Bob Garcia était né le 25
mars 1929 à Toulon, il avait pris sa retraite d’abord à La
Seyne-sur-Mer. Ce qui ne l’empêchait pas de continuer à nous charmer par
son style puissant et souple à la fois. Une merveille de feeling, de
sens de la mélodie et de beau son. Le tout reposant sur un swing feutré.
C’est un classique du jazz, au sens où son jeu échappe aux modes et au
temps, semblant neuf à jamais.
Bob est de cette génération, ceux qui ont commencé leur carrière
juste après la II° Guerre Mondiale, qui a contribué largement à faire
connaître et reconnaître le jazz comme la grande musique du XX° siècle.
Ils ont été les passeurs des grands créateurs américains. Ils ont ouvert
la voie à tous les jazzmen d’aujourd’hui qui s’expriment en Europe.
Pour vivre au quotidien il leur a fallu soit avoir un second métier,
soit faire de la variété, ce qui n’était pas sans danger pour leur
musique. Bob a eu la chance, ou de la circonspection, de travailler avec
des grands de la variété, avec lesquels il n’y avait pas de
compromissions.
Il adorait un dieu Stan Getz, qu’il a essayé d’imiter à ses débuts,
et ses saints : Al Cohn et Zoot Sims, en somme trois des Four Brothers
de Woody Herman. Il aimait aussi Coleman Hawkins, Wardel Gray, Ben
Webster, Sonny Rollins, John Coltrane, Wayne Shorter…
Curieusement Bob avait débuté à l’accordéon à 5 ans. Il en joua
jusqu’à 17 ans, passant des concours, jouant dans les bals musette de
Toulon.
En 1949, il a 20 ans et part " au service ”. Il découvre Artie Shaw,
il aime cette musique, et ayant trouvé un saxophone ténor dans un
magasin de l’Armée il en joue. Voilà comment naissent les vocations ! En
1952 il remporte la coupe du Festival International de Jazz de Paris
organisé par la revue « Jazz-Hot ». Il joue alors avec Stéphane
Grappelli, Martial Solal, etc…En 1956 il entre chez Jacques Hélian où il
se trouve en compagnie de Kenny Clarke. Puis il devient un pilier des
grands clubs parisiens jouant avec les meilleurs musiciens français et
américains de passage.
En 1966 il remplace Michel Portal chez Claude Nougaro avec qui il
restera jusqu’en 1984, lui vouant une admiration et une amitié
indéfectibles.
En 1974 il a fait une tournée au Japon avec Michel Legrand. Mais son
plus grand souvenir musical reste les huit jours pendant lesquels il a
joué avec Django Reinhardt.
Bob Garcia parlait volontiers, d’une voix proche de son jeu au
saxophone, fait de douceur et de musicalité. Il m’avait dit lors d’une
interview : « Je ne suis pas un amateur de disques, je connais peu les
musiciens d’aujourd’hui. Pourtant j’ai été enthousiasmé par Mike Stern
il y a quelques années au Festival de Hyères. Je pense que c’est dans
cette musique qu’il y a une suite logique du jazz parce qu’elle mêle
rock, standards, binaire, ternaire. Il y a beaucoup d’escrocs dans notre
musique. Ils osent tout se permettre et font n’importe quoi. En
classique un mauvais violoniste ne sera jamais concertiste. C’est dur de
gagner sa vie avec le jazz. Il vaut mieux être chanteur !
J’ai 71 ans et je travaille encore l’instrument deux heures par jour. Surtout pour le plaisir de jouer, d’entendre le son.
En 50 ans de carrière j’ai fait ce que j’avais envie de faire. J’ai
voyagé dans la moitié du monde. J’ai joué avec des grands. J’ai plein
d’amis y compris parmi les jeunes musiciens, comme Lionel Belmondo.
J’ai toujours envie de mieux jouer, je ne me repose pas sur mes
lauriers. J’y crois plus que jamais. Toute ma vie j’ai été trop timide,
pas assez opportuniste ou accrocheur. Je me foutais de tout. J’aurais pu
faire plus. J’ai enregistré beaucoup de disques, mais seulement deux
sous mon nom récemment.
Les jeunes ont tout pour y arriver maintenant. Ce qui me plaît c’est
qu’ils ont un grand respect pour les anciens musiciens. En 50 on était
très sectaires. »
Belle leçon d’humilité, de probité et de sérénité. Décidément on
finira par croire que les sages de la fin du XX° siècle sont tous entrés
en musique.
Puis Bob alla prendre sa retraite près de Paris où il avait un peu
de famille. Il fit ses adieux au Var en 2004 en donnant un splendide
concert sous l’égide de Jazz Azur à La Cadière d’Azur devant un public
d’amis et d’admirateurs venus nombreux, avec ses copains Gérard Maurin
(b), Thierry Larosa (dm), Il y eut de l’émotion, de la joie aussi, et
surtout de la belle musique avant toute chose. Et je me disais que Bob
était un grand saxophoniste, un grand lyrique, trop peu connu,
formidable de feeling dans les ballades.
Dans sa seconde retraite il souffrait assez de la solitude, n’ayant
plus autour de lui ses amis, ses copains d’antan. On l’appelait de moins
en moins souvent, hélas. Et je n’ai même pas pu trouver la date de sa
mort. C’est avec une réelle peine que j‘ai appris sa disparition. Peine
partagée par tous ceux à qui je l’ai annoncée.
Serge Baudot
Sélection discographique en leader :
- B i b o b, duo avec Gilbert " Bibi ” Rovère (b) – 1995, CELP 27 (Harmonia Mundi)
- Isn’t It Romantic ? avec Alain Jean-Marie (p), Ricardo Del Fra (b) – 1999, Deux Z 84130 (Harmonia Mundi)
Vidéo Festival de Jazz d'Antibes de 1961 : Michel HAUSSER annonce les titres des thèmes ainsi que le nom du musicien de sa formation qui va interpréter le solo (pas de générique) : Michel HAUSSER suivi par Bob GARCIA et pour finir Roger GUERIN |