Chroniques CD-DVD |
© Jazz Hot n°671, printemps 2015
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Ronald Baker Quintet Celebrating Nat King Cole
I'm Lost / Five Brothers, That Ain't
Right, Walkin' My Baby Back Home / Swingin' My Baby Back Home,
L-O-V-E, Suite for Nat, Gee Baby, Ain't I Good to You, Come Along
with Me, Quizas, Quizas, Quizas, Straighten up and Fly Right Ronald Baker (tp, voc, arr),
Jean-Jacques Taïb (ts, cl), Alain Mayeras (p, arr), David Salesse
(b, arr), Mario Gonzi (dm) +China Moses (voc), Michele Hendricks
(voc), Jesse Davis (as) + The Alhambra-Colbert String Orchestra Enregistré en novembre 2013, Rochefort
(17) Durée : 1' 04' 16'' Cristal Records 224 (Harmonia Mundi)
Depuis
plusieurs années, l’univers de Nat King Cole se trouve être
l’objet d’une relecture de la part d’artistes et/ou de groupes
à l’esthétique très diverse. Dans la continuité classique du
pianiste jazzman, on se souvient de l’album très maîtrisé, Hey
Nat!,
de Stan Laferrière (Djaz
Records 537 2 , 2000) et de la non moins fine contribution de
Jacques Schneck dans son 3 for Swing Joue
et chante Nat King Cole
(JS2012, 2012). En 1998, Marcus Roberts avait donné une version
modernisée de la tradition avec Cole
After Midnight
(Columbia 69781). Et plus près de nous, un artiste qu’on
n’attendait pas dans un tel registre, David Murray, proposait en
2011, avec
son Cuban Ensemble qui tourna dans de nombreux festivals européens,
un Plays
Nat King Cole en Español
(Universal 0602527538709)
pour le moins exotique et fort éloigné de ses racines jazz naguère "hotement" revendiquées. Nat
a toujours fasciné ses collègues musiciens de jazz ; en un
temps où le jazz n’était encore que musique d’une civilisation,
voire d’une seule culture, qui n’avait pas encore flirté avec
les sirènes du showbiz,
ses collègues ont vu dans sa réussite – ambition générale
répondant à un problème d’importance majeure dans la société
américaine – de chanteur de « variété internationale »
une manière de sortir de l’ombre, de la confidentialité
culturelle communautaire, de l’underground
des adeptes et même des misères de leur ghetto. Par
ailleurs, après l’orgie des dissonances contemporaines,
l’agressivité harmonique des novations musicales, l’insipidité
des fusions diverses et la culture hors-sol des world
music,
la construction rigoureuse et le lyrisme (le chant s’entend) sans
mièvrerie de l’univers jazz bien enraciné, comme très présent
dans le répertoire de King Cole, n’ont pas manqué de séduire des
artistes parvenus à la maturité ; revenus des éphémères
surprises de la nouvelle cuisine, les gouteuses friandises d’oncle
Nat, comme le souvenir sonore, madeleine de temps moins incertains,
les ravissent ; au moins autant que le public lassé d’essais
trop peu souvent aboutis. Sans
complaisance, ce Celebrating
King Cole
s’inscrit par conséquent dans la tendance générale de notre
temps à la recherche de fondements plus assurés et les participants
– qui ont tous passé la quarantaine et n’ont plus besoin d’en "remontrer" pour exister – de cette session en
éprouvent un plaisir évident. Mises
à part quelques incursions dans les années 50 ou 60 le
répertoire de l’album est essentiellement emprunté à la période américaine des années 1940, celle durant laquelle King Cole
continue, bien qu’étant déjà entré en « variété »,
à se nourrir de sa culture jazz. Il convient de souligner la tenue d’ensemble du Ronald Baker Quintet, ses qualités musicales. Ce groupe joue une
musique qu’il maîtrise parfaitement ; c’est du jazz, avec
son ingrédient essentiel, le swing, qu’il sert avec intelligence
et sensibilité au moyen de tous les outils de cet idiome. Les
arrangements sont, tant pour le quintet que pour les cordes,
remarquables d’équilibre et de clarté. Ici les musiciens sont
sollicités avec subtilité dans leur talent individuel déjà grand
et dans leurs ensembles ardus et parfois "tordus" dans
la mise en place (« Swingin’ My Baby Back Home ») par
de formidables orchestrations, dont le lyrisme, sans glisser dans la
guimauve – ce qui n’est pas évident avec des cordes –, n’est
jamais absent.
Ça swingue toujours. L’organisation
des moments musicaux dans l’album n’est pas étrangère au rendu
de chaque pièce en relation avec celles qui l’entourent. Au quatre
premières plages enlevées d’un jazz classique festif, qui "balance" de riffs en 4/4, correspondent les quatre
dernières au ton plus grave et de rythme moins convenu et plus "incertain" (la mise en place recherchée du tempo en
ostentino
sur « Quizas », comme l’enchaînement de « Smile »
vers « For Sentimental Reasons » sur le leitmotiv initial
installé par le piano de Mayeras, est d’une grande finesse et
superbement amené). Et l’album n’en termine pas moins sur un
conseil joyeux, « Straighten up and Fly Right », pour
retrouver sa joie comme il se doit dans une évocation de King Cole.
Entre ces deux quatrains, la Suite
for Nat,
construite autour d’un leitmotiv principal "façon destin"
servant de liaisons entre les cinq mouvements, est conçue comme une
sinfonietta
poétique qui permet à l’auditeur de laisser s’écouler le temps
des souvenirs et aux musiciens d’évoquer un King Cole faussement
glamour, un
musicien moins léger et plus intimiste jusqu’à sa tendresse
nostalgique dans ses enregistrements qui eurent, en certains moments
lourds de la guerre, auprès d’hommes et de femmes séparés par
cet évènement, un rôle affectif plus important qu’il n’y parut
à certains. Au
risque de le trahir, il n’était guère possible d’évoquer King
Cole sans chanter. Et cet album est entièrement chanté. Pour en
casser le risque de la monotonie, Ronald Baker qui s’en donne à
cœur joie s’est adjoint deux acolytes femmes, aux caractères
sinon opposés du moins bien différents : la musicienne mature
pétrie de cette culture, Michele Hendricks, et la nature pétillante
toute de spontanéité espiègle de China Moses (« Gee Baby »).
L’opposition des styles crée de la variété sur l’ensemble ;
et le dosage est assuré avec doigté. Car, chacune dans son registre
y apporte sa part de talent et de surprise. De
la même manière, raconter King Cole sans faire appel à un
saxophoniste eût été une faute de goût. Nous connaissons ses
enregistrements avec Lester Young de 1942, avec Illinois Jacquet et
Jack McVea au JATP en 1944. Ayant déjà un ténor dans sa propre
formation, Ronald Baker a eu le bon goût de choisir un altiste
intervenant en soliste pour mettre de la lumière dans cette musique
dont il concevait la tonalité beaucoup moins légère qu’il n’y
paraissait. Or King Cole fit appel à douze reprises à un
remarquable altiste, aujourd’hui oublié, Willie Smith : la
première fois en 1953 dans une grande formation, expérience qu’il
eut l’occasion de répéter à plusieurs reprises avec les
orchestres de Billy May et Nelson Riddle, mais surtout avec son
quartet le 14 septembre 1956, pour enregistrer son formidable album
Capitol, Nat « King » Cole and His Trio, After
Midnight.
