Benny Vasseur
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6 fév. 2015
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7 mars 1926, Neuville-Saint-Rémy – 6 février 2015, Paris
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© Jazz Hot n°670, hiver 2014-2015
Bernard
« Benny » Vasseur est donc décédé huit mois après son
indissociable complice André Paquinet (1926-2014). Né près de
Cambrai, Benny reçoit l’enseignement du solfège dès l’âge de
5 ans auprès de son père, un flûtiste amateur. A 10 ans, il
apprend le piano (qu’il pratique pendant huit ans). Il décroche
d’ailleurs un prix de piano (1944). C’est de cet instrument qu’il
joue en sextet dans les bases américaines (où on le surnomme Benny)
(1945). Il voulait jouer de la trompette, mais son père lui impose
le trombone. Heureusement, grâce aux Américains, il découvre Tommy
Dorsey et Jack Teagarden en V-Discs, ce qui le motive. Son frère,
René Vasseur, dit Le Bombé, de 14 ans son aîné jouait déjà de
cet instrument. Il lui donne un instrument et les premiers conseils
(1945). Benny ayant entendu son frère travailler, connaissait déjà
par cœur tous les solos classiques de trombone. Il suit toutefois
les cours auprès du même professeur que René, le fameux Marcel
Dumont père, à Cambrai. Benny joue dans l’orchestre du Hot Club
local (Jacky Cnudde, p, Jean Lefèvre, ts) et au Casino (où il avait
entendu Pierre Spiers pendant l’Occupation), mais quitte Cambrai en
septembre 1946. Il entre au Conservatoire Supérieure de Musique de
Paris dans la classe de trombone d’Henri Couillaud (1946-48). Sur
les lieux, son frère conseille à Benny d’aller écouter un jeune
de son âge qui fait merveille dans le Boléro
de Ravel au Gaumont Palace : André Paquinet !Benny,
quant à lui, est d’emblée recruté par Pierre Braslavsky
(1946-47) et il fréquente le Hot Club de Versailles (1947). Benny
est remarqué au Tournoi des Amateurs à Lille (1947). Doté d’une
très bonne oreille, connaissant l’harmonie, il sait à la fois
lire la musique et improviser. Il est donc immédiatement sollicité
dans les orchestres de variétés de Camille Sauvage, Noël Chiboust,
Pierre Spiers. Il part en tournées avec Eddie Bernard, Armand
Conrad, Hubert Fol et l’Orchestre de Fred Adison. Benny participe à
l’ouverture du Club Saint-Germain avec Jean-Claude Fohrenbach et
Boris Vian. Benny se souvint que Boris n’était pas toujours là.
Il l’a également fréquenté dans l’orchestre de Claude Abadie.
Il donne un bal avec Pierre Atlan et en 1948, Guy de Fatto le
présente à Claude Bolling. Il quitte alors le conservatoire car il
est trop sollicité par ailleurs. Il est engagé par Jack Diéval et
surtout par Claude Bolling où il succède à Jean-Louis Duran
(1948-50, disques en 1949) et avec qui il part en tournée en
Belgique (Maxim Saury, cl, Gérard Bayol, cnt). Il remplace Sandy
Williams (!) dans l’orchestre de Rex Stewart (1948, tournée en
Scandinavie). On entend Benny Vasseur jouer pour Eddie Barclay (1949,
Bœuf sur le Toît), Sidney Bechet (1949, disque avec Gérard Bayol),
le trompette Maurice Emo (avec Pierre Braslavsky, 1949), James Moody
(Club Saint-Germain), Aimé Barelli (1949), Hubert Rostaing (décembre
1949), Bill Coleman (1950, Théâtre Edouard VII), Coleman Hawkins
(1950, tournée de 10 jours), Charlie Parker (1950), les frères Fol
(1950, avec Nat Peck et Bernard Zacharias, tb), Don Byas, Roy
Eldridge (1950-51, notamment disques et le film Autour
d’une trompette tourné le 28 mars
1951, réalisation Pierre Neurisse, Jazz diffusion) ! Benny
enregistre, à la clavioline, l’ « Ame des Poètes »
avec Charles Trenet et des lauréats du référendum Jazz Hot (1951
ou 1955, André Ekyan, cl, Lucien Simoens, b, René Duchaussoir, g,
Armand Molinetti, dm). Il retrouve Aimé Barelli (1951-3 : émissions
au Cinéma Rex, en 1952, avec Django Reinhardt, Sidney Bechet), joue
