Eric Reed
Chapter 1 : The Color of the Soul
Né
le 21 juin 1970 à Philadelphie (Pennsylvanie), d’un père prêcheur et d'une
mère alors employée de banque avant d'entrer dans l'enseignement
après le déménagement de la famille à Los Angeles, il reconnaît
que son jeu de piano doit beaucoup au fait d'avoir été élevé au
sein de l'église baptiste. Dès ses 2 ans, ses parents, qui
travaillent tous les deux, le confient à des voisins chez lesquels
trône un piano. Le jeune Eric aurait grimpé sur le tabouret pour
reproduire ce qu'il entendait à la radio et sur les disques. Mais
c'est le gospel qui va nourrir musicalement le petit garçon. C'est
tout à fait naturellement qu'il pense que sa couleur musicale est
due à l'influence du gospel et non à la couleur de sa peau : comme
il le répète plusieurs fois au cours de l'entretien, la couleur
musicale d'un musicien dépendant avant tout de sa culture et non de
son ADN. Il n'a jamais abandonné le gospel et ses nombreuses
interventions en sideman au sein de groupes de gospel en témoignent.
Même
s'il a beaucoup enregistré en leader, il reconnaît qu'il est temps
qu'il crée un son de groupe pour interpréter sa musique. Ceci n'a
jamais été le cas jusqu'à présent car il se consacre plus à la
thématique qu'à la création d'un trio personnel auquel il pourrait
attacher son nom. Cet entretien a été réalisé à Vienne au
lendemain d'un concert de quatre pianistes : Kenny Barron, Eric
Reed, Benny Green et du regretté Mulgrew Miller.
Cet
entretien est dédié à sa mémoire.
Propos recueillis par Guy Reynard Photos Pascal Kober, Guy Reynard
© Jazz Hot n°671, printemps 2015
Jazz Hot : L'un
de vos derniers disques s'intitule The
Baddest Monk (le
Pire Monk). Pourquoi ce titre ?
Eric
Reed : En
anglais-américain, dans le langage des musiciens, lorsque qu'un
musicien est vraiment un très grand, vous dites : « he is bad ! ».
Je voulais réunir un groupe de morceaux que je joue depuis l’âge
de 5 ou 6 ans. J'apprécie cette musique, j'aime la mélodie,
l'harmonie et le rythme, et bien sûr Thelonious Monk est un génie.
Il est vraiment intense. The
Baddest Monk est
suffisamment libre pour dire beaucoup de choses à la fois sur
Thelonious Monk et les musiciens présents sur le disque :
Henry Cole, Seamus Blake, Matt Closey, Etienne Charles et Jose James.
Ce sont de très bons musiciens, et je suis fier de la façon dont
ils ont joué cette musique.
Comment avez-vous
choisi les compositions de Thelonious Monk ?
En fait
c'est très facile car Monk n'a pas un grand nombre de compositions.
C'est autour de 80, je ne sais pas exactement le nombre de ces thèmes
publiés. Si vous enregistrez 10 ou 11 compositions en un disque,
vous pouvez enregistrer les œuvres majeures et mineures de
Thelonious en une série de neuf ou dix albums.
Vous ne vouliez pas
réaliser un hommage…
Lorsque
vous pensez à un hommage, vous minimisez l'idée du projet ainsi que
le compositeur et la matière du sujet. Et on ne décrit pas
pleinement le projet qui est bien plus que ça. C'est l'offrande
de mes interprétations d'un important maître du monde de la
musique. Dire hommage ne lui rend pas justice, même si, par
définition, c'est peut-être ce que c'est. Je traite ses chansons
comme si c'étaient mes propres compositions. La musique de
Thelonious Monk n'a pas besoin d'arrangement, elle est brillante en
soi, mais je ne vois aucune raison de jouer sa musique comme lui,
avec le même tempo, le même feeling. Pour moi, pour le public, je
suis plus intéressé à les considérer comme des compositions
originales. Glenn Gould disait : « Lorsque vous jouez Mozart ou
Beethoven, vous recomposez réellement la musique. »
Glenn Gould musicien de
Jazz… ?