Et Jesse Davis remplit son rôle à la perfection ; car, tout en
ayant son style très personnel pétri de parkerisme, il en retrouve
dans sa relation avec la musique de King Cole les si particulières
couleurs chatoyantes dans les thèmes qui balancent (« L-O-V-E »)
et les accents tendres (« The Christmas Song), doux/amères,
sombres voire douloureux de l’altiste de Jimmie Lunceford
(« Smile », « For Sentimental Reasons »,
« Nature Boy », « I’m Thru With Love »). L’Alhambra-Colbert String Orchestra dirigé par
Arnaud Chataigner tient sa partie de façon parfaite. Le voicing
des ensembles est remarquable ; il remplit son rôle avec toute
la maestria
qu’on est en droit d’attendre d’une formation de ce type dans
un environnement musical de cette sorte. Si
les guests
apportent beaucoup à cet album, il serait aussi injuste qu’infondé
de passer sous silence la formidable performance des membres du
Quintet. Sans jamais écraser ses collègues qu’il soutient et
stimule à bon escient, à la batterie Mario Gonzi est omni présent.
David Salesse est un accompagnateur irréprochable dans sa mise en
place et ses interventions (exposition du thème d’« I’m
Thru With Love » ou solo sur « Come Along With Me »)
restent aussi équilibrées que justes. Jean-Jacques Taïb fait
montre d’une belle maîtrise et d’une spontanéité chaleureuse
bienvenue tout au long de cet album ; son chase
ts/as avec Jesse Davis sur « L-O-V-E » ne manque pas de
gueule. Et ses choruses
efficaces sur le blues dans « That Ain’t Right », ou
dans « Come Alone With Me », « Swingin’ My Baby »
comme sa manière rhythmbluesée
façon David Fathead Newman sur « Straighen
up » sont de la meilleure veine. Restent
les deux derniers acolytes, Alain et Ronald, qui se sont partagés la
mise en déconstruction malicieuse et pleine de surprises des faces
rendues célèbres par le native
son
de Montgomery. Mayeras a fait un travail d’orchestration
exceptionnel, dans les registres aussi multiples que divers de ce
volume. Le pianiste, qui se charge de rendre présent Nat, n’est
pas moins brillant. Sa manière d’accompagner, qui laisse respirer
les solistes (scat dans Swingin’ My Baby ») n’est pas sans
rappeler Ellis Larskin et Jimmy Jones, deux de ses héritiers dans la
manière de concevoir le rapport voix/piano. Et pour ne rien gâcher,
sa générosité spontanée, dans le dialogue piano/orchestre évoque
tour à tour un des maîtres de Nat, Fatha Hines, et
un des émules de Nat, Ray Charles, dans la partie R&B de
« Straighten up and Fly Right ». Quant
à Baker, il rayonne de tous ses talents sur ces 13 plages ; il
est tout simplement prodigieux. Ce sera une véritable révélation
pour ceux qui n’ont pas eu l’occasion de l’entendre en concert.
Tout simplement formidable, le chanteur fait honneur à celui auquel
il rend hommage. Quant au scatter,
il lui est évidemment bien supérieur, Nat n’ayant jamais joué
dans cette cour. Et comme le trompettiste ne le cède en rien au
vocaliste... Ses solos sont extraordinaires de justesse et de
feeling. A 47 ans, Ronald a atteint sa pleine maturité musicale ;
sa maîtrise instrumentale parfaite et sa musicalité riche – une
forme de lyrisme qui convient parfaitement à l’univers colien
– le placent parmi les plus grands musiciens aux côtés
d’instrumentistes aussi reconnus et prisés que Roy Hargrove par
exemple. Cet album fait la preuve que Ronald Baker qu’il est un
grand trompettiste que tout amateur de jazz se doit d’entendre et
d’écouter. Celebrating
Nat King Cole
est mieux qu’une formidable surprise ; c’est tout simplement
un grand album, digne de figurer dans toutes les discothèques. On ne
s’y ennuie jamais. Et ça swingue d’enfer !
Félix W. Sportis
Stefano Di Battista / Sylvain Luc Giu' la testa
I Got a Woman, Touch Her Soft Lips and
Part, Dingo Rock, Love Theme From Nata, Arrivederci, Giu’ la testa,
Sauvage, La Chanson des jumelles, Otto e Mezzo, Fresh Stefano Di Battista (as), Sylvain Luc
(g), Daniele Sorrentino (b), Pierre-François Dufour (dm, cello) Date et lieu d'enregistrement non
précisés Durée : 55' 09'' Just Looking Productions 09 (Harmonia
Mundi)
Avec
Giu’ la Testa,
Sylvain Luc et Stefano Di Battista, soutenus par une rythmique
elle aussi franco-italienne, sont allés puisés dans le répertoire
des bandes originales de film pour faire émerger leur expression.
Tout commence avec un réarrangement de « I Got a Woman »
du divin Ray Charles. La guitare crisse comme si elle devait
s’élancer pour une course poursuite avec le saxophone de Di
Battista. Ce ravalement de titre détonne mais conserve l’esprit
funky créé par Ray Charles, comme en témoigne les nombreuses
reprises des combo d’organ trio. « Dingo Rock » reste
lui aussi dans un registre enlevé et pour cause, ce titre servît de
B.O. au film « Dingo » qui évoque la carrière de Miles
Davis. Tout dans l’interprétation du quartet renvoie à
l’atmosphère créée par Prince of Darkness à la fin des
années 80. « Sauvage » de Sylvain Luc possède justement
quelque chose de très urbain dans l’expression, un peu de cet
esprit fusion qui donne le ton des morceaux précités. Après avoir
revisité « Otto e Mezzo » de Nino Rota, les deux
artistes ont aussi mis à leur programme des thèmes plus lents.
« Touche Her Lips and Part » est le premier de le sorte
avec les arpèges étincelants de Luc sur les notes du saxophone
soprano. Ensuite, on bascule dans la musique d’Ennio Morricone, un
super créateur en la matière. Après le « Love thème de
Nata » et ses tourbillonnants effets à la manière d’un
Claude Lelouch, les duettistes abordent « Giu’ la testa »
de Sergio Leone. Là encore un dialogue se noue et fait décoller les
auditeurs alors que Pierre-François Dufour joue des balais pour
ouvrir le chemin. « Arrivederci », de Stefano Di
Battista, qui ne pourtant pas l’album, synthétise assez bien
les émotions vécues par le guitariste et le saxophoniste. Un thème
à la fois doux et tendre où les instruments se transforment en
projecteur pour mieux diffuser les notes de lumières en cinémascope
et faire rêver un peu plus ceux qui auront franchit le pas de tenter
l’aventure « Giu’ la testa », (baisse la tête).
Michel Maestracci
Dr. John Ske-Date-De-Dat. The Spirit of Satch
What a Wonderful World, Mack the Knife,
Tight Like This, I've Got the World on a String, Gut Bucket Blues,
Sometimes I Feel Like a Motherless Child, That's My Home, Nobody
Knows The Trouble I've Seen, Wrap Your Troubles in Dreams,
Dippermouth Blues, Sweet Hunk O' Trash, Memories of You, When You're
Smiling Dr. John (p, voc), Sarah Morrow (tb),
Terence Blanchard (tp), Blind Boys of Alabama, Dirty Dozen Brass
Band, Anthony Hamilton (voc) Bonnie Raitt (voc), Ledisi (voc)
Sremekia Copeland (voc), reste du personnel détaillé dans le livret Durée : 58' 31'' Enregistré en décembre 2013, lieu non
précisé Proper Records 100
(www.nitetripper.com)
Pianiste, guitariste et surtout
chanteur à la voix inimitable, auteur d'une trentaine d'albums,
Malcom Rebennack, alias Dr. John, toujours entouré d'une panoplie de
"gris-gris"
tient une place à part dans le monde musical de New Orleans. Quasi
unique star du rock puisant aux racines du zydeco, du blues, du
boogie-woogie, du jazz des origines, du gospel et du culte vaudou.
