Ricky Ford
Five or Six Shades of Jazz
Ricky Ford est un artiste complet. Sideman recherché, compositeur prolifique, pédagogue inimitable, directeur artistique du Toucy Jazz Festival qu’il a fondé en 2008 en Bourgogne, peintre étonnant, le saxophoniste creuse toutes les facettes de l’art.
Né le 4 mars 1954 à Boston, Massachusetts, il est formé dès 1968 au New England Conservatory of Music. Il y reçoit un enseignement per des maîtres prestigieux, dont certains participeront à ses orchestres et ses enregistrements, avant d’être embauché par Mercer Ellington pour rejoindre le Duke Ellington Orchestra (1974-1976) quelques mois à peine après le décès de Duke Ellington, Harry Carney et Paul Gonsalves. Puis Ricky Ford intègre les formations de Charles Mingus (1976-1977), Dannie Richmond (1978-1981), Lionel Hampton (1980-1982), Abdullah Ibrahim (1983-1990), Mal Waldron (1989-1994), sans oublier les nombreuses sessions d’enregistrements et orchestres avec Yusef Lateef, Sonny Stitt, McCoy Tyner, Freddie Hubbard, Steve Lacy, pour en citer quelques-uns.
En musicien accompli, Ricky Ford s’est toujours évertué à maîtriser la vériété des styles musicaux du jazz, du swing au hard bop en passant par le free, s’intéressant par ailleurs à la musique classique et contemporaine et, depuis quelques années, à l’œuvre du poète et musicien turc Neyzen Tevfik.
En leader, Ricky Ford a enregistré, dans une vingtaine d'albums, un vaste répertoire de compositions originales. Le musicien s’y révèle un compositeur à la culture aiguisée, toujours en recherche de nouveaux langages, de nouvelles formes, empruntant certaines pistes, en créant d’autres. Ford est aussi un arrangeur et un chef d’orchestre largement inspiré par Charles Mingus et par ses expériences en big band. De 1985 à 1996, il a ainsi dirigé le big band de la Brandeis University, arrangeant le répertoire de compositeurs dont la musique n’avait jamais été jouée par un orchestre ; à son arrivée à Paris dans les années 1990, il a créé un big band avant de partir enseigner en Turquie à la Istanbul Bilgi University (2000-2006). Ces dernières années, Ricky Ford collabore avec Ze Big Band, dirigé par Fred Burgazzi. En mars dernier, Ricky Ford et Ze Big Band créaient Sketches of Brittany (« Esquisses de Bretagne ») au festival de Jazz à Vitré, en Ille-et-Vilaine. Ricky Ford ne cesse jamais de créer.
Propos recueillis par Mathieu Perez Photo Jimmy Katz, Tom Marcello, Alain Dupuy-Raufaste, Mathieu Perez, by courtesy
© Jazz Hot n° 668, été 2014
Jazz
Hot : Le 4 mars dernier, vous avez fêté vos 60 ans à
Paris. Vous avez interprété en solo des œuvres du poète et musicien turc
Neyzen Tevfik (1879-1953). Quand vous êtes-vous intéressé à ce personnage ?
Ricky Ford : Un étudiant m’en a parlé quand j’enseignais à Istanbul. J’ai acheté un de ses CDs et je l’ai transcrit.
Tevfik a-t-il beaucoup enregistré ?
Il a enregistré des centaines de disques entre 1900 et 1910. Il n’en reste que dix-sept. Tous les autres ont été détruits.
Votre projet est-il de transcrire cette œuvre ?
C’est une étude énorme. (Il déplie une partition de huit mètres de long) Pour faire ça, il faut avoir confiance en soi. Quand je joue, on dirait que j’improvise alors qu’en fait je lis. J’ai dû inventer des rythmes que je voulais jouer. C’est comme un rythme phonétique. C’est une composition originale, pas une copie. Maîtriser cette musique est un projet incroyable. C’est un bon exercice. Je suis le premier à faire ça. Personne n’a la patience. En plus, Tevfik est tabou.
Vous m’avez dit que Jaki Byard lisait son improvisation durant le concert July in Paris, enregistré en 1998…
Jaki lisait toute sa musique. Il avait écrit tous ses solos, comme je le fais avec Tevfik. Je n’arrivais pas à y croire. Jaki m’a dit qu’Earl Hines le faisait aussi. Peut-être Oscar Peterson aussi. Jouer le même set, note pour note, pour éviter un enregistrement pirate. C’est pour cette raison qu’il l’a fait. C’est incroyable. Il n’y avait que mon morceau qu’il n’avait pas écrit. Il devait improviser sur mon titre.
Tevfik n’a jamais transcrit sa propre musique ?
Jamais. Peut-être est-ce plus profond. Charlie Parker avait signé des contrats qui stipulaient qu’il devait composer au saxophone. Il y a différentes manières d’écrire. Le faire à l’oreille est très important. Aujourd’hui, je me « dé-développe ». Tevfik a choisi une autre voie. Il ne ressemble à aucun autre compositeur. Peut-être a-t-il entendu du blues ou de la musique classique. Il n’avait aucune pression par ses pairs. Il s’est toujours concentré sur sa poésie.
Cette musique est-elle ésotérique ?
La musique ne peut pas transmettre une émotion. Elle ne dit rien. Elle ne communique pas verbalement. Peut-être Tevfik dit quelque chose dans sa musique, peut-être fait-il de la poésie, on ne saura jamais.
Allez-vous jouer cette musique en Turquie ?
Je vais en Turquie en mai. J’ai arrangé la musique de Tevfik pour un orchestre symphonique. J’aimerais pouvoir jouer cette musique davantage. Mais je le ferai. Mes anciens étudiants disent que j’ai fait quelque chose d’important pour la musique turque.
