Lew TABACKIN
Zen
Il faut le voir en concert, avec son gros son, sa puissance, rugir dans de longs solos au saxophone ténor pleins d’énergie, avancer la tête, levant les genoux, tapant du pied, puis passer à la flûte et changer de posture physique, devenir aérien et puiser dans la tradition japonaise. Deux musiciens vivent en Lew Tabackin: un saxophoniste, qui plonge ses racines dans Coleman Hawkins, Ben Webster, Sonny Rollins, et un flûtiste, qui s’inspire de musique classique et des traditions orientales anciennes.
Né le 26 mars 1940 à Philadelphie, formé à la flûte au conservatoire (1958-1962), Lew Tabackin s’installe à New York en 1965, après trois ans de service militaire. Les nombreuses participations dans les big bands s’accumulent: Maynard Ferguson, Chuck Israels, Thad Jones-Mel Lewis, Clark Terry, Duke Pearson, ainsi que les expériences en sideman, Donald Byrd, Barry Miles, Manhattan Transfer… La rencontre de la pianiste Toshiko Akiyoshi (cf. Jazz Hot n°631) en 1968 est décisive: ils fondent ensemble, en 1974 à Los Angeles, le Toshiko Akiyoshi-Lew Tabackin Big Band (1974-1982), dont l’esthétique allie sensibilité japonaise et racines bop. De retour à New York en 1982, le big band se reforme avec de nouveaux musiciens, comme Frank Wess, sous le nom Toshiko Akiyoshi Jazz Orchestra Featuring Lew Tabackin (1984-2003). En près de trente ans d’existence, le big band sort une vingtaine d’albums. En plus du big band, où il se forge une forte personnalité musicale, on reconnaît Tabackin à son goût pour les trios sans pianiste, qu’il développe dans les années 1970. Son trio régulier, qu’on peut entendre dans son dernier album, intitulé Soundscapes (2015), se compose, depuis une dizaine d’années, de Boris Kozlov (b) et Mark Taylor (dm). Avec un sens du swing sans concession, Lew Tabackin se nourrit de la tradition du jazz, recherchant toujours des sidemen solides. Il compte, dans une vingtaine d’albums sortis en leader, les collaborations de Phil Woods, Dave Holland, Hank Jones, Randy Brecker, Victor Lewis, Benny Green, Peter Washington, Lewis Nash… Propos recueillis par Mathieu Perez Discographie de Guy Reynard Photos de Jose Horna, David Sinclair et Mathieu Perez
© Jazz Hot n°675, printemps 2016
Jazz Hot: La flûte est votre premier instrument?
Lew Tabackin: Disons que c’est le premier instrument sur lequel j’ai joué. J’étais dans une école publique dans le quartier sud de Philadelphie. Je pensais que ce serait chouette de jouer d’un instrument. Il n’y avait aucun musicien dans ma famille. J’ai d’abord pensé à la clarinette, mais seule la flûte était disponible. Je ne savais même pas ce que c’était. Et malheureusement, j’ai eu le plus mauvais des professeurs.
Quand êtes-vous passé au saxophone ténor?
A 13 ans, j’ai eu une clarinette et, à 15, mon monde a changé. J’ai eu un saxophone. Il y avait un voisin qui avait une collection de disques. Les disques de jazz étaient cachés à la cave. A Philadelphie, Al Cohn était une grande vedette. C’était ma première influence. Donc, je suis passé au saxophone. J’avais un son dans ma tête, et je savais exactement ce que je voulais. J’ai dû travailler pendant quatre heures et j’ai commencé à m’en approcher. Beaucoup ne trouvent pas leur son parce qu’ils ne savent pas ce qu’ils veulent, et ils essaient de ressembler à d’autres. Peu de temps après, j’allais dans les jam sessions.
Avez-vous appris la musique à l’école?
