Cécile McLORIN SALVANT
When Dreams Come True
Depuis notre première entrevue avec Cécile McLorin Salvant, en 2010 (Jazz Hot n°654), que de chemin parcouru par la chanteuse! Extraordinaire révélation du jazz vocal contemporain, âgée d’à peine 20 ans, elle venait alors de remporter la prestigieuse Thelonious Monk International Jazz Competition. Depuis, elle suit, ferme dans ses choix, un parcours artistique original, d’une étonnante maturité, marqué par une collaboration étroite avec le trio du pianiste Aaron Diehl, une rencontre d’excellence encore illustrée par leur tout dernier album, Dreams and Daggers. Cet enregistrement vient d’obtenir la distinction de «meilleur album de jazz vocal» à la cérémonie des 60e Grammy Awards, une récompense, à la mesure d’un disque de qualité, qui suit beaucoup d’autres marques de reconnaissance, autant pour ses talents de chanteuse hors du commun que pour une expression toujours plus profonde, dans lesquels une personnalité s’affirme. Sa manière se caractérise par une expression d’une grande intensité en anglais, et parfois en français, car sa biographie lui a fait, entre autres, le cadeau de cette ambivalence, et d’une culture véritablement internationale, donnant à son répertoire une richesse sans limite à la mesure de sa curiosité. Elle compose et écrit également des textes de qualité. Son itinéraire est jalonné de nombreuses participations à d’autres projets: l’Attica Blues Big Band d’Archie Shepp, le groupe féminin Woman to Woman dirigé par la pianiste canadienne Renee Rosnes, les formations de Jacky Terrasson, Wynton Marsalis dans beaucoup de configurations orchestrales, Federico Britos, et d’autres encore. Les scènes du monde accueillent volontiers aujourd’hui cette artiste dont le talent et l’intelligence ont contribué à un amour spontané du public, partagé, une fois n’est pas coutume, par la critique. C’est d’autant plus remarquable que Cécile McLorin Salvant n’a pas changé, pas perdu son naturel et son éclatant sourire, pour arriver à cet étonnant résultat. Les choix de Cécile McLorin Salvant traduisent en effet une construction artistique à nulle autre pareille en ce XXIe siècle, d’autant plus impressionnante que l’ère des grands producteurs indépendants est révolue, et qu’elle-même semble encore attribuer en partie la cohérence de ses choix au hasard de ses goûts. Sans doute que ses goûts ne tiennent pas tant du hasard. A moins de 30 ans, avec son art pour cultiver ses curiosités et puiser dans ses racines aussi insoupçonnées que transatlantiques, Cécile McLorin Salvant n’a pas fini de surprendre et d’enchanter son monde…
Propos recueillis par Jérôme Partage Photos Pascal Kober, Jose Horna, Patrick Martineau, Ellen Bertet, David Sinclair, Léna McLorin Salvant by Courtesy, Nicolas Roger by courtesy of Jazz in Marciac
© Jazz Hot n°683, printemps 2018
Jazz Hot: Dans vos enregistrements, notamment Dreams and Daggers, comme dans vos concerts, vous faites appel au répertoire de Joséphine Baker, Damia, Barbara comme à celui de Bessie Smith, Billie Holiday, Ida Cox, voire à des chansons en créole, sans oublier vos propres textes et musiques… Un répertoire de tous les âges du jazz et de la chanson. Comment avez-vous eu l’idée de cette synthèse?
Cécile McLorin Salvant: Ce n’est pas une idée; je choisis simplement les chansons que j’aime, et j’ai des goûts variés. Ce n’est pas calculé. C’est le reflet de ce que j’écoute, qui me vient de l’environnement dans lequel j’ai grandi, et où l’on écoutait les musiques du monde, au sens premier: des musiques de partout et de toutes les époques. Pour autant, le spectre n’est pas si large que ça.
De fait, il y a une cohérence dans ce répertoire…
Forcément. Ce sont des choix intuitifs. Donc la cohérence est dans mes affinités, mes goûts et les sujets qui m’intéressent.
Les musiciens qui m’accompagnent dans cette démarche –Aaron Diehl, Paul Sikivie et Lawrence Leathers– sont des musiciens de jazz.
Comment les avez-vous convaincus du bien-fondé de vos choix artistiques?