Avez-vous toujours baigné dans la musique ?
Ma grand-mère jouait de la guitare. Elle faisait partie des International Sweethearts of Rhythm. C’était un groupe des années 1940 composé uniquement de femmes. Ce groupe sonnait un peu comme Count Basie. Eddie Durham leur avait fait des arrangements. C’était l’arrangeur de Count Basie.
Vous avez d’abord commencé par la batterie. Quand êtes-vous passé au saxophone ?
Je jouais du mélodica. Mon père m’a suggéré de passer au saxophone ténor. Mon père avait une collection de disques de Charlie Parker chez Savoy. Il en avait quelques-uns de Lester Young, Billie Holiday, Dave Brubeck et Paul Desmond. Il en avait aussi de Coleman Hawkins, Ben Webster, des trucs comme ça.
Est-ce bien Rahsaan Roland Kirk qui vous a donné envie de devenir musicien ?
J’ai rencontré Rahsaan Roland Kirk et j’ai compris que je voulais devenir musicien. C’était un ami de mon père.
Avez-vous jamais joué avec lui ?
Je faisais le bœuf avec lui. Quand il venait à Boston, il jouait au Jazz Workshop, situé à Boylston Street, juste en face de Lord & Taylor. Quand un musicien venait à Boston, il y a avait une jam session. Je pense que c’était le samedi après-midi. J’ai joué avec Archie Shepp, Sam Rivers, Mingus et Rahsaan Roland Kirk. Mais c’était des années après mes premiers pas.
Quel souvenir gardez-vous de Rahsaan Roland Kirk ?
Un jour, j’ai utilisé la respiration circulaire. Rahsaan utilisait cette méthode. C’était sur le dernier titre le dernier samedi soir. Ça dure une minute, deux minutes et je le vois qui s’énerve. J’ai arrêté la respiration circulaire à la dernière note. Il a dit : « C’est bien que tu t’arrêtes, autrement on y serait encore à 5h du matin ! » (Rires) Il était très énervé ! (Rires)
Vous avez joué avec Sonny Rollins à Boston…
J’ai joué une semaine avec lui. Il me demandait de revenir tous les soirs. Ray Riperton, le frère de Minnie Riperton, et moi avons joué avec lui au Paul’s Mall. Sonny m’a dit qu’il me prendrait avec lui en tournée et, à la fin de l’été, il a embauché Rufus Harley. Je l’ai appelé pour lui demander pourquoi il ne m’avait pas pris, et il m’a dit : « Si je t’avais pris avec moi, j’aurais dû travaillé trop dur. » (Rires) Il y a deux façons de prendre ça…
Ran Blake (cf. Jazz Hot n° 667) vous a conseillé d’étudier au New England Conservatory of Music (NEC)…
J’ai l'ai rencontré grâce à l'un de mes meilleurs amis. Il travaillait à Hayes-Bickford’s Cafeteria. C’était en face du Conservatoire. Ran mangeait là tout le temps. Il savait que j’aimais jouer et m’a conseillé d’aller au Conservatoire.
Vous aviez quel âge à ce moment-là ?
J’avais 15-16 ans.
Qui enseignait au New England Conservatory à votre arrivée en 1968 ?
Joe Allard. Il avait choisi le bec de la clarinette basse pour Harry Carney. Il a fait la même chose pour Eric Dolphy. Il leur a donné beaucoup de conseils. C’était aussi le professeur de Micheal Brecker, Dave Liebman, Bob Berg, Larry Snyder, Steve Grossman. Mes autres professeurs étaient George Russell, Ran Blake, Gunther Schuller, Joseph Maneri et Jaki Byard.
A cette époque, le département de musique venait d’ouvrir. Quelle l’atmosphère y régnait-il ?
C’était un environnement unique. Tout était neuf. Quand je suis arrivé, le département commençait à être plein. Ils avaient recruté du monde de Berkeley, comme Bill Saxton, Stanton Davis, Lenny White. L’année dernière, le département de musique a fêté ses 40 ans.
Ran Blake utilisait-il sa méthode par l’oreille (cf. Jazz Hot n° 667) ?
Oui, mais il le faisait dans le cadre du département des services communautaires. Il n’était pas encore membre de la faculté.
Y avait-il beaucoup d’étudiants ?
Le NEC cherchait des étudiants. Nous étions peu nombreux à nous intéresser au jazz.
Le département était-il centré sur le third stream (troisième courant) ?
Non, c’était un département de jazz.
Quel type de professeur était George Russell ?
Il était «polyglotte». Un conservatoire délivre un enseignement classique, avec sa façon de penser la musique et le solfège. George Russell a apporté une autre façon de penser la musique improvisée et l’analyse musicale, applicable aussi bien à la musique improvisée qu’à la musique contemporaine. Donc, il y avait deux approches, la performance et la musicologie. Il avait beaucoup d’expérience sur laquelle il pouvait s’appuyer : Miles Davis, Art Farmer, Gerry Mulligan… Il a influencé le jeu modal des années 1950.
Etait-il un bon professeur ?
Pour une raison ou une autre, je suis le seul à avoir raté son examen – donc, c’était un bon professeur ! J’aurais dû être la dernière personne à le rater. En 1999, j’ai écrit « Blues Work » qui utilise deux accords, un ré mineur et un la bémol 7. En 2004, il avait réédité son livre. Je l’ai vu à Boston et lui ai parlé de ce titre écrit en 1999. Il m’a dit : « On dirait que tu as lu le chapitre 25 de mon nouveau livre. » Je crois qu’à ce moment-là, j’ai réussi l’examen ! (Rires)
Qu’enseignait Gunther Schuller ?