Tout aussi respectueux qu'iconoclaste, c'est ici le répertoire vocal
de Louis Armstrong qu'il reprend, réinventant et bousculant quelque
peu les grands succès de Satchmo. Tout en gardant un fil conducteur
tenu par la trompette, il les met au goût du jour (de la grande
musique commerciale) avec l'aide de quelques grandes figures du rap,
du hip hop ou de la néo-soul d'aujourd'hui. La direction de Sarah
Morrow (également co-productrice de l'album) et la présence des
trompettistes Terence Blanchard, Nicholas Payton, Arturo Sandoval,
Wendell Brunious et James Andrews (rien que ça !) garantissent
toutefois un "label
jazz" irréfutable.
On pourra certes ne pas aimer tous les choix : « What a
Wonderful World » commencé en gospel et poursuivi en boogaloo
sur nappes de cuivres, « Mack the knife » développé en
mode rap , « Tight Like That » (en espagnol) façon
ballade cubaine, « Wrap Your Troubles in Dreams » en slow
langoureux, ou « While You're Smiling » en cha cha...
Mais force est de constater que le résultat est pour le moins
surprenant et particulièrement jubilatoire.
Daniel Chauvet
Orrin Evans Liberation Suite
Devil Eyes, Juanita, A Lil’ DA.B. a
Do Ya, A Free Man ? Liberation Blues, Simply Green, Anysha,
Meant to Shine, Mumbo Jumbo, How High the Moon, The Theme, The Night
Has a Thousand Eyes
Orrin Evans (p), Sean Jones (tp), JD
Allen (ts), Luques Curtis (b), Bill Stewart (dm), Joanna Pascale
(voc) Enregistré les 10 et 11 janvier 2014,
New York Durée : 1h 13' 00'' Smoke Session Records 1409 (Distrijazz)
Le pianiste de
Philadelphie présente ici un projet cohérent, notamment autour de
la mémoire de Dwayne Burno, auteur de deux compositions. Il s’agit
de jazz new-yorkais tendu et féroce tel qu’on aime l’entendre
sans concession. Il y a une certaine austérité dans cette approche
mais le caractère agressif de cette musique est dans la continuité
de l’esprit coltranien, comme en témoigne JD Allen (très
coltranien sur « Devil Eyes » et « A Lil’ DA.B. a
Do Ya »). Comme Sean Jones est largement influencé par le
Miles Davis du second quintet (« Juanita », « Simply
Green », démarquage de « Blue in Green »), on ne
peut que se sentir en terrain connu. Pourtant, c’est évidemment
l’engagement personnel qui fait la différence et les couleurs de
« Liberation Blues » permettent de trouver des
atmosphères plus contemporaines, entre shuffle et boogaloo, avec des
effets sonores expressifs de Sean Jones. « A Free Man ? »,
avec récitatif d’Orrin Evans, s’inscrit dans la poésie jazz. Un
certain nombre de morceaux développent des ambiances méditatives
délicates (« Anysha », « Juanita »), y
compris avec un caractère blues (« Meant to Shine » qui
évoque Mulgrew Miller, dont l’ombre plane sur cette musique). Le
« Mumbo Jumbo » de Paul Motian relève du free jazz
« organisé » et contraste avec « How High the
Moon » qui est joué straight, avec un swing continu et
« The Night Has a Thousand Eyes », joliment interprété
par la vocaliste de Philadelphie Joanna Pascale. Un bon disque, un
peu sombre mais qui ne manque pas d’énergie. Jean Szlamowicz
Javon Jackson Expression
One by One, Don’t Worry
About a Thing, T.J., When I Fall in Love, Think On Me, Mr.Taylor,
Where Is the Love, Lelia, Richard’s R.A.P., 88 Strong Javon Jackson (ts), Orrin
Evans (p), Corcoran Holt (b), McClenty Hunter (dm) Enregistré les 26 et 27
juillet 2013, New York Durée : 1h 10' Smoke Session Records
1404 (Distrijazz)
On
sait depuis longtemps le styliste colossal qu’est Javon Jackson. Et
s’il a pu parfois s’égarer légèrement dans des conceptions un
peu trop dans l’air du temps, il est resté un des très solides
continuateur de la grande tradition du ténor. Membre des Jazz
Messengers d’Art Blakey et de la Jazz Machine d’Elvin Jones,
accompagnateur de Cedar Walton ou Freddie Hubbard, il a fait ses
classes de manière classieuse et son apprentissage auprès des aînés
signifie qu’il est un héritier en ligne directe du patrimoine
jazzistique. Il s’inscrit parmi les grands ténors apparut durant
les années 90 : Walter Blanding, Willie Williams, Tim Warfield,
Theodross Avery, Greg Tardy, James Carter, Eric Alexander… Avec
fraîcheur et virilité, il livre un beau set qui comporte uniquement
de petites faiblesses de répertoire : le « Don’t Worry
About a Thing » de Stevie Wonder, même s’il est bien
jazzifié, n’est pas un morceau passionnant et donne un côté pop
à la démarche à l’instar de « Where There is Love »,
comme une concession à l’improbable possibilité qu’une radio
grand public s’empare de ces morceaux pour les passer soudain en
boucle. Le reste est parfait, notamment le premier morceau, le « One
by One » de Wayne Shorter, emblème de Blakey, explosion bluesy
mais contrôlée et sans caricature. « T.J. », comme le
« Think On Me », de George Cables, montrent un véritable
zèle dans la véhémence expressive. Orrin Evans est parfois plus
marquant comme sideman que comme leader. C’est le cas ici où il
apporte vraiment beaucoup d’engagement dans un style à la fois
straight-ahead et très contemporain. La rythmique est
omniprésente, Corcoran Holt et McClenty Hunter possédant à la fois
l’énergie et le bon goût qui permet, par exemple, d’aborder un
blues monkien comme « Mr. Taylor ». Les amateurs de jazz
live apprécieront les nombreux moments où l’élan emporte tout le
groupe avec beaucoup de swing. Jean Szlamowicz
Keith Jarrett / Charlie Haden Last Dance
My Old Flame, My Ship, 'Round Midnight,
Dance of the Infidels, It Might As Well Be Spring, Everything Happens
to Me, Where Can I Go Without You, Every Time We Say Goodbye, Goodbye Keith Jarrett (p), Charlie Haden (b) Enregistré en mars 2007, Oxford (New
Jersey) Durée : 1h 16' 05''
ECM
2399 3780524 (Universal)
Complément attendu de l'album Jasmine
publié en 2010, les neuf morceaux de cet album du duo Keith
Jarrett/Charlie Haden ont été enregistrés au cours des mêmes
séances. Deux titres : « Where Can I Go » et
« Goodbye » (qui prend un autre sens avec la disparition
du contrebassiste) figuraient d'ailleurs déjà dans Jasmine et
sont ici issus d'une autre prise, toute aussi parfaite. Sur des
tempos de ballade (à l'exception de la « Dance of the
Infidels » de Bud Powell), et en osmose quasi religieuse avec
les « standards » qu'ils jouent, Jarrett et Haden
s'écoutent avec un mutuel respect. La complicité est parfaite,
chacun est attentif à l'autre. Le bassiste, presque minimaliste, ne
prend qu'un seul chorus par morceau, choisit ses notes avec soin,
simplifie et aère son jeu, pour ne proposer qu'une sorte d'épure
idéale d'accompagnement. Comme en recherche de l'essence même de la
mélodie, le pianiste s'écarte peu du thème, renonce aux traits
brillants trop démonstratifs, se garde de surcharger les harmonies,
et ponctue avec retenue les rares solos de basse. Calme, sérénité,
plénitude. Une musique magnifique !
