est essentielle. Guillaume Nouaux en parle simplement en le dépassant le langage de l’expert. Avec un peu de curiosité et sans très gros effort pour les décrypter, on peut suivre certaines partitions rythmiques en écoutant l’album. L’amateur de jazz, qui le souhaite, dispose ainsi d’un moyen supplémentaire d’appréhender la musique de sa passion : en l’espèce, il observe la démarche de trente batteurs majeurs : les plus grands y sont sauf Sam Woodyard, Ben Riley… Mais ceux-ci et les autres seront dans le volume 2. Un livre didactique intelligent et passionnant qui donne toute sa signification aux propos de Baby Dodds : « Un batteur apporte les fondations très importantes pour les autres musiciens. Vous ne pouvez pas entrer dans une maison sans la clé, et la batterie est la clé de l’orchestre ».
Félix W. Sportis
Guillaume Nouaux, Jazz Drums Legacy. Le Langage de la batterie jazz. 2MC éditions, Anglet (64600- France) 2012, 184 p.
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