C’était plus un conférencier. Il parlait de direction d’orchestre. A cette époque, il transcrivait des œuvres plus anciennes de Duke Ellington. J’étudiais aussi dans son ensemble. Je me souviens de le voir dans son sous-sol transcrivant des disques. J’ai peut-être appris ça (il désigne les partitions de Tevfik) en le voyant faire. J’ai appliqué ce concept à la musique de Tevfik.
Qu’avez-vous étudié avec Jaki Byard ?
Avec lui, j’ai étudié la composition pour big band. J’ai été dans son orchestre pendant trois ans. C’était un historien hors pair. Il maîtrisait tous les styles. Il a exercé une grande influence sur moi. Il connaissait toutes les façons de jouer du piano. La plupart du temps, les musiciens ne savent jouer que d’une seule façon. C’est le cas pour 90 % des musiciens. Musicalement, il était très ambidextre. Il pouvait jouer trois mélodies à la fois.
Il a eu un big band, the Apollo Stompers…
Ce dont je vous parle se passe avant les Apollo Stompers. J’ai fait partie de la première formation des Apollo Stompers. Puis il en a lancé une autre pour les cours du samedi.
Vous avez enregistré avec lui tout au long de votre carrière. Quelle relation aviez-vous eu avec lui ?
Il était comme un deuxième père pour moi.
Pour votre second album leader Manhattan Plaza, en 1978, vous avez fait appel à Jaki Byard…
Je
voulais le remercier d’avoir été mon professeur. Je voulais lui donner
en retour. Il a apporté ce super titre « Fadism ». Nous avons joué
quelques-uns de ses morceaux aussi.
Qui étaient vos héros à cette époque ?
Sans doute mes professeurs.
Durant ces années au NEC, vous avez participé à un enregistrement pour la première fois…
Gunther Schuller nous a emmenés à Washington pour jouer au Smithsonian Institution pour un projet autour de Duke Ellington. C’était vers 1972-1973. Le premier disque que j’ai fait, c'était avec Gunther et son ensemble.
Avant de jouer dans le Duke Ellington Orchestra, l’aviez-vous vu en concert ?
Duke Ellington venait jouer une fois par an à Boston. Il jouait au Elma Lewis Playhouse in the Park. J’étudiais avec Bill Saxton au National Center for Afro-American Artists, et j’allais voir Duke Ellington jouer chaque été.
Comment avez-vous rejoint l’orchestre ?
Un an avant sa mort, j’ai rencontré Duke Ellington dans les coulisses après le concert. J’ai serré sa main. Le saxophoniste colombien Justo Almario m’avait présenté à lui. Il avait joué dans l’orchestre et enseignait à mon école. Puis, je me suis mis à étudier très sérieusement. L’année suivante, l’orchestre est revenu à Franklin Park en juillet ou en août. Duke était mort en mai. Après le concert, il y avait une réception. Elma Lewis a dit à Mercer que j’étais l’un de ses étudiants les plus prometteurs. Mercer m’a dit de le retrouver dans le bus à Copley Square et d’acheter des pantalons noirs, un nœud papillon noir, une chemise et des chaussures noires. A ce moment-là, je connaissais tout le répertoire. Je suis parti en tournée avec eux durant deux mois. Le premier soir, ils jouaient tous ces titres que je connaissais. Ils étaient très impressionnés. Ils n’arrivaient pas à croire qu’un jeune puisse tous les connaître. Après ça, à chaque morceau, j’avais un solo. Je me souviens qu’ils se rappelaient de l’époque où ils avaient mon âge. Quand Harry Carney est mort, vers le mois d’octobre 1974, Mercer m’a appelé et j’ai rejoint l’orchestre.
Vous avez pris le siège de Paul Gonsalves. L'aviez-vous rencontré ?
Je l’ai rencontré quelques années avant sa mort.
Etiez-vous proche d’un musicien en particulier ?
J’ai été très proche de Cootie Williams. Nous mangions toujours ensemble. Il me donnait des conseils sur comment jouer. Il m’a parlé de son enfance. Il avait étudié avec le père de Lester Young. Il m’a raconté toutes sortes d’histoires dingues.
Il y avait d'autres musiciens de l’orchestre de Boston, comme vous…
Harry Carney et moi avons grandi dans le même quartier. Johnny Hodges et mon père ont grandi ensemble. Paul Gonsalves est né à Boston aussi.
Les autres musiciens de l’orchestre partageaient-ils leurs histoires ?
Uniquement Cootie. Personne ne pouvait surpasser Cootie ! (Rires) Il se sentait comme obligé de vous parler de l’industrie musicale, de ses risques, etc. A l’époque, l’industrie était très violente. Si vous ne pouviez pas jouer, vous étiez tabassés. Il y avait beaucoup d’histoires de musiciens qui se sont fait passer à tabac.
Quelle était la relation de l’orchestre avec Mercer ?
Tout le monde respectait Mercer parce que c’était le fils de Duke. C’était quelqu’un de formidable. Il n’y avait pas beaucoup de pression. Tout le monde dans l’orchestre savait ce qu’il devait faire.
Avez-vous fait beaucoup de tournées ?
Nous avons parcouru la terre entière pendant 48 semaines. Mercer a honoré tous les contrats que Duke a signés de son vivant.
Connaissiez-vous Charles Mingus avant de travailler avec lui ?