Daniel Chauvet
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Louis Mazetier My Own Stuff
Look out Lion I've Got You, Nicolas,
Luxembourg Garden Rag, For Dick, Queen Mary Lou, The Tricky Pioneers,
A Delicate Brute, Edward in The Lion's Den, The Ferocious Lamb, Big
Filthy, Blues For Ray Bryant, Hello Jelly, In The Depth Of
Rouffignac, Marianne, Wilsonizing, A Quiet Waltz, That Good Old Stuff Enregistré les 13 et 14 juin 2011,
Meudon (92) Durée : 47' 51'' Arbors Records 19442
(www.arborsrecords.com)
My
Own Stuff
publié par Arbors Records a été produit par Louis Mazetier,
lui-même. En sorte que l’enregistrement et le mixage ont été
réalisés au Studio de Meudon (France), le label n’intervenant que
pour sa fabrication aux Etats-Unis. Pourquoi ce pianiste reconnu et
souvent sollicité par les organisateurs et les labels en est-il
venu, en 2011, à produire lui-même cet album ? Au-delà
de la morosité économique ambiante en période de crise économique
mondiale, la raison tient peut-être au fait que, ne répondant pas à
une commande, ce volume a correspondu au seul désir de son auteur :
il est entièrement constitué de pièces composées par Mazetier. Et
si le pianiste est reconnu le compositeur ne l’est pas encore du
public, du moins dans l’esprit de producteurs habitués à moins de
risques avec des œuvres plus ou moins connues de James P., Jelly,
Fats… et autre Duke, mais auteurs patentés. D’autant que
l’essentiel du programme est constitué de pièces originales
inédites (11 sur 17). Jusqu’à cet opus, Louis était toujours
parvenu à intercaler une, deux, voire trois œuvres personnelles
dans ses albums ; surtout lorsqu’il s’agissait de concerts
enregistrés. Par conséquent pour oser fallait-il, à la fois, avoir
l’assurance en ses capacités – de compositeur et d’interprète
–, d’une part, avoir la maîtrise du projet économique, d’autre
part. Or, disposant d’un répertoire largement renouvelé, il
entendait surtout présenter un ouvrage de sa propre facture et d’une
veine originale.En
effet, onze de ces compositions n’avaient jamais été enregistrées
auparavant par Louis Mazetier ; six l’avaient été au moins
une fois, dans un de ses albums précédents. Elles ont été écrites
entre 1987 (« For Dick »), la plus ancienne, et 2011 (« A
Quiet Waltz »), la plus récente ; mais dix pièces ont
été composées entre 2008 et 2010. Ces œuvres présentent donc un
nouveau Mazetier, celui de la maturité ; il a, au moment de
l’enregistrement, 51 ans. Dans
l’esprit des Children’s
Corners
(1906 à 1908) de Claude Debussy, qui joua avec les réminiscences de
la musique de Philip Sousa entendue à l’Exposition Universelle de
1900 à Paris, Louis ouvre son album sur une pièce à l’espièglerie
enfantine en jeu de « cache-cache » avec l’un des ses
maîtres, « Le Lion ». Et pour rester dans la gaîté, il
le clôt, en revenant comme dans une pièce construite sur le canevas
de la ballade, sur un thème évoquant les facéties du premier avec
« Ce Bon Vieux Truc » (écrit en 2002), sous-entendu, le
bon vieux stride
qui swingue et débride : et que ça fait du bien ! Entre
ces deux moments, Louis se raconte dans son intimité d’artiste qui
reste d’homme dans tous les moments importants de la vie : les
maîtres auxquels il doit d’exister musicalement et auxquels il
rend hommage dans leur langage reconstruit dans sa relecture aussi
originale que personnelle ; le père, ému par ses paternités,
qui manifeste sa tendresse, son affection jusqu’à sa gratitude de
le maintenir encore vivant pour très longtemps dans un futur
incertain (« Nicolas » et « Marianne »). Mais
Louis Mazetier est homme de mémoire ; il a des fidélités
musicales anciennes et fortes qu’il perpétue à sa manière dans
ses recréations. Ainsi célèbre-t-il, avec une densité nouvelle,
la mémoire de Dick Wellstood dans une jolie ballade inspirée de sa
musique, « For Dick » écrite en 1987 à la mort du
pianiste. Ainsi, reconnaissons-nous ceux qui ont contribué, depuis
son adolescence déjà, à construire sa personnalité : Willie
« The Lion » Smith déjà évoqué, mais également ses
prédécesseurs dans la formation de l’Ecole noire du piano de
Harlem, Lucky Roberts (compositeur de « Pork & Beans »,
1914, et « Railroad Blues », 1920) Eubie Blake
(compositeur de « Ragtime Rag », 1914 et du standard
« Memories of You », 1930) dans une évocation
synthétisée de leurs styles (« The Tricky Pioneers »).
C’est aussi Fats Waller (« Big Filthy ») brossé dans
une recomposition inventant la musique suspendue dans le temps. La
créolité de Jelly Roll Morton est finement suggérée dans son
hispanité néo-orléanaise bien sentie (« Hello Jelly »).
L’œuvre de James P. Johnson est restituée dans un portrait tout
en subtilité dans « A Delicate Brute2 ».
« Wilsonizing » n’est pas moins représentatif d’une
approche tout aussi pertinente que nuancée de celle de Teddy Wilson.