Je pense
qu'il ne serait pas d'accord. Mais je comprends ce que vous dites…
Le
disque comporte deux de vos compositions (« The Baddest Monk » et «
Monk Buerre Rouge »). Les jouez-vous dans le même esprit que les
compositions de Monk ?
Oui,
absolument ! (en français).
Dans « Monk Buerre Rouge » la mélodie comporte certaines lignes de
base de Monk. (Il chante)
Ça vient de « Crepuscule With Nellie » et la fin (il
chante à nouveau) est tout
à fait dans l'esprit de Monk. Monk n'a pas inventé la mélodie,
mais c'est étrange de dire qu'un musicien joue comme un autre
musicien. Tous les musiciens sont influencés par d'autres musiciens
et c'est un grand compliment de pointer cette influence. Mais la
vérité c'est que je joue mélodiquement. Si vous dites : « Je joue
comme Wynton Kelly. », cela signifie « Je swingue. » J 'ai un beau
son net et précis au piano, je suis un grand accompagnateur et
j'aime le blues. Si vous dites : « Il joue comme Art Tatum. », cela
veut dire sa technique est très fluide, son sens de l'harmonie est
très large et divers. Ainsi les compositions écrites pour
Thelonious Monk, « Monk Buerre Rouge » en particulier, sont un coup
de chapeau à Monsieur Thelonious Monk, mais c'est aussi ma propre
façon d'interpréter la musique, mes propres mélodies et mon
hommage à Thelonious Monk. C'est vrai que ce morceau est un hommage
à Monk.
Personne ne joue comme
Monk…
Personne.
Monk était un musicien original si on considère les idées qu'il a
développées et nous sommes tous influencés par lui. Je veux dire
que je peux jouer un solo de Monk parfaitement, note pour note, mais
pourquoi ferais-je cela ? Monk lui-même ne l'aurait jamais fait.
Au
cours de la conférence de presse, vous avez parlé du jazz en tant
que musique de culture…
La
culture est un langage, une forme d'expression et semblable à un
organisme qui ne cesse de respirer. Si nous essayons de définir le
jazz comme un système, cela ne marche pas, car vous le dépouillez
de son essence. Non pas que le jazz ne soit pas spécifique, au
contraire, il est très spécifique, mais ce n'est pas quelque chose
qui peut être décrit avec des mots sinon à dire que c'est une
forme d'art née du peuple noir aux Etats-Unis à la fin du XIXe
siècle. C'est le son que vous entendez lorsque sont prononcés les
mots swing, blues, improvisation. Il est difficile de décrire la
musique avec des mots, même la musique classique. Vous pouvez nommer
certains éléments que vous entendez, mais vous ne pouvez pas
utiliser ces mots pour décrire la musique. C'est la même chose
d'essayer de décrire une couleur ; comment décrire la couleur
bleue. Dites-moi ce qu'est le bleu : c'est une couleur. Quel
type de couleur ? C'est une couleur.
Aucun musicien ne joue
comme un autre.
Chacun
de nous est une personne différente. Remontons jusqu'à Buddy
Bolden. Aucun musicien vivant n'a entendu Buddy Bolden qui n'a jamais
été enregistré. Mais il existe une connexion entre Buddy Bolden et
Louis Armstrong. Louis a entendu Buddy et King Oliver avec lequel il
travaillait et Louis Armstrong a beaucoup appris des deux
cornettistes. Et ainsi je suis sûr que lorsque nous écoutons Louis
Armstrong, nous entendons un peu de King Oliver et un peu de Buddy
Bolden et finalement il s'agit juste de Louis Armstrong. Ainsi la
musique passait de musicien à musicien. Aujourd'hui la musique est
enregistrée et vous pouvez entendre tout le monde, mais à cette
époque vous deviez apprendre la musique avec quelqu'un d'autre et
donc il fallait se trouver au même endroit. Bix Beiderbecke vivant à
Davenport, Iowa, en 1915 ou 1916, n'avait jamais entendu Louis
Armstrong qui n'avait alors fait aucun disque, et Bix n'était jamais
allé à Chicago pour éventuellement le rencontrer. A cette
époque, ce qui arrivait dans la musique passait de génération en
génération. Mais lorsque la musique enregistrée est arrivée,
partout dans le monde les musiciens ont pu l'entendre et la
reproduire. Aujourd'hui la musique de la culture noire des Etats-Unis
s'est répandue dans le monde entier, et aujourd'hui tout le monde
peut y participer. Ainsi il
faut bien comprendre que l'essence de la musique de jazz vient de
notre culture, c'est la musique de notre culture. Mais elle inclut
tout le monde car, si vous jouez d'un instrument vous pouvez jouer du
jazz. C'est valable pour toutes les musiques. Personne ne peut nier
que la musique classique baroque et romantique vient des Européens,
Allemands, Français, Anglais, Italiens… La musique classique est
la musique des Européens, le jazz est la musique des
Noirs-Américains.