Je connaissais Mingus de Boston. Jaki Byard m’avait présenté à lui. Je faisais le bœuf avec lui au Jazz Workshop. J’étais aussi proche de Mingus que de Cootie Williams. On dînait souvent ensemble. Il ne m’avait pas vu pendant plusieurs années avant que le Duke Ellington Orchestra m'engage. Ça l’a fait un peu paniquer. Il y avait une grande cérémonie commémorative pour le premier anniversaire de la mort de Duke à Saint John the Divine, à New York. Mingus a joué en solo « In a Sentimental Mood ». Nous étions tous sur scène et il m’a vu. A la réception, quelqu’un est venu me voir et m’a dit : « Le Duke Ellington Orchestra va se faire piquer quelqu’un. » Je n’avais pas fait le rapprochement. De retour à l’hôtel, Mingus m’avait laissé un message lui demandant de le rappeler. A chaque fois que je m’apprête à faire quelque chose d’important, je téléphone à Sonny Rollins. Je l’ai fait avant de me marier, avant de m’installer en France, etc. Sonny pensait que ce serait une bonne idée de travailler avec Mingus. Un jour, dans les vestiaires, j’étais déjà dans le groupe, Charles a dit très fort de but en blanc : « Sonny m’a dit que tu lui as téléphoné ! » Je ne savais pas quoi dire ! (Rires) Tout le monde a ri ! (Rires).
Etiez-vous préparé à travailler avec Mingus comme vous l’aviez fait pour le Duke Ellington Orchestra ?
Pour une raison ou une autre, je ne me suis pas préparé à travailler avec Mingus. Je ne voulais pas jouer comme George Adams ni Eric Dolphy ni Clifford Jordan. Je voulais jouer à ma façon. Ce n’était peut-être aussi compatible qu’avec ce que Mingus voulait. Il m’a viré plusieurs fois. Mais c’était cool. Mingus et moi avons parlé de beaucoup choses, de la philosophie de la musique, etc. Par la suite, Mingus a arrêté de me demander de jouer comme George Adams. C’est la première chose qu’il a faite. Puis il s’est mis à écrire de la musique. Il disait : « J’vais pas vous rater! » (Rires). Toutes ces années, il avait écrit une musique que personne ne pouvait jouer. Et là, il a écrit un paquet de musiques très difficiles que nous étions les seuls à pouvoir jouer, comme Cumbia & Jazz Fusion et Three or Four Shades of Blues. Puisqu’il ne pouvait plus compter sur ses musiciens, il devait compter sur lui-même.
Comment avez-vous réagi à cette musique ?
Il nous a virés ! C’était dur pour lui. Puis il a laissé tomber. On a joué cette musique du mieux qu’on pouvait. Au North Sea Jazz Festival, Arnett Cobb nous a entendus jouer un set et nous a dit que nous lisions toute la soirée. Il n’y avait pas beaucoup de place pour l’improvisation. Donc il nous a virés du projet (Rires)… mais nous jouions toujours. Tout ça est positif. Si nous n’étions pas aussi inflexibles, Mingus n’aurait pas écrit ses nouveaux opus, et il dépendrait de nous pour porter sa musique. La preuve de cette dépendance est qu’à notre arrivée dans le groupe, Mingus devait renouveler tous ses droits d’auteur. Il n’avait jamais mis sa musique par écrit. Elle s’était faite directement dans le studio. Jack Walrath et moi avons pris dix, vingt disques, et les avons transcrits pour protéger les droits d’auteur. C’était aussi un challenge pour lui de traiter avec des musiciens plus jeunes. Beaucoup de choses convergeaient vers lui. Et à côté de cette situation avec nous, il est tombé malade.
Dans Three or Four Shades of Blues, Mingus a fait appel à George Coleman et Sonny Fortune.
Je
faisais le bœuf avec George Coleman au Boomer’s, à New York. Un jour,
je suis parti en vacances en Espagne. Mingus essayait de me joindre pour
un engagement. Personne ne ne savait où j’étais. J’ai fini par appeler
chez moi, et tout le monde m’a dit que Mingus me cherchait. A mon retour
à New York, il était tellement en pétard qu’il avait appelé dix
saxophonistes pour venir au Village Gate et prendre mon gig. Mais j’ai
tenu ferme. Donc Three or Four Shades of Blues était une métaphore de cette jam session géante. Il voulait me donner une leçon : ne jamais rater un engagement ! (Rires)
En 1977, vous enregistrez votre premier disque leader, Loxodonta Africana. Cela s’est-il fait pendant votre collaboration avec Mingus ?
Mingus craignait que Gunther Schuller m’enregistre parce que je travaillais avec lui. Lors d'une tournée en Amérique du Sud – nous étions dans l'avion avec Mingus – j'ai sorti mon bloc et j'ai commencé à écrire de la musique. J’utilisais des triples croches, ce que Mingus utilisait. Il était assis à côté de moi, et il s’est mis à poser de profil. Il pensait que je dessinais son portrait ! Puis il a jeté un œil, et il a vu que j’écrivais de la musique. Il a regardé le bloc, et il a dit : « T’as volé mes triples croches ! » (Rires) Nous avons tous ri. Plus tard, il a publié ma musique dans sa société.
Quelle a été la réaction de Gunther Schuller à votre musique ?
Il voulait que j’éteigne les lumières dans le studio et que j’improvise avec Dannie Richmond. Je ne voulais pas faire ça pour ne pas revenir à la situation de dépendance de Mingus. Je voulais écrire de la musique.
Quand avez-vous commencé à composer ?
A cette époque.
Avez-vous eu l’occasion de composer durant vos études au NEC ?
On étudiait avec Joe Maneri le Traité d’harmonie de Schönberg. J’ai fait beaucoup de composition chorale. J’ai fait un arrangement pour big band dans le cours d’arrangement de Jaki Byard. Après ça, je n’ai pas eu l’occasion d’écrire de la musique avant mon enregistrement parce que j’ai commencé à travailler avec le Duke Ellington Orchestra puis avec Mingus. Donc, dans cet avion avec Mingus, j’écrivais mes premiers morceaux.