Quant à « The Lamb »1, sa présentation est musicalement
plus tendre que féroce, avant que son titre surréaliste (« The
Ferocious Lamb »), à double sens comme toujours dans le jive,
ne le métamorphose en pianiste démoniaque inaccessible aux jeunes
présomptueux. Au
demeurant, Louis ne se cantonne par aux accointances de voisinage. Il
commence à la troisième plage en donnant à entendre (« Luxembourg
Garden Park ») l’évocation, tout droit sorti de son
imaginaire, de la période musicale d’avant 1914 dans un style
aussi original et personnel que de l’idée qu’il s’en est fait
après une si longue fréquentation. Il y a pareillement ce blues
superbe, hommage à Ray Bryant orfèvre en la matière, qui puise aux
mêmes sources que le maître et réinvente « son blues de
toujours ». Et
puis il y a deux pièces exceptionnelles dans leur conception et dans
leur interprétation, dédicaces à deux des plus importants
compositeurs de l’histoire du jazz. « Queen
Mary Lou », bien sûr en l’honneur de Mary Lou Williams est
une prouesse d’intelligence musicale de l’œuvre de cette grande
dame. Louis organise l’agencement des périodes de son œuvre,
faites de blues, les faisant dialoguer dans l’opposition des
tonalités et des rythmes sur le mètre commun, le swing, avant de
revenir à sa matrice, le stride
dont elle est née. L’interprétation de cette œuvre complexe mais
d’une clarté stupéfiante est une pure merveille. Duke
et « The Lion » avaient pratiquement le même âge ;
bien que n’étant son cadet que deux ans (1899/1897), l’enfant de
Washington n’en vouait pas moins une grande admiration à l’ancien
combattant interprète invétéré de « La Madelon », qui
continua à voir en lui un « jeunot ». Il lui dédicaça
une œuvre que les amateurs de jazz connaissent, « The Portrait
of the Lion », enregistré par l’orchestre en 1939. Il y eut
également « The Second Portrait of the Lion » composé
en 1965 et joué en trio de piano (avec Rufus Jones et John Lamb) au
Théâtre des Champs Elysées à Paris en mars 1967. Or,
malicieusement, Louis Mazetier se propose ni plus ni moins que de
placer Duke dans la fosse au Lion ! Entendez par là imaginer la
manière dont Ellington aurait pu prolonger l’apport de Smith. Tel
est l’objet de la seconde grande composition de cet album, « Edward
in the Lion’s Den ». C’est une gageure musicale. Car le
jeune Louis ne peut s’empêcher de jouer le dompteur de musique ;
jeu de je qui ne manque pas de sel. En fait, si la pièce présente
une organisation compositionnelle ellingtonienne avec ses évolutions
harmoniques et rythmiques d’après 1956, son univers harmonique
reste à dominante impressionniste très léonine d’inspiration
debussyste et française (tendance Strayhorn), ne serait-ce que dans
son interprétation pianistique plus fluide. En revanche, de par sa
conception structurelle, son traitement rythmique autorise le
pianiste, d’une part, à cadencer le discours de manière stride
(influence Lion), d’autre part, de le ponctuer d’ornementations
en forme de ruptures rythmiques et tonales. La pièce apparaît alors
plutôt comme le portrait imaginaire de Duke par Le Lion selon
Mazetier ! C’est intelligent, fin, et magnifiquement
interprété par un pianiste qui brille par le détaché et la clarté
du toucher. Mazetier
écrit et joue une musique très personnelle qui, ne retient de celle
de ses mentors que le fond et la densité. Empreinte de paix, « In
the Depth of Rouffignac » a les couleurs debussystes chères à
Billy Strayhorn et « A Quiet Waltz », au ton désuet, a
des intonations façon Poulenc. Et c’est dans l’intimité des
pièces composées pour ses enfants que Mazetier reste le plus
authentique. Au-delà
de la jubilation retenue de souvenirs secrets, « Nicolas »
pris sur un tempo de boston (valse lente américaine) présente la
sérénité grave d’une méditation de parent sinon inquiet du
moins attentif à son devenir. La grâce de « Marianne »,
au ton apparemment plus léger dans son rythme plus enlevé parfois
festif, n’en conserve pas moins, par sa construction – avec
exposé en forme de verse et sa coda –, le ton poétique mais
mesuré de recommandations paternelles. La naissance des enfants a
troublé le créateur dans sa relation au temps. L’art est sa façon
de conjurer l’oubli de la mort dans la mémoire des vivants. Louis
Mazetier a composé 43 pièces. Cet album en présente 17,
qu’avec beaucoup de distanciation il désigne Ses
Propres Trucs !
L’organisation interne de leur enchaînement dans l’album fait
qu’on ne voit pas passer les quelques 48 minutes de l’opus. Toutes
sont de superbes compositions interprétées avec un talent
exceptionnel. Ces faces, au contenu aussi varié que pertinent, qui
sollicitent la curiosité et l’intelligence autant que l’oreille,
jamais n’agacent ou n’insupportent. Sa pensée musicale est dense
dans la clarté. Pour être généreux, Mazetier n’est pas bavard.
La sensibilité se dissout dans la logorrhée. My
Own Stuff
est un grand disque, l’un des plus beaux que Louis Mazetier ait
enregistrés. C’est en tout état de cause le plus fort et le mieux
abouti. Le piano étant superbe et l’enregistrement parfait.
Félix
W. Sportis
1. « The
Lamb » (l’agneau) est le surnom, par abréviation, de Donald
Lambert. Mais dans l’argot d’Harlem, le jive,
des années 1940, le terme était employé pour désigner
« l’innocent du village », l’individu sans malice
facile à abuser ; cf. Clarence Major, Juba
to Jive – A Dictionary of African-American Slang,
Penguins Books,
New York 1994, 554 p (p 275). 2. « The
Brute » était le surnom de James P. Johnson.
Metismatic & Guests Bad Safari
Bad Safari, Shapes, Le Printemps d’en
Face, Le Funambule somnambule, Digo Sim, Out of Time, Introlude, La
Cuenta, Hope, Alma Alta, On ira où ?
Romain Perda (balafon, cavaquinho,
métaux), Brice Berda (tu, saxhorn, flugabone) Mathieu Miteran
(cello), Alex Belair (perc) + Anissa Bensalah (voc), Amina Mezaache
(fl), Michael Havard (ts), Joachim Govin (b), Jonathan Edo (p) Date et lieu d'enregistrement non
précisé Durée : 51' 51'' Quart de Lune (Musicast)
Les quatre jeunes et talentueux garçons
du groupe Metismatic proposent, avec Bad Safari, leur deuxième
album (trois ans après la sortie de Metismatic) sur lequel
ils se sont entourés de cinq invités. Amateurs de balafon,
instruments exotiques et « jazz-world », vous allez être
ravis ! Metismatic nous emmène avec eux pour un voyage onirique
d’une heure autour du monde, entre Afrique occidentale, mélodies
tzigano-manouches, rythmes brésiliens et sud-américains, musique
arabo-orientale et spiritualité hindou-zen. On ne peut s’empêcher
de penser très fort à Jorane, chanteuse et violoncelliste
québécoise, ou à l’univers du duo italien Musica Nuda, constitué
de Petra Magoni (voc) et Ferruccxo Spinetti (b), le dépouillement du
son en moins, la multitude d’instruments en plus. C’est cette
richesse musicale, intéressante et audacieuse, qui séduira les
adeptes du genre, avides de joyeux délires. Ce délire pourra
facilement se transformer en cacophonie pas toujours cohérente pour
les amateurs de jazz qui passeront leur chemin.