Cela n’a pas été très difficile. Quand ils viennent en répétition, ils sont prêts à tout. Même s’il m’arrive de m’abstenir sur certaines de mes idées que je trouve inappropriées. Mais si j’ai envie de chanter une chanson de Barbara, j’amène une partition ou un enregistrement, et ils la jouent. Je n’ai pas à les convaincre: ils sont partants pour tout.
Aaron Diehl, Paul Sikivie, Cécile McLorin Salvant, Lawrence Leathers, New Morning, Paris, 10 janvier 2016 © Patrick MartineauComment les avez-vous rencontrés, choisis peut-être?
J’ai rencontré Aaron Diehl en 2012, grâce à mon manager qui m’avait envoyé une liste de pianistes en vue d’un concert. Je les ai tous écoutés, et Aaron était l’un de ceux que j’aimais le plus. Je l’ai donc contacté. Et c’est lui qui m’a présenté Paul et Lawrence qui faisaient partie de son trio.
Paul Sikivie semble particulièrement investi sur les arrangements. Quel est son rôle dans votre groupe?
Paul a surtout arrangé les chansons avec le quatuor à cordes. Il n’avait jamais fait ça auparavant. Et j’adore ses arrangements. Ils sont très personnels, avec des influences classiques. Il m’a également aidé à écrire des chansons sur Dreams and Daggers et a lui-même écrit une chanson. J’ai beaucoup aimé notre collaboration. Je travaille souvent, de façon très proche, avec Aaron. J’étais donc contente d’avoir aussi ce type de relation avec Paul. Car il fait aussi partie du groupe, depuis 2012. Mais sinon, c’est généralement Aaron qui écrit les arrangements.
Aaron Diehl, Cécile McLorin Salvant, Lawrence Leathers, Paul Sikivie, New Morning, Paris, 10 janvier 2016 © Patrick Martineau Comment arrive-t-on à une telle entente?
Notre complémentarité est naturelle, et elle se développe à mesure que nous jouons ensemble. On ne répète pas énormément, et on ne se voit guère, pour la musique, en dehors des concerts et des tournées. Mais cela ne fonctionnerait pas s’il n’y avait pas au départ une complicité naturelle.
La pianiste que vous êtes facilite-t-elle cette symbiose artistique?
Je ne sais pas. Quand je le vois jouer, je ne me considère pas du tout comme pianiste. Et dans l’absolu, je ne crois pas l’être vraiment. J’utilise simplement le piano pour m’accompagner ou pour composer. Mais il est vrai que j’ai une relation avec cet instrument depuis mon plus jeune âge, et que je me sens proche du piano et des pianistes. Cécile McLorin Salvant, Jazz à Foix 2011 © Ellen Bertet
Les publics (francophone comme anglophone) se laissent-ils facilement emmener dans ce chemin très original?
Le répertoire n’est pas le même selon que je suis en face de l’un ou de l’autre de ces publics. Devant les anglophones, je ne chante pas –ou très rarement– en français. En revanche, cela me permet, avec les francophones, d’établir un meilleur contact car les gens comprennent les paroles. J’en viens même à me demander quel sens cela revêt de chanter en anglais en France? Ce qui m’intéresse, c’est le texte et de pouvoir rire de ses subtilités. Or, même si on comprend l’anglais, il est difficile de percevoir les nuances sur certaines paroles. Je pense notamment aux standards de Cole Porter qui sont plein d’ironie, de double-sens, de jeux de mots. C’est pourquoi je ne chante pas en France certains morceaux qui reposent sur le texte. Quand je suis sur scène, je veux parler aux gens. Et la barrière de la langue me gène. Pour autant, je me dis que, moi-même, j’aime écouter des chansons dont je ne comprends pas la langue…
Quel est le rôle de vos commentaires explicatifs, traductions, qui introduisent sur scène la plupart de vos titres?
Je ne crois pas être vraiment pédagogue, mais j’aime faire découvrir. Par exemple, des chanteurs oubliés comme Blanche Calloway, la sœur aînée de Cab Calloway. Personne ne la connaît, et donc ça m’intéresse de signaler qu’une chanson a été écrite par elle. Au demeurant, je parle davantage quand je suis en club, aux Etats-Unis, que sur une grande scène, ce qui est souvent le cas en France. Mais ne préparant jamais ce que je vais dire, si je ne sens pas le public réceptif, je me contente de chanter.