Vous avez façonné votre propre voix très tôt. A Boston dans les années 1970, d'autres musiciens étaient-ils influencés par des musiciens comme John Coltrane ?
Personne ne voulait être influencé par Coltrane, excepté Michael Brecker, Dave Liebman, Bob Berg, Steve Grossman. J’avais déjà joué avec Sonny Rollins pendant une semaine et étudié avec Joe Allard, donc j’ai choisi de suivre ma voie.
Au fil des années, Ran Blake est l’un des pianistes avec qui vous avez le plus enregistré. Comment s’est passé l’enregistrement de Rapport en 1978 ?
Jouer avec Ran en concert est très différent du studio. Dans le studio, ça paraît parfois très sec. Parce que c’est le premier pianiste avec lequel j’ai travaillé, j’ai compris qu’il ne ressemblait à aucun autre. C’est un peu plus libre avec lui. Il ne fait pas qu’accompagner. Rapport était un peu obscur. J’ai fait du mieux que j’ai pu. Je trouve que The Short Life of Barbara Monk était meilleur. L’album que nous avons fait avec Steve Lacy était très intense aussi. That Certain Feeling est un album incroyable.
Comment avez-vous trouvé la scène new-yorkaise à votre arrivée en 1974 ?
Il y avait beaucoup musiciens plus âgés. J’étais le seul jeune. C’était un peu décevant.
Quels clubs aimiez-vous fréquenter ?
On fréquentait le Boomer’s. George Coleman, Clifford Jordan et Harold Vick y travaillaient toujours. On allait au Ladies’ Fort, au Vanguard, etc.
Quelle était votre vie quotidienne ?
Je jouais dans huit groupes différents. J’étais en tournée onze mois sur douze. Parfois, je ne voyais pas ma famille. Certaines années sont difficiles.
Aviez-vous des saxophonistes à l’esprit quand vous jouiez ?
A cette époque, je ne pensais à personne. Je voulais jouer à ma façon. Parfois, je pensais un peu à Paul Gonsalves avec le Duke Ellington Orchestra, parfois un peu à Dexter. J’étais toujours influencé par mes études théoriques de Schönberg avec Joseph Maneri. J’étais très libre en termes de forme musicale. L’harmonie doit dicter le nombre de mesures. Je travaillais à ça.
Vous avez enregistré 21 albums leader et, dès votre premier album, vous avez toujours eu le souci des compositions originales.
Je voulais construire un répertoire de compositions originales. Mon idée était d’écrire autant de morceaux que possible. Certains sont comme des nouveaux modèles pour l’avenir. Si vous pouvez faire un morceau à douze mesures, vous pouvez en écrire un à quinze, ou au moins montrer que c’est possible. Le seul autre compositeur qui écrivait des formes irrégulières est Beethoven.
Avez-vous étudié la musique classique ?
A Brandeis University, j’ai eu un peu le temps d’étudier la composition contemporaine avec Harold Shapero. Nous faisions de grandes études, notamment d’Elliott Carter. J’ai eu l’occasion de rencontrer Elliott Carter. Mais ces compositeurs n’aimaient pas la performance. C’est un peu paradoxal parce qu’ils écrivent une musique qui doit être interprétée. Si vous leur parliez de Monk ou de Coltrane, ils vous disaient que c’était des compositeurs de pièces courtes. Il y a un certain mépris des compositeurs pour les interprètes. Du moins, c’est ce que je retiens d’Elliott Carter.
Pourquoi avez-vous désiré rejoindre Lionel Hampton en 1980 ?
Pour plusieurs raisons : la recherche et le patrimoine. J’adore Lionel Hampton. C’est un formidable soliste. Je voulais écrire pour lui aussi. Je me suis dit que la seule façon de le faire était de jouer dans son groupe. Je voulais aussi voir de mes yeux comment il faisait. On racontait qu’après avoir joué dans son orchestre, vous ne pouviez plus jouer. C’était donc un grand défi. J’ai écrit quelques titres pour lui.
A-t-il apprécié vos compositions ?
Il les adorait. Il s’exerçait tous les jours avec. Il disait que c’était le bebop des années 1980.
Une fois dans le groupe, aimiez-vous jouer avec les autres musiciens?
C’est l’un des meilleurs groupes qu’il ait jamais eu. C’est ce que Lionel Hampton disait.
Vous l'avez rencontré la première fois lors de Lionel Hampton Presents Charles Mingus en 1977…
Oui, nous avions fait un disque avec Mingus. C’est là que je l’ai rencontré.
Dans les années 1980, vous avez beaucoup travaillé avec Abdullah Ibrahim, et vous avez enregistré des albums comme Ekaya (1983) et Water From an Ancient Well (1985). Ces enregistrements comportaient aussi beaucoup de compositions originales.
Abdullah a mis sur pied un groupe et nous avons bien réussi. Quand nous sommes partis, personne ne pouvait jouer sa musique comme nous le faisions. Jouer avec lui était un défi. Mais le plus important est qu’il écrivait sa propre musique. Il adorait Duke Ellington, et il pensait pouvoir faire comme Duke. Et nous l’avons fait. Après avoir dissous le groupe pour jouer en trio pendant plusieurs années, il a essayé de mettre un nouveau groupe sur pied. Il n’a trouvé personne pour jouer sa musique comme nous le faisions. C’était un choc pour lui. Il pensait pouvoir faire avec d’autres ce qu’il avait fait avec nous. Les autres musiciens n’avaient pas les antécédents nécessaires. On revient à la question de la spécialisation. 90 % des musiciens se spécialisent, et ne savent pas jouer autrement. Les musiciens d’Abdullah Ibrahim avaient plusieurs facettes. Charles Davis, Dick Griffin, Carlos Ward, Cecil McBee, Ben Riley et moi pouvions jouer de plusieurs façons. C’était un groupe incroyable. Mais il pensait pouvoir tout faire par lui-même. Nous étions là pour l’aider. Un bon musicien veut aider les autres. L’art naît de cet acte. C’est ce qui manque à la musique aujourd’hui. A l’art aussi.