Opale Crivello
Lia Pale My Poet's Love
Chapter I : Heinrich Heine Dear Heinrich, The Better Ones, Everything Has Already Happened to Me, All Those Tears I Drank, Even If My Song is Simple, One Who for the First Time Loves, The Stowaway, Diamonds & Pearls, Chapter II : Rainer Maria Rilke You Don’t have to Understand Existence, Only the Girls, Seven Pages of Loneliness, Earnest Hour, Am I a Falcon a storm or a Great Song ?, Between Day & Dream, Where Begins the Night, Dear Rainer Maria, Lia Pale (voc, fl), Mathias Rüegg (comp, arr, p, hammond, melodica), Ingrid Oberkanins (perc), Hans Strasser (b) et selon les thème, tp & flh : Juraj Bartos, Dominique Fuss, Richard Köster, Thomas Gansch, Matthieu Michel, Mario Rom Enregistré en 2014, Zurich et Vienna Durée : 1h 00’ 50” EmArcy 00602547134387 (Universal)
Dans son nouvel enregistrement, My Poet’s Love, Lia Pale reste fidèle à l'esprit de son précédent opus – Gone Too Far, Jazz Hot n°666 – réunissant ses amours: le jazz et les grands textes de la littérature et de la poésie européennes pour une savante synthèse dont elle a le secret car les atmosphères, sa voix autant que son phrasé précis et expressif, peignent les contours d’un monde original, porté par une forte personnalité, un vrai plaisir car on ne pense à aucun moment à la comparer à une autre voix du jazz: Lia Pale est déjà simplement Lia Pale, naturelle et sophistiquée, sans maniérisme ou mimétisme, avec ses recherches, sa culture, son talent de musicienne accomplie. Car musicienne parmi les musiciens, elle a réuni une belle formation de jazz parmi lesquels on retrouve l’indispensable et universel pianiste Mathias Rüegg qui compose et arrange avec subtilité, l’excellent Hans Strasser, la délicate et très musicale Ingrid Oberkanins, parfaite aux percussions, avec également dans cet enregistrement une volonté de marier sa voix à celle de la trompette, peut-être un clin d’œil à la tradition, car la trompette ou le fluglehorn et la voix sont un des plus beaux alliages sonores du jazz, une tradition encore active, depuis Louis Armstrong et Billie Holiday: Lia Pale a ainsi invité selon les thèmes les brillants et virtuoses Juraj Bartos («Diamonds & Pearls», «Where Begins the Night»), Dominique Fuss («Even If My Song Is Simple», «One Who for the First Time Loves» ), Richard Köster («Only the Girls», «You Don’t have to Understand Existence»), Thomas Gansch également intéressant («The Better Ones»), Matthieu Michel («Am I a Falcon a Storm or a Great Song?»), Mario Rom («Seven Pages of Loneliness»), chacun apportant sa personnalité, son timbre et ses couleurs aux poèmes dont la thématique – l’amour, la mort, la vie – empreints de mélancolie, de nostalgie et d’espoir sont magnifiquement mis en valeur par les compositions et arrangements du grand mathias rüegg (il tient à ce que son nom ne commence pas par des capitales), qui réunissent comme souvent les univers du jazz, de la tradition européenne, savante et populaire comme par exemple le beau contre-chant au melodica sur «Between Day & Dream». Sa complicité esthétique avec Lia Pale, l’aboutissement de ce bel objet artistique qu’est cet enregistrement entretient, après Gone Too Far, l’espoir d’une belle œuvre en devenir. Sont invités dans ce salon de poésie organisée par Lia Pale, des textes de la littérature germanique « romantique » (Heinrich Heine, Rainer Maria Rilke), car l’un comme l’autre, qui appartiennent à des périodes différentes (début du XIXe siècle pour Heine, et fin du XIXe-début du XXe pour Rilke), ont la particularité d’avoir été des artistes vivant leur art comme leur vie, avec passion et romantisme, aux quatre coins de l’Europe (Heine meurt à Paris et Rilke en Suisse), rencontrant pays, arts et artistes, la musique pour Heine, la peinture et la sculpture pour Rilke.
Lia Pale se voue à son art corps et âme, et ses racines culturelles sont gravées en elle comme le suggère assez directement la couverture de l’album. Sa culture personnelle, musicale, littéraire et artistique, n'hésite pas à se mettre en mouvement, à se confronter à son temps, à affirmer sans détour ce qu’elle est, avec une curiosité fertile, une soif artistique et une authenticité digne de ce que le monde artistique a eu de meilleur en Europe aux siècles de Heine et Rilke, et dans le jazz aux Etats-Unis de l’âge d'or. La fraîcheur de sa voix, naturelle, la précision de la mise en place, la justesse des choix nés de la rencontre avec le jazz et Mathias Rüegg, font de ce disque un moment de plaisir exigeant, qui élève le cœur et l’esprit. La recherche de la beauté existe encore en art, et c'est une bonne nouvelle.
Yves Sportis
Piano Summit - Finale Stride + Swing
Titres détaillés dans le livret Paolo Aldeghiri, Ehud Asherie, Chris
Hopkins, Bernd Lhotzky, Louis Mazetier, Rossano Sportiello,
Stephanie Trick (p), Nicki Parrott (b, voc), Peter
Pfister (vln) Enregistré les 23 et 24 octobre 2010, Alte Kirshe Boswil (Suisse) Durée : 1h02' 53'' (CD) + 1h 04' 56'' (CD) +
2h 03' 22'' (DVD) Jazz Connaisseur 1058-0
(www.jazzconnaisseur.ch)
A
Boswil, en Suisse, se tenait, depuis 1994, un festival de piano qui
devait d’exister à la participation amicale du regretté Ray
Bryant. Et donc, chaque année, son initiateur, Jörg Koran, y
organisait une manifestation réunissant quelques uns des plus
brillants pianistes du jazz
qui swingue,
de Peter Ecklun à Eric Reed, en passant par Dado Moroni, Claude
Bolling, Barry Harris ou Mulgrew Miller. Ces concerts ont déjà fait
l’objet d’enregistrements d’instrumentistes y ayant participé ;
certains ont été publiés en albums, parmi lesquels ceux de Louis
Mazetier, Rossano Sportiello, Paolo Alderighi ou Dick Hyman sous le
label Jazz Connaisseur animé par Jörg et son épouse, Doris. Il
convenait de replacer ce coffret Stride
+ Swing
dans son contexte. Il comprend deux CDs et un DVD rendant assez
largement compte du festival exceptionnel de 2010, qui fut le dernier
de seize années d’existence. Pendant
ce
week-end d’octobre
2010, le Stride
+ Swing Piano Summit
présenta les huit pianistes plus haut mentionnés auxquels fut, en
plusieurs occasions, associée la contrebassiste et chanteuse Nicki
Parrott. Le programme, qui comprend des pièces écrites entre 1910
et 2009 – les quelques unes composées par les solistes eux-mêmes
–, est pour une large part emprunté aux standards de Tin
Pan Alley
mais aussi au grand répertoire des maîtres du jazz toutes époques
confondues : James P. Johnson, Willie The Lion
Smith, Fats Waller, Duke Ellington, Earl Hines, Bix Beiderbecke,
Albert Ammons, Django Reinhardt, Thelonious Monk et Hank Jones. Illustrant
la large diffusion du jazz dans le monde depuis l’après Première
guerre, ces huit jeunes pianistes (ils n’avaient, à l’époque,
pas cinquante ans) nourris de la tradition du Harlem
stride
viennent de tous les pays : issus du foyer originel, Chris
Hopkins (également saxophoniste alto) et Stephanie Trick, comme la
contrebassiste Nicki Parrott, sont américains ; de France, pays
qui le premier dans l’histoire reconnut le jazz en tant qu’art,
Louis Mazetier est originaire ; Bernd Lhotzky est
germano-français ; Ehud Asherie, qui vit depuis de longues
années à New York, est israélien ; quant à Paolo Alderighi
et Rossano Sportiello, ils s’inscrivent dans cette riche école
italienne du jazz qui, dans l’après Seconde guerre, a donné de si
nombreux musiciens de grand talent. Par
ailleurs, ces musiciens, qui se répartissent également en deux
groupes de quatre, l’un résidant en Europe et l’autre en
Amérique, ont reçu une formation très semblable. Mis à part Louis
Mazetier (le plus âgé et le moins "professionnel"),
qui tient sa culture pianistique d’une auto-formation exclusivement
jazzique très personnelle, tous ont acquis leurs compétences
musicales en suivant un cursus de haut niveau au sein de
conservatoires. Trick, Lhotzky, Hopkins, Alderighi et Sportiello sont
d’authentiques concertistes. Au-delà
de leur grande technique et d’un répertoire très largement
commun, le détail du choix des pièces par chacun révèle leurs
origines éducatives et leurs parcours jazziques propres. Ainsi,
Berndt Lhotzky repère la curiosité, « Odeon », tango
brésilien
d’Ernesto Nazareth, compositeur nourri de musique classique
européenne, du début du siècle passé. Chris Hopkins ouvre
également la fenêtre sur la part la plus marginale du jazz dans la
musique de Bix Beiderbecke, « In a Mist » et « Flashes »,
comme sur le caractère aussi spécifique qu’exceptionnellement
caraïbe (très éloigné du stride
harleménite,
dont
Duke est issu) de la pièce d’Ellington jouée, « Montevideo ».