J’ai appris l’essentiel par moi-même. Je savais le son que je voulais, et j’écoutais des musiciens comme Sonny Rollins ou Coltrane. J’étais le clone de Coltrane. C’était idiot! (Rires) Un jour, j’ai remarqué que beaucoup de gens jouaient comme Coltrane, et je me suis dit que, moi aussi, je devais ressembler à ça. (Rires) Je devais trouver ma propre voie. Alors j’ai écouté beaucoup de disques de Ben Webster, Lester Young, Don Byas, Coleman Hawkins. Ma culture était limitée. Quand j’ai entendu Coleman Hawkins, ça a été le déclic. J’ai compris que c’était lui la racine, la vérité. Sa musique et son approche sont très importantes pour moi parce que tout vient de lui. L’autre branche serait Lester. Hawkins est le premier musicien qui a joué sérieusement du saxophone, et il a été le premier à soutenir le bebop. L’écouter donne de l’inspiration. Il est important d’avoir un répertoire des différentes façons de traiter le son. La plupart des musiciens ne savent jouer que d’une seule façon, et ils n’ont aucune approche de la couleur ou de la nuance. C’est pour cette raison que j’aime jouer «Self-Portrait of the Bean» dans mes concerts. Cela capte son esprit. A cette époque, Coleman Hawkins, c’était trop compliqué pour moi. Je ne comprenais pas. Mais, plus tard, quand j'ai réécouté Sonny Rollins, j'ai pu entendre des éléments nouveaux dans son jeu. C’était une leçon importante. Pour moi, tout s’est mis en place à l’âge de 40 ans.
Vous avez étudié au conservatoire.
Après l’école, je suis allé au conservatoire. On ne pouvait pas apprendre le saxophone, alors je jouais de la flûte, mais je préférais le ténor. Après quatre ans d’études, j’ai enfin eu un bon prof qui m’a appris des choses fondamentales.
Qu’avez-vous fait après ces années d’études?
Après, je me suis exercé seul, et j’ai écouté des disques de jazz. J’écoutais aussi des flûtistes classiques, comme Julius Baker ou Thomas Nyfenger, pour arriver au son que je voulais. Je n’aimais pas le son de la flûte dans le jazz. A l’exception de Frank Wess, qui est formidable et d’une grande intégrité musicale, je trouvais que, la plupart du temps, ça relevait du gadget.
Quand vous êtes-vous installé à New York?
Au retour de l’armée, où j’ai rencontré Tal Farlow; je suis parti immédiatement à New York. C’était en 1965. Tout ce que je voulais faire, c’était m’exercer. J’ai joué dans le groupe de Chuck Israels et, comme il savait que j’étais flûtiste, il m’a écrit des morceaux. Sa musique était un peu difficile.
Votre approche de la flûte est-elle différente du saxophone?
Ce n’est pas une réplique. La plupart des musiciens reproduisent sur la flûte ce qu’ils font au saxophone. Ça ne m’intéresse pas de faire ça. Le son est important. Il vous indique comment jouer. En général, la musique que je joue ou compose à la flûte est plus mélodique. Mais le plus difficile est de jouer des deux instruments et de continuer à s’améliorer. Il est difficile de garder un niveau élevé sur deux instruments. Il faut trouver le parfait équilibre. J’aime bien inviter des jeunes à jouer chez moi, souvent en trio. Pour moi, l’aspect physique de la musique est très important. On ne peut pas que s’exercer. C’est une autre réalité.
Quel a été l’impact de Toshiko Akiyoshi sur votre jeu de flûtiste?
Sa première composition pour le big band s’intitulait «Kogun», qui signifie «une armée à lui tout seul». C’est l’histoire d’un soldat japonais qui a vécu aux Philippines pendant trente ans et ne savait pas que la Seconde Guerre mondiale était terminée. Il y a un solo pour la flûte, mais je ne voulais pas le jouer straight-ahead. Alors je me suis mis à écouter de la musique shakuhachi. C’était une première tentative pour développer une approche japonaise –zen– de la flûte. Cela m’a beaucoup intéressé. La première fois que j’ai joué de la flûte au Japon, j’avais un peu honte, mais le public a apprécié et m’a encouragé. De Toshiko, j’ai pris cette sensibilité japonaise et, depuis, j’essaie de l’exécuter musicalement. Je me suis rendu compte que tout ça faisait partie de l’expérience du jazz.
Toshiko Akiyoshi et vous, vous nourrissez de deux cultures.
Les racines de Toshiko sont dans le bebop. La période antérieure ne l’intéressait pas vraiment. En un sens, je lui ai fait apprécier des concepts plus anciens. Elle a écrit une composition formidable sur le bebop. Nous avions fait un hommage à Dizzy au Hollywood Bowl, à Los Angeles. Il était là et a joué avec Gerald Wilson. C’était très dur à jouer mais Dizzy s’est beaucoup amusé. Toshiko est ancrée dans le bebop, mais, avec l’âge, elle s’est appuyée davantage sur son héritage. Il est difficile de trouver l’inspiration dans deux cultures. Et c’est sa contribution.
Quelle est la profondeur de la musique?
Il y a quelques années, j’étais à Birdland, et j’ai joué une seule note au ténor. J’essayais de faire passer beaucoup d’information. Cette note était plus qu’une simple note. C’est devenu de l’énergie. Cela a réaffirmé ce que je pensais de la musique. A la flûte, si l’atmosphère s’y prêtait, je pouvais jouer une seule note inlassablement et, en quelque sorte, m’hypnotiser. Toucher aux notes, c’est créer une spiritualité dans laquelle les notes ont leur propre existence. Ce ne sont pas que des gammes. Il y a quelques années, je participais à un débat à Harlem sur Ben Webster. Il y avait aussi le saxophoniste alto Michael Hashim qui a utilisé l’expression «virtuosité tonale». Cela m’a fait réfléchir et je trouve cette formule magnifique. La virtuosité, ce n’est jamais que le nombre de notes qu’on est capable de jouer. Personne ne parle de la façon d’exprimer le son. Quand j’enseigne, j’apprends à jouer une seule note à la fois. Parfois, on peut exprimer davantage avec une seule note. Il y a un aspect technique dans le jazz bien sûr, mais ce n’est pas l’essentiel. Lester Young racontait une histoire. On ne peut pas apprendre ce que Lester Young faisait. C’est un monde si particulier. Il y a quelques années, je jouais «Black, Brown and Beige» pour un hommage à Ralph Ellison. Jon Faddis avait monté le groupe. Je jouais la partie de Ben Webster, et j’ai essayé, très fort, de bien le faire. Après ça, je ne pouvais plus jouer pendant un mois. J’étais entré dans le monde de Ben Webster. Je n’arrivais pas à en sortir. C’était comme la méthode de l’Actors Studio. (Rires) Je ne parvenais à en sortir parce que son monde sonique est si spécial. Il est allé au-delà ce que faisaient tous les autres ténors. J’ai appris une sacrée leçon!
Quand avez-vous commencé à travailler avec des big bands?
Quand je me suis installé à New York, en 1965, je n’avais aucune expérience en big band. L’une des expériences les plus intéressantes a été avec Cab Calloway pour un concert de retrouvailles. Je me retrouvais avec ces vieux musiciens noirs. C’était super! Dans la section de saxophones, il y avait des musiciens comme Eddie Barefield, Sam Taylor, George Dorsey. Mais Cab était un personnage difficile.
Vous avez aussi travaillé avec Clark Terry.
J’ai beaucoup appris de Clark Terry. Je venais d’arriver à New York. Il y avait un bar sur la 48e Rue où les musiciens se retrouvaient. Zoot Sims est arrivé et m’a dit que Clark répétait au Half Note pour un groupe all-star et m’a conseillé d’y aller. J’y suis allé, et j’ai joué. Il m’a embauché. J’étais le seul membre qui n’était pas une star! Plus tard, on a joué au Blue Note. A cette époque, je ne savais pas trop comment je voulais jouer. Je m’imposais trop à la musique. C’était idiot! Alors, j’écoutais Clark, et j’essayais de construire sur le feeling qu’il générait. A chaque fois qu’il jouait, c’était excellent. J’ai essayé de capter cet état d’esprit. C’était une leçon importante: ne pas s’imposer à la musique. La musique est une expérience zen.
Quels souvenirs gardez-vous des clubs new-yorkais dans ces années?
Quand vous êtes à New York, on ne sait jamais qui va se pointer à un concert. Il arrive que ce soit quelqu’un que vous admirez beaucoup. Je passais beaucoup de temps avec Joe Farrell. J’étais comme son protégé. Il avait un engagement avec Elvin Jones et, s’il ne pouvait y aller, il m’envoyait le remplacer. Il savait aussi que je jouais de la flûte, alors il m’envoyait des plans. J’avais toujours mon saxophone avec moi, et Joe me donnait des conseils de lieux où jouer. Un soir, je vais dans un club, et il y avait Sonny Rollins. C’était un coup de Joe! Il m’avait dit: «Si jamais tu te retrouves sur scène avec Sonny Rollins, essaie de ne pas jouer comme lui!» (Rires)
Hormis Joe Farrell, de quel autre musicien étiez-vous proche?
J’ai joué avec Al Cohn pendant un moment. C’était mon premier héros. Il me donnait beaucoup de solos. Et il ressemblait à mon père. Cela m’a toujours touché qu’il me traite en égal. Zoot Sims était comme un grand frère. A cette époque, c’était une tout autre réalité à New York.
Plus tôt, vous disiez qu’à 40 ans, tout s’est mis en place. Qu’entendiez-vous par là?
Quand j’ai eu 40 ans, c’était comme si tout se mettait en place: vous vous rendez compte que toutes les petites imperfections que vous détestez chez vous sont votre identité. A partir du moment où vous les acceptez, vous êtes libéré. Tout commence alors à s’ouvrir, et vous gagnez en confiance. Je me souviens avoir joué à Nice. Il y avait Jimmy Heath. Il trouvait que mon son avait gagné en épaisseur. Donc, 40 ans, c’est l’âge parfait. Je pense qu’autrefois, les musiciens s’amélioraient parce qu’ils jouaient très souvent. Aujourd’hui, on joue quand on peut, et on met plus de temps à développer son propre son. J’ai remarqué aussi que lorsqu’on commence à jouer, on a un certain son. Et puis vous passez par ces phases dans lesquelles vous voulez ressembler à d’autres. J’écoutais beaucoup Coltrane. J’étais un peu hypnotisé par lui. Et puis vous atteignez ce moment où vous êtes en fin de compte proche du point où vous étiez à vos débuts. Parfois vos premiers instincts sont les bons. Le secret consiste à trouver qui vous êtes. Une fois que vous avez trouvé, vous pouvez vous développer.
Pourquoi vous êtes-vous installé à Los Angeles?
Doc Severinsen m’avait donné des engagements, et m’avait donc conseillé de venir vivre en Californie.
Qu’avez-vous pensé de la scène locale?
Il n’y a aucune énergie à L.A. J’ai trouvé un gig au Donte’s, et j’ai monté un trio avec le bassiste John Williams. Le club était plein. On a joué comme on le faisait à New York. A la fin du premier set, il n’y avait plus personne.
Comment le big band que vous avez créé avec Toshiko Akiyoshi a-t-il débuté?
Jouer à L.A., c’était pénible. Je savais que Toshiko avait des compositions sous la main, et je lui ai proposé de rassembler des musiciens. On pouvait louer une salle au syndicat pour 50 cents, et on y répétait tous les mercredis. Petit à petit, on a constitué un personnel. Le big band a commencé comme ça. Puis, une chose en entraînant une autre, nous avons donné un concert, puis un autre à Monterey, etc. En 1974, quand on jouait dans un grand festival international de jazz, toute la presse était là. Aujourd’hui, plus personne n’en a rien à foutre. Et puis ce big band a eu de la presse. Après ça, nous sommes partis en tournée en Europe.
Quel était votre état d’esprit dans les années 1970?
Dans les années 1970, il y avait eu une révolution noire à laquelle j’adhérais entièrement. Tous mes héros sont noirs. Mais d’un autre côté, cette situation ne m’a pas fait du bien. (Rires) Beaucoup de portes se sont fermées pour les musiciens blancs. Quand nous jouions dans le groupe de Duke Pearson à l’Apollo Theater, Randy Brecker et moi, nous ne pouvions pas prendre un chorus. Le groupe accompagnait Nancy Wilson. Une fois, on a joué à l’Académie de Musique de Philadelphie. J’ai eu un solo et ça a fait toute une histoire. On ne s’était jamais posé ce genre de questions avant. Maintenant, il fallait y penser. Duke Pearson a essayé de me faire enregistrer par des maisons de disque. Les labels n’enregistraient pas les musiciens blancs. C’est arrivé à Randy Brecker aussi. C’était très étrange…
Quelle a été la réaction à la musique de Toshiko?
Nous avons créé le big band en 1972 pour nous occuper. Beaucoup de musiciens refusaient de jouer. Ils pensaient qu’il y avait un problème avec cette musique. Souvent, dans les compositions qu’elle faisait, comme une ballade, je n’arrivais pas à m’identifier. Alors je le lui disais, et elle changeait quelque chose. Des années plus tard, j'ai trouvé que j’avais été très idiot. J’aurais dû donner à cette musique plus de temps et la laisser entrer en moi.
Comment vous organisiez-vous?
La raison pour laquelle nous avons pu fonctionner est que notre participation était séparée. Je n’entrais pas dans son monde, dans sa composition, et elle n’entrait pas dans le mien. Parfois, je faisais des suggestions. Nous avons maintenu notre engagement séparé. Autrement, cela aurait été très difficile. C’était un groupe important avec une musique importante. La plupart de cette musique est narrative. Il ne s’agit pas que d’arrangements. Les compositions de Toshiko sont très fortes, et elle a apporté des contributions importantes comme «Two Face of a Nation».
Y avait-il beaucoup de résistance face à ce groupe?
Il y avait énormément de résistance! Parce qu’elle était japonaise. Elle n’était ni noire ni blanche. Donc, elle ne pouvait pas être authentique. Et les Japonais sont connus pour copier. Sa musique était narrative. Quand les disques sortaient, on les trouvait dans le rayon musique japonaise. Il y a encore beaucoup de disques qui ne sont jamais sortis aux Etats-Unis.
De combien de disques parlez-vous?
Au moins six ou sept.
Hormis le big band, vous avez aussi monté un trio à Los Angeles.
Quand vous n’êtes pas heureux dans votre environnement, vous devez créer votre propre environnement. Je n’avais jamais eu ma propre entité, donc j’ai dû travailler. J’ai développé un concept en trio. La seule chose qui m’a sauvé, pendant les dix ans que j’ai vécu à L.A., a été de jouer avec Billy Higgins. J’étais frustré avec les batteurs. Ils ne swinguaient pas comme je voulais. Un jour, John Heard est venu, accompagné de Billy, dans un petit garage que j’avais reconverti en studio. On a joué un peu, c’était parfait. Après ça, j’ai joué le plus possible avec lui. On est parti en tournées avec Charlie Haden, et on a fait un disque. Et puis Shelly Manne m’a demandé de jouer avec lui. Ça, c’était bien.
Qu’aimez-vous dans le trio?
J’aime la responsabilité. Mon approche est un peu différente parce que je joue de la flûte. La plupart des pianistes ne savent pas accompagner un saxophone. Ils tendent à dominer. J’aime l’espace et j’aime le trio comme défi. Dans mon trio régulier, on se parle beaucoup. Mark Taylor et moi jouons par intermittence depuis trente ans, et avec Boris Kozlov, cela fait treize ans. Si vous écoutez l’album Live in Paris, il est plus organique. Il n’y a pas de montage. Celui qui a été enregistré au Japon, Tanuki’s Night Out, est plus narratif, et la flûte est plus présente.
Vous avez aussi monté un quartet.
J’ai monté un groupe avec Randy Brecker, Lewis Nash et Peter Washington. Nous avons joué au Japon et dans quelques festivals. Mais en l’absence de pianiste, personne ne voulait nous engager. Nous avons joué au Detroit Jazz Festival et à Newport, c’était bien.
Qu’avez-vous fait à votre retour à New York en 1982?
Je n’avais pas de trio à cette époque, et je faisais beaucoup de concerts all-star. Je tournais en Europe. J’ai rencontré Mark Taylor, et je l’ai convaincu de s’installer à New York. J’ai aussi «importé» Philippe Aerts, bassiste de Bruxelles. Il m’a fallu quelques années avant d’avoir un trio. Avec le quartet, si Randy n’était pas disponible, Tom Harrell venait parfois le remplacer.
Etait-ce difficile?
C’était difficile, mais plusieurs musiciens sont revenus à New York avec nous, comme Joey Baron. Aussitôt qu’on s’est réinstallé, on s’est mis à appeler d’autres musiciens. Frank Wess est le premier qu’on a appelé. Il a réorganisé toute l’approche de la section bois. Au départ, c’était difficile parce que cette musique, étant nouvelle, n’avait jamais été jouée. Là, c’était plus facile. De retour à New York, on savait que ça existait. Les musiciens étaient moins fluides mais avaient plus d’énergie. A Los Angeles, je devais faire tous les solos. Pas à New York. A la fin de l’histoire du big band, c’est devenu difficile, parce que les musiciens new-yorkais sont dans la survie. A L.A., ce sont des musiciens de studio. Quand ils ne peuvent pas venir, les New-Yorkais envoient des remplacements et la musique ne sonne pas comme elle devrait. Nous avons donné un concert d’adieu au Carnegie Hall et avons même fait un profit de 17 000 dollars. On en a donné 15 000 à la Jazz Foundation (cf. Jazz Hot n°668), et gardé 2 000 pour des projets à venir. Il y a aussi eu un concert d’adieu à Tokyo. Mais c’était il y a treize ans. Depuis, nous avons joué à Shanghai et à Tokyo. Mais ce n’est pas pareil. Quand vous remontez un groupe, même si ce sont les mêmes membres, la cohésion n’est plus la même.
Depuis les années 1980, vous tournez régulièrement en Europe et vous avez gardé de fortes attaches avec des villes comme Paris.
J’ai beaucoup voyagé en Europe et j’ai beaucoup joué à Paris. Je jouais régulièrement au Franc-Pinot. Au Petit Opportun, six ou sept soirs par semaine. Je jouais à fond. J’avais engagé Georges Arvanitas, un musicien formidable! Puis, avec Mark Taylor et Pierre Boussaguet j'ai formé mon trio. On a tourné en Belgique, en Hollande. Dans les liner notes que j’ai écrites pour le Live in Paris (enregistré au Franc-pinot), j’ai essayé d’expliquer que Paris a une certaine atmosphère, avec cette tradition des grands musiciens américains qui sont venus y jouer. Les Parisiens sont souvent plus instruits que le public new-yorkais. La différence de niveau est saisissante. J’apprécie beaucoup ce public, et j’adore jouer dans des petites salles à Paris. C’est toujours aussi fort d’y jouer.
CONTACT: www.lewtabackin.com
LEW TABACKIN, TOSHIKO AKIYOSHI et JAZZ HOT: n°391-392, 1982 - n°631, 2006
DISCOGRAPHIE Leader et coleader LP 1974. Let the Tape Roll, RCA 6271 LP 1976. Day Dream, RCA RVP 6057 CD 1976. Dual Nature, Inner City 1028 LP 1976. Trackin', RCA 3 LP 1976. Lew Tabackin/Warne Marsh, Tenor Gladness, Inner City 6048 CD 1977. Rites of Pan, Discomate 5009 LP 1977. Tabackin, Inner City Records 1038
LP 1978. Vintage Tenor, RCA 11 LP 1979. Lew Tabackin Meet The Tadpoles, Insights 6064 LP 1979. Black and Tan Fantasy, Discomate 5016 CD 1980. Phil Woods/Lew Tabackin, Evidence 22209-2 LP 1980. Threedom, Discomate 8105 LP 1981. Lew Tabackin/John Lewis, Duo, East World 90006 CD 1983. My Old Flame, Atlas/Dan Contemporary 79938 LP 1983. Lew Tabackin Quartet, East World 90025 LP 1984. Angelica, East World 90036 CD 1988. Pyramid, Koch 3 6917-2 CD 1989. Desert Lady, Concord Jazz 4411 CD 1992. I'll Be Seeing You, Concord Jazz 4528 CD 1994. What a Little Moonlight Can Do, Concord Jazz 4617 CD 1994. Live at Vartan Jazz, Vartan Jazz 003 CD 1996. L' Archiduc: Round About Five, Igloo 127 CD 1996. Tenority, Concord Jazz 4733 CD 1996. In a Sentimental Mood, Insights 25CJ13 CD 2002. Tanuki's Night Out, Tokuma Records 3003 CD 2007. Live in Paris - Lew Tabackin Trio, Autoproduction (enregistré au Franc-Pinot) CD 2015. Soundscapes, Audio & Video Labs 5638543859
Toshiko Akiyoshi Jazz Orchestra with Lew Tabackin
CD 1974. Kogun, BMG 47001 CD 1974-75. Long Yellow Road, BMG 35002 LP 1975. Tale of a Courtesan, RCA 1350 CD 1976. Road Time, BMG 37501/2 CD 1976. Insights, BMG 7378 CD 1977. March of the Tadpoles, BMG 35005 LP 1977. Live at Newport '77 - Live at Newport II, RCA 70759 CD 1978. Salted Ginko Nuts, BMG 37326 LP 1979. Sumi-E, Insights 6061 CD 1980. Farewell to Mingus, Jazz America 003 CD 1981. From Toshiko with Love, BMG 37328 CD 1982. Toshiko Akiyoshi, European Memoirs, BMG 37329 LP 1984. Ten Gallon Shuffle, Baystate 8098 CD 1986. Wishing Peace, Ausverkau 66056001 CD 1990. Four Seasons of Morita Village, Crown 91002 CD 1991. Carnegie Hall Concert, Columbia 48805 CD 1993. Desert Lady/Fantasy, Columbia 57856 CD 1995. Yes I Have No 4BEAT Today, Crown 91007 CD 1998. Monopoly Game, BMG 31003 CD 2001. Hiroshima: Rising from the Abyss, True Life Entertainment 10008 CD 2003. Last Live in Blue Note Tokyo, WEA 10079
Sideman CD 1966. Maynard Ferguson, Ridin' High, Wounded Bird 3101 CD 1967-68. Duke Pearson, Introducing Duke Pearson's Big Band, Blue Note 4 94508-2 CD 1968. The Jazz Composer's Orchestra, JCOA 841124-2 CD 1968. Duke Pearson, Now Hear This, Blue Note 7 94508-2 LP 1968. Luis Gasca, The Little Giant, Atlantic 1527 LP 1969. Les DeMerle, Spectrum, United Artists 6734 CD 1969. Toshiko Akiyoshi, At Top of the Gate, Columbia 31026 CD 1969. Ira Sullivan, Horizons/The Little Giant, Collectables 6619 CD 1969. The Duke Pearson Big Band, Baltimore 1969, Uptown 277 CD 1969. Donald Byrd, Kofi, Blue Note 7 831875-2 CD 1969. Atila Zoller, Gypsy Cry, Collectables 0178 LP 1970. Toshiko Akiyoshi, Liberty 8049 CD 1970. Duke Pearson, I Don't Care Who Knows It, Blue Note 7 835220-2 CD 1970. Donald Byrd, Fancy Free, Blue Note 7 89796-2 CD 1970. Donald Byrd, Electric Byrd, Blue Note 36195-2 CD 1971. Toshiko Akiyoshi, Dan 6001 CD 1971. Barry Miles, White Heat, P-Vine Records 23925 CD 1971. The Manhattan Transfer, Jukin', One Way Records 17371 CD 1971-72. Doc Severinsen, Good Medicine, Bluebird 07863660622 CD 1972. Leonard Feather All Stars, Night Blooming, Mainstream 719 CD 1975. Toshiko Akiyoshi, Tales of a Courtesan (Oirantan), BMG 35003 CD 1975. Tom Waits, Nighthawks at the Diner, Elektra/Asylum 7559606202 CD 1976. Tom Waits, Small Change, Elektra 7559606122 CD 1976. Shelly Manne, Plays Richard Rodgers' Musical "Rex", Discovery 783 CD 1976. Randy Crawford, Everything Must Change, Warner Bros.7599 27307-2 CD 1977. Jimmy Knepper, In L.A., 3D XQAM1609 CD 1977. Louie Bellson, Ecue Ritmos Cubanos, Pablo/OJC 632-2 LP 1977. Shelly Manne, Essence, Galaxy 5101 CD 1978. Bill Berry, Shortcake, Concord Jazz 4075 LP 1978. Best of the West 3, Disco Mate 3010 LP 1978. George Gruntz, Concert Jazz band, MPS 68215 CD 1982. Jazz at the Oper House, Columbia 38430 CD 1983. Freddie Hubbard, Sweet Return, Collectables 6182 (LP Atlantic 780108-1) CD 1984. Newport Jazz Festival All Stars, Newport Jazz Festival All Stars, Concord Jazz 4260 CD 1987. Bennie Wallace, The Art of the Saxophone, Denon 1648 CD 1987. Benny Carter & The American Jazz Orchestra, Central City Sketches, Limelight 8208119-2 CD 1988. John Colianni, Blues-O-Matic, Concord 4367 CD 1988. Carla White, Mood Swings, Milestone 9159-2
CD 1990. Harumi Kaneko, My Romance, EmArcy 5003 CD 1991. Carla White, Listen Here, Evidence 22109 CD 1993. John Engels, Live! It Don't mean a Thing, NJA 9902 CD 1994. The Carnegie Hall Jazz Band, Blue Note 7 836728-2 CD 1996. Howard Alden, Take Your Pick, Concord Jazz 47432 CD 1996. Carla White, The Sweetest Sounds, DIW 422 CD 1997. Swinging with Legends, Early Autumn 6670 CD 1998. T-Bone Walker, We Love Blues, Alan Grant 66886 CD 1999. David Lahm, Jazz Takes on Joni Mitchell, Arkadia Jazz 71011 CD 2007. Jimmy Amadie, The Philadelphia Story CD 2008-09. Mike Ponella, G.W.B. Shuffle, M.A.P. Records 1001 CD 2010. Harmonie Ensemble New York/Steven Richman, Nutcracker Suites: Duke Ellington & Billy Strayhorn, Piotr Tchaikovsky, Harmonia Mundi 907493 CD 2010. Arturo Mayorga, Lucid Dreams, 16542
VIDEOS
1984 Happy Hoofer - Toshiko Akiyoshi Jazz Orchestra featuring Lew Tabackin Live in Tokyo https://www.youtube.com/watch?v=LhYRbPtAbMI
1988 Lew Tabackin, Tokyo 1988 https://www.youtube.com/watch?v=bzk3scI1Lfo
2000 Lew Tabackin - Burghausen https://www.youtube.com/watch?v=BaCdGhxNDfA
2000 Toshiko Akiyoshi & Lew Tabackin Big Band "Harvest Shuffle" p, arr, dir: Toshiko Akiyoshi
- tp: Michael Ponella, Andrew Gravish, John Eckert, Jim Rotondi
, tb: Steve Amour, Dan Levine, Pat Halleran, Jim Newmann;
sax, fl, cl: Lew Tabackin, Dave Pietro, Jim Snidero, Tom Christiensen, Mark Lopeman;
b: Paul Gill
; dm: Andy Watson https://www.youtube.com/watch?v=5E_J4RZqpEE
2011 Lew Tabackin; Solo ''Black & Tan Fantasy'' https://www.youtube.com/watch?v=Xeecq8dEf50
2012 Lew Tabackin Live Lew Tabackin - tenor sax
Giuseppe Bassi - bass
Gasper Bertoncelj - drums https://www.youtube.com/watch?v=pxj21U0s71c
2012 Lew Tabackin Something Good.m2t https://www.youtube.com/watch?v=LOo7EYglsco
2014 Autumn Sea with Toshiko Akiyoshi, Lew Tabackin, Claudio Roditi Intl #JazzDay 2014 https://www.youtube.com/watch?v=ioCrF63Scls
2015 Lew Tabackin Trio Stage on the water at Fugetsuro https://www.youtube.com/watch?v=_phepAkVWK0
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