Vous êtes toujours à la recherche de nouveaux talents. Vous êtes parmi les premiers à avoir embauché Geoff Keezer, Roy Hargrove, Bob Hurst, Jeff Tain Watts, Christian McBride, etc. Vous étiez parmi les premiers avec Bobby Watson dans Interpretations en 1983.
Bobby était jeune et dynamique. Son premier disque était avec Clifford Jordan. Clifford arrivait toujours à les avoir en premier ! (Rires) La même chose est arrivée avec Roy Hargrove dans Hard Grooving (1989). Il avait d’abord enregistré avec Clifford. C’est peut-être arrivé aussi avec Christian McBride. J’étais toujours le deuxième à les avoir.
Au fil de votre discographie, vous avez enregistré peu de standards…
Quand j’ai fait des standards, j’ai vérifié que personne ne les avait enregistrés auparavant. Beaucoup de titres de Shorter Ideas n’avaient pas été enregistrés. J’étais le premier à faire « Yes or No » depuis Wayne Shorter. Peut-être aussi « Dance Cadaverous », « Miyako » et « Pinocchio ». Même chose pour « Take the Coltrane ». Je pense que j’étais le premier à enregistrer « Happy Reunion » depuis Duke. Puis Joe Henderson l’a repris quelques années plus tard. Si vous êtes le premier à enregistrer un standard, il n’y pas de problème. Sonny Rollins a fait la plus grande partie de sa carrière comme ça.
Tous vos albums en leader consistent à construire un répertoire de compositions originales. Quels sont les autres musiciens qui ont constitué un répertoire personnel que vous appréciez le plus ?
Wayne Shorter, Duke Ellington, Ornette Coleman, Albert Ayler, Don Ellis, Tom Harrell.
La plupart des albums que vous avez enregistrés en sideman impliquent des compositions originales…
Les plus profonds étaient les enregistrements avec Mal Waldron. « Tout le monde prend un solo de cinq minutes », disait-il. Un solo de cinq minutes, c’est intense. La composition classique moyenne dure cinq minutes. Vous pouvez faire quelque chose de très intense pendant trois minutes. J’ai une partition d’Elliott Carter pour trois minutes. Je lui avais demandé comment il avait réussi à faire ça. Il m’avait dit qu’il écrivait d’abord les rythmes qu’il remplissait ensuite avec les notes. C’est un processus de construction énorme. Parce que je traite d’art aujourd’hui, je trouve que certaines de ses partitions sont très figuratives. Peut-être je ferais de tout ça un tableau un de ces jours.
Vous avez travaillé avec Mal Waldron de 1989 à 1994…
Mal était quelqu’un de formidable. Il avait beaucoup d’humour. Il connaissait des limericks (poème court humoristique). C’était un philosophe. Il a joué dans mon big band et a apporté quatre ou cinq titres.
En 1990-1991, vous vous êtes installé à Paris. Comment avez-vous trouvé la scène jazz ?
Il n’y a pas vraiment de scène jazz à Paris. A l’époque, il n’y avait pas tant de musiciens que ça. Beaucoup étaient plus âgés. Beaucoup d’Américains vivaient ici, puis sont repartis ou sont décédés. Même aujourd’hui, j’ai des élèves venus de Turquie qui se sentent mieux à Istanbul. Je ne sais pas pourquoi. Même à New York, les musiciens ne se sentent pas bien. C’est bien sur le papier mais la réalité est autre. La concurrence est parfois une bonne chose, autrement on tombe dans la complaisance. Je ne sais pas… A Paris, je n’ai aucune distraction.
Depuis Paris, comment voyez-vous la situation à New York ?
On dirait que les musiciens subissent toujours autant de pression. Si vous voulez être enregistré, vous devez sonner comme Eric Dolphy ou quelqu’un d’autre. Ils doivent toujours jouer des standards. C’est difficile pour les musiciens d’être inflexibles. Ils doivent toujours faire des concessions à l’industrie. Les jeunes musiciens ont moins d’opportunités pour être originaux. Tout est très programmé. C’est mon impression. Je ne sais pas si c’est lié à la pédagogie ou au marketing. Peut-être le jazz d’aujourd’hui est-il comme le pop art. Mais ce n’est pas positif de dire ces choses-là…
Vous avez beaucoup enseigné. Brandeis University était-ce votre première expérience ?
J’y avais un big band de 1985 à 1996. Je développais le répertoire de compositeurs dont la musique n’avait jamais été jouée par un big band. Beaucoup étaient des pianistes. Ça donne au big band une autre perspective. J’ai arrangé la musique de Mary Lou Williams, Ran Blake, Walter Bishop Jr., Harold Ashby, Amina Claudine Myers, Abdullah Ibrahim, Steve Lacy, tout ce que j’ai fait avec Mingus, Dave Burrell, Mal Waldron. Steve Lacy était surpris que sa musique fonctionne avec un big band. J’y ai développé beaucoup de mes concepts sur le big band. Pendant que je travaillais là-bas, j’ai étudié et obtenu un master en composition.
Dans Saxotic Stomp, vous rendez hommage à Mary Lou Williams (« For Mary Lou »).