Vous avez joué avec
Benny Green et on perçoit une différence d’approche…
Je pense
que cette différence est due à nos racines. J'ai grandi à
l'église : mon père est un prêcheur. Ainsi certains éléments
dans mon jeu vont ressortir différemment de Benny Green dont
l'expérience est différente. Benny a toujours joué du jazz, mais
il est familier de la pop music, des Beatles, même si je ne connais
pas non plus totalement son expérience. Mais je sais que pour des
gens comme Cyrus Chestnut, Wycliffe Gordon et moi, nos racines sont
dans l'église noire et cela ressort toujours. Si vos racines sont
disons dans l'église catholique, vous n'entendrez pas beaucoup de
différence entre un musicien noir et un musicien blanc. Certains ne
veulent pas avoir ce genre de discussion par crainte du racisme. Mais
pour moi cela concerne la culture et pas du tout l'ADN.
Branford
Marsalis est catholique, et il disait que lorsqu'il était jeune il
allait chercher ses amis à la fin de l'office baptiste, et ainsi il
entendait la musique...
L'église
baptiste a un son très différent, et la différence entre certains
Noirs et certains Blancs est due à leurs influences, et surement pas
à l'ADN. Si j'avais vécu dans un environnement séculier, si
j'avais étudié la musique classique, lorsque vous m'écouteriez,
vous penseriez que je suis blanc. Non pas parce que je n'ai pas
d'âme, mais parce que cetains éléments ne sont pas présents. Il
en est de même pour la voix : les Blancs nés en
Nouvelle-Angleterre et ceux nés dans le sud des Etats-Unis ont des
accents différents. Pour les Noirs, ils en est de même. Certains
sont originaires du Sud, et c'est de là que vient notre culture.
Joe
Henderson est né à Lima (Ohio) et lorsqu'il a fait son service
militaire dans le Sud, dans la région d'où ses parents étaient
originaires, les gens parlaient comme ses parents, et il n'arrivait
pas à se rendre compte qu'ils étaient blancs ; ça pouvait être
dangereux pour lui !
Exactement,
tout dépend de ce à quoi vous avez été exposé et ce que vous
avez entendu. Ce qui est merveilleux avec le langage, c'est que nous
avons tous nos propres inflexions. Lors de cette interview, j'essaie
de parler lentement, de façon claire pour que vous me compreniez.
Lorsque j'ai une discussion avec d'autres personnes, je parle
beaucoup plus vite. Lorsque je parle avec des musiciens, nous avons
un langage différent, nous avons une sorte d'argot que je n'utilise
pas en interview car sinon personne ne comprendrait. C'est la même
chose pour la musique. Les musiciens aiment montrer leur technique,
leurs petits trucs mélodiques, harmoniques et rythmiques. Ce ne sont
pas que des trucs, la technique que nous utilisons indique qui nous
sommes.
Vous
avez enregistré plus de vingt-cinq albums en leader et ils sont différents
les uns des autres. Mercy
and Grace fait
référence à la culture d'un enfant élevé dans l'église…
Oui.
Tous mes disques racontent l'histoire de qui je suis. Le concept doit
avoir un sens. Par exemple pour moi, faire un album de Michael
Jackson n'aurait pas de sens ; cela ne marcherait pas car ce
n'est pas de là que je viens. J'aime Michael Jackson, mais ce n'est
pas de là que je viens. Si je devais le faire, je demanderais
quelques mois pour apprendre certaines choses, et je le ferais à ma
façon. Le son serait celui d'un disque habituel d'Eric Reed. Mais ce
serait plus difficile que d'enregistrer un disque de chansons de
Stevie Wonder qui est plus proche de moi. J'adore la musique de
Stevie Wonder ; j'ai un grand respect pour le musicien et pour
ce qu'il représente. En revanche, faire un album des chansons de
George Michael n'aurait vraiment aucun sens pour moi.
