Réédition-Indispensable
Kenny Clarke-Francy Boland Big Band
At Her Majesty's Pleasure
Pentonville Wormwood Scrubs, Doing Time, Broadmoor, Holloway, Reprieve, Going Straight
Kenny Clarke (dm), Francy Boland (p), Benny Bailey (tp), Idrees Sulieman (tp), Derek Watkins (tp), Kenny Wheeler (tp), Ake persson (tb), Nat Peck (tb), Erik Van Lier (tb), Derek Humble (as), Johnny Griffin (ts), Ronnie Scott (ts), Tony Coe (ts, cl), Sahib Shihab (f, ss), Jimmy Woody (b), Kenny Clare (dm)
Enregistré le 5 septembre 1969, Cologne (Allemagne)
Durée : 35' 48''
Schema Records 137 (www.ishtar.it)
Réédition-Indispensable
Kenny Clarke-Francy Boland Octet
The Golden Eight – Encore !
You Dig It, Alone Together, But beautiful, Invitation, Autumn Leaves, Pape Satan Aleppe, Free Wheel, Dia Blue, Miriam Doll, A Ball for Othello, La Campimania
Dusko Gojkovic (tp), Raymond Droz (alto horn), Chris Kellens (baritone horn), Derek Humble (as), Karl Drevo (ts), Francy Boland (p), Jimmy Woody (b), Kenny Clarke (dm), Fat Sadi (perc)
Enregistré les 23 et 24 mai 1961, Cologne (Allemagne)
Durée : 42' 08''
Schema Records 129 (www.ishtar.it)
Réédition-Indispensable
Kenny Clarke-Francy Boland Sextet
Music for the Small Hours
Ebony Samba, Lush Life, Tin Tin Deo, Please Don't Leave, Potter's Crossing, Wives and Lovers, Ensadinado, Lorraine, Day by Day, Love Hungry
Sahib Shihab (f), Francy Boland (p), Sadi (vib, bongos), Jimmy Woody (b), Kenny Clarke (dm), Joe Harris (perc)
Enregistré le 16 juin 1967, Cologne (Allemagne)
Durée : 35' 02''
Schema Records 120 (www.ishtar.it)
Réédition-Sélection
Kenny Clarke-Francy Boland Sextet
Marcel Marceau Präsentiert Swing im Bahnhof
Invitation, Just Give Me Time, Con Alma, Serenata, Sconsolato, Yah Yah, Born to Be Blue, Insensatez, Calypso Blues, Balafon for Marcel Marceau
Sahib Shihab (f), Francy Boland (p), Sadi (vib, marimba, bongos), Jimmy Woody (b), Kenny Clarke (dm), Joe Harris (perc)
Enregistré le 25 septembre 1965, Rolandseck (Allemagne)
Durée : 37' 11''
Schema Records 147 (www.ishtar.it)
Ces quatre
rééditions de LP enregistrés dans les années 60 sont tout à fait
caractéristiques du travail de deux musiciens aujourd'hui disparus qui ont
entrepris une aventure unique en Europe. Si Kenny Clarke est le plus connu des
deux leaders de ces formations, il est intéressant de rappeler quelques faits
rapides sur un musicien souvent resté dans l'ombre de son ami et batteur. Né le
6 novembre 1929 à Namur, François Boland reçoit une éducation musicale
classique. A la fin des années 40, il joue avec les musiciens belges comme
Bobby Jaspar, Jacques Pelzer, René Thomas, Sadi … Après avoir écrit des
arrangements pour des orchestres français, il part deux ans aux Etats Unis où
il écrit des arrangements pour Count Basie, Benny Goodman, Dizzy Gillespie et
Mary Lou Williams. Revenu en Europe, il fonde un big band avec Kenny Clarke,
orchestre dans lequel passent de nombreux musiciens américains exilés ou de
passage en Europe et également de nombreux musiciens européens. Malgré ce
personnel fluctuant et grâce à la présence de deux leaders très
complémentaires, auxquels il faut ajouter le bassiste Jimmy Woode omniprésent,
cet orchestre possède un son qui rivalise avec les grandes formations
américaines. Cet ensemble se dissout en 1972 après douze très fructueuses
années. Une trentaine d'enregistrements témoignent de cette collaboration. Les
quatre disques présentés ici témoignent de la déclinaison en big band, octet et
sextet de cette entreprise unique que fut le Kenny Clarke - Francy Boland Big
Band. Kenny Clarke a disparu en 1985 et Francy Boland en 2005. Une discographie
de Doug Payne peut être trouvée sur le site www.dougpayne.com.
Il faut avant
tout remercier à Pier Luigi Gigi Campi qui a produit les sessions originales
et ces rééditions, continuant ainsi à faire revivre la musique de Kenny Clarke
– Francy Boland.
Dès les
premières notes du big band, il est évident que Francy Boland a mis à profit
son expérience américaine et maîtrise parfaitement la gestion des volumes de
chaque pupitre. Il a composé les sept thèmes de cet album et il apparaît
certain que le travail effectué pour Count Basie détermine largement la
sonorité de l'orchestre. Les solistes, pour moitié européens, sont parfaitement
dans l'esprit du jazz des grands orchestres américains. Il faut voir là
l'influence majeure de Kenny Clarke qui apporte à ces interprétations le
soutien rythmique et surtout la couleur nécessaire à cette musique. Il ne faut
pas non plus oublier Jimmy Woode qui a travaillé dans l'orchestre de Duke
Ellington et sait parfaitement gérer les aspects mélodiques et rythmiques de
chacune des compositions. Malgré la diversité des influences et grâce aux
orchestrations de Francy Boland on pourrait presque penser qu'il s'agit d'un
disque personnel du pianiste: l'ensemble possède une sonorité personnelle
qui s'installe peu à peu à l'écoute de chacun des morceaux. Même le solo de
batterie de Kenny Clarke est orchestré et c'est tout l'ensemble qui pousse
derrière le batteur. Le jeu énergique et flexible de Kenny Clarke avec chacun
des solistes, les riffs de la section de cuivres sont un autre élément de la
réussite de ce disque. En 1969 l'orchestre avait beaucoup tourné et trouvait au
sommet de sa forme. Malheureusement deux ans plus tard cette belle aventure
prenait fin.