Je l’ai rencontrée une fois avec Ran Blake. J’allais la voir en concert avec mon père à Copley Square Hotel à Boston. Je connaissais Peter O’Brien avant mon départ pour New York. Il m’a donné des copies et des partitions de la Zodiac Suite. Je l’ai réarrangée pour le big band de Brandeis.
Comment êtes-vous venu à enseigner à la Istanbul Bilgi University ? Vous y êtes resté de 2000 à 2006.
J’y suis allé pour un concert. Butch Morris était là-bas. J’étais venu jouer la musique de Mingus. Des étudiants m’ont demandé si je voulais enseigner. Par coïncidence, Can Kozlu y enseignait. Il jouait dans mon big band quand il étudiait à Brandeis. Tout s’est fait naturellement. La Turquie m’a beaucoup appris sur l’art de vivre.
Aujourd’hui vous travaillez avec Ze Big Band pour lequel vous avez écrit 7095 (2009) et Sacred Concert (2013).
J’ai d’abord créé un big band à Paris. Nous jouions au Duc des Lombards ou au Sunset. Fred Burgazzi jouait dans le groupe. Puis je suis parti en Turquie. A mon retour, j’ai travaillé avec Ze Big Band, qui est dirigé par Fred. Nous avons de bons musiciens.
L’orchestre comporte-t-il de vos anciens élèves ?
Non.
En 2008, vous avez lancé le projet « A Great Day in Paris », en hommage à la célèbre photographie « A Great Day in Harlem » d’Art Kane. De quoi s’agit-il ?
En 2008, c’était le 50e anniversaire de la photo « A Great Day in Harlem » d’Art Kane prise en 1958 avec tous Les musiciens à Harlem. Je trouvais que c’était une bonne idée de faire la même chose avec les musiciens de jazz américains vivant en France. Il a fallu un an de préparation. Des musiciens de toute la France sont venus. Philippe Lévy-Stab a pris une photo de groupe sur les marches de Montmartre, et Michka Saäl a débuté un documentaire sur ces musiciens.
Aujourd’hui, vous vivez à Toucy, en Bourgogne, où vous avez ouvert une galerie d’art. Vous exposez des artistes et vos peintures. Quand avez-vous commencé à peindre ?
En 2008.
Depuis 2008, vous organisez le Toucy Jazz Festival au mois de juillet. Vous y avez notamment invité Rhoda Scott et Benny Golson (2010), Archie Shepp et Ravi Coltrane (2011), Ran Blake et Bobby Few (2012), La Velle et Rhoda Scott (2013), Ze Big Band et Alain Jean-Marie (2014). Comment est née l’idée d’un festival ?
C’était l'un de mes rêves. En 2008, j’ai ouvert une galerie d’art et j’ai fait un concert en solo à l’église de Toucy. Beaucoup de gens sont venus. L’idée d’un festival de jazz m’est venue. Je voulais que ce festival de jazz ait une certaine notoriété, et qu’il attire des musiciens très solides dans un coin où personne ne les connaît. Beaucoup de gens nous soutiennent. Le maire adore le jazz. Il y a le conservatoire d’Auxerre qui n’est pas loin. J’ai eu de très bons retours des habitants de Toucy mais aussi de Paris et de partout.
Est-ce qu’un musicien vous a déjà apporté un morceau dans le contexte du festival ?
Benny Golson a écrit « Stage Center » pour moi. C’est un morceau qui dure 20 minutes. C’est magnifique. Ça n’avait jamais été joué auparavant.
Quels musiciens aimeriez-vous inviter dans des éditions à venir ?
Wayne Shorter, Charles Lloyd, Sonny Rollins et des musiciens plus jeunes aussi.
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Contact
http://ricky.ford.free.fr http://www.toucyjazzfestival.com http://www.galerie14.org
Concert Péniche L'Improviste, Quai d'Austerlitz, Paris, 2 juillet Toucy Jazz Festival, Toucy (89), 18-19 juillet Festival Jazz Foix, Foix (09), 21 juillet
Discographie
Leader-coleader CD 1977. Loxodonta Africana, New World 80204-2 (LP 204) LP 1978. Manhattan Plaza,
Muse 5188 LP 1980. Flying Colors,
Muse 5227 LP 1981. Tenor For The Times,
Muse 5250 LP 1983. Interpretations, Muse 5275 LP 1984. Future's Gold,
Muse 5296 LP 1984. Shorter Ideas,
Muse 5314 LP 1986. Looking Ahead,
Muse 5322 LP 1987. Saxotic Stomp, Muse 5349 LP 1989. Hard Groovin',
Muse 5373 LP 1989. Manhattan Blues, Candid 79036 CD 1990. Ebony Rhapsody, Candid 79053 CD 1991. Hot Brass,
Candid 79518 CD 1991. American-African Blues,
Candid 79528 CD 1992. Tenor Madness Too, Muse 5478 CD 1994. Yusef Lateef & Ricky Ford, Tenors of Yusef Lateef & Ricky Ford, YAL Records 105 CD 1999. Balaena, Jazz Friends Productions 005 CD 2002. Songs For My Mother, Jazz Friends Productions 007 CD 2003. Ricky Ford & Kirk Lightsey, Reeds and Keys, Jazz Friends Productions 006 CD 2009. Ricky Ford & Ze Big Band, 7095, Ze Big Band Productions 01 CD 2013. Ricky Ford & Ze Big Band, Sacred Concert, Ze Big Band Productions 02