Comment êtes-vous
passé du gospel au jazz ?
Lorsque
j'ai commencé à jouer du gospel, tout était très différent, car
cette musique était plus ancrée dans ma culture que le jazz. De
1970 à 1975, le jazz s'est écarté de la culture noire pour obtenir
un son plus européen. Le gospel en revanche a toujours gardé les
deux pieds dans la culture noire, à l'image de la cuisine noire. Ma
mère cuisinait tous ces plats classiques de notre culture :
poulet rôti, légumes verts, pâtés de patates douces aux foies de
poulet… Le gospel, c’est aussi naturel dans la culture noire que
respirer ; quelque chose que nous faisions naturellement, notre
forme d'expression. Le jazz a été créé de la même façon, mais
alors je l'ignorais. Il n'existait pas à la maison. Mon père était
prêcheur, il n'y avait pas de musiciens de jazz à la maison et ce
n'est qu'à 5 ou 6 ans que j'ai commencé à l'aimer. Avant je ne
connaissais que le gospel : mon père chantait dans un quartet
dans la veine des Mighty Clouds of Joy, des Dixie Humming Birds des
Five Blind Boys of Alabama.
A quelle église
appartenait votre père ?
Il était
prêcheur de l'Eglise Baptiste, l'une des plus anciennes églises.
Les Noirs sont ou baptistes ou pentecôtistes. Ce qui compte, c'est
la spiritualité, ce que vous avez dans le cœur. Sur le plan musical
ces églises ont une certaine signification car elles apportent les
buts et la foi au travers de ces merveilleuses chansons que sont les
gospels. J'ai entendu ces belles histoires de foi, de croyance,
d'espoir et de confiance qui permettent de faire face à toutes les
situations. Toutes les églises ont ces chansons, même les
catholiques chantent certaines parties de l'office.
Votre père était
seulement chanteur ?
Oui et
il ne jouait d'aucun instrument. Ma mère écoutait beaucoup ;
longtemps elle a travaillé dans une banque, puis elle a appartenu au
Los Angeles Unified School System : elle a toujours été
administratrice ou éducatrice. Mon père était lui aussi lié au
livre, mais c'était surtout la Bible. Il possédait une table de
concordance, et il possédait des références grecques et hébraïques
car c'est ce qui l'intéressait. C'était ce qu'il aimait, sa
raison d'être (en français).
Je suis allé à l'école publique ; mes expériences musicales
étaient plutôt hors de la maison : à l'église, à l'école
et lors de petites assemblées. Et nous avions aussi des classes
musicales.
Quand avez-vous
commencé à jouer du piano ?
A 2 ans
dans la maison de nos voisins qui étaient nos baby-sitters
réguliers. Ils avaient un piano et m'ont assis devant l'instrument,
ou je montais sur tabouret. J'entendais des musiques à la radio et
sur les disques, et je pouvais reproduire et même récréer ce que
j'entendais. Jusqu'à mes 5 ou 6 ans, il n'y avait pas de piano à la
maison car personne n’en jouait. Mes parents ont alors acheté un
piano. J'ai pris des leçons à partir de là. Je travaillais la
musique classique : il faut partir de là, Bach et Chopin,
quelques pièces faciles écrites pour Anna Magdalena Bach.
Pourquoi avez-vous
quitté Philadelphie pour la Californie ?
Mon père
a eu une offre de travail nettement plus intéressante de la part de
Northrop, un fabricant d'avions. Au début des années 80, les
compagnies d'aviation étaient florissantes, et il a obtenu un bon
travail, une bonne sécurité d'emploi et une bonne pension. Il a
mené de front ses deux emplois car l'église comportait moins de
trente personnes, et il n'aurait pas pu ne travailler qu'à l'église.
