Aurore Voilqué
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28 mars 2013
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Djangolized
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© Jazz Hot n°663, printemps 2013
Nouveauté-Sélection
Mabel, Le Soir, Black and White, Songe d'automne, Double whisky, Blue Drag, Manoir de mes rêves, Nuages, September Song, Place de Brouckere + bonus "surprise"
Aurore Voilqué (vln, voc), Rhoda Scott (org), Siegfried Mandacé (g), Julie Saury (dm)
Enregistré en novembre 2012, Paris
Durée : 57' 26''
Autoproduit AQ007/1 (www.aurorequartet.com)
Pour son (déjà !) septième album, depuis 2005, Aurore Voilqué (Jazz Hot N°661) fait une infidélité à son « Aurore Quartet » tout en gardant auprès d'elle son guitariste et inséparable complice, Siegfried Mandacé (« Ziggy » pour les dames). Car ce qui a animé la violoniste pour ce nouveau projet était de jouer la musique de Django Reinhardt – fil rouge de son parcours – avec Rhoda Scott. On a eu, en effet, peu l'occasion d'entendre « The Barefoot Lady » sur ce type de répertoire, bien qu'elle ait côtoyé des musiciens de cette tradition, en particulier Patrick Saussois qui avait enregistré, en duo avec elle, son dernier album, The Look of Love (Jazz Hot N°652). On sait Rhoda Scott capable d'investir tous les terrains, du gospel au jazz, de Bach au blues, et il était assurément intéressant de l'inviter à monter dans la roulotte des Manouches. Dans le livret, l'organiste – qui en dépit d'une longue et riche carrière a récemment repris le cours de ses études dans une université américaine – témoigne de cette découverte avec une certaine candeur. Familière de Rhoda comme d'Aurore et dotée d'un groove naturel qui constitue un trait d'union entre le violon grappellien de l'une et l'orgue issu des églises noires du New Jersey, Julie Saury est le quatrième élément du groupe : c'est donc finalement toujours l'Aurore Quartet !
Djangolized comporte ainsi dix titres de l'univers djangolien, compositions ou interprétations marquantes. C'est avec un « Mabel » très relevé (la pulsation de Julie Saury y est pour beaucoup) que s'ouvre le disque et par lequel on constate le bel équilibre de la formation, où chacun a bien trouvé sa place. Autre pièce de Django efficacement revisitée, « Double Whisky », où Aurore, Rhoda et Ziggy enchaînent les prises de parole avec une jubilation communicative. Sur « Manoir de mes rêves » et « September Song », Aurore a fait poser à sa parolière, Agnès Vikouloff, de jolis mots qui lui permettent de donner de la voix. Une voix claire et séduisante qui manifeste le penchant – non coupable à nos oreilles – de la violoniste de jazz pour la chanson française. Moins heureusement, « Le Soir » de Loulou Gasté (justement l'un des promoteurs historiques du compagnonnage entre jazz et chanson) se retrouve du coup dans une version moins swing que celle immortalisée par Django (avec Sadi, Solal, Michelot et Lemarchand, en avril 1953) et où l'accompagnement de l'orgue Hammond manque de relief. Rhoda Scott est autrement plus inventive sur « Blue Drag », insufflant au morceau une langueur sensuelle à la Ray Charles, tandis que Ziggy et Julie lui opposent un contre-champ binaire (l'intro a des faux airs de trip pop !). Là-dessus, Aurore balade ses cordes avec une troublante mélancolie. On tient là l'arrangement le plus original du duo Voilqué-Mandacé. Enfin, évidemment, il y a « Nuages ». Siegfried Mandacé y gagne son morceau de bravoure : léger et émouvant, il se tient d'abord près du maître pour ensuite s'exprimer de façon plus personnelle, révélant une belle inspiration. En conclusion, vient un onzième titre, en « bonus » surprise (que nous ne dévoilerons pas pour laisser ce privilège à l'auditeur), sans lien avec la thématique de l’album. Un standard parmi les fétiches d'Aurore – on l'entend régulièrement, le jeudi ou le vendredi soir, au bar de l'Hôtel du Louvre –, laquelle se paie simplement le plaisir de prolonger la rencontre avec Rhoda Scott. Aurore Voilqué appartient à cette jeune génération de jazzmen français (Fabien Mary, Guillaume Nouaux, Jérôme Etcheberry, Mourad Benhammou, Nicola Sabato, Agathe Iracema, Nicolas Dary, etc.) qui ne craint pas d’exprimer sa créativité dans l’idiome du swing et du bop, ni dans la réinterprétation du répertoire. Avec cet hommage plein de fraîcheur, qui respecte l’esprit d’une tradition tout en lui donnant une lecture inhabituelle, Miss Voilqué reformule la célèbre réplique de Sacha Guitry : « Quoi de neuf ? Django ! »
Jérôme Partage
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