Quant à Rossano Sportiello, son approche du jazz s’inscrit, selon
une démarche expressément civilisationnelle, en parallèle de sa
formation professionnelle de concertiste de musique classique, dont
il possède les codes et les moyens ; en atteste son « Medley »
de certaines pièces de Chopin, dont « Nocturne ». Sans entrer dans un long développement, relevons que ce n’est pas
la première adaptation de ce morceau ; en 1959, le pianiste
Eddie Bernard, qui dans les années 1950 travailla souvent avec
Sidney Bechet, avait déjà proposé plusieurs œuvres classiques (de
Chopin et Beethoven en particulier), dont celle-ci, dans son album
Jazz
Arabesques
(Pacific). Sans minimiser le talent d’Eddie, qui était grand, le
niveau pianistique de Rossano, que l’on peut par ailleurs apprécier
sur les autres pièces spécifiquement jazz de cet album, en donne
une interprétation pianistiquement remarquable d’une lecture moins
superficielle et plus aboutie. Parallèlement,
le second élément intervenant dans ces programmes concerne la
relation propre du musicien à la musique, la façon dont il est
« entré en jazz ». Ainsi,
qu’ils soient Américains ou Européens, les musiciens de formation
académique germanique (Bernd ou Chris qui vécut longtemps en
Allemagne) ajoutent à leur lecture du stride
un « exotisme » particulier déjà signalé, ne serait-ce
que par le choix de pièces atypiques, d’une part, et de celles
estampillées jazz authentique de par leur compositeur ou de leur
interprète historique (James P. Johnson, Willie The Lion
Smith, Duke Ellington, Coleman Hawkins sur le DVD), d’autre part.
En revanche, tous les autres musiciens, entretenant une relation
directe ancienne avec le jazz – et même unique comme chez Mazetier
ou Asherie – ont, par voie de conséquence, un accès « plus
libre » aux thèmes empruntés au répertoire du stride
– standards comme à celui des maîtres du jazz, voire même dans
des compositions personnelles répondant aux critères fondamentaux
de l’idiome (« Blues for Alfie », « Blues for
Joerg », « Ferocious Lamb ») qu’il se sont
approprié. Ces
considérations musicologiques indispensables étant posées, il
convient d’entrer dans le contenu stricto
sensu
de ces quarante huit faces d’une tenue musicale remarquable,
certaines relevant de l’exceptionnel. Pour
la qualité d’interprétation, le « Bix Medley » de
Chris Hopkins, comme « Odeon » de Bernd Lhotzky méritent
une écoute attentive ; au-delà de la perfection pianistique,
on ne peut manquer d’y relever une réelle finesse chez Chris et
une rigueur intelligente dans la respiration de la pièce chez Bernd. Dans
l’excellence, sont à retenir : le solo de Stephanie Trick sur
un thème peu souvent joué d’Ellington, « Jubilee Stomp » ;
« Echoes of Spring » par Chris Hopkins ; la
composition jubilatoire du regretté Hank Jones, « Vignette »,
jouée par Ehud Ashérie et Nicki Parrott ; le « Medley
Vernon Duke » traité tout en nuances par Louis Mazetier ;
« Ruby My Dear » par Ehud Asherie et Nicki Parrott. Les
duos ne sont pas moins remarquables : ceux de Bernd et Louis,
sur « I’m Sorry I Made You Cry » et « I Wish I
Were Twins » sont directs ; celui du même Bernd et
Roassano sur « I’ll See You in My Dreams » est du plus
parfait équilibre. Quant à celui de Paolo et de Bernd sur « Who’s
Sorry Now », il manifeste toute la fraicheur de deux musiciens
en communion. Il
y eut également de l’exceptionnel : dans le respect de la
tradition et de son esprit sur « Rippling Waters » ou
« Ferocious Lamb » de Louis Mazetier ; la
reconstruction de la composition de Monk, « 52nd Street »,
par Ehud Asherie est exemplaire. Paolo Alderighi est magistral sur
« King Porter Stomp » dont il respecte l’économie
originale de la pièce ; quant au traitement en forme d’habanera
tout en nuances délicatement swinguée – d’esprit ravélien –
de la composition de Django, « Manoir de mes rêves », sa
perfection rare en fait, peut-être, LA référence. Rossano
Sportiello est pianistiquement et musicalement très impressionnant ;
sa légèreté et sa souplesse de swing évoquent Jimmie Lunceford,
son art du piano Teddy Wilson et sa maîtrise instrumentale le grand
Art Tatum. Toutes ses apparitions sont majestueuses et grandissimes :
tout est à écouter en tous ses registres d’expression, de sa
subtile et tendre composition « Why Did You Tell Me Ilove You »
à son extraordinaire version de « Just One Those Things »
(qui supporte la comparaison avec celle fameuse de Tatum avec Jo
Jones et Red Callender (27 janvier 1956). Et comment ne pas se
régaler des reunions
fabuleuses : Mazetier et Asherie, deux authentiques pianistes de
jazz (« Drop Me off in Harlem » et « The Mule
Walk »), Louis et Paolo ne sont pas mal non plus dans « Stricke
up the Band » ; le jeu sur les tonalités de Rossano et
Ehud à propos de « Tea for Two » est rempli de finesses
et de complicités musicales. A ne pas manquer le grand duo de
Rossano et Louis sur la composition de Leon « Chu »
Berry, « Christopher Columbus », feu d’artifice musical
extraordinaire. Outre
les prestations des musiciens, le DVD nous permet d’assister aux
ultimes instants de la manifestation ; il y eut l’émotion du
dernier concert et plus encore celle d’un groupe de personnes, dont
les musiciens, conscients de la fin d’un cycle festivalier qui tint
une grande place dans leur vie. La
chronique de cet album exceptionnel serait incomplète sans mention
du livret qui retrace, en mots et en images, l’histoire de cette
manifestation originale. Néanmoins, comme nous avons déjà eu
l’occasion de le signaler pour certains autres, on peut regretter
que ce coffret omette les noms des compositeurs des pièces jouées.
En sorte qu’elles ne peuvent être identifiées autrement que par
leurs titres bien insuffisants à les resituer pour ceux qui ne sont
pas du sérail. Or c’est bien le renouvellement et le
rajeunissement du public qu’il convient d’obtenir avec ce type de
publication ; l’aspect didactique n’est à négliger. Que
ces légers inconvénients – auxquels la présente chronique a
tenté de remédier – ne vous découragent pas. Découvrez ces
enregistrements superbes de huit pianistes de talent. Ce
Piano Summit – Finale
est magnifique ; il justifie de son intitulé : Stride + Swing !
Félix W. Sportis
Nicola Sabato Cruisin' With the Nicola Sabato Quartet
Meatball
Serenade, Wabash, I Didn't Know What Time It Was, The Way We Were,
Broadway, Too Marvelous for Words, My One and Only Love, Leo Walks
in, Lullaby of Birdland, From This Moment On, Willow Weep for Me Nicola
Sabato (b,, arr),Dano Haider (g), Florent Gac (p), Sylvain Glevarec
(dm), Benjamin Henocq (dm)
Enregistré
le 23 novembre 2013, Pré-St-Gervais (93)
Durée :
1h 05' 59''
Spirit
of Jazz NSM003
(www.nicolasabatojazz.com)
C’est
au studio de Bopcity qu’en ce samedi de novembre 2013, Nicola
Sabato et ses partenaires entrèrent pour enregistrer ce Cruisin’
With the Nicola Sabato Quartet
en mémoire de Patrick Saussois et Ted Curson, « deux personnes
et musiciens formidables qui ont toujours eu une grande influence sur
[sa] vie et [sa] musique ». L’hommage est beau. Il aurait plu
à ses dédicataires. Ils auraient été fiers de la tenue musicale
de l’œuvre.
Après
On
a Clear Day,
enregistré en 2003 (DJAZ Records 559) et Lined
With a Groove,
gravé avec Jeff Hamilton (DJAZ records 738-2) en 2006, Crisin’
With the Nicola Sabato Quartet
est donc, sept ans après, le troisième album de Nicola Sabato en
tant que leader de séance. Au regard des dix années
professionnelles par ailleurs bien remplies, c’est peu. Le
contrebassiste n’est pas un boulimique du sillon ; il produit
peu mais de qualité.
Le
programme de ce volume comprend deux compositions originales du
leader écrites en 2013 (« Meatball Serenade » et « Leo
Walks in ») et neuf autres pièces : deux classiques du
jazz – « Wabash » (Cannonbal Adderley, enregistré la
première fois par son auteur à Chicago en 1959) et la belle mélodie
de George Shearing, « Lullaby of Birdland » (1952) – et
sept standards de compositeurs célébrissimes – de Cole Porter et
Richard Rodgers à Henri Woode ou Ann Ronell) – de Tin
Pan Alley
composés entre 1932 (« Willow Weep for Me ») et 1973
(« Nuestro Anos Felices » habituellement titré « The
Way We Were », du nom du film de Sidney Pollack tourné avec
Barbara Streisand en 1973). Le choix des thèmes est aussi judicieux
que parfaitement équilibré, les morceaux récents s’accordant
totalement avec l’esthétique globale du reste de l’album. Ce
quartet nous mène en une croisière aux escales improbables. Les
moments sculptent cet album de sensations ténues. Les impromptus
rendent la promenade musicale pleine de surprises ; les
ensembles simples et intelligemment orchestrés, par la scansion de
solos aussi libres que structurés, conservent légèreté et
souplesse à une musique aérienne.
Les
participants de la session maîtrisent la matière et donnent la
pleine mesure de leur talent. Le style coloré (jeu de cymbale) et
libre de Benjamin Hénocq convient particulièrement bien à l’esprit
de la composition de Richard Rodgers, « I Didn’t Know What
Time It Was », ou celle de Cole Porter, « From This
Moment on », comme au traitement délibérément atypique
choisi pour interpréter la berceuse
du pays aux oiseaux.
Le drive plus dense et structuré de Sylvain Glevarec confère, par
sa force d’impact, une puissance très appréciable à
l’interprétation (« Wabash », « Broadway »)
comme une rigueur très efficace (« Too Marvelous » ou
« Willow Weep ») dans les autres faces au ton plus
classique. Dano Heider s’inscrit dans la tradition d’Oscar Moore
et d’Irving Ashby : c’est une seconde voix ajoutée à celle
du piano (« Too Marvelous ») en même temps qu’un
élément essentiel à la ponctuation du discours musical. Ses solos
sont fins et bien amenés. Dans le livret, « Beethoven »
a fort justement souligné que Nicola ne commet jamais la faute de
« sur-jouer »,
bien qu’étant leader de séance. Ses interventions (expositions de
thèmes – « My One and Only Love » ou « Wabash »
et ses choruses
– « Willow Weep » ou « My One and Only One
Love ») restent toujours mesurées. En fait, comme ses maîtres
Ray Brown et Paul Chambers, Sabato fait dans cet album, comme dans
les précédents, étalage de son grand talent d’accompagnateur
présent mais discret : sur tempo classique (« Broadway »,
« Willow », rapide « From This Moment On » et
même très lent particulièrement délicat « Lullaby »)
ou sur rythmes plus baroques (« I Didn't Know What Time It
Was »).
Dans
ce trio bien équilibré, le rôle du pianiste est primordial ;
il est le catalyseur en même temps que la voix principale parce que
la plus audible. Et de ce point de vue, le travail de Laurent Gac est
assez exceptionnel. Il parvient à fédérer toutes les parties tout
en faisant entendre sa grande originalité en contrepoint du chant
général. Et pour être brillante, sa formidable technique ne
parasite jamais son discours judicieux : en toutes circonstances
et dans toutes les plages de ce volume, Laurent Gac œuvre dans
l’excellence. Bravo !
Cet
album est superbe. Embarquez avec Cruisin’
With the…
Le Nicola Sabato Quartet est un bâtiment de grande croisière. Vous
ne le regretterez pas.
Félix W. Sportis
XY Quartet 05
Titres
détaillés sur le livret
Nicola Fazzini (as),
Saverio Tasca (vib), Alessandro Fedrigo (b), Luca Colussi (dm) Enregistré le 17 octobre
2013, San Biagio Di Callalta (Italie) Durée : 50' 34'' Nusica.org 352
(www.nusica.org)
Voici le deuxième disque
de cet excellent XY Quartet, après Idea F, dont nous avions
dit les qualités et notre admiration. Ce deuxième opus ne le cède
en rien au premier ; on constate une évolution plus mélodique
avec une plus grande place laissée au vibraphone, et des
arrangements à quatre voix très bien ficelés, comme par exemple
« Spazio Angusto» qui ouvre le disque, avec un beau mariage
vibraphone/sax. « H2O » est emblématique du style de ce
quartette : intro sur une note sax, une note vibraphone, une de
la basse, une ponctuation batterie, puis ça se répond d’une façon
lancinante, l’échange s’accélère, se développe, s’enrichit ;
arrivent les solos, sax, vibraphone aéré sur ponctuation de la
basse : du miel mille fleurs. Nicola Fazzini est une sorte de
Steve Lacy au sax alto. « Jon Futura nous vaut une belle
intervention de la basse entremêlée dans le trio. « Doppio
Sogno » démarre assez jazz classique avec un petit clin d’œil
au père des vibraphonistes, Lionel Hampton. Salverio Tasca s’inscrit
dans la grande tradition des vibraphonistes, pour preuve son solo sur
« Futuritmi », suivi en beauté par la basse.
En plus de la pulse le
batteur assure un tapis foisonnant sur lequel baigne le quartette, ou
bien il joue en contrepoint avec toujours la même pulse. XY quartet est un groupe
original qui joue le plaisir et la beauté sur des compositions
originales de Nicola Fazzini et Alessandro Fedrigo. Les fruits ont
passé la promesse des fleurs de Idea F.Serge
Baudot |
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