A cette époque, mes parents avaient un bon travail, nous pouvions
aller à l'université. Nous vivions la vie de la classe moyenne.
Vous êtes allé à
l'Université ?
Oui, à
Caster Norwich en Californie, j'étais dans l'orchestre de jazz. J'y
suis resté un an pendant lequel j'ai travaillé avec John et Jeff
Clayton, avec Teddy Edwards, Charles McPherson et de nombreux
musiciens de passage à Los Angeles. J'ai quitté la Côte Ouest à
19 ans quand Wynton Marsalis m'a demandé de le suivre, et je me suis
installé à New York. Je suis resté dans ses orchestres pendant
huit ou neuf ans de 1989 à 1998, dans le septet, puis le quartet et
brièvement le quintet. Ensuite, il a créé le Lincoln Center Jazz
Orchestra, et j'ai joué dans le big band pendant trois ans, et
pendant ce temps je jouais aussi avec Joe Henderson. Avec Wynton, il
n'était pas possible de jouer avec d'autres musiciens, nous étions
sur la route dix mois sur douze. J'ai eu plus de possibilités avec
le Lincoln Center Jazz Orchestra aussi bien en leader qu'en sideman,
mais pas beaucoup car nous travaillions tout le temps.
Etait-ce votre seule
expérience en big band ?
Non.
J'ai joué avec Gérald Wilson lorsque j'étais tout jeune, ainsi
qu'avec le Clayton Hamilton Orchestra et dans l'orchestre de
l'université. Mais je n'ai pas envie d'avoir un grand orchestre,
parce que je suis un big band : j'ai dix doigts. Je ne suis pas
intéressé parce que ce n'est pas un son qui m'intéresse.
J'apprécie le big band, mais j'entends la musique à partir du
piano. Il en est de même pour la musique classique : je suis
plus attiré par la musique pour piano que par la musique
symphonique. J'aime la symphonie de Prokofief en ré
majeur, mais la plupart du
temps je préfère le piano. Je suis pianiste.
Est-ce également une
raison économique ?
Il est
difficile déjà d'avoir un trio. Personne ne dépense d'argent. Je
n'ai pas de contrat d'enregistrement. La plupart du temps
j'enregistre pour WJ3, le label de Willie Jones III, ou pour
HighNote, celui de Joe Fields. Il comprend ce que je veux faire, et
je le comprends, nous avons une compréhension mutuelle : je
veux faire ceci, pouvez-vous m'aider à le faire, et il travaille dur
pour ses artistes. Vous avez Blue Note qui est dirigé par quelqu'un
qui vient de la pop et Verve également est dirigé par un homme de
la pop : ils viennent juste d'engager Rod Stewart ! Nous
avons besoin de quelqu'un innovant aux idées fraîches qui soit
capable de mettre le jazz sur le marché. Et vendre le jazz ne veut
pas dire prendre la voie du R'n'B et de la pop, car vous marginalisez
les musiciens de jazz. Mon problème est avec l'industrie et non avec
les musiciens eux-mêmes. Ils ne s'intéressent qu'à l'argent, et
donc le jazz aujourd'hui est à la marge de l'industrie. Il est de
notre intérêt d'autoproduire notre musique en plus d'être
musicien, de s'entraîner, d'écrire et composer et en plus de
s'occuper de sa famille. C'est tout ce que doit faire un musicien
aujourd'hui. Je n'ai pas aucune honte de vendre mes disques
aujourd'hui lors des concerts, car je dois rester en contact avec mon
public. Je ne veux pas sortir trop de disques car le public se lasse
plus vite aujourd'hui. Aujourd'hui trop de disques sont publiés, et
n'importe qui peut enregistrer un CD même sans être prêt.
Comment choisissez-vous
ce que vous allez enregistrer ?
Je n'y
pense pas trop ; je me demande ce que je n'ai pas encore fait. J'aime
composer et j'aime réaliser des enregistrements de musique
originale. C'est difficile car il existe beaucoup d'éléments qui
viennent me détourner de ce but : il existe tant de merveilleux
standards que j'aime jouer en plus de ma propre musique. Le défi,
lorsque je joue ma musique, c'est de trouver les bons musiciens pour
la jouer.
|