Au tout début
de cette collaboration à trois (Boland, Clarke, Woode), ils avaient essayé la
formule de l'octet que Francy Boland avait déjà expérimenté lors de son séjour
aux Etats USA quelques années plus tôt. The Golden Eight regroupe autour de la
section rythmique cinq musiciens européens dont le trompettiste serbe Dusko
Gojkovic. Un premier disque est paru chez Blue Note en 1961 (Blue Note
BST-84092). Ce nouveau disque s'intitule
Encore! Car il regroupe des morceaux non publiés sur l'album «The
Golden Eight» non parce qu'ils étaient de qualité moindre, mais parce que
le format du 33 tours ne permettait une durée trop longue: tous les
morceau sont différents à part une version alternative de La Campimania. Le
numérique a bien sûr réglé ce problème et nous aurions aimé retrouver ces deux
disques réunis en un seul album. La façon de procéder est la même que pour le
big band: une introduction de l'orchestre orchestré comme un big band,
des solos certainement plus libres que dans le cadre plus contraignant du grand
orchestre et ensuite des interventions appuyées sur la section rythmique qui
parfois marquent l'amorce d'un dialogue. Ici naturellement l'octet est plus
proche de l'esthétique hard bop avec une prédominance laissée aux solistes qui
sont en perpétuel dialogue entre eux et avec l'orchestre.
La formule en
sextet est également une parfaite réussite. Annoncé comme une musique pour les
petites heures de la nuit, la musique est parfaitement détendue, largement
portée par les rythmes latins qu'il soit du Bresil comme «Ebony
Samba» ou «Ensadinado» ou plus afro_cubain comme le fameux
«Tin Tin Deo» de Dizzy Gillespie et même le «Lorraine»
également de Dizzy Gillespie est traité comme comme un thème brésilien par la
magie des trois percussionnistes (Sadi Joe Harris, Kenny Clarke). Les tons
pastels de cet ensemble sont largement soulignés et rehaussés par la flute de
Sahib Shihab. La véritable surprise est sans nul doute Jimmy Woode que l'on
attendait pas comme un crooner à la voix mellifique; son «Lush
Life» est absolument somptueux de retenue et de délicatesse avec une pointe
de nostalgie qui correspond au titre du disque et à l'ensmble de ces morceaux.
A nouveau Francy Boland apporte de très beaux arrrangements à une musique d'une
très grande cohérence et qui demeure attachante d'un bout à l'autre du disque.
Deux ans
auparavant cette formule du sextet avait déjà été expérimentée avec les mêmes
musiciens. L'atmosphère est un peu la même sauf qu'ici il s'agit d'un concert
public et que la sonorité d'ensemble nécessite un peu plus de variété.
Enregistré dans une gare en vue de sa transformation en centre culturel, le
concert est placé sous le patronage du mime Marcel Marceau, venu spécialement
de Paris pour parrainer ce projet et récolter des fonds pour réaliser cette
transformation. On retrouve ici la volonté de mettre en avant les percussions
et Kenny Clarke est visiblement heureux de dialogue avec Fats Sadi et Joe
Harris. Les talents de crooner de Jimmy Woode sont un peu moins mis en valeur
car il est plus inclus dans l'orchestre et le mixage est celui du concert avec
une prise unique, sans possibilité de refaire la prise. A nouveau Francy Boland
explore les sonorités de la musique brésilienne et de la bossa nova, alternative
à l'essoufflement commercial du hard bop et au free jazz en plein essor. Cela
donne une musique très mélodique où la percussion apporte la couleur latine
sans aucun excès et laisse le swing se développer tranquillement. Et il est de
toutes façons très intéressant de comparer ce disque en public et
l'enregistrement en studio deux ans plus tard.
Les
orchestres de Kenny Clarke et Francy Boland étaient basés à Cologne,
enregistraient dans cette ville et rayonnaient dans toute l'Europe pour les
concerts. Il faut remarquer la parfaite intégration des musiciens européens,
scandinaves et anglais et des musiciens américains. Nous pouvons avec un certain
chauvinisme regretter l'absence de musiciens français. Mais cet orchestre est
la démonstration parfaite que l'entente entre le batteur américain (créateur du
bebop) et le pianiste (peut être plus porté vers le swing mais ouvert à tous
les styles) fonctionne parfaitement. A condition bien sûr que tous les
musiciens aient ce même esprit. Au travers des cinq formules: trio, quartet,
sextet, octet et big band, Kenny Clarke et Francy Boland ont, pendant une
douzaine d'année, réalisé une œuvre des plus réussies sur le vieux continent.
Gigi Campi en a été l'heureux producteur, il en est aujourd'hui encore le plus
grand continuateur. Puisse-t-il nous offrir une intégrale de ces
enregistrements en un coffret qui ne pourrait qu'être indispensable.