Vous avez une formation classique. Dans Dreams and Daggers, vous avez fait appel à un quatuor classique, le Catalyst Quartet. Pourquoi cette synthèse?
Pour moi, la synthèse entre blues, musique folklorique, musique caribéenne et musique classique est à l’origine du jazz; il n’y a donc rien de nouveau. Le quatuor à cordes est même devenu un cliché; toutes les chanteuses y ont recours, et j’en avais également envie. Concernant «You’re My Thrill», c’est la version de Joni Mitchell, avec orchestre, que j’avais dans l’oreille. J’avais aussi entendu des versions des années vingt, notamment des big bands anglais avec quatuor à cordes. J’étais donc déjà dans cet esprit-là.
Diriez-vous que votre expression est toujours du jazz, quel que soit le répertoire? Je ne sais pas. Ce dont je suis certaine, c’est que mon expression est toujours la mienne. Mais jazz… Ce mot me confond tellement… Je ne sais pas ce que c’est. J’ai cru savoir, mais aujourd’hui je l’ignore. Pour ma part, quand je chante, j’essaie d’amener des éléments qui me paraissent être des éléments jazz. Est-ce que lorsque je chante du Fréhel ou du Damia j’ai vraiment en tête le jazz? J’interprète surtout les paroles. Mais les musiciens, eux, ont en tête le jazz. Si je chantais ce répertoire accompagnée par des musiciens de chanson française, ce serait sans doute différent. Encore que, les musiciens qui accompagnaient Barbara, par exemple, avaient une touche jazz. La question est difficile, mais elle est intéressante.
Ce disque est une bonne approche de la complexité de vos goûts; un reflet de votre personnalité?
Oui, mais d’une partie seulement car je m’ouvre de plus en plus. J’ai effectivement mis dans ce disque tout ce qui m’intéressait.
Cécile McLorin Salvant, Paul Sikivie et Aaron Diehl, Cérémonie des 60e Grammy Awards © Léna McLorin Salvant
Pourquoi un disque live? Parce que j’adore ça. Je ne vois pas l’intérêt d’enregistrer en studio dans la mesure où l’on peut bénéficier de conditions techniques tout aussi bonnes en live. Et je n’aime pas l’idée de pouvoir refaire une prise, de pouvoir éditer, couper; ça ne m’intéresse pas, je chante pour un public; c’est ça mon son! On va en studio tous les deux ans, cela n’a rien de naturel. Mon travail, c’est de chanter sur scène, et j’ai envie de partager ce son-là, cette intention-là. Concernant le disque, cette idée d’un live est partie de l’opportunité de jouer au Village Vanguard pendant une semaine. Je me suis alors dit qu’il fallait enregistrer. Et j’imaginais déjà en faire un album.
Pouvez-vous expliquez le titre de votre album Dreams and Daggers?
«Rêves et dagues»: c’est un contraste. Pour moi, les chansons peuvent être l’un ou l’autre. Les chansons peuvent être des poignards, une arme avec laquelle on attaque, on se défend, on se blesse; elles peuvent aussi être des rêves pour l’avenir, un espoir. Dans une de mes chansons, je dis: «Chaque mot est une parole». Cela signifie qu’on peut avoir des rêves mais que, derrière, il faut aussi de l’action, voire une certaine violence. Il y a certainement une dimension politique à cela. On peut aussi associer les chansons avec le quatuor à cordes à des rêves, à des passerelles entre le club et le rêve.
Cécile McLorin Salvant, Jazz à Vienne, Théâtre Antique, 4 juillet 2013 © Pascal Kober
Vos choix de répertoire comme vos commentaires font état d’un féminisme certain…
Oui et cela me paraît tout à fait normal. Je connais des femmes qui se disent non-féministes. Je pense que ça relève de la mauvaise foi. Ce qui m’intéresse, ce sont les problèmes d’identité qu’évoquent les chansons: être une femme, être une femme noire, naviguer dans un monde où nous sommes l’autre. Ça me fascine, et ça m’interroge beaucoup!
