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Jonah Jones at a Bethlehem recording session, 1954 © Burt Goldblatt Estate Archives/CTSIMAGES





Jonah JONES




Blues, Swing and Style

Jonah Jones est un fantastique trompettiste doté d’une remarquable technique: vélocité, registre aigu, sonorité ferme. C’est un jazzman au swing infaillible. D’abord célébré comme «Louis le Second», il rencontre un bref et mérité succès populaire dans un show télévisé avant de disparaître des écrans. Méconnu de «spécialistes» trop focalisés sur le star system naissant, à l’exception notable de Jazz Hot qui lui consacre une couverture (n°85, 1954) et avant ça un bel article, très abouti, de Charles Delaunay (n°48, 1950) dans la rubrique: «Musiciens peu connus». Car il est alors, à 41 ans et en pleine force de l’expression, l’éternel oublié –et il le restera– des listes des grands trompettistes du jazz mainstream dont il fait objectivement partie. Il est l’une de ces mines du jazz où les amateurs peuvent toujours creuser et redécouvrir, car il a une respectable discographie, l’infinie richesse d’une musique qui fut bien trop féconde et diverse pour des contemporains plus soucieux de modes et de renouvellement que de culture et d’authenticité.
La culture jazz reste encore et toujours à découvrir, et le stylé Jonah Jones est l’un de ses diamants les mieux taillés.

Michel Laplace

Photos Burt Goldblatt Estate Archives/CTS Images
et photos X, collection Michel Laplace

© Jazz Hot n°680, été 2017




De la formation musicale académique
à la découverte du jazz

Robert Elliott Jones est né à Louisville (Kentucky) le 31 décembre 1909. S’il a toujours confirmé le jour et le mois, il y eut des variantes pour l’année! Au cours de sa carrière, pour se rajeunir dans un contexte concurrentiel, il a parfois donné 1915.

Jonah Jones est issu d’une famille modeste et très religieuse. Un jour, à 11 ans, il observe un orchestre d’enfants jouer dans la rue, et il tombe sous le charme du trombone: il y avait cinq trombonistes! Hess Grundy, tromboniste, indique à la famille que cette harmonie scolaire prête des instruments et les enseigne gratuitement! Robert intègre donc le Booker T. Washington Community Center Band en 1919. C’est là qu’il apprend à lire la musique. Tous les dimanches, il joue une ouverture (Franz von Suppé, Rossini, Tchaikovsky) et un hymne religieux. Pour les parades, il joue des marches de Sousa. Parmi les trompettes, deux filles: Helen Humes, la future chanteuse de Count Basie, et Elizabeth Bowles qui deviendra Madame Jonah Jones; il y a également Dicky Wells (tb) qui accompagna le gotha du jazz dont Benny Carter, Fletcher Henderson, Chick Webb, Count Basie, Ray Charles… Bill Beason (dm), dont le chemin a croisé les meilleurs de King Oliver à Earl Bostic en passant par Don Redman, Ella Fitzgerald, John Kirby, Ben Webster et bien entendu Dicky Wells, fait aussi partie de l’orchestre, comme Russell Bowles (tb) qui fera le bonheur des orchestres d’Horace Henderson, Jimmie Lunceford, Cab Calloway… Russell Bowles est d’ailleurs le beau-frère de Jonah Jones.

Louisville, Kentucky, scène de rue, années 1930 © photo X, Collection Michel Laplace by courtesy

C’est dans cette harmonie que le jeune Robert trouve son surmon. Le chef, Lockwood Lewis, est bègue et appelle ses jeunes par leur nom de famille. A ses débuts, Robert n’avait aucune notion de ce que pouvaient être les dièses et les bémols. Mr. Lewis le surprenait donc à faire des fausses notes, ce qui le mettait en colère: «Jooo-nah! D-d-don’t you see th-the-that’s the wrong note?». Robert devint définitivement «Jonah». Au bout d’un an de saxhorn, Jonah passe au mellophone puis à la trompette vers 1921. Il fait les remplacements de Maurice Horton dans les Wilberforce Collegians à Springfield (Ohio), où il démontre son aptitude en lecture à vue et en transposition dans tous les tons. «We didn’t know nothing about jazz until we grew up and hear more.» (Jonah Jones, mai 1999).

Fin 1927, Jonah, sur le chemin de l’école, passe devant une boutique de disques d’où s’échappe le son d’un trompettiste qui joue d’une façon qui lui est inconnue. Il économise les 75 cents pour acheter ce disque (probablement «Hotter Than That»/«Savoy Blues», Okeh 535) et se met à l’écouter sur le phonographe familial. En 1927-28, Jonah est recommandé pour un engagement sur le bateau Island Queen
1. L’orchestre est dirigé par le tromboniste Wallace Bryant. Le trajet allait de Coney Island à New Orleans; l’orchestre jouait jusqu’à 1h du matin pour un public blanc. Il est resté en escale 4 à 6 semaines à New Orleans: «It was a great thing for us because a lot of trumpet players down there played like Louis Armstrong… We’d find a place to go out and learn more about jazz, because I didn’t know nothing about jazz when I was young.»2

Jonah Jones, Louis Armstrong et Bobby Hackett © photo X, collection Michel Laplace by courtesy

King Louis II

De retour à Louisville, Jonah joue dans des groupes locaux. Puis il est contacté pour aller à Cleveland avec Horace Henderson. L’orchestre aurait aussi employé Roy Eldridge, et il y a Joe Thomas au saxophone ténor (mars 1928 à 1929). Jonah tourne avec les frères Hardy dès janvier 1930 (Indianapolis, Richmond, Cincinnati, Detroit, Cleveland) et devient l’un des 10 «Troubadors» de Wesley Helvey à Cincinnati. Il passe quelques mois chez Jimmie Lunceford, et il joue ainsi les arrangements de Sy Oliver, notamment au Lafayette Theatre de New York (1931). Pour une première fois, Jonah joue pour Stuff Smith à Buffalo et à New York (1932-34). Sans succès. Jonah s’assure alors un engagement régulier dans l’orchestre de Lil Hardin-Armstrong (1935). Lil trouve qu’il est le trompettiste le plus proche de Louis Armstrong, par la puissance et le panache. Elle lui donne le surnom de scène «King Louis II». Ainsi, Jonah se fait connaître dans le répertoire de son idole Louis Armstrong, au Lafayette de New York, Lincoln Theatre de Philadelphie, Ross Theatre de Baltimore, à l’Howard Theatre de Washington. Jonah a toujours admis s’être forgé son style d’après le Louis Armstrong de la période 1929-32. Il quitte Lil à Detroit et passe un moment au sein des McKinney’s Cotton Pickers, avant de retrouver Stuff Smith à L’Onyx Club et au Silver Grill de Buffalo (25 dollars la semaine). Après avoir succédé à Stuff comme leader de l’établissement, il rejoint le violoniste à New York, et il s’y fixe dès janvier 1936. Le succès est au rendez-vous!

1936, Stuff Smith and the Onyx Club Orchestra

Un soliste de la Swing Era

En février 1936, tout le métier va écouter Stuff Smith et Jonah Jones. John Hammond propose à Stuff et Jonah un show radiophonique pour lequel ils embauchent Ella Fitzgerald et des renforts chez Chick Webb (trompette, trombone). En cette période, Jonah Jones est très ami avec Bunny Berigan, alors trompette solo chez Tommy Dorsey. Ils fréquentent le Rhythm Club sur Lenox Avenue où ils jouent ensemble jusqu’à 1h du matin. On ne compte plus les titres majeurs de Jonah avec Stuff Smith: «You’se a Viper», «Tain’t No Use», «Here Comes the Man With the Jive», «Old Joe’s Hitting the Jug» (1936), «It Ain’t Right» (1937). Ce qui ne témoigne qu’en partie du dynamisme du groupe car, en public, Jonah pouvait prendre dix chorus dans un morceau. Avec Stuff Smith, Jonah Jones apparaît dans les films March of Time, Thanks for Listening (1937).

Jonah Jones, Maureen O’Sullivan, Pinky Tomlin, dans Thanks for Listening, film à faible budget tourné à Hollywood par Pinky Tomlin (également chef d'orchestre et compositeur), 1937 © photo X, collection Michel Laplace by courtesy


Parallèlement Jonah est sollicité par d’autres leaders, et non des moindres. Teddy Wilson l’engage ainsi que son ami Cozy Cole (également chez Stuff) mais aussi Johnny Hodges (as), Harry Carney (bs, cl) pour graver le 30 juin 1936 un «Why Do Lie to Myself About You?» pour Brunswick. Lors de cette séance, Billie Holiday est la vedette dans «It’s Like Reaching For the Moon», «These Foolish Things», «I Cried for You» et «Guess Who» (élégante introduction avec sourdine). Le 19 novembre 1936, Jonah retrouve Teddy Wilson en studio, en compagnie de Benny Goodman (cl) et Ben Webster (ts) pour un «Sailin’» sur tempo vif (Cozy Cole, dm), dans lequel il se distingue par une vélocité préludant Charlie Shavers. Le 12 janvier 1937, Jonah enregistre à nouveau pour Billie Holiday (Edgar Sampson, as).

Lionel Hampton Small Groups Vol. 1 1937 (Cootie Williams, Jonah Jones, Johnny Hodges, Buster Bailey, Gene Krupa, Cozy Cole),  Music Memoria 30354

L’alter ego pour les séances exceptionnelles en combo swing est Lionel Hampton. Le 16 août 1937, Lionel embauche Jonah et la rythmique de Stuff (Bobby Bennett, g, Mack Wilson, b, Cozy Cole, dm) ainsi qu’Eddie Barefield (cl) et Clyde Hart (p) pour «Drum Stomp (Crazy Rhythm)» et un «I Surrender Dear» qui démontre combien le trompettiste s’inspire de Louis Armstrong.


1940, Lil Hardin Armstrong and her swing Orchestra


De la même veine armstrongienne est «Sixth Street» qu’il grave au sein des Dixielanders de Lil Hardin-Armstrong le 18 mars 1940 (Don Stovall, as, Russell Jones, ts, Wellman Braud, b, Manzie Johnson, dm). Ce disque, son préféré, est d’un swing constant. Il y utilise quelques phrases qu’il reprendra dans «Jonah Joins the Cab». En parfait jazzman, Jonah maîtrise le blues: séances avec Peetie Wheatstraw (g) et Georgia White (voc)!


En 1940, Jonah entre dans l’excellent orchestre de Benny Carter qui, dès janvier 1941, enregistre des disques, notamment «Babalu» où il est soliste (la section compte aussi Sidney de Paris!). Le lead trumpet Russell Smith débaucha des musiciens, dont Jonah, pour jouer avec Fletcher Henderson au Roseland Ballroom. Jonah joue aussi quelque temps pour Tommy Dorsey (1941), puis il succède à Mario Bauza chez Cab Calloway (21 février 1941 à 1951). En 1941, c’est un orchestre de stars: Lamar Wright Sr. (1er tp), Jonah Jones, Dizzy Gillespie (tp), Tyree Glenn, Quentin Jackson, Keg Johnson (tb), Jerry Blake (cl, as), Chu Berry (ts), Hilton Jefferson, Walter Foots Thomas (as), Danny Barker (g), Milt Hinton (b), Cozy Cole (dm). Douze jours après son entrée, le 5 mars, il enregistre l’un de ses chefs d’œuvre, un long solo de six chorus: «Jonah Joins the Cab» (Jazz Archives n°83). Il brille aussi dans «Special Delivery».

Bien d’autres disques du Cab le mettent en valeur: «Take the ’A’ Train», «Hey Doc!» (juillet 1941) et un «Smooth-One» (3 novembre 1941) où dans la section Russell Smith et Shad Collins remplacent Dizzy. En effet, victime de sa réputation, Diz a fait les frais d’une plaisanterie: «En 1941, tandis que Cab chantait et dansait devant l’orchestre, nous nous amusions Dizzy et moi à faire des boulettes de papier mâché et à les envoyer tout autour de Cab. Un jour, agacé de voir toutes ces boulettes autour de lui, Cab s’en prit à Dizzy, l’accusant de vouloir le ridiculiser, et se mit à l’invectiver violemment. Dizzy prit fort mal la chose et les deux compères en vinrent aux mains, à la suite de quoi, Cab chassa Dizzy… J’intervins pour revendiquer la moitié des boulettes et expliquer à Cab que, tout compte fait, mieux valait que ce soit moi qui parte plutôt que Dizzy. Mais rien n’y fit, et Dizzy dut quitter l’orchestre» (Bulletin du HCF, n°32).

1943, Stormy Weather, Cab Calloway Orchestra, section de trompettes, Jonah Jones au premier plan © YouTube1943, Stormy Weather, Cab Calloway Orchestra, «Geechy Joe», premier chorus de tp par Jonah Jones © YouTube

En 1943, l’orchestre de Cab apparait dans le film Stormy Weather. Jonah y est avec Lamar Wright Sr., Russell Smith, Shad Collins (tp). L’activité discographique de Jonah avec Cab se poursuit: «I’m Making Believe» (1944, V-Disc 338), «The Honeydripper», «Afternoon Moon» (novembre 1945). Jonah poursuit les bons disques avec Cab, en formation réduite: «The Jungle King» (mai 1947, Hilton Jefferson, as, Sam Taylor, ts), «The Huckle-buck» (mai 1949, Bernie Peacock, as, Sam Taylor), «Ol’ Joe Louis», «Your Voice» (1949, John Ewing, tb, Leon Washington, ts), «Oobli-a-da» (1951, Tyree Glenn, tb, Ike Quebec, ts). Notons que Cab laisse aussi Jonah s’exprimer comme chanteur, lui-même faisant étalage de ses talents de danseur et de mime (1950, «I Can’t Give You Anything But Love»).

Cab's Club, Jonah Jones, Cab Calloway, prob. Dave Rivera (p), Milt Hinton (b), Panama Francis (dm), 1950 © YouTube1950, Cab's Club, «Calloway Boogie», Jonah Jones, Cab Calloway, Dave Rivera, Milt Hinton, Panama Francis © YouTube

1944, Hot TrumpetDepuis 1944, Jonah enregistre aussi beaucoup en dehors de son travail chez Cab. Le 8 juin 1944, c’est la rencontre au sommet de Jonah et Charlie Shavers au sein des Keynoters (Budd Johnson, ts): «You’re Driving Me Crazy», «I’ve Found a New Baby» (Keynote 1313). Sous son nom, Jonah Jones s’entoure, le 20 septembre 1944, de Tyree Glenn, Hilton Jefferson, Buster Harding (p), Milt Hinton et J.C. Heard pour graver chez Keynote «Lust for Licks». Cinq jours plus tard, ce sont quatre faces parues chez Blue Note sous le nom d’Ike Quebec («If I Had You», «Hard Tack»). Le 11 octobre 1944, il est l’un des Jump Cats de Walter Thomas, avec Hilton Jefferson, Eddie Barefield et Coleman Hawkins («Every Man For Himself»). En 1945, il retrouve Lil Hardin-Armstrong pour une nouvelle version de «Confessin’» avec J.C. Higginbotham (tb) et le légendaire Baby Dodds (dm). Le 6 juillet 1945, il participe à quatre titres pour Milt Hinton chez Keynote («Everywhere»). Sous son nom, le 23 juillet 1945 chez Commodore, ce sont les recommandables «Hubba Hubba Hub» et «Stompin’ at the Savoy» (Hilton Jefferson, Buster Bailey, Ike Quebec, Danny Barker, J.C. Heard). Le mois suivant, il emploie Hilton Jefferson et Joe Thomas (ts) pour quatre faces Keynote dont «Trumpet Interlude».

1946, Swing 228, I Can't Give You Anything but LoveGrâce à Charles Delaunay, le 4 septembre 1946, avec ses Cats (Tyree Gleen, Rudy Powell, Ike Quebec, Dave Rivera, Milt Hinton, Kansas Fields), il grave un beau «I Can’t Give You Anything But Love» (Swing 228): «Assurément l’une des deux ou trois meilleures interprétations que Jonah Jones ait enregistrées» selon Hugues Panassié (Bulletin du HCF n°48, 1955). Charles Delaunay rappelle dans son article de 1950 (Jazz Hot n°48):«Des centaines de séances auxquelles j’ai assisté, c’est certainement celle que j’eus de faire avec Jonah Jones au cours de mon premier séjour aux Etats-Unis qui m’a laissé la plus forte impressions. […] A la fin de chaque interprétation, il régnait dans le studio une ambiance vraiment incroyable, au point que, l’exécution une fois terminée, l’atmosphère restait saturée de sons.» Au revers du 78 tours, le «That’s the Lick» est plus qu’estimable. Ces titres furent réédités en 45 tours VSM 7EMF48 avec «I’m Headin’ for Paris» où Jonah swingue bien, et un «Jonah’s Wail», blues semi-lent où le trompettiste fait monter la tension, sans artifice.


Earl Hines Sextet, Snookie’s Cafe, New York, 1952 © photo X, Collection Michel Laplace by courtesy



Quand Cab Calloway dissout son orchestre en 1951, Jonah joue pour Joe Bushkin à l’Embers (quatre semaines), puis dans le sextet d’Earl Hines (début 1952 à 1953). Ce combo comprend Aaron Sachs (ts), Bennie Green (tb), Tommy Potter (b), Osie Johnson ou Art Blakey (dm), et il passe au Snookie’s Cafe de New York.

Jazz Hot n°75, mars 1953, couverture consacrée au Porgy and Bess avec Cab Calloway



Mais lorsque Cab Calloway prend le rôle de Sportin’ Life dans Porgy and Bess de Gershwin, à Broadway, il impose Buster Bailey et Jonah Jones dans la fosse d’orchestre malgré la ségrégation raciale. Jonah Jones, qui reprit des cours de trompette auprès de William Vacchiano, n’a jamais loupé une note (juin 1953 à août 1954). Il assume quelques engagements en parallèle notamment avec Stuff Smith (printemps 1953) et une séance Blue Note pour Sidney Bechet (25 août 1953). Avec Sidney de Paris, Jonah compte parmi les trompettistes qui ne se laissent pas submerger par le fougueux soprano de Bechet. Dans cette séance, Jonah Jones fait preuve d’autorité dans l’exposé de «Rose of the Rio Grande» sachant par ailleurs mener la coda avec tension.




Un artiste du jazz mainstream

A Paris, l’année 1954 est fertile pour Jonah Jones, dont le souvenir est probablement encore fort pour Charles Delaunay qui l’invite en coleader avec Sidney Bechet. Du 1er au 7 juin 1954, Sidney Bechet malade, Jonah Jones, qui devait partager l’affiche sur le programme, devient leader d’une formation remarquée au 3e Salon du Jazz à Paris3 (350 dollars pour la semaine contre 250 à Thelonious Monk et Gerry Mulligan, avec la promesse de quatre semaines de travail). Beaucoup découvrent sa versatilité. Il joue ensuite deux semaines au théâtre du boulevard des Capucines à Paris, dix semaines au Casino de Knokke-le-Zout avec André Reweliotty (juillet-août).

1954, Jonah Jones in Paris1954, Jonah Jones-Dave Pochonet & his All Stars1954, Jonah Wails1954, Sidney Bechet, Blue Note Jazzmen, Vogue

Il a l’occasion d’enregistrer à Paris, le 3 juin, avec Alix Combelle: dans «Coquette», le phrasé de Jonah Jones est un modèle de classicisme. Ses phrases incisives sont jouées avec drive, et certaines, vertigineuses, prouvent une technique haut de gamme. On retrouve cette virtuosité dans «Jonah’s Wail» mais toujours au service du swing. Les 1er et 7 juillet 1954, il réalise deux disques avec Dave Pochonet dont deux interprétations longue durée (très en vedette dans «Jonah Meets Dave» et moins dans «Jonah Plays the Blues» avec Roger Guérin, VSM FLP 1039), et un bon «Black and Blue» joué avec feeling et puissance expressive (VSM FLP1040). André Persiani y participe («Thinkin’ of Inez», blues semi-lent, où Jonah est très en vedette). Jonah Jones joue de brillants chorus au début et à la fin de «Perdido». Il est aussi remarquable dans «Stars Fell on Alabama». Le 22 septembre, il enregistre en soliste sous le nom de Sidney Bechet  Blue Note Jazzmen (ou Vogue Jazzmen selon les versions) avec André Persiani (p): «Lonesome Road», «Squeeze Me», Swing M33331); mais le sopraniste est enregistré trop fort.

De retour aux Etats-Unis, les engagements sont rares, mais il enregistre de bons disques pour Cozy Cole («Drum Fantasy», trois chorus joués avec flamme dans «Hound Dog Special»), les Kaycee Strompers de Sammy Price (Vic Dickenson, tb, Pete Brown, as, «Jonah Whales Again», Guilde du Jazz 1008) et, sous son nom, une session par face d’un 25 cm pour Bethlehem: l’une «traditionnelle» avec Edmund Hall (cl), Vic Dickenson, Pops Foster (b), l’autre «moderne» avec Urbie Green (tb), George Clark (ts). Dans les quatre titres dits «dixieland», Jonah communique son drive aux musiciens qui l’entourent. On retrouve le brillant trompettiste dans «Beale Street Blues», «Down by the Riverside», et le chanteur plaisant qu’il sait être. Dans les quatre titres «modernes», Jonah chante un chorus prenant dans «Wrap Your Troubles in Dreams». Ses solos de trompettes sont tous de belle facture; celui de «J.J. Special» est une démonstration de sa virtuosité instrumentale. Jonah a prouvé, ici comme à Paris, sa capacité à jouer sans modifier son style avec des musiciens que les critiques opposent, traditionnels et modernes. Mais rien n’y fait, dans le monde réducteur des spécialistes du jazz, pas de place au soleil pour les artistes du «milieu», ces virtuoses du jazz mainstream. Les disques de Jonah réalisés en 1954-55 comptent pourtant parmi les meilleurs.

1955, Cozy Cole and All Stars1955, Sammy Price1955, J.J. Special, Fresh Sound1955, Jonah Jones, Bethlehem



Une succès populaire
1956, Jonah Jones at the Embers, RCA

En 1955, Jonah Jones songe à se retirer de la scène car depuis deux-trois ans les cachets se font rares. Avant de prendre cette difficile décision, il honore un engagement à l’Embers de Manhattan. Pour susciter l’attention de ce public bruyant, et ne pas contrarier le patron, il décide de jouer en douceur, le plus souvent avec l’une de ses sept sourdines. Il est le seul soliste, soutenu par une excellente rythmique: George Rhodes (p), John Brown (b), Harold Austin (dm). Le succès inespéré est là! Il enregistre pour Victor, Jonah Jones at the Embers (février 1956: «Learning the Blues», «Tin Roof Blue»).

1957, Muted Jazz

Capitol lui propose de quitter Victor pour enregistrer chez eux. Ces disques rencontrent le succès commercial, et pourtant Jonah reste un authentique jazzman, ne faisant aucune concession. Comme pour Sinatra, Capitol publie des albums à thème (broadway, cinéma, couleur bleue, etc.) avec un choix de morceaux en relation. Les plus vendus sont Muted Jazz (février 1957, «Mack the Knife», «St. James Infirmary», Capitol 839) et Swingin’ On Broadway (décembre 1957, «Baubles, Bangles and Beads», «Just in Time», Capitol 963).

1958, Jumpin with Jonah

Le troisième album où Hank Jones (p) remplace Rhodes, n’est pas le moins bon (janvier-avril 1958, Jumpin’ with Jonah, Capitol 1039)! Une réussite grâce à des thèmes simples («Night Train», avec de solides aigus de Jonah), des improvisations sobres et fermes, toujours du swing («Lots of Luck Charley»). Dans «That’s A Plenty», il n’est pas sans s’imposer comme l’égal d’un Roy Eldridge.



1957, Swingin' on Broadway1958, swingin' at the cinema

Le choix des thèmes pourrait être considéré comme une concession commerciale dans l’album Swingin’ at the Cinema (Capitol 1083), mais c’est l’interprétation swing qui compte (George Rhodes, p; «Love is a Splendored Thing»). Signalons que sur un thème, «Three Coins in a Fountain», Jonah Jones double à la trompette sur son chant. Comme d’autres avant lui, et non des moindres (Ella Fitzgerald par exemple), Jonah Jones construit avec habileté sa discographie autour de thématiques pour toucher le public le plus large, sans aucune complaisance artistique, et parfois avec humour (ses couvertures d’albums).


1958, Swingin' 'Round the World1958 Jonah Jumps Again

En septembre 1958, Teddy Brannon (p) et George Foster (dm) remplacent Rhodes et Austin. C’est Jonah Jumps Again («I’ll Always Be in Love With You», Capitol 1115) et avec I Dig Chicks (1958): il obtient un Award! L’album regroupe des titres de prénoms féminins («Rosetta», «Blue Lou»). Il trouve –ou on lui trouve– une autre idée de programme pour la dernière production de 1958: des noms de ville. Donc Swingin’ ’round the World (Capitol 1237) célèbre «April in Paris», «Chicago» (version appréciée de Roy Eldridge!), «A Foggy Day in London Town».


C’est alors que débute sa collaboration avec Fred Astaire pour le show TV An Evening With Fred Astaire (NBC, dès 1958). Astaire l’a retenu après avoir entendu l’album Muted Jazz. Le salaire de Jonah est passé à 3500 dollars par semaine. Il se produit à Monaco pour le prince Rainier et la princesse Grace (étés 1959, 1960).

Champion de la vulgarisation du jazz le plus authentique, Jonah Jones signe Jumpin’ with a Shuffle (Las Vegas, 1961: «More Than You Know», «9:20 Blues», «Lonesome Road») puis avec une chorale en plus du quartet A Touch of Blue (NYC, 1962, Jonah Jones est tellement brillant dans tous les titres que c’est l’un de ses meilleurs abums!).

1960, Broadway Swings Again1961, Jazz Bonus1961, Hit Me Again1961, Jumpin with a Shuffle

A noter, un album avec Dick Hyman à l’orgue (Jazz Bonus, Capitol 1773: «June Night», «Cool Mute», «The Bells of St Mary»). La fin des années 1962 et 1963 sont marquées par deux albums moins routiniers. Tout d’abord l’hommage très compétent de Jonah Jones à ses confrères accompagné par un big band de studio superlatif (Conrad Gozzo, 1er tp, Mannie Klein, Shorty Sherock, tp, Plas Johnson, Babe Russin, ts, Nick Fatool, dm) dirigé par Benny Carter qui a signé les arrangements («Echoes of Harlem», «West End Blues», «Boy Meets Horn»), le tout sorti sous les noms de Jonah Jones et Glen Gray (Capitol 1713). D’autre part, son quartet, augmenté de quatre trombones, enregistre Blowin’ Up a Storm (Capitol 2087) et propose des réussites recommandées par Hugues Panassié: «Struttin’ With SBQ» et «Sleepy Time Gal».

En 1964, après avoir quitté Capitol, Jonah Jones, qui retrouve Earl Hines, accompagne la talentueuse Etta Jones pour un bel enregistrement.


1962, A Touch of Blue1961, Great Intrumental Hits Styled By1962, The Unsinkable1962, Jonah Jones/Glen Gray

1962, That Righteous Feelin’1963, And Now in Person1963, Blowin’ Up a Storm1964, Jonah Jones Swings, Etta Jones Sings


La reconnaissance tardive d’un talent hors norme

En 1962, André Persiani rejoint le quartet de Jonah Jones, qu’il a donc connu lors de son premier passage à Paris en 1954 pour le Salon du Jazz, et avec qui il a enregistré pour Sidney Bechet. Arrivé en 1958 aux Etats-Unis, comme il le rappelle dans sa longue interview pour Jazz Hot (n°561), André Persiani s’installe pour la durée dans la formation de Jonah Jones, qui ne plaisantait pas sur le plan musical et sur celui du métier: «Il y avait cent cinquante arrangements faits par Buster Harding à apprendre, parce que Jonah ne voulait pas de partitions sur le piano! […] Je ne passais que deux mois par an chez moi. Le reste du temps, j’étais en tournée. » André Persiani quitte l’orchestre en 1969, fatigué comme il le raconte par le rythme incessant des tournées imposé par un Jonah Jones dont le succès populaire ne se dément pas.

1965, Hello Broadway, Decca1965, On the Sunny Side of the Street, Decca1966, Tijuana Taxi1966, Sweet with a Beat

Jonah Jones enrichit encore, en ces années soixante, une discographie de qualité. Il signe en effet en 1965 chez Decca pour une série d’enregistrements (1965-67). En 1968, le Quartet devient Quintet par l’adjonction du guitariste Jerome Darr (Cozy Cole rejoint son vieil ami Jonah). Jonah Jones signe alors deux enregistrements pour le label Motown. A la fermeture de l’Embers, il se produit au Rainbow Grill du Rockefeller Center.

1966, Good Time Medleys1967, Jazz Tropical1968, Along Came Jonah1969, A Little Did, A Little Dat

Les années soixante-dix sont beaucoup plus calmes sur le plan de l’enregistrement même si Jonah Jones continue de se produire sur scène avec régularité aux Etats-Unis. Jonah Jones ne participe que modérement à la relance du jazz mainstream sous l’impulsion de George Wein et de rares autres à travers l’émergence de grands festivals et de tournées de concerts (label Black & Blue en Europe, etc.). Il profite cependant de ses rares apparitions en Europe au cours des années soixante-dix pour effectuer ses derniers enregistrements.
En 1972-73, il joue et enregistre (label Chiaroscuro) avec Buddy Tate, Earl Hines et Cozy Cole. En 1978, il passe à la Grande Parade du Jazz à Nice dont Black & Blue a gardé la trace discographique (Vic Dickenson, Gerry Wiggins, Pierre Michelot, Oliver Jackson et les retrouvailles avec André Persiani). Une semaine après, il réalise son dernier disque à Paris, Confessin’, pour Black & Blue, en quartet avec André Persiani, Major Holley, J.C. Heard. A 70 ans, il se montre un jazzman impeccable, toujours au sommet de son art.

1972, Earl Hines-Jonah Jones, Back on the Street1978, Nice Jazz 19781978, Confessin'

Mais il n’enregistre plus aux Etats-Unis en dehors d’un enregistrement confidentiel en 1986 avec Carrie Smith et Bross Townsend, introuvable à ce jour. Au début des années 1990, Jonah Jones reprend des cours de trompette auprès de Jimmy Maxwell, et il s’initie au clavier avec Eric Goletz. N’ayant pas reçu de la critique la reconnaissance de son excellence, malgré un indéniable succès public, le talent de Jonah Jones fut en revanche reconnu par ses pairs américains, tous styles confondus: il fréquenta les Mannie Klein, Harry Glantz, Murray Karpilovsky, Bobby Hackett à la New York Brass Conference de Charles Colin (dont la 20e, en 1992 lui rendit hommage). En octobre 1987, Jonah a participé à un Tribute to Louis Armstrong au Queens College en compagnie de Doc Cheatham, Jabbo Smith, Roy Eldridge, Dizzy Gillespie, Clark Terry, Art Farmer, Red Rodney, Ted Curson, Jimmy Owens, Jon Faddis et le jeune Wynton Marsalis. Jonah Jones a continué de se produire sur scène jusqu’au début des années 1990. En 1999, Jimmy Owens le consultait encore régulièrement.

Jonah Jones at a Bethlehem recording session, 1954 © Burt Goldblatt Estate Archives/CTSIMAGES
Jonah Jones at a Bethlehem recording session, 1954 © Burt Goldblatt Estate Archives/CTSIMAGES

Jonah Jones a joué un cornet-trompette Selmer (quelques photos de l’époque Stuff Smith), une trompette King, Holton, LeBlanc (conservée au Sherman Jazz Museum) et, grâce à Mannie Klein, une Olds modèle Super. Il a utilisé des embouchures Charles Allen (pour les contre-fa chez Cab Calloway), V. Bach, Giardinelli et la Cauffman ovale.

Jonah Jones a eu un fils, habile trompettiste bebop (19 ans en 1950), selon Charles Delaunay, qui n’a pas laissé de traces discographiques, semble-t-il. S’il eut peu de disciples en dehors de Fred Gérard, il n’en fut pas moins un technicien de formation classique remarquable, toujours brillant, avec netteté des émissions, qualité de son, puissance, autorité, logique dans la construction des phrases parfois très virtuoses, ce qui le place au niveau de Charlie Shavers, et, comme lui, sans jamais sacrifier au swing. Il est de plus un bon spécialiste du growl avec plunger («Pete’s Delta Bound», 1955; «Echoes of Harlem», 1962); lui, qui peut jouer les aigus, n’en abuse pas. Jonah Jones est à prendre en exemple pour la précision et le mordant de ses solos toujours expressifs.

Jonah Jones est décédé à New York le 30 avril 2000. Il est certainement de ces artistes qu’il convient de réévaluer dans l’optique d’une histoire du jazz attachée à ses racines culturelles plutôt qu’à la mythologie qui s’est le plus souvent imposée, voire la réduction aux stars qui prévaut aujourd’hui, loin de l'esprit du jazz. Il est donc à redécouvrir pour les amateurs de jazz, car il est un archétype de l’expression jazzique du XXe siècle.


1. Pour Bill Spilka, Jonah situe cet engagement en 1926, et il dit qu’il a 18 ans.
2. «Oh, I can’t remember their names now...But they all played like Louis… We didn’t want to play with them guys that could play so strong and could play better jazz than we could play.» (ITG Journal
, May 1999)
3. Cf. L’éditorial de Jazz Hot n°90, juillet-août 1954 («Pour beaucoup, Jonah Jones constitue l’une des principales révélations de ce Salon»).

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Jazz Hot n°85, 1954


SOURCE: Le Monde de la Trompette et des Cuivres de Michel Laplace (DVD-Rom, michellaplace@neuf.fr)



JONAH JONES et JAZZ HOT: n° 48, 1950 (article de Charles Delaunay); n°85,1954 (
couverture); n°572-2000 (nécrologie)


DISCOGRAPHIE
Leader
CD 1936-45. Jonah Jones, The Chronogical, 1936-1945, Classics 972
CD 1944-46. Roy Eldridge and the Swing Trumpets, Essential Keynote Collection, Mercury 830923-2
LP  1944. Jonah Jones, Low Down Blues, Jazz Showcase 5006
LP  1946. Swing in America: The Charles Delaunay Sessions, Jazz Time 251273-2 (=78t Swing 228 et 243)
LP  1954. Jonah Jones in Paris, Swing 33328
LP  1954. Jonah Jones With Dave Pochonet All Stars, VSM 1040
LP  1954. Jonah Jones With Dave Pochonet All Stars, Jonah plays the Blues, VSM 1039
LP  1954. Jonah Jones Sextet, Bethlehem 1014
45t 1955. Jonah Jones and his Constellations, Groove 0140
LP  1956. Jonah Jones at the Embers, RCA 430288
CD 1957. Muted Jazz, Capitol 939

LP  1957. Swingin’ on Broadway, Capitol 963
LP  1958. Jumpin’ With Jonah, Capitol 1039
LP  1958. Swingin’ at the Cinema, Capitol 1083
LP  1958. Jonah Jumps Again, Capitol 1115
LP  1958. I Dig Chicks, Capitol 1193
LP  1958. Swingin’ Around the World, Capitol 1237

LP  1960. Broadway Swings Again, Capitol 1641
LP  1961. Jazz Bonus, Capitol 1773 (avec Dick Hyman)
45t 1961. Jonah Jones acc. Belford Hendricks Orchestra, Capitol 4993

LP  1961. Hit Me Again, Capitol 1375
LP  1961. Jumpin’ with a Shuffle, Capitol 1404
LP  1962. A Touch of Blue, Capitol 1405
45t 1962. Jonah Jones/June Christy, Capitol 4457
LP  1961. Great Instrumental Hits Styled by Jonah Jones, Capitol 1557

LP  1962. The Unsinkable Molly Brown, Capitol 1532
LP  1962. Jonah Jones/Glen Gray, Capitol 1660
LP  1962. The Righteous Feeling, Capitol 1839
LP  1963. And Now in Person, Recorded Live at the Crescendo Club, Hollywood, Capitol 1948
LP  1963. Blowin’ Up a Storm, Capitol 2087
LP  1964. Jonah Jones/Etta Jones With Earl Fatha Hines & Rodney Jones, Jonah Jones Swings, Etta Jones Sings, Crown 5422
LP  1965. Hello Broadway!, Decca 4638
LP  1966. On the Sunny Side of the Street, Decca 4688
LP  1966. Tijuana Taxi, Decca 4765
LP  1966. Sweet With a Beat, Decca 4800
LP  1966. Good Time Medleys, Decca 4861
LP  1967. Jazz Tropical!, Decca 74918
LP  1968. Along Came Jonah, Motown 683
LP  1969. A Little Dis, A Little Dat, Motown 696
LP  1972. Earl Hines/Jonah Jones/Buddy Tate/Cozy Cole, Back on the Street, Chiaroscuro 118
CD 1978. Nice Jazz 1978, Black & Blue 1008.2
CD 1978. Confessin’, Black & Blue 920.2

CD 1986. The Feeling Doesn’t Go Away, CSJJBT 7991 (Carrie Smith/Jonah Jones/Bross Townsend)

sideman
CD 1930-42. Lionel Hampton, Flying Home, Living Era 268
LP  1936. Stuff Smith and the Onyx Club Orchestra, Collector’s 12
LP  1936-38. The Teddy Wilson Story, CBS 66274
LP  1936. Ben Webster. A Tribute to a Great Jazzman. (Teddy Wilson, I Got Rhythm), Jazz Archives 15
LP  1937. Billie Holiday, CBS (Japon) 63-64
LP  1941. Cab Calloway & his orchestra, Jazz Archives 8
LP  1941. Cab Calloway & his Orchestra, CBS 62950
LP  1943-45. Cab Calloway & his Orchestra, Musidisc 5153
LP  1943-45. Cab Calloway & his Orchestra, Caracol 439
CD 1945. Fats Waller, Cab Calloway, Legendary Radio Broadcasts, Storyville 1038413
78t 1945. Lil Bown Gal Armstrong & her All Star Band, Black & White 1210 & 1211
LP  1946-47. Cab Calloway & his Orchestra, Hi De Ho Man, Columbia 32593
CD 1944-46. Ike Quebec. The Chronogical 1944-1946, Classics 957
45t 1951. Cab Calloway & his Orchestra, Guest Star 182
CD 1953. The Fabulous Sidney Bechet, Blue Note 30607
45t 1954. Sidney Bechet-Jonah Jones in Paris, Vogue 7099
45t 1954. Cozy Cole and All Stars, MGM 622, MGM 16
LP  1955. Sammy Price and his Kaycee Stompers, Barrelhouse and Blues, Jazztone 1207, Guilde du Jazz 1008
LP  1959. An Evening with Fred Astaire, Chrysler Records 1087



VIDEOS

1943. Cab Calloway Orchestra, Nicholas Bros, film Stormy Weather: «Jumpin’ Jive»
https://www.youtube.com/watch?v=_8yGGtVKrD8


1947. Cab Calloway Combo: Jonah Jones (tp, voc), Dave Rivera (p), Milt Hinton (b), Panama Francis (dm), «I Can’t Give You Anything But Love»
https://www.youtube.com/watch?v=v8GcWQV3kx0


1958. An Evening With Fred Astaire Show, Jonah Jones (tp, voc) quartet: «St James Infirmary»
https://www.youtube.com/watch?v=KXC0JBFrK9o

1958. An Evening with Fred Astaire Show, Jonah Jones Quartet: Medley (Baubles, Bangles & Beads/Mack the Knife)
https://www.youtube.com/watch?v=45a0xWI35dw


1958. «Jumpin’ With Jonah»
https://www.youtube.com/watch?v=1QSgCI4p0Ro

1960. June Christy (voc) & Jonah Jones Quartet
https://www.youtube.com/watch?v=DptjmPE7HrY


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