pour Django Reinhardt (1951, Club Saint-Germain), Hot Lips Page
(1952), Dizzy Gillespie (1953). Il est membre de l’Orchestre Claude
Luter (1953-7 qu’il quitte pour ne pas aller en Argentine). Ainsi,
il accompagne Albert Nicholas (novembre 1953) et Sidney Bechet (1954,
Olympia : « Je jouerai Petite Fleur et il n’y a que Benny qui
me fera un contrechant » aurait dit le maître…depuis le
contrechant est souvent reproduit note pour note). Il joue aussi pour
Michel Attenoux (1953, avec Gilles Thibaut, tp, il remplace Raymond
Fonsèque), Henri Renaud (avril 1953, avec Georges Barboteu, cor !),
Nelson Williams, André Persiani (juin 1954, avec Guy Lafitte et
Michel de Villers). Et il enregistre pour Dave Pochonet (1953, VSM ;
1954, VSM), Tony Proteau (mai 1953 ; TNP, décembre 1953), Clifford
Brown (Schola Cantorum, 1953, pour Gigi Gryce chez Vogue), Buck
Clayton (1953, avec Dave Pochonet, VSM/Classics 1427), Jack Diéval
(1954), Christian Chevallier (1955, Formidable,
Columbia 1037), Claude Luter (1955, ‘Blues de la Fin’). Son
excellent niveau technique et sa compétence en improvisation font de
Benny Vasseur un titulaire dans la section de trombones « A »
avec André Paquinet (premier), Gaby Vilain et dès 1954, Charles
Verstraete. Cette section a une activité de studio intense. Benny
est l’équivalent de Roger Guérin dans la section de trompettes
« A » de Fred Gérard. Dès lors, faire la liste des
enregistrements de Benny en jazz et variétés est une tâche
surhumaine. Ces « requins » enregistrent pour Claude
Bolling (1956, thèmes d’Ellington, Club Fr. Disque 69 ; avril
1956, répertoire de Django ; janvier-mars-mai 1957, thèmes jazz
traditionnel, Club Fr. Disque 107 ; 1958, Philips), Michel Legrand,
ainsi que pour André Popp, Fred Gérard (1957, label President), Jo
Moutet (opérette Pacifico)
et de nombreuses vedettes de la chanson.
André
Paquinet et Benny Vasseur enregistrent la musique du film
L'inspecteur connaît la musique
de Jean Josipovici, sorti le 15 février 1956 (studio Francoeur).
Mais Benny n’est jamais loin de ce qu’on appelle « jazz » comme
les disques le montrent : Guy Lafitte (1956, Do
Not Disturb), Martial Solal (mai 1956,
Quelle heure est-il
?, Vogue), Sarane Ferret (19 décembre 1956, avec Bernard Hulin, tp,
Roby Pointevin, vib, Maurice Vander, p, « Le Rock ça
chauffe »), Lucky Thompson (1956, EmArcy 159823-2). Il joue
aussi pour Bill Harris (1955), Chet Baker (1955-56), Martial Solal
(mai 1956, avec Billy Byers), Buck Clayton (1957), Quincy Jones
(avenue Hoche, séances Barclay...certaines avec J.J. Johnson nous a
dit Benny), Big Chief Russell Moore (1958, Vieux Colombier), Frank
Rosolino (1959) et il apparaît à la TV avec Gilbert Bécaud. Il
fait des disques de rock’n roll sous le pseudonyme de Benny Rock
(label Festival). Et bien sûr, Benny travaille beaucoup en duo de
trombone avec André Paquinet qui obtient une belle popularité
(1957-70). Ce tandem célèbre joue pour Radio-Luxembourg, au Lido,
au Palm Beach (Cannes, étés 1957 à 1959) et se produit pour Annie
Cordy (tournées au Canada et Etats-Unis tous les ans comme chanteurs
–le syndicat a imposé Urbie Green et Wayne Andre au trombone !- ;
TV : 1960-70). Le célèbre tandem enregistre copieusement
notamment : avec Maurice Vander (p)
Roland Lobligeois (b) Marcel Blanche (dm) (1960, Jazz
à danser, « Man I Love »,
« Dinah », « Music Maestro Please », « Mood
Indigo », « Sonny Boy », « Lady Be Good »,
Festival FY 45 2183), avec Geo Daly (vib), Jean-Claude Pelletier (p),
Pierre Michelot, Guy Pedersen (b), Roger Duchossoir (g), Marcel
Blanche (dm) (trombones en coulisse,
25 cm Festival FLD128S). On peut entendre ici l’extrême proximité
des étiquettes « variétés » et « jazz ».
Benny enregistre avec Kenny Clarke (1959) et remplace de Bill Tamper
au Blue Note pour Bud Powell (début des années 1960).
En 1963,
il fait partie de l’Orchestre Symphonique de Paris (musiciens de
studio), salle Wagram, pour Duke Ellington. Benny a accompagné de
nombreux chanteurs en plus de Trenet, Bécaud et Cordy : Edith Piaf,
Sacha Distel, Maurice Chevalier, Johnny Hallyday, Charles Aznavour,
Jacques Brel, Liza Minnelli, Frank Sinatra (à Monte-Carlo, direction
Quincy Jones), Tony Bennett, Sammy Davis Jr, John William (1963-4,
Negro Spirituals),
Jean ‘Fats’ Constantin (1965, avec Roger Guérin, tp, Georges
Grenu, cl, Vogue) et Bob Martin. Pour ne rien dire d’une séance
pour André Verchuren. On put aussi l'entendre chez Pierre Michelot
(1963), Paul Piot (1963), Pierre Gossez (3 octobre 1963, séance Alan
Gate), Hubert Rostaing (1963), Luiggi Forest (1963, au trombone
basse), François Vermeille (1963), Jean Bouchety-Colette Deréal
(1963), Fred Adison à nouveau (1965-6), dans les Four Bones de
François Guin (à partir de 1965), avec Sonny Grey (1968), Philly
Joe Jones (1969, Luis Fuentes, tb), Cat Anderson (1969, 1979), Lucien
Lavoute (1970-71), Jean-Claude Naude (1971-75), les Old Sharks de
Fred Gérard (1972), Raymond Lefèvre (TV, pendant 15 ans : Palmares
des Chansons en 1965 avec Fred Gérard,
Maurice Thomas, Roger Guérin, tp, Charles Verstraete, tb), Franck
Pourcel (Japon, avec Pierre Sellin, Fernand Verstraete, tp, Charles
Verstraete, tb), Paul Mauriat (Japon, deux fois), Claude Bolling à
nouveau (à partir de 1975), Stéphane Guérault, le batteur
Moustache Galepides (1979), Gunther Schuller (le 29 novembre 1979
dans le Concerto
de Rolf Liebermann avec l’Orchestre National, Armando Bellotto,
Roger Guérin, tp, Charles Verstraete, Christien Guizien, Emile
Vilain, tb, Pierre Gossez, Georges Grenu, sax, George Gruntz, p,
Pierre Michelot, b, Daniel Humair, dm), Pierre Sellin (à partir de
1981), à nouveau Claude Luter (1991 jusqu’à la mort du
clarinettiste, orchestre repris par Eric Luter en 2008), Guy
Marchand, Eddy Louiss, Alain Bouchet (Marciac, 2001), Swing Feeling
(2004), Hal Singer (2006), le Louisiana Jazz Band (2008), les Bechet
Memory All Stars (avec M. Bornstein, tp, Ch. Azzi, p, A. Masselier,
b, P. Arnaud, dm). Ensuite, Benny Vasseur, malade, en fréquentes
dialyses ne peut plus assumer les sollicitations artistiques.
Les
amateurs de cuivres rechercheront ses disques avec les Four Bones
(1977, 1987, Haneda,
Black & Blue 645-2), ceux co-signés François Guin-Benny Vasseur
(1979) ou Pierre Sellin (33t Les Tréteaux LP6301). Il laisse aussi
un LP sous son nom, réalisé en mars 1956, avec Fred Gérard,
Fernand Verstraete, Roger Guérin (tp), André Paquinet (tb)
(Tendrement Votre,
25 cm Columbia LP FP1084).
Benny
Vasseur a été influencé par J.J. Johnson, Lawrence Brown et Dicky
Wells. Il citait aussi Miff Mole, Jimmy Harrison, J.C. Higginbotham,
Kid Ory, Tyree Glenn, Bill Harris, Urbie Green en plus de ses
premières idoles, Dorsey et Teagarden. Il appréciait bien sûr Bill
Watrous. Son jeu, sans besoin d’adaptation, était en empathie avec
les trois courants fondamentaux, jazz traditionnel, jazz mainstream
et bop.
Ce résumé
de carrière suffit à placer Benny Vasseur parmi les trombonistes
français essentiels.
Michel Laplace
Source :
Le Monde de la trompette et des cuivres, des origines à 2014
(classique, variétés, jazz)
Vidéos : Four
Bones (avec François Guin, Jean-Christophe Vilain, Raymond Fonsèque,
tb), « Six O'clock Jump » (1987)
Claude
Luter : « Frotti Frotta » (1992)
André
Paquinet-Benny Vasseur, « Tin Roof Blues »
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