Les femmes sont importantes dans votre famille…
C’est une famille matriarcale! De fait, il y a peu d’hommes dans ma famille, et les femmes sont toutes très fortes avec des idées affirmées…
On perçoit aussi que la ségrégation, le racisme restent une autre clé de votre expression…
Absolument! Si je chante «Si j’étais blanche» de Joséphine Baker, ce n’est pas un hasard. C’est une chanson à la fois drôle, douloureuse, vraie et un peu taboue. Est-ce que cette question m’intéresserait si je n’étais pas caribéenne? J’espère que oui, car c’est le problème du monde, c’est aussi celui de mes amies chanteuses blanches. Je viens d’une famille métissée, sensible aux inégalités. Y compris ce qu’on appelle, au sein de la communauté noire, le «colorisme» et qui consiste à établir une hiérarchie au bénéfice des peaux plus claires et au détriment des peaux plus foncées. Haïti est un pays très dur de ce point de vue. Aux Etats-Unis, le problème est différent, cela se joue entre Afro-Américains d’un côté, et Noirs immigrés de l’autre. Je me souviens qu’au lycée ces deux groupes étaient distincts. C’est très surprenant. Ce sont des divisions qui ont été créées pour mieux nous contrôler.
Y a-t-il un parallèle à faire entre la ségrégation et la condition des femmes?
Oui. Encore un sujet qui m’intéresse beaucoup. Ce qui m’afflige, c’est que nous avons toutes les mêmes aspirations à vivre librement, en tant que femmes, en tant que Noires, en tant qu’homosexuelles, etc. Mais la jonction entre ces différents combats ne s’effectue pas.
L’universalité du jazz ne prend-elle pas justement le contre-pied des replis de notre époque?
Certainement. Même si on ne voit plus vraiment l’universalité du jazz, en particulier dans le public. Car c’est un public bien particulier qui va aux concerts de jazz. C’est dommage! La vie du jazz aux Etats-Unis, a-t-elle changé votre approche artistique?
Enormément. J’ai connu quelques musiciens en France, comme Jean-François Bonnel, mais assez peu. Le fait d’être à New York, aujourd’hui, me donne accès à plein de musiciens: je peux aller les entendre, les rencontrer, parler de musique avec eux. C’est très enrichissant.
Cela a-t-il également changé votre vision de la France et du monde en général?
Difficile à dire. C’est peut-être simplement le fait de vieillir ou d’effectuer des tournées. Je pense que c’est un contexte d’ensemble. En tous cas, la France reste un pays auquel je suis très attachée, et je ressens le besoin d’y revenir plusieurs fois par an afin de m’y ressourcer. Je n’ai finalement vécu que quatre ans et demi en France. Avant cela, j’étais aux Etats-Unis et j’avais la vision d’une jeune fille qui ne venait en France qu’une fois par an.
Qu’est-ce que le jazz a de particulier qui fait que vous l’ayez choisi comme expression?
Je ne l’ai pas vraiment choisi. Je voulais être chanteuse lyrique, actrice, artiste, mais je ne voulais pas être chanteuse de jazz. J’ai rencontré Jean-François Bonnel au conservatoire, et j’ai cru que le jazz ne serait qu’un amusement. Il m’a encouragée; j’ai commencé à donner des concerts et à tomber amoureuse de cette musique. Cela s’est donc fait naturellement. En quelque sorte, j’ai «accepté» de chanter du jazz parce que je me suis rendu compte que j’aimais cette musique. J’ai eu beaucoup de chance, je n’ai pas connu des années de galère à me dire que personne ne s’intéresse au jazz. J’ai débuté à 17 ans avec des gens très enthousiastes, dans un climat d’émulation. Et les concerts ont commencé à s’enchaîner. Mais, au fond de moi, j’ai toujours envie de faire du chant baroque. Je n’en fais pas par manque de temps, de discipline pour mener de front le baroque et le jazz. En tous cas, rien n’était fixé à l’avance, à l’inverse de beaucoup de musiciens, comme Aaron, par exemple, qui depuis l’adolescence avait cette vocation du jazz.
Comment avez-vous été accueillie par ces excellents musiciens avec lesquels vous jouez?
J’ai été très bien accueillie. Au début, il y a toujours un peu de méfiance, mais ensuite ça s’est très bien passé. J’ai trouvé une famille. J’ai beaucoup de chance, car ce sont non seulement des musