CDs INFOS
Le jazz dans toutes ses dimensions : en complément de nos chroniques de disques détaillées, l'essentiel
sur une production discographique très éclectique qui relève parfois du
jazz, parfois un peu moins ou pas du tout……
© Jazz Hot n°682, hiver 2017-2018
Nouveauté 4dB Rokh Great Winds 3175 (Musea)
Le nom du groupe et le titre de l'album
pour le moins énigmatiques, tout autant que le dessin de la
pochette représentant un rapace planant au dessus de montagnes
embrumées, mettent le chroniqueur dans l'embarras. L'écoute,
heureusement dissipe les doutes... C'est un jazz funky, proche du
rhythm and blues, voire d'une pop façon George Benson, que cette
formation propose. Compositions simples mais dynamiques, arrangements
habiles, beaux moments d'improvisations. Sans prétention mais
sympathique. Daniel Chauvet
Nouveauté Serge Adam/Tania
Pividori/Christelle Séry Journal d’une
Apparition Quoi de neuf Docteur 080 (Musea)
On connaît bien
le trompettiste Serge Adam pour ses choix aventureux et son ouverture d’esprit
qui symbolisent son label Quoi de neuf Docteur. Cet album illustre musicalement
des poésies extraites du recueil Corps et
Biens de Robert Desnos, paru en 1930. Le traitement est des plus singuliers
et nous permet de redécouvrir la poésie de ce surréaliste au moment où il rompt de façon fracassante avec ce mouvement. La voix prenante de Tania Pividori récite et
chante les poèmes accompagnés Christelle Séry (g) et de Serge Adam à la trompette,
laptop et drumbox. Les deux musiciens apportent aussi leur contribution vocale.
Situé au-delà du jazz, l’intérêt de ce poème chanté est l’invention d’un espace
sonore qui fait revivre la plume du poète. On pourrait citer Ferré: «la poésie est une clameur, elle doit être
entendue comme la musique. Toute
poésie destinée à n'être que lue et enfermée dans sa
typographie n'est pas
finie». Fort de cet adage les musiciens apportent leur musique puisée pour
certains poèmes vers le Brésil nordestin. Original. Michel
Antonelli
Nouveauté Susanne Alt Saxify Venus Tunes-Alt 008 (www.susannealt.com)
Avec son sixième album, la Néerlandaise d’origine allemande
s’affirme comme une artiste qui compte dans la sphère des femmes saxophonistes,
venant ainsi titiller la notoriété d’une
Candy Dulfer ou d’une Melissa Aldana. Ce bon en avant, déjà perçu à travers How to Kiss (Venus Tunes-Alt 005), se confirme ici avec en particulier la
présence de Fred Wesley , le tromboniste de James Brown. Saxify conserve le phrasé habituel de la jeune femme («You and Me»),
mais la couleur est beaucoup plus rouge et l’ambiance plus torride. Pour
traduire tout cela sur sa nouvelle production, où Susanne Alt est l’unique
compositeur, la jeune femme s’est adjointe la présence de Michael Hampton, guitariste
de Funkadelic et Reggie Ward partenaire de Fred Wesley, ainsi que deux
chanteuses: Berenice Van Leer, explosive sur «Open Up», qui évoque Chakan Khan,
et la jeune Lorren Rettich («Saxify»). L’artiste ne se gêne pas pour mélanger les styles
faisant référence à la fois au rap version Rapper’s Delight («Throwback»), au
ryhtm’n’blues («The Harder We Fight»),
sans oublier les sonorités plus classiques extraites de son instrument. Avec
«Angeldelic», Susanne Alt se fait plus calme et aussi plus lyrique pour faire
voleter ses notes bleues hors de son instrument
à la rencontre de celles tout
aussi légères du trombone de Wesley. Le
guitariste de Parliament parachève le travail par une intervention de hautement
teintée de blues. «Saxify» en version longue, qui clôt l’album, résumé à lui
seul le contenu extatique du disque. Michel
Maestracci Nouveauté Jean Aussanaire/Eric Brochard/Clément
Gibert Déraisonnables Arfi CC01-2016 (L'Autre
Distribution)
Nouveauté La
Marmite Infernale Les
Hommes... maintenant Arfi AM062 (L'Autre Distribution)
Grande
figure de l'ARFI (Association à la Recherche d'un Folklore
Imaginaire), Jean Aussanaire nous a quittés en septembre 2017. Il
est probable que ce Déraisonnables soit son dernier
enregistrement, ce qui rend son écoute particulièrement émouvante.
Musicien libertaire autant qu'hédoniste, mais soucieux de
l'évolution de la profession de musicien de jazz, son nom est
associé à de nombreuses formations «d'avant garde»: le Workshop
de Lyon, MOB, La Marmite Infernale...On l'entend ici en trio, aux
côtés d'un autre clarinettiste (et saxophoniste alto), et d'un
contrebassiste, enregistrer la musique élaborée pour servir de
bande son à un film des années vingt: Le Vignoble français.
Relevant de «l'improvisation spontanée», c'est une musique peu
facile d'accès, dont les structures échappent un peu à l'auditeur
qui doit, règle absolue, se contenter de se laisser entraîner par
le flux pour ne pas y sombrer. Chacun des membres du trio réagit
dans l'instant aux interventions des deux autres ce qui nécessite
une qualité d'écoute et une complicité peu communes. Free jazz
radical où l'humour, heureusement, tient lieu de fil conducteur,
cette musique abstraite faite de climats et de ruptures, alternant
instants de paroxysmes et moments de plénitude, ne peut laisser
indifférent. S'il en est de même pour l'album enregistré avec
La Marmite Infernale, Les Hommes... maintenant, l’œuvre
repose nécessairement ici sur un projet plus structuré (et donc sur
quelques partitions!). Comment d'ailleurs peut-il en être autrement
avec un orchestre d'une douzaine de musiciens? L'esprit libertaire
qui plane sur cette musique n'en est toutefois pas affecté, les
arrangements de cuivres ponctuent ou soulignent les interventions
sans contraintes des solistes, dans un joyeux et foisonnant maelström
où surnagent des moments intenses et jubilatoires qui rappellent les
big bands swing ou se moquent malicieusement des musiques
commerciales d'aujourd'hui. S'il va sans dire que ce CD ne rend que
partiellement compte de cette musique conçue comme un spectacle
total, le reflet qu'il en donne est particulièrement réjouissant.
Daniel Chauvet
Nouveauté Bobby Avey Inhuman Wilderness InnerVoiceJazz 102
(www.innervoicejazz.com)
Le pianiste Bobby Avey et ses trois
brillants compagnons font preuve d'une belle imagination, et, sans
doute, d'une grande intégrité artistique. Mais à force de volonté
de déstructuration, d'éparpillement des repères, de bannissement
des codes et d'abus de rythmes décalés compulsifs et obsédants,
leur musique, devient presque oppressante, ou, malgré de belles
envolées, pour le moins dérangeante... Peut-être était-ce le sens
de leur recherche? Daniel Chauvet
Réédition Eddie
Barclay/Quincy Jones Et
Voilà! Jazz
in Paris 573 455-2 (Universal)
Eddie Barclay à la baguette, Quincy Jones aux
arrangements, pour célébrer le grand orchestre de celui qui deviendra le plus
grand producteur discographique français. Enregistré en mai 1957 et janvier 1958,
cet élégant ensemble interprète essentiellement des compositeurs français entre
autres Michel Legrand et Henri Salvador. On retrouve aux pupitres la fine fleur
des jazzmen nationaux tels Roger Guérin (tp), Benny Vasseur (tb), Stéphane
Grappelli (vln)…renforcé d’amis américains et pas des inconnus: Lucky
Thompson, Don Byas (ts) ou encore Kenny Clarke (dm). Eddie avait offert au
printemps 1957, à Quincy Jones, tout juste âgé de 23 ans, le rôle d’arrangeur
de la jeune maison de disques qu’il venait de fonder. Deux ans de maison pour
arranger, ficeler et donner une image jazzy à la production nationale du futur
magnat de l’édition qui formeront ainsi le futur super producteur jazz/variété
que deviendra Quincy Jones. Tout est charmant, léger, bien interprété et c’est
avec grand plaisir que l’on écoute; «Quand je monte chez toi», «Place Blanche»,
«Avec ces yeux là» ou encore en bonus «Tout doucement» et «Quincy Boogie». Michel Antonelli
Nouveauté Gianni
Bianchini Type
I Gianni
Bianchini Entertainment (www.giannibianchini.com)
Il
semble que le jeune pianiste texan tienne à son titre de Docteur ès jazz
performance, de l’Université du Texas, qu’il rappelle abondamment sur son site
internet. Bardé de diplômes, ce sérieux enseignant cite comme professeurs et
partenaires, Joshua Redman, John Scofield, Arturo Sandoval…et Jason Marsalis,
ce dernier étant présent sur l’album. En plus d’une grande technique pianistique,
il arbore un réel talent de chanteur. Solidement épaulé dans ce premier album,
il prouve hélas que la technicité n’est rien sans un petit supplément d’âme et
de folie. La douzaine de titres revisitent standards et morceaux pop avec brio.
On saluera la rythmique avec Richard Mikel (b) et en alternance Jason Marsalis
ou Brandon Guerra (dm). La chanteuse Karen Tennison apporte son concours sur un
titre. Un album parfaitement maîtrisé à défaut d’être passionnant. Michel
Antonelli
Nouveauté Elvin Bironien A Quest Jazz Family 008 (Socadisc)
Le jeune bassiste électrique virtuose
Elvin Bironien connaît le jazz-fusion (il a joué dans le Syndicate
de Joe Zawinul) et c'est aussi un adepte des rythmes caribéens (il a
accompagné Jacques Schwarz-Bart et Sonny Troupe). Il profite de son
expérience en présentant ici une dizaine de ses propres
compositions (plus une reprise de Sting et une chanson interprétée
par son auteur, le Martiniquais Nicolas Pélage). Mélodies
sensibles, rythmiques envoûtantes, impros aériennes, nuances
bienvenues et lignes de basse étincelantes. Rien ne manque. Dans le
genre, rien à critiquer, c'est du solide. Daniel Chauvet
Nouveauté Mike Bogle Trio Live at Stoney's MBP/Groove! (www.mikebogle.com)
Dans la lignée de Kenny Barron ou de
George Cables, le pianiste texan Mike Bogle développe ici, en
concert, ses propres compositions, des thèmes de ses contemporains
(Chick Corea ou Herbie Hancock) et de ses aînés (Billy Strayhorn et
Duke Ellington). Swing, invention, richesse des harmonies, écoute
mutuelle, prises de risque dans les échanges complices entre les
trois musiciens (Lou Harlas, b, Steve Barnes, dm, complètent la
rythmique) et mises en place d'une précision horlogère des intros
et des codas. Un art du trio maîtrisé malheureusement gâché par
l'utilisation (certes discrète et ponctuelle) de nappes de violons
au synthétiseur. Mais pourquoi diable? Daniel Chauvet
Nouveauté Bovet-Coleman Trio It's Time to Go Unit Records 4698 (www.unitrecords.com)
Alternant des thèmes personnels à la
mélodie très construite et aux harmonies mûrement réfléchies,
avec, parfois, des moments très maîtrisés de liberté, le trio que
forme les frères Cédric (ss, ts) et Lucien Bovet (dm) avec Ira
Coleman (b) –seul non-Suisse de l'équipe– joue dans le premier CD
une musique élégante et raffinée très séduisante. Dans le second
CD, ils sont rejoints par Samuel Blaser(tb) et Mathieu Sheuber (ep) –deux compatriotes– qui apportent un souffle nouveau tout en
maintenant le même niveau d'excellence. Les hommages très originaux
à Miles Davis («Nardis») et à Thelonious Monk («Pas sans Monk»), tout
en se démarquant, sont particulièrement pertinents. Un double album
réussi qui rappelle, fort à propos, que la Suisse est aussi une
terre de jazz. Daniel Chauvet
Nouveauté Joshua Breakstone 2nd Avenue Capri Records 74137-2
(www.caprirecords.com)
Revoici Joshua Breakstone à la tête d’un trio augmenté d’un
«cello» quand il le faut. Son touché est toujours aussi fluide et léger pour
développer des idées puisées dans le grand livre des maîtres du jazz. Pour le programme
de 2nd Avenue, le guitariste
puise chez Lee Konitz, Cannonball Adderley, ou Dexter Gordon en réarrangeant leurs
thèmes. Ainsi, son adaptation de «Home» permet de l’entendre frotter ses cordes
avec celles de Mike Richmond (cello) pour un moment particulièrement délicieux.
Les déboulés sur la six-cordes («I’m an Old Cowhand») côtoient les phrases
ciselées avec la recherche d’une sonorité quasi parfaite («I Wish I Knew»). L’album se termine par une composition du
leader dédié à un ami japonais, qui permet de l’entendre se lâcher dans une
expression tendance TGV. Michel Maestracci
Nouveauté Patrick Cornelius While We're Still Young Whirlwind Recordings 4682
(www.whalingcitysound.com)
Ancien élève de Berklee, de la
Manhattan School of Music et de Juilliard, le jeune saxophoniste
Patrick Cornelius ne manque pas de références. S'inspirant ici d'un
livre de poèmes destinés aux plus jeunes, signés d'A.A. Milne
(l'auteur de Winnie l'ourson...), il présente six compositions très
mélodiques aux arrangements dynamiques et précis, d'une grande
modernité. Ainsi soutenus, cette jeune confrérie de solistes et
camarades d'école, tous aussi capés que lui, peuvent tout à loisir
se livrer à des moments d'improvisations d'une réjouissante
vitalité en déployant, ce qui ne gâte rien, un swing revigorant.
Musique complexe mais limpide, aux bases harmoniques solides,
transcendée par un enthousiasme communicatif. Un vrai plaisir.
Daniel Chauvet Nouveauté Pit Dahm Trio Omicron Hevhetia
0127-2-331 (Musea)
Basé à Amsterdam, enregistré au
Luxembourg et produit par un label slovaque, ce jeune trio
sax-contrebasse-batterie, renforcé par un piano sur la plupart des
morceaux, pratique un free jazz soft et non-agressif. Si le propos
de la plupart de ses thèmes reste un peu obscur, le swing est
toujours présent, ce qui rend l'écoute plutôt agréable. Il a, de
plus, le bon goût de s'écarter quelque peu du moule «E.S.T.».
Un premier disque très prometteur. Daniel Chauvet
Nouveauté Thomas de Pourquery
Supersonic Sons of Love Label Blue 6723 (Harmonia
Mundi)
Depuis ses aventures
spatiales dans le sillage de Sun Ra, Thomas de Pouquery poursuit ses voyages
intersidéraux à la tête d’un équipage tonitruant. Le saxophoniste-chanteur
signe tous le titres de cette odyssée à l’exception de «We Travel the Space
Ways» de Herman Poole Blount, dit Sun Ra, qu’il interprète tout à fait dans
l’esprit, avec une entrée vocale et
un arrangement digne de cet extraterrestre musical. Nul besoin de mettre en
avant un musicien plutôt qu’un autre: tous participent à jouer de l’orchestre
pour un plaisir partagé. Les sons du free-jazz scintillent sur des assises construites par la
rythmique et on s’imagine un mariage entre rock progressif, big band jazz-rock,
tels Chicago Transit Autority et Blood Sweat and Tears, swinguant avec l’Arkestra
et le Globe Unity Orchestra. Une composition telle «Slow Down» reste mystérieuse et rêveuse, suivie
d’un «Diamond Brown» romantique.
Démarrant sur un chœur célébrant l’amour «Sons of Love» nous rappelle les chants d’amour d’un autre apôtre de la musique
libre, Pharoah Sanders. Même le solo de Thomas de Pourquery rallume cet esprit
que l’on retrouve aussi dans le titre suivant, «Simple Forces», plus dansant. Le
groupe rassemble dans un bel élan la musique improvisée dans un cadre plus
facile d’écoute et prouve qu’une musique dont le nom fait peur à certains peut
trouver encore aujourd’hui son auditoire. La rotation de l’album se termine
comme les «Rɘvolutions» qui déterminent les saisons de la terre, tranquilles
puis de plus en plus chaudes et pétantes comme sous un soleil d’enfer. Michel Antonelli
Nouveauté Chloé Deyme Noturna Autoproduit CHL01 (Inouïe
Distribution)
Une jolie voix qui revisite les
chemins de la musique brésilienne et trace de nouveaux sentiers,
louable entreprise. Très bien accompagnée (avec une mention
spéciale pour Gabriel Grossi à l'harmonica et Raul Mascarenhas au
sax ténor), Chloé Deyme a composé la plupart des titres, et chante
en portugais les textes qu'elle a écrits. Un peu suranné certes,
mais délicieux. Daniel Chauvet
Nouveauté Pierre Durand Roots Quartet !Libertad! Les Disques de Lily #67 (Socadisc)
La musique du guitariste Pierre Durand,
poétique et empreinte d'une nostalgie quelque peu désabusée, se
propose d'évoquer les racines africaines du jazz et les greffes
d'harmonies européennes qui l'ont enrichi tout en faisant référence
à l'importance, très récemment révélée, du terreau amérindien.
Si le propos n'est qu'un prétexte, le résultat ne manque pas
d'intelligence. Les rythmiques retrouvent les structures
amérindiennes et africaines, évoquant le gospel ou le blues, et les
mélodies rappellent autant les ritournelles enfantines américaines,
que les chansons fétiches de Broadway ou celles de Jimi Hendrix. Les
suites d'accords basiques des folk songs, côtoient celles des
standards et se heurtent à celles, plus abstraites, des thèmes
emblématiques du free. Un manifeste séduisant au travers d'une
musique libertaire, soucieuse du passé. Daniel Chauvet Nouveauté EouZGang Think Positive Dreamophone GSGCD004 (Socadisc)
Un album de famille, Yves
est batteur, Séverine est saxophoniste, et ils sont à la tête du gang des
Eouzan. Ils aiment citer leurs influences, en l’occurrence, les Brecker Brothers,
Pat Metheny, Herbie Hancock, et autres Chick Corea qui sont les fleurons du
jazz-fusion qu’ils affectionnent. Dans cet album, où toutes les compositions
sont signées par Yves Eouzan, le groupe formé de fidèles sidemen (Daniel Gassin,
p, Yannick Robert, g, Rémi Bouyssière, b) semble très soudé et leur pensées et
actions sont donc très positives. Si l’originalité n’est pas de mise, il en
résulte néanmoins un agréable mariage ou la palette de chaque convive a le
loisir de s’exprimer. Pour renforcer la noce, quelques invités de marque ont
apporté leur contribution, notamment Laurent Coulondre (kb) et Rémy Chaudagne
(b) qui complètent cette fête amicale. Michel
Antonelli Nouveauté David Eskenazy Trio Longing for Gravity Label Ophelia (http://david-eskenazy-trio.com)
Natif de Normandie, tout juste la trentaine, le
contrebassiste a choisi la région montpelliéraine pour mener à bien ses projets
musicaux. Après des débuts marqués par la musique brésilienne, il s’affirme à
la tête de son trio et grave ce second album au Studio de la Buissonne. Un
album sérieux avec des titres originaux aux noms graves, «Tetonique Intérieure»,
«Givres», «Longin for Gravity», «Le Royaume Enseveli»… et une reprise réussie, «Papaoutai»
de Stromae. Le trio formé avec Clément Griffaut (p) et Julien Grégoire (dm)
délivre une musique empreint d’une certaine solennité où le pianiste introduit
puis sertit les thèmes soutenus et illustrés en solo par la contrebasse, le
batteur reste discret mais assure les climats qui délimitent les horizons aux
brumes retenues. Un court album de 41 minutes où l’essentiel est dit, nul débordement
mais une maîtrise de l’harmonie et un sens aigu de la justesse. Par moment un
peu trop introspectif, mais ce caractère doit être lié à la grande âme qui
abrite le compositeur. Michel Antonelli
Nouveauté JF Foliez's
Playground
Lagune
Igloo Records 270 (Socadisc)
Liège et Bruxelles brûlent
sous les caresses du clarinettiste Jean-François Foliez et de son équipe endiablée.
Débarqué au festival de Liège 2015, la vivacité et l’originalité du répertoire
en tête, ce jeune groupe a ravi les initiés et le grand public. Après des
débuts entre le new orleans, jazz manouche et bebop, il nous offre ce mariage
entre un jazz traditionnel et une nouvelle force électrisante. On retiendra
aussi le pianiste Casimir Liberski qui joue dans la lignée de McCoy Tyner,
ainsi qu’une rythmique audacieuse qui délivre un jazz salutaire. Rejoint sur
deux titres par un petit ensemble cordes et vents, le groupe évolue alors vers
musique contemporaine ou yiddish dans une vision assez allègre. Michel Antonelli
Nouveauté Richard
Galliano New Jazz
Musette Ponderosa 133
(Pias)
Fort de sa
consécration internationale dans le domaine du jazz, du tango et même du classique,
Richard Galliano revient, avec ce double album, à l’amour de sa jeunesse, le jazz
musette -rebaptisé ici de «new jazz musette»-, et sur trois décennies de carrière
avec de nouvelles interprétations de ses titres à succès mais aussi de thèmes écrits pour Claude Nougaro ou pour sa
rencontre avec Gonzalo Rubalcaba et Charlie Haden.
Une seule nouvelle composition, «Nice Blues»,
dédiée à sa ville natale,
endeuillée par l’attentat du 14 juillet 2016. On ne peut que louer la qualité
de l’écriture et celle des interprètes, tous excellents. Avec «French Touch»,
on entre immédiatement dans le vif du sujet, ce morceau évoquant Paris et le Balajo.
Valse, java, ballades, blues, tous les rythmes nous entrainent au voyage, et c’est
justement un titre le célèbre «Viaggio». Quant à «Aurore», qui clôt le répertoire,
il aurait pu s’appeler aube» tant sa sensibilité vient nous annoncer tendrement,
comme un exil, un chemin que l’on prend et où le paysage s’estompe au loin. Michel
Antonelli
Nouveauté Antoine Galvani/Ahn Tuan New Quartet
Suite astrale
Autoproduit (Inouï Distribution)
Antoine Galvani, jeune pianiste bardé de prix, apparaît de
2006 à 2016 sous le pseudonyme d’Ahn Tuan et participe à des projets d’horizons
bien divers (de la pop au métal), son univers se stabilisant dans le Ahn
Tuan New Quartet, mariage de jazz contemporain et de rock progressif. Il signe
avec cette longue Suite astrale, composée,
arrangée et produite sous sa seule autorité, son quatrième album personnel. Il
a réuni, autour de ses trois fidèles matelots (Illyes Ferfera, ts, ss, Arthur
Henn, b, Baptiste Castets, dm). Ce projet fort ambitieux aborde des ports bien différents.
Et si l’univers général, par son esprit d’ouverture et d’improvisation laissé à
chacun, reste le jazz, certains n’y trouveront pas leur île au trésor. Cette
aventure sidérale au long cours mérite pour autant une écoute attentive qui
permettra d’apprécier ce qui peut devenir un passage envoûtant vers d’autres
galaxies plus lointaines et plus curieuses. Michel Antonelli
Nouveauté Haakon Graf/Erik Smith/Per Mathisen
Sunrain
Losen Records 163-2 (www.losenrecords.no)
Ce combiné CD-DVD live
restitue l’ambiance et le feeling live d’un
trio bien rodé sur les scènes de Scandinavie. Dominé par l’expérience et
les compositions du claviériste Haakon Graf, l’œuvre est curieusement étiquetée
«jazz-funk», alors que la seule vue du pédalier et du rack d’effets du bassiste
suffiraient à justifier la mention «jazz-fusion». De ce point de vue, mieux
vaut visionner la version DVD de ce très beau package enregistré à l’Olsen Bar
d’Oslo, dont le titre fait référence à un phénomène climatique bien connu des
norvégiens. Car la version CD accuse le manque de contrastes et de mélodies
immédiatement appréhendables, en dépit de la très bonne qualité de
l’enregistrement et du mixage de l’album. Un groupe dont la raison d’être se
situe sur scène, et dont les compositions originales servent de rampe de
lancement aux explorations musicales du power trio. Jean-Pierre Alenda
Nouveauté Raúl
Gutiérrez & His Cuban Big Band A la
Palladium Groovin' High 9660-0 (http://groovinhighrecords.com)
Ce disque est
le résultat d’un labeur opiniâtre, son enregistrement s’étend sur plusieurs
années et a été réalisé dans plusieurs studios au gré des possibilités
financières, techniques et de la disponibilité des invités. Il se conclue en
2015. Raúl Gutiérrez, chilien d’origine, cubain de cœur et de passage, installé
au Mexique a joué avec Tito Pente, Afro-cubain All Stars, Amado Valdés, etc… a
fondé le groupe Irazu et enseigne à la célèbre Université de Jazz de Vera Cruz.
Le projet est une volonté de Jacques Muyal, un proche de Dizzy, qui souhaitait
voir repris le répertoire de la première tournée du trompettiste en Amérique
Latine en 1956. Mais l’idée de Gutiérrez et du grand arrangeur cubain Horacio
González n’est pas de faire un énième hommage à Dizzy mais de faire preuve de
créativité et de mener ce répertoire sur des rythmes cubains tout en laissant
de larges espaces pour les solistes qui s’appuient sur un ensemble comprenant
jusqu’à la vingtaine de musiciens. Une autre idée intéressante a été de faire
l’impasse sur les thèmes qui ont fait les beaux jours du jazz afro-cubain («Manteca»,
«Tin Tin Deo»…) de rester très soft sur le plan des percussions afin de
proposer une alternative au duo Gillespie/Pozo. L'album
débute par «Birk’s Works» sur lequel s’illustrent Roditi et d’Rivera qui
récidivent pour «Buster Rides Again», thème que Dizzy n’a jamais joué. La
version de «Night in Tunisia» est délicate. «Chega de Saudade» n’est pas
convaincante mais «Groovin’High» est un régal avec ses magistrales
prestations en solo de Paquito d’Rivera et de Raúl, soutenus par le jeune
pianiste cubain Rolando Luna. Le disque tord le cou au concept de «latin jazz»:
on est ici simplement en présence d’un jazz joué par des musiciens cubains ou
brésiliens, plutôt qu’américains ou européens. Claudio Roditi promène ainsi de
façon magistrale son bugle sur les cellules rythmiques utilisées par les danzoneros cubains. Lui et Paquito jouent ensemble depuis les années 80 et ont
tous deux côtoyé Dizzy dans le United Nations Orchestra. Les choix de Gutiérrez
ne pouvaient être plus sûrs. Que du plaisir! Patrick Dalmace
Nouveauté Rich Halley 4 Crossing the Passes Pine Eagle Records 005
(www.richhalley.com)
Nouveauté Rich Halley 5 The Outlier Pine Eagle 009 (www.richhalley.com)
Il s'agit de deux albums du prolifique
saxophoniste Rich Halley, enregistrés respectivement en 2012 et en
2015. Le répertoire ne compte que des compositions originales,
prétextes à des improvisations débridées dans une belle unité
stylistique, celle d'un free jazz qui flirte avec les dissonances,
non sans évoquer Roland Kirk, l'AACM, voire d'Albert Ayler. Si les
solos semblent bien être de purs moments de libre improvisation,
détachés de toute référence à une suite harmonique ou à un
quelconque suivi rythmique limpide, les morceaux sont très écrits,
s'agissant en tous des introductions et des conclusions. Le même
soin méticuleux est d'ailleurs apporté aux passages de relais entre
les solistes, que la contrebasse et la batterie (tenue par Carson
Halley, le fils du leader) soutiennent, imperturbables en balisant
clairement les changements de tempo ou d'harmonies. Le tout est joué
avec un drive et un swing à l'enthousiasme communicatif. C'est
tonique, original, sans concession, pas franchement commercial, mais,
splendide! Daniel Chauvet
Nouveauté Rich Halley/Carson Halley The Wild Pine Eagle Records
010 (www.richhalley.com)Affaire
de famille pour ce duo qui réunit le père, le saxophoniste Rich Alley, et le
fils, Carson Halley, à la batterie. Ces musiciens installés sur la Côte Ouest,
où ils ont choisi d’enregistrer (Portland), perpétuent l’art du duo dans une
lignée free-jazz. On pourrait penser au duo John Coltrane/ Rashied Ali dont
l’ombre semble planer sur l’enregistrement. Mais Rich et Carson nous entrainent
avec foi sur leur propre chemin, qui semble moins torturé. Tantôt au ténor et à
la flûte, Rich Alley expose ses thèmes qui sans concession parcourent le grand
espace américain baptisé par certains de «The
Wild». Sauvage et lyrique, brut et décapant, le duo fonctionne parfaitement.
Si aujourd’hui on est habitué à écouter un jazz plus lissé les deux compères
tels des bucherons de l’Oregon nous assènent un jazz libre de toute contrainte,
libertaire et revivifiant. Le son du ténor nous rappelle par moment celui des
gros souffleurs de Kansas City. Le dernier titre «Notes From the Wild Lands» semble résumer l’esprit libre et lyrique
de l’album. Michel Antonelli
Nouveauté Allan Harris Nobody's Gonna Love You Better Membran 234289 (www.membran.net)
Chanteur de jazz (et guitariste)
alternant des accents de bluesman et de crooner, Allan Harris fait
flèche de tout bois, mêlant à ses propres compositions celles de
Jimi Hendrix, Donald Fagen, James Moody, Victor Schertzinger ou
encore Antonio Almeida, pour les interpréter à sa manière, plus
proche d'Al Jarreau que de Kevin Mahogany. Voix superbe,
accompagnement irréprochable, swing omniprésent. Avec ce très beau
disque pour ticket d'entrée saluons l'arrivée d'Allan Harris dans
le club très fermé des chanteurs de jazz de grande classe. Daniel
Chauvet
Nouveauté
Craig Hartley Books on Tape Volume II. Standard
Edition Autoproduit (www.craighartley.me)
Reprenant des thèmes parmi les plus
connus de Duke Elington, Fats Waller, Bach, Miles Davis, Paul
McCartney, John Lennon, Bill Evans (et une seule composition
personnelle, tendance rock-indie), le pianiste Craig Hartley se fait,
à la tête d'un trio remarquable, un malin plaisir de les extraire
de leurs contextes pour mieux les transformer par l'emploi d'un tour
de «passe-passe» de son invention: une version musicale de la
technique graphique des «anamorphoses». Ainsi, le prélude n°2 de
Bach se fond intimement en quelques mesures avec «Solar», le thème
de Miles Davis, et «Imagine» de Lennon se transforme insensiblement
en «Peace Piece» de Bill Evans. Si le CD de ce trio peut aussi
s'écouter simplement comme un bon disque de jazz, une écoute plus
attentive ne peut qu'évoquer avec nostalgie, l’œuvre
d'André-François Barbe merveilleux dessinateur, disparu il y a
quelques années, dont les «Sketches» dénués (et pour cause...)
de toute aide informatique, faisaient le bonheur des lecteurs de
Charlie Mensuel. Une heureuse
époque... Daniel Chauvet
Nouveauté
Kevin Hays North Sunnyside 1464
(www.sunnysiderecords.com)
A moins de cinquante ans, le pianiste
new-yorkais Kevin Hays a déjà enregistré avec Chris Potter,
Joshua Redman ou Al Foster et, son duo avec Brad Mehldau autour des
musiques «contemporaines» de Steve Reich et Philip Glass a été
salué par la critique. Très fins musiciens, ses deux comparses, Rob
Jost (b) et Greg Joseph (dm), ont accompagnés, respectivement, Björk
et Art Garfunkel. En trois standards et sept compositions
personnelles, l'affaire est jugée. La musique brillante, légère,
et très swinguante; les harmonies sortant de l'ordinaire, les
mélodies chantantes et le talent de restaurateur de «chefs-d’œuvre
en péril» («Scrapple From the Apple», «I'll Remember April»)
justifient la place de Kevin Hays au club des grands du piano jazz contemporain.
Daniel Chauvet
Nouveauté
Naïssam Jalal &
Rhythms of Resistance Almot Wala Almazala Les Couleurs du Son B01LXGFOZP (L'Autre
Distribution)
«Almot Wala Almazala»: plutôt la
mort que l'humiliation. D'origine syrienne, Naïssam Jalal (fl, ney,
voc) dédie cette musique aux victimes de l'effroyable répression
par le régime syrien, après le soulèvement populaire du printemps
2011. Cette musique militante interpelle et recueille d'emblée
l'adhésion. Naïssam Jalal, est une musicienne au parcours
singulier. Née à Paris, elle suit une formation classique, et, une
fois ses diplômes du conservatoire obtenus, elle poursuit son
éducation en s'initiant, à Damas et au Caire, aux musiques
patrimoniales du Moyen-Orient et à la pratique des instruments
traditionnels. Légitimée par ses connaissances multi-culturelles et
sa virtuosité instrumentale (tant à la flûte traversière, qu'au
«nay», la flûte en roseau), elle multiplie les expériences et les
collaborations: jazz, musiques africaines, sud-américaines, arabe,
rap palestinien... Sur ce CD, on l'entend dans un
registre «jazz-oriental» qui n'abuse pas toutefois des effets
faciles mais déroutants des chromatismes ou des rythmes orientaux.
Elle y fait preuve de réelles qualités de compositrice et
d'arrangeuse et, surtout, d'un sens aigu de l'improvisation et du
swing. Un disque magnifique. Daniel Chauvet
Nouveauté Bob James/Nathan East The New Cool Concord Records 39008-02 (Socadisc)
Bob James (p), un temps impliqué dans
le jazz-rock (avec David Sanborn), et Nathan East (eb), plutôt
associé à la pop music (avec Stevie Wonder ou Eric Clapton), sont à
l'origine du mouvement «smooth jazz» avec leur groupe Interplay qui
comptait dans ses rangs Harvey Mason (dm) et Chuck Loeb ou Lee
Ritenour ou Larry Carlton (g). Cette approche commerciale et
édulcorée de la fusion est destinée avant tout au grand public.
Parfaitement appliquée ici, la recette n'est pas désagréable mais
manque singulièrement de piquant. Daniel Chauvet
Nouveauté Janczarski & McCraven Quintet
Travelling East West
Fortune 0081 053 (www.for-tune.pl)
Cet album est le fruit des efforts de deux
musiciens confirmés et propose une musique d’inspiration urbaine avec une
sobriété particulière qui peut faire penser à la culture musicale des pays
d’Europe de l’Est. Dominé par le saxophone ténor et la batterie, le mixage et
la production sont caractérisés par un son plutôt sec et aride, ainsi que par
des motifs rythmiques répétitifs qui cherchent à évoquer la transe d’une
musique expérimentale et hypnotisante. Ce n’est que lorsque la formation
accepte de ralentir le tempo et de laisser libre cours aux cuivres qu’on
retrouve un esprit jazz plus œcuménique. Reste que la sincérité des musiciens
n’est absolument pas prise en défaut tout au long de ces huit plages. Jean-Pierre
Alenda
Nouveauté Mike Jones Trio Roaring Capri Records 74142-2
(www.caprirecords.com)
Une musique qui n'a comme but que le
swing, se réfère à Oscar Peterson autant qu'à Earl Hines, en ne
mettant à son répertoire que des standards d'Avant-Guerre: voilà
l'assurance (sans risque) de tenir en mains un disque agréable à
écouter. Il est à noter que le pianiste Mike Jones se produit
principalement à Las Vegas, derrière deux célèbres
illusionnistes. Il n'en a pas moins réussi la performance
d'enregistrer, avec une contrebassiste (Katie Thiroux) et un batteur
(Matt Witek) qu'il ne connaissait pas auparavant, de plus, en une
seule prise et sans répétitions préalables, un très plaisant
florilège. Le miracle du jazz... Daniel Chauvet Nouveauté Rocco John Quartet Embrace the Change Unseen Rain Records
9947 (www.unseenrainrecords.com)
Courses poursuites d'improvisations
collectives très libertaires de la guitare et du saxophone. Thèmes
minimalistes soutenus par une contrebasse imperturbable et une
batterie bondissante. Harmonies obscures. Volonté de plaire
totalement absente. Voilà un free jazz radical, intense, mais
exclusivement destiné aux puristes. Daniel Chauvet
Nouveauté Ron King Triumph Autoproduit (www.ronkingtrumpet.com)
Ron King (tp, voc) présente ici une
musique parasitée par des nappes de synthétiseurs, qui essaie de se
rapprocher de la pop et du jazz sans véritablement parvenir à
fédérer l'intérêt des amateurs de ces deux musiques, malgré la
présence sur quelques pistes de Bob Sheppard (ts, fl) en «requin de
studios» aux dents acérées. Daniel Chauvet
Nouveauté Niels Klein/BuJazzO Groove and the Abstract Truth Double Moon Records 71175 (Socadisc)
En référence au célèbre album
d'Oliver Nelson, The Blues and the Abstract Truth, qui
regroupait au début des années soixante une pléiade de jazzmen
d'exception (Eric Dolphy, Freddie Hubbard, Bill Evans, Paul Chambers,
Roy Haynes), le saxophoniste, arrangeur et chef d'orchestre allemand
Niels Klein s'est donné pour tâche de reprendre la formule à son
compte, en la réactualisant. Il prend comme base, pour écrire ses
compositions, les nouvelles tendances des musiques actuelles
communément employées par la pop, le rock et les musiques
électroniques. Vaste défi! La mise en œuvre de ses idées est
confiée au big band BuJazzO (BundesJazzOrchester), pépinière de
jeunes talents allemands, tous excellents improvisateurs et lecteurs.
Le résultat est pour le moins déroutant. L'orchestre sonne très "moderne", certes, et les arrangements sont originaux, mais les
thèmes restent très obscurs et cette musique garde un petit côté "exercice de style" grandiloquent et maladroit qui la prive de la
spontanéité attendue par l'auditeur. Dommage. Bien tenté. Daniel
Chauvet
Nouveauté Sabine Kühlich & Laila Genc In
Your Own Sweet Way Double Moon Records 71164 (Socadisc)
Ces deux jeunes Allemandes, l'une
pianiste et l'autre saxophoniste alto et chanteuse, rendent d'une
manière très élégante un bel hommage à l'univers musical de Dave
Brubeck. Aux «lyrics» bien connus de Iola Brubeck, Al Jarreau ou
Kurt Elling, Sabine Kürlich, la vocaliste, ajoute son propre texte
sur «Sweet Slumber». Elle a aussi écrit les paroles et la musique
de «The Message», le thème qui conclut le disque... Tout un
symbole. Daniel Chauvet
Nouveauté Joe Locke Lay Down my Heart Motéma Music 121 (www.motema.com)
Joe Locke est considéré comme l’un des maîtres actuels
du vibraphone. Il a joué avec Grover
Washington Jr, Kenny Barron, Eddie Henderson, Cecil Taylor, Dianne Reeves et
Ron Carter. Pour lui, la musique doit offrir un instant de répit aux
personnes qui travaillent dur chaque. Pour Lay
Down my Heart, il ne recherche pas un concept intellectuel, mais simplement
de belles chansons qui permettront d’alimenter l’âme de ceux qui écouteront sa
musique. Pour mener à bien son projet, Locke s’est replongé dans la période de
ses débuts, quand le public et les musiciens étaient impliqués dans une
conversation où la musique faisait
partie du tissu social. Il en a extrait des thèmes pop qu’il a arrangés
à sa façon pour les faire sonner de manière élégante, voire les faire voyager dans
l’esprit des auditeurs. «Ain’t no
Sunshine» est l’exemple le plus probant du répertoire. Après une
introduction au piano par Ryan Cohan, le
leader entame le thème avec légèreté et enchaîne son chorus sur les lames pour
donner une couleur toute aérienne à cette chanson popularisée par Eva Cassidy.
Sur «Bittersweet» de Sam Jones, il passe la sur multipliée pour
démonter qu’il n’est pas de ces artistes qui se la jouent vague à l’âme et
qu’il sait aussi swinguer. Entre les
reprises, il place deux de ses compositions aux sonorités lunaires
(«Broken Toy», et «This New October»), mais ô combien riche en expression. Michel
Maestracci
|
Nouveauté Roberto Magris Need to Bring Out Love J-Mood Records 013 (www.jmoodsrecords.com)
Roberto Magris mène une
belle carrière internationale, compte plus d'une quarantaine d'enregistrements
et pourtant, reste peu connu en France. Installé depuis quelques années à Kansas City, il y dirige le label J-Mood Records qui publie tous ses disques depuis presque
dix ans. A part une version instrumentale d'un morceau de Don Pullen («Joycie
Girl») et une version vocale de Billy Eckstine («I Want to Talk About You»),
tous les titres sont ici des œuvres personnelles. Car ce pianiste au style
énergique mais enjoué est aussi un remarquable compositeur de mélodies alertes
et de ballades délicates et sans pathos. Malicieux, aussi comme le démontre son
«What Love» qui évoque «What Is This Thing Called Love» de Cole Porter, et pour
cause, car exactement construit sur les mêmes harmonies. Remarquablement épaulé
tout du long par un contrebassiste (Dominique Sanders) et un batteur (Brian
Steever) généreux et élégants, il présente aussi deux chanteuses sur trois
titres (Monique Danielle et Julia Haile). Séduisant. Daniel Chauvet Nouveauté Roberto Magris/The MUH Trio Prague After
Dark J-Mood Records 015
(www.jmoodrecords.com)
The MUH Trio est le trio européen du
pianiste italien Roberto Magris qui, depuis les années quatre-vingt,
l’associe aux musiciens tchèques Frantisek Uhlir (b) et Jaromir
Helesic (dm). Ils ont choisi Prague, ville qui compte plusieurs clubs
de jazz, où ils se sont produits à plusieurs reprises, pour
enregistrer le trentième album du leader. Quelques standards, des
compositions originales signées Magris ou Uhlir et un titre de Don
Pullen pour fêter leurs retrouvailles et graver le tout en une
séance en octobre 2016 juste avant un concert au club Reduta. Pas
assez reconnu en France, Roberto Magris a joué avec le gratin du
jazz américain et européen d’Art Davis à Carlos Bica. Il signe
ici pour J-Mood Records, label de Kansas City dont il est le
directeur artistique, son treizième opus. Jazz à fond la caisse, la
fine équipe sans concession nous délivre un jazz moderne qui sait
flirter avec le free en évitant ses aspects rugueux; une force en
triumvirat qui balaie tout préjugé. Un trio qui prouve la pluralité
des jazzmen européen. Michel Antonelli
Nouveauté Lanfranco Malaguti Why Not? Splasc(H) Records 2541.2
(www.splasch-records.com)
A l'exception d'une seule composition
personnelle, tous les morceaux sont tirés de l'American Song
Book, que le guitariste italien Lanfranco Malaguti, très célèbre
dans son pays, bouleverse au point de les rendre méconnaissables. Le
traitement, un peu trop radical, aboutit à un résultat proche de la
caricature. Daniel Chauvet
Nouveauté Pete
Malinverni Trio Heaven Saranac
Records 1010 (www.petemalinverni.com)
Ce
pianiste, natif de Niagara Falls, la soixantaine, a gravé douze albums en leader. Il se produit régulièrement dans les
clubs et cafés de New York et a choisi de s’exprimer dans une formule assez
classique. Pour ce Heaven, qui se veut
une célébration de la tradition, il a
invité aux côtés de Ben Allison (b) et Akira Tana (dm) –sa rythmique attitrée–,
Steve Wilson (as), John Faddis (tp) et Karrin Allyson (voc). Le répertoire est
donc puisé en partie dans des traditionnels mais aussi chez Duke Ellington et
Curtis Mayfield, dont la version ralentie de «People Get Ready» est fort intéressante.
Tous les invités sont parfaits, Allyson sur «Shenandoah», Faddis à la trompette
bouchée sur «Come Sunday» du Duke et Wilson sur «Wade Water». Un musicien à découvrir sur cet album
en hommage au paradis (heaven) dont
l’accès semble le préoccuper, mais dont les portes lui sont entrouvertes comme
à tout jazzman. L’album se termine par «Ashokan Farewell», un spiritual qui à lui seul lui donnera
l’absolution. Michel Antonelli
Nouveauté Luigi
Masciari The G-Session Tosky Records
018 (www.toskyrecords.com)
Le titre de
l’album du jeune guitariste italien vient tout simplement du nom du studio où
l’album a été gravé. Il s’agit de son troisième album, le premier réalisé aux
Etats-Unis; les précédents, en Italie, l’avaient été avec le pianiste Danilo
Rea et annonçaient déjà la confirmation d’un guitariste original. Il faut
dire qu’il a suivi un parcours complet, depuis la célèbre Academia Musicale
Santa Cecilia à Rome, jusqu’au Prix Betty Carter du Jazz Ahead. Il s’est, en
outre, forgé à la scène nationale et a effectué plusieurs concerts aux
Etats-Unis, en particulier au Kennedy Center de Washington. En Italie, il joue
et enregistre avec Danilo Rea, Paolo Damiani, Aaron
Parks, Paul McCandless, Javier Girotto, Rosario Giuliani, Francesco Bearzatti. Pour cette courte mais intense session, il a grandement raison
de faire appel au jeune Aaron Parks, nouvelle coqueluche des claviers (à
écouter Find the Way, ECM, 2017). Ce
dernier sait réinvestir avec chaleur et finesse le Fender Rhodes présent sur
tous les titres sauf le dernier offert en bonus. Le clavier et les sons
sauvages ou sombres du guitariste se marient allégrement; chaque titre dégage néanmoins
une force et un climat particulier. Dans «Mr Jay», l’intro rapide laisse place
à la ballade sentimentale menée par Aaron Parks; «Vox», au tempo très lent,
poursuit le voyage introspectif. «Seven Dollars» introduit un dialogue guitare-batterie
pour installer «Music Man» et «Boogie Blue», plus accrocheurs. Sur «Echoes», la chanteuse Oona Rea, complice de
Danilo Rea ou de Marc Ducret, vocalise un doux chant incantatoire et cérémonial.
Le final «Don’t Touch My Chords» interprété,
en solo au piano acoustique, par Aaron Parks, clos définitivement par un apaisement
quasi spirituel ce court album qui fait la part belle au pianiste. La participation
du batteur Roberto Gianquinto contribue aussi certainement à l’ambiance générale
de dépouillement, évitant tout effet inutile. Michel Antonelli
Nouveauté Pat Metheny The Unity Sessions Nonesuch/Metheny Group Productions 7559-79468-8 8 (WEA) En 2012, Pat Metheny a réuni un combo composé de Chris
Potter (s), Ben Williams (b) et Antonio Sanchez (dm), qui allait devenir le Unity
Band. Après un premier opus réalisé en 2012, les quatre mousquetaires ont
réalisé un deuxième album et pour ce spécial Sessions, ils se sont retrouvés à
NYC pour une nouvelle production. Comme l’explique Pat Metheny dans le livret,
les choses sont allées assez vite. Après un gig dans un club new-yorkais, les
musiciens se sont retrouvés en studio pour exposer les idées qu’ils avaient en
eux. Résultat une session où l’on retrouve des morceaux des deux précédents
albums. Sur le premier CD, pas de révolution on retrouve les atmosphères que le
guitariste du Missouri aime à développer avec un petit détour vers la musique
baroque («Adagia») et un standard («Cherokee»). Sur la seconde galette,
l’ambiance reste identique avec des échanges exaltants entre le saxophoniste et
le guitariste bien maintenus par une rythmique d’enfer («Come and
See»). Pour ceux qui ne connaissent pas encore Metheny ce Sessions peut
être l’occasion de pénétrer son univers.
Pour les autres il y a forcément mieux avant, mais ce Session confirme qu’il doit être bien
plus plaisant d’assister à un concert
plutôt que de se contenter de cette galette. Michel Maestracci
Nouveauté Giuseppe Millaci & Vogue Trio Songbook Hypnote Records (www.hypnoterecords.com)
Encore un Italo-Belge ! Elève de Jean-Louis Rassinfosse
(b) à Bruxelles puis à la Maastricht Academy of Music, avec Philippe Aerts (b)
et Drew Gress (b), Giuseppe Millaci (b) a sagement attendu l’aurore de sa
trentième année avant de produire ce premier opus à son nom. Est-ce un
perfectionniste? On ose y croire lorsqu’on prend connaissance de ses
collaborations et qu’on apprécie la justesse et l’aisance du doigté («Travel
To», «Nostalgia» exposé en accords); mais encore: la compréhension,
l’intégration, le sens du swing (solo sur «Crazy Night, Lazy Day», tempo doublé
sur «Room 317»); la virtuosité en pizzicato ou à l’archet sur un
continuum de piano («Unknow Land») – continuum échangé ensuitecontre un
solo de piano sur un continuum de basse. A côté de Giuseppe Millaci, on découvre
un magnifique pianiste, lyrique, inspiré («Imagining the Fourth Dimension»), extraverti,
autoritaire dans son attaque de l’ivoire («Unknow Land», «Room 317»). Je ne
vous parlerai plus de Lionel Beuvens (dm), il est partout, avec tout le monde
et tellement à l’aise! Le trio est soudé, d’une excellente complémentarité.
Au fil des morceaux, on s‘attend à écouter une valse écrite par Chaplin
(«Travel To»); l’une ou l’autre chanson plus ou moins connue («Song for
Clarice», «Lollipop»)… Ce ne sont que de légères digressions de quelques notes
qui flattent l’oreille. Toutes les compositions sont de Giuseppe sauf «Skylark»
(Hoagy Carmichael). De la complexité en toute légèreté. Jean-Marie Hacquier
Nouveauté Youn Sun Nah She Moves On ACT 9037-2 (Pias)
Nouvelle
équipe autour de You Sun Nah pour un projet très inspiré par la pop music et
des idoles du rock, voyage dans le temps ou relecture de thèmes qui hantent sa
mémoire. L’album démarre sur «Traveller», belle ballade originale assez mélancolique
qui immédiatement se loge dans notre tête. Elle va évoquer des grandes voix du
rock américain et de la folk-rock anglaise dans des adaptations soignées. On
retiendra en particulier la reprise du traditionnel «A Sailor’s Life» –que
seuls les derniers amateurs de Fairport Convention peuvent connaître–, titre
enregistré par le groupe anglais en 1969 et chanté par Sandy Denny. Là encore,
You Sun Nah apporte un souffle de renouveau et nous sidère par la qualité de sa
longue version (plus de huit minutes) où le Fender Rhodes semble évoquer celui
de Ray Manzarek des Doors. Avant de conclure avec un titre original («Evening
Star»), elle nous transporte encore dans la tradition, celle de la chanson
populaire américaine avec une version de «Fools Rush In» qu’avait chantée entre autres Frank Sinatra ou Elvis Presley:
fond d’orgue Hammond, balais qui caressent la caisse claire, digne d’un grand
gospel. En fait cet album revêt le grand intérêt d’une rétrospective revue et
corrigée de chansons puisées dans l’héritage de la pop music à l’égal de grands
standards de jazz tirés eux aussi de morceaux populaires. Michel Antonelli
Nouveauté Vadim
Neselovskyi Trio Get
Up and Go Jazz
Family 14 (Socadisc)
Pianiste
d’origine ukrainienne, né à Odessa, Vadim Neselovskyi vit désormais à New York.
Il a été formé à la Berklee School et au Thelonious Monk Institute. Il signe
avec Get Up and Go son troisième
album. Le précédent, Music for September, enregistré en
solo, avait été produit par Fred Hersch. Parmi ses mentors on peut aussi citer
Gary Burton, professeur et partenaire sur scène et albums. Depuis 2013, il conduit
son propre trio, composé de Ronen Itzik (dm) et Dan Loomis (b). La musique
enregistrée ici a été inspirée en partie par un concert donné en Ukraine au
lendemain de l’intervention des troupes russes. Plutôt allègres à l’écriture
certaines compositions dans ce contexte se sont empreintes de gravité. Sans
complaisance et avec une grande technique Vadim Neselovsky interprète onze
titres tous signés de sa main. Même si l’album n’est pas indispensable, il nous
présente un pianiste authentique qui invite sur deux titres la belle voix
portugaise de Sara Serpa. Michel
Antonelli
Nouveauté Elsa
Nilsson Salt
Wind Autoproduit
(www.elsanilssonmusic.com)
La
jeune flûtiste suédoise vit désormais à Brooklyn après avoir fait étape à
Seattle. Saluée par Hubert Laws et Chris Potter, elle s’affirme ici à la tête
d’un quartet qui ne manque pas de fantaisie et de ressources. Folklore
nordique, grand espace américain, nordeste brésilien, elle utilise la palette
de ses flûtes (alto, basse) pour évoquer des influences nourries dans ses
voyages et ses rencontres musicales. Elle a joué avec Kenny Werner, Brad
Sheppik et même Jovino Santos Neto, ex-pianiste d’Hermeto Pascoal, qui habite à
Seattle. Si le contenu parfois s’éloigne du jazz c’est pour mieux chevaucher
vers des escapades champêtres d’horizons lointains, comme dans un film de Jim
Jarmusch. Elle possède aussi une jolie voix au service de chants traditionnels
en suédois qui, comme dans une litanie, nous envoûtent lentement. L’utilisation
de recordings multiplie les dialogues qui invitent aussi plus d’une fois le
guitariste Jeff McLaughin à s’illustrer au premier plan. Une bonne surprise. Michel
Antonelli
Nouveauté Dick Oatts/Matts Holmquist & New
York Jazz Orchestra A Tribute to Herbie +1 Summit Records MAA 1049 (www.summitrecords.com)
Le chef d’orchestre suédois Mats
Holmquist, initiateur du projet, arrangeur et compositeur, est friand des hommages.
Avant celui-ci, il en avait réalisé un à Chick Corea et un autre à Wayne Shorter. S’il
tente ici de rester au plus près des idées de Herbie, l’exercice n’apporte rien
et reste essentiellement technique. Ceci étant dit, A Tribute to Herbie offre
grâce à Dick Oatts (as, ss) et à ses partenaires du New York Jazz Orchestra. S’appuyant
sur une rythmique performante, trois grosses sections de saxs, trompettes et
trombones, bien huilées, des solistes compétents, l’ensemble est agréable à
écouter. Patrick Dalmace
Nouveauté Oddjob Folk Caprice Records 21880 (www.capricerecords.se)
Oddjob, le quintet suédois de Goran Kajfeš (Jazz Hot n°678) nous offre une longue
suite, Folk, déclinée en sept tableaux où les cuivres sont particulièrement à
l’honneur. Toutes les compositions sont signées par cette formation à
l’équilibre parfait où le pianiste n’est autre que Daniel Karlsson, dans un
style plus épuré. Les thèmes sont basés sur des enregistrements conservés au
Svenskt Visarkiv (The Center for Swedish Music and Jazz Research). Leur
imagination se nourrit des chants, des appels, des mots, des cris qui résonnent
dans leur tradition scandinave pour en faire un langage qui s’entend dans les
chants lointains hantant certaines compositions. Les arrangements originaux
sont soignés et font penser au regretté Willem Breuker Kollektiev dans ses
phases les plus enthousiastes et délirantes. Grand déménagement dans la forêt
nordique, les rennes s’enfuient devant la tourmente annoncée. A découvrir en
scène sans préconcept. Michel Antonelli.
Nouveauté Avichai Ornoy Sneakin'in Jazz Family 011 (Harmonia Mundi)
Après un début de carrière
prestigieux dans le monde de la musique classique, le jeune Avichai
Ornoy se fait désormais aussi remarquer dans celui du jazz. Flûtiste
d'exception mais également saxophoniste, il est aussi l'auteur de
six des huit titres de cet album, dont il signe aussi tous les
arrangements. Compositions dynamiques, harmonies subtiles,
improvisations fulgurantes. Dans un registre qui mêle post-bop funky
et free jazz élégant, Avichai Ornoy gagne sa légitimité de
jazzman. Parfaitement accompagné ici par des musiciens israéliens
(et un superbe batteur slovène), il est une nouvelle preuve de la
vitalité du jazz... jusqu'aux rives du Proche-Orient. Daniel Chauvet
Nouveauté P'N Ko Trio Premier
étage Autoproduit (pierreandko.jazz@gmail.com)
Presque encore adolescents mais déjà
repérés par un célèbre fabriquant d'instruments à vent, qui
semble-t-il les soutient, ces trois musiciens ne manquent pas
d'aplomb en tentant l'aventure à très hauts risques du trio
sax-contrebasse-batterie. Ils y font preuve d'une belle maturité en
présentant leurs propres compositions. Un brin austère mais très
structurée, leur musique qui flirte souvent avec le free, ne manque
pas d'allure. Belles envolées lyriques, harmonies subtiles, sens du
blues et du swing, rythmiques originales et complexes, belle cohésion
d'ensemble, citations de bon aloi. Tout y est. La suite est attendue
avec impatience... Daniel Chauvet
Nouveauté Yves
Rousseau-Christophe Marguet Quintet Spirit Dance Cristal
Records 254 (Pias)
Nul besoin de
présenter deux artistes très actifs sur la scène jazz contemporaine en France
que ce soit en accompagnateurs ou leaders. Christophe Marguet (dm) joue depuis
quinze ans au sein du quartet d’Yves Rousseau (b) et les deux musiciens complices
de quatre albums et de dizaines de concerts ont décidé de mettre en commun
leurs deux univers respectifs. Chacun a apporté
six pièces, afin de construire ce répertoire commun.
L’album est
construit comme une suite ou chaque composition s’imbrique avec la précédente
servie par des arrangements soignés et mettant en valeur accompagnateurs et solistes.
Les musiciens fort justement utilisés apportent leur coloration particulière,
donnant à cet ensemble une forte cohésion sans doute aussi dû à leur qualité
technique. Outre la maîtrise omniprésente des leaders, on retiendra
l’originalité du son de Fabrice Martinez (tp, flh) comme de David Chevalier (g).
Quant à Bruno Ruder (p, ep), son approche et sa palette au Fender Rhodes englobent
la musique d’un voile illuminée. Cet album réconciliera tenants d’un jazz
classique, puisé dans la tradition, et thuriféraires de l’innovation décapante.