Sideman LP 1974. New England Conservatory Jazz Repertory Orchestra
, Golden Crest 31041
18 CD 1975. Mercer Ellington, Continuum, Fantasy 247652 (LP 5991/FT 525) CD 1977. Charles Mingus, Cumbia & Jazz Fusion, Rhino/Atlantic 8122717852 (LP Atlantic 8801
) CD 1977. Charles Mingus, Three or Four Shades of Blues, Rhino/Atlantic 7567814032 (LP Atlantic 1700) LP 1977. Charles Mingus, The Charles Mingus Memorial Album
, Burning Desire 010 LP 1977. Charles Mingus, Stormy & Funky Blues,
Moon 064 CD 1977. Charles Mingus, Lionel's Sessions, Universe 56 (LP Lionel Hampton, Presents Charles Mingus, Who's Who in Jazz 21005
) LP 1978. Ran Blake, Rapport, Arista Novus 3006 CD 1978. Charles Mingus, Me Myself and Eye,
Atlantic 7567930682 (LP Atlantic 8803
) CD 1978. Charles Mingus, Something Like a Bird,
WEA Japan 7413051 (LP Atlantic 8805) CD 1978. George Russell, New York Big Band, Soul Note 1210392 (LP Soul Note 1039) LP 1979. Beaver Harris, 360 Degrees Music Experience, Cadence 1003 LP 1979. Ronnie Mathews, Legacy,
Bee Hive 7011 LP 1979. Red Rodney, The 3 R's, Muse 5290 LP 1980. Sonny Stitt, Sonny's Back, Muse 5204 LP 1980. Dannie Richmond, Dannie Richmond Plays Charles Mingus, Timeless SJP 148 CD 1980. Dannie Richmond Quintet, The Last Mingus Band A.D.,
Landmark 1537 (LP Gatemouth 1004) CD 1980. Mingus Dynasty, Live at Montreux, Collectables 6168 LP 1981. Jack Walrath, Revenge of the Fat People,
Stash 221 LP 1981. Lionel Hampton, Aurex Jazz Festival '81,
East Wind 80207 LP 1981. Various Artists, Aurex Jazz Festival '81: All Star Jam Session, East Wind 80208 LP 1981. Lionel Hampton, Ambassador At Large,
Glad Hamp 1024
LP 1982. Lionel Hampton, The Boogie Woogie Album,
Telefunken 6.25427
LP 1982. Lionel Hampton, Made in Japan,
Timeless SJP 175 CD 1982. McCoy Tyner, 13th House, Milestone/OJC 9102 (LP Milestone 9102) LP 1982. Tom Harrell, Play of Light,
Blackhawk 50901 LP 1982. Mingus Dynasty, Reincarnation,
Soul Note 1042 CD 1983. Kip Hanrahan, Desire Develops an Edge, American Clavé 1008/9 (LP American Clavé 1009) LP 1983. Abdullah Ibrahim, Ekaya,
Ekapa 005 LP 1983. Dannie Richmond, Dionysus, Red VPA 161 LP 1983. Freddie Hubbard, The Rose Tattoo, Baystate RJL-8095 LP 1984. Beaver Harris, Well Kept Secret,
Shemp 2701
CD 1985. Abdullah Ibrahim, Water From an Ancient Well,
Tiptoe 8888122 (LP Blackhawk 50207) CD 1985. Lee Torchia, Loverman,
Jazz Ragas 3239 (LP Jazz Regas 001) CD 1986. Amina Claudine Myers, Country Girls,
Minor Music 801012 (LP Minor Music 1012) LP 1986. Ran Blake, The Short Life of Barbara Monk,
Soul Note 121 127 LP 1986. Riyuko Tanaka, Time Take Your Heart,
Break Time GGP-19 CD 1987. Sathima Bea Benjamin, Lovelight, Enja R2 79605 (LP Enja 6022) LP 1988. Carmen Lundy, Night and Day, CBS 28AP 3320 CD 1988. Abdullah Ibrahim, Mindif,
Enja R2 79601 (LP Enja 5073) CD 1989. Mike Clark, Give the Drummer Some, Stash 22 LP 1989. Ellen May Shashoyan, Songs For My Father,
New Ark 101 LP 1989. Newport Jazz Festival All-Stars, Bern Concert '89, Concord 4401 CD 1989. Mal Waldron, Crowd Scene,
Soul Note 121 218-2 CD 1989. Mal Waldron, Where Are You ?,
Soul Note 121 248-2 CD 1989. Richard Davis, One For Frederick,
Hep 2047 CD 1989. McCoy Tyner, Uptown/Downtown, Milestone 9167-2 CD 1990. Abdullah Ibrahim, No Fear, No Die/S'en fout la mort,
Tiptoe 88815 2 CD 1990. Ran Blake, That Certain Feeling (The George Gershwin Songbook), ART 6077 CD 1990. Richard Davis, Dealin'
, Sweet Basil 66055011 CD 1990. Richard Davis & Friends, Live At Sweet Basil, Evidence 22103 (HEP 2047) CD 1991. Candid Jazz Masters, For Miles, Candid 79710 CD 1993. Steve Lacy, Vespers,
Soul Note 121 260-2 CD 1995. Dave Burrell, Esquisses For a Walk,
Nocturne 319 CD 1997. Pete (LaRoca) Sims, Swing Time, Blue Note 7 854876-2 CD 1997. Abdullah Ibrahim, South African Ambassador, JazzFest 2201 CD 1997. Richard Davis, Total Package,
Marge 22 CD 1997. Mingus Dynasty, Reincarnation, Soul Note 121 042-2 CD 1998. Jaki Byard, July in Paris, Jazz Friends Productions 003 CD 2005. Abdullah Ibrahim, A Celebration, Enja Records 9476 2 CD 2005. Rhoda Scott, Very Saxy, Ahead 820 CD 2007. Cliff Brown, In the Meantime, All-In-One
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