Les 80 ans de Jazz Hot à la Jazz Station de Bruxelles
|
|
Jazz Station, Bruxelles
Saint-Josse-ten-Noode, Bruxelles, Exposition Les 80 ans de Jazz Hot , une
histoire franco-belge, du 22 mai au 26 juin 2015,. www.jazzstation.be
Le 21 mai dernier, à Bruxelles, se déroulait le vernissage de l’exposition intitulée « Jazz Hot
80 ans, une histoire franco-belge », à l’occasion de l’anniversaire de
notre revue. Réalisée à partir du fonds d’archives dont les
conservateurs ne sont autres que nos excellents correspondants
Jean-Marie Hacquier et Pierre Hembise, l’exposition propose, au travers
de panneaux, avec force livres, revues, photos et même un petit film, un retour sur les 80 ans d’une histoire où la Belgique et ses
musiciens, Django Reinhardt le premier, né à Liberchies, mais aussi René
Thomas, Toots Thielemans, Bobby Jaspar, Sadi, Jacques Pelzer, et Michel
Herr, Philip Catherine encore récemment… plus une mutltitude d’autres
musiciens, sont venus enrichir la grande histoire internationale du
jazz, celle que raconte Jazz Hot depuis 1935, sans oublier un
petit détour par les Belges d’adoption comme Chet Baker ou ceux qui ont
apporté sur place leur graine à cet amour du jazz (John Coltrane à
Comblain, par exemple) si fertile de l’autre côté des Ardennes.
|
La Belgique a eu également des critiques historiques, qui ont d’ailleurs contribué à Jazz Hot (Robert Goffin, Carlos de Radzitzky, Albert Bettonville), tradition respectée par Jean-Marie Hacquier qui reste fidèle à notre revue –avec une coupure dans les années 1970– depuis la fin des années 1960, ce qui en fait un doyen par la participation si ce n’est par l’âge.
Le vernissage de l’exposition a donné lieu à un débat animé sur Jazz Hot bien sûr, mais plus largement sur le jazz, son essence, sa vie, son actualité, son futur, ses artistes, ses marges, débat dont les amateurs ou professionnels du jazz raffolent toujours, tant le jazz reste une passion inépuisable. Robert Jane, Michel Herr, Phil Abraham, Georges Tonla Briquet, animateur de Jazzmozaiek, l’excellente revue de jazz en langue flamande, l'association Sweet & Hot, le grand collectionneur Léon Dirckx (une autre facette belge de la passion pour le jazz), et beaucoup d’autres ont participé avec beaucoup de naturel à cette « causerie » fort agréable avant un apéritif qui fut l’occasion de poursuivre les discussions… sur le jazz.
La Jazz Station, dûe à l’initiative d’un édile éclairé, bourgmestre de Saint-Josse-ten-Noode pendant de nombreuses années, batteur de jazz à ses heures et amateur à toute heure, Jean Demannez, administrateur aujourd’hui, est à cet égard la meilleure preuve de cette relation particulière que nos amis belges entretiennent avec la musique de jazz. C’est un splendide lieu dédié au jazz dans toutes ses dimensions, la mémoire (archives) et la transmission (avec des cours) donc mais aussi l’actualité, comme cette exposition, et le jazz live, celui des musiciens avec une belle salle de concert, des associations (les Lundis d’Hortense, Sweet & Hot), et une scène ouverte pour les répétitions de nombreux groupes de jazz.
L’actuel directeur, Pierre Clerckx, est non seulement jeune mais aussi très ouvert et dynamique, et il a des projets plein la tête. Il est secondé par une bonne équipe de jeunes ou toujours jeunes comme Yannick, Kostia, avec Pierre Hembise et Jean-Marie Hacquier aux archives, et d’autres encore… Ça fonctionne dans un bon mood et le feeling est parfait!
A l’occasion des 20 ans du Jazz Marathon qui se déroulait également ce même week-end à Bruxelles, il a d’ailleurs été possible d’apprécier le 23 mai à la Jazz Station un excellent concert du quartet de Phil Abraham (tb, voc) secondé par les excellents «anciens» Sal La Roca (b) et Fabien Degryse (g) et un nouveau venu, Andrea Arpetti (dm). Un répertoire alliant originaux, humour et standards, de Louis Armstrong à Phil Abraham en passant par Jean de La Fontaine, nous a permis d’apprécier le talent de chanteur, de showman de Phil, bien soutenu par ses excellents compagnons, Fabien Degryse dans la belle tradition de la guitare jazz en Belgique, et Sal La Roca toujours inspiré et précieux : un répertoire qu’on retrouve pour l’essentiel sur le dernier disque de Phil Abraham, Roots and Wings («It Don't Mean a Thing», «Degustation», «Basin Street Blues», «Harlem Nocturne», «Petit à Petit», «Autumn in Forest», «When It's Sleepy Time Down South», pontué en rappel solo par «Le Corbeau et le Renard» à la manière d’un Eric Dolphy qui serait tromboniste et avec humour.
Le Jazz Marathon, a réservé quelques autres bons moments, avec toujours Philip Catherine dans un Sounds en effervescence, à l’instar de son patron, l'indispensable Sergio, avec un public débordant sur la rue; un bon groupe au Music Village, the Sidewinders, reprenait la musique d’Art Blakey et Wayne Shorter; quelques découvertes ont pu être faites au hasard d’un parcours très fourni (200 concerts) comme les Dixie Ramblers à La Tentation où se déroulait un marathon de la danse, maisce Marathon fut parfois très inégal en qualité ou simplement éclectique, avec par exemple l’excellent trio de Tcha Limberger (vln), dans le registre des musiques tziganes au Nais Bar. Un bon moment.
Une visite s’impose donc à la Jazz Station, non seulement pour cette exposition, mais aussi pour toutes ses autres dimensions jazziques, pour le lieu et son équipe.
Bruxelles reste une belle ville, en dépit d’une double pression (un comble au pays de la bière) touristique mais aussi de démolition-reconstruction liée à sa qualité de capitale européenne, et qui lui font perdre parfois cette «belgitude» que nous aimons tant dans nos flâneries, ce mélange de poésie, de naturel dans l'atmosphère des rues, d’ancienneté, de pierres grises et de verdure. Mais c’est peut-être notre imagination…
Yves Sportis
© Jazz Hot n°672, été 2015
|
|