Michel Antonelli
Nouveauté Martin Salemi Trio Short Stories Igloo Records 285 (Socadisc)
Le Koninklijk Konservatorium van Brussel et les cours
des pianistes Nathalie Loriers et Diederik Wissels ont parachevé la vocation de
Martin Salemi (p, fils de Jean-Claude Salemi, g). C’est, en effet, la patte
(légère) de Nathalie et la filiation «evansienne» qu’on retrouve
dans la manière d’aborder la mélodie et les belles harmonies («Confidence», «Si
j’avais su»). «Lennie’s Pennies» de Tristano participe plus des enseignements
de Diederik Wissels et de Kris Defoort (p). Le jeune jazzman reconnait son amour
des compositions du duo Lennon-McCartney (piano solo sur «Julia»); sa
connaissance de la tradition («Regina»), mais il témoigne aussi de solides
bases classiques comme dans «Early Morning»: une valse lente ponctuée
sobrement, note pour note, par la basse de Mike Delaere, mais entachée par une
malencontreuse cymbale cloutée et un coup inopportun de bass-drum. Il n’y a sinon
rien à médire sur la rythmique de ce trio. A l’aise partout, Martin Salemi swingue
à tout va («Working Summer», «Lennie’s Pennies»); emporté par sa fougue
il devra sans doute, à l’avenir, penser à nuancer son expression («Unsaid»). En
définitive: c’est une découverte réjouissante mais un peu courte (moins
de 40 minutes) d’un musicien promis à un bel avenir. Jean-Marie Hacquier
Nouveauté Zhenya Strigalev Never Group Whirlwind Recordings 4685
(www.whalingcitysound.com)
Jazz expérimental ou musique
contemporaine fortement syncopée...? Presque sans harmonies ni
mélodies, cette musique ne conduit guère à l'euphorie. Abstraction
absolue? Vaine tentative d'originalité? L'écoute attentive, vécue
comme un pensum, laisse pour le moins perplexe. Il paraît que ce
saxophoniste russe fait «grand bruit» à Londres. Est-ce bien
sérieux? Daniel Chauvet
Nouveauté Gilles Torrent Jazz inspiration Vol. 1 Altrisuoni 340 (www.pbr-record.com)
Pas besoin d'être grand clerc pour
deviner en quelques secondes de qui s'inspire ici le saxophoniste
Gilles Torrent. Mais si l'on pense d'abord à Albert Ayler, il faut
vite aussi ajouter Eric Dolphy, Pharoah Sanders et surtout John
Coltrane. Sa dévotion à ses maîtres est telle, qu'il calque ses
compositions et son jeu sur les leurs, au risque de frôler
dangereusement l'imitation, ce qu'il parvient à éviter cependant,
en gardant une originalité certaine. Ses comparses ne sont pas en
reste. On s'y croirait. L'illusion est maîtrisée et cet exercice
qui, façon «revival», pourrait paraître un peu vain ne manque pas
d'allure. Daniel Chauvet
Nouveauté Trio
Laccasax Passe
Partout Fine
Music 225-2 (www.glm.de)
Ce
trio basé en Allemagne associe Timofey Sattarov (acc, comp), Andrey Lakisov
(sax, g) et Bernd Gesell (b) dans un univers qui voyage du bal musette au
tango, notamment un beau thème d’Astor Piazzola. Les paysages évoqués multiples
et changeant ne manquent pas de subtilité, tant dans leur interprétation
technique que dans les combinaisons musicales. Airs tziganes ou blues prennent
des libertés et l’imagination des musiciens s’enflamme de chants festifs et
étranges Les musiciens aiment sans aucun doute la France car en plus du titre
de l’album ils jouent des compositions intitulées «Revanche» ou encore «Grandes Lignes», comme à la Gare de Lyon, qui nous
emmènent vers des chemins de traverses. Avec «All Aboard» le voyage
commence, le sifflet de la locomotive enchantée lance la machine alimentée par
un trio à la mécanique inspirée. Michel Antonelli
Nouveauté Sonny Troupé QuartetReflets Denses Contre Courant (Socadisc)
Le batteur Sonny Troupé replonge dans
ses racines et son identité créoles pour nous propose, après
Voyages et Rêves, une suite ancrée dans les rythmes du
gwo-ka, ce tambour des ancêtres. Partenaire de Kenny Garrett,
Grégory Privat ou Lisa Simone, il prend la direction d’un double
quartet qui compte Mike Armoogum (eb) et son «reflet dense» Michel
Alibo, Grégory Privat (p) et son alter ego Jonathan Jurion, les
tambouyé Olivier Juste ou Arnaud Dolmen. En fait, le quartet devient
quintet avec deux saxophonistes, Thomas Koenig (ts), plus spécialisé
dans le jazz et la fusion, et Raphael Philibert (as), plus versé
dans le gwo ka et la musique antillaise, complété de Christian
Laviso (g). Sa démarche peut rappeler celles de David Murray,
Jacques Schwarz Bart, et invoque cette réalité à double –multiple–
faces, en convoquant des samples, sous des formes variées: chanteurs
traditionnels, musiciens (Lin Canfrin, Kristen Aigle, Sergius
Geoffroy, Robert Oumaou…), ambiances de rue, vie de marché, chant
du coq… Sonny Troupé s’inscrit désormais comme chef de file de
la musique viscérale des Antilles en lui redonnant sa réalité
puisée dans un héritage profond gommé des images de variétés
trop souvent associées aux rythmes et danses de la Caraïbe. Michel
Antonelli Nouveauté Manu Vallognes/Eric
Teruel/Yvan Oukrid Mad Train Label Trois Fois
Plus Music 1609 (www.tpfm.org)
Ce sérieux trio
établit en Rhône-Alpes fait les beaux jours des clubs de la région et présente
ici une production soignée enregistrée dans des conditions du live sans «rerecordings».
Onze titres allant de Gershwin, Rodgers, Mancini ou Jobim que l’on appelle des
standards mais aussi quatre compositions d’Eric Teruel et une d’Aram
Khatchaturian, «Andantino», compositeur
arménien rarement adapté en jazz. La
clarté du pianiste et l’évocation des thèmes parfaitement soutenus par la
rythmique rappellent que ce trio est le reflet d’un travail régulier où
l’esprit du partage règne en maître. Un équilibre parfait permet les relectures
des titres connues et nous fait découvrir des compositions et adaptations
réussies. De «Rescue» signé par le pianiste à «Voce Abusou», grand succès de Jobim/Jocafi (repris en France par Michel Fugain),
le trio apporte sa juste contribution à un jazz de bonne facture. Seul regret,
le lettrage de la pochette peu lisible. Michel Antonelli Nouveauté Michael Vlatkovich Mortality pfMentum 091 (www.pfmentum.com)
Nouveauté Michael Vlatkovich Myrnofant's Kiss pfMentum 095 (www.pfmentum.com)
Mortality propose quelques moments de
jazz pur, et des arrangements sublimes de «vents» dans cette
musique expérimentale radicale, très savante et difficile d'accès,
qui demande un degré d'initiation (que l'humble chroniqueur est loin
d'atteindre) pour être appréciée à sa juste valeur. Même
programme avec Myrnofant's Kiss, même si cette fois le trombone
Michael Vlakovitch dirige un simple quartet, quand le précédent
album était en grande formation. Daniel Chauvet
Nouveauté Torben
Waldorff
Holiday on Fire
ArtistShare 0151 (www.waldorff.com)
Le nouveau disque du
guitariste Torben Waldorff baigne dans cette atmosphère de chaleur blanche
qu’on associe habituellement aux clubs new-yorkais, et en particulier ici au
Smalls, sorte de fief de la formation qui y a étrenné ses compositions. Conçu
comme une célébration de la carrière d’un combo dont les membres se connaissent
depuis déjà plusieurs années, le matériel original signé du seul leader est
pourtant empreint de multiples influences, comme celles des leaders de big
bands citées en exergue de «Our Sound of Love». La trompette bouchée d’Ingrid
Jensen peut parfois sembler une facilité, en dépit ou à cause même de sa
virtuosité, mais la bonne tenue d’ensemble, alliée à un vrai souci des timbres
et de la cohérence stylistique, rend l’écoute du disque tout à fait crédible.
Reste que les influences d’Europe du Nord associées aux brisées américaines qui
sous-tendent les compositions confèrent des velléités exploratrices à la
musique jouée, avec des tonalités rock et free jazz tout de même assez
marquées. Jean-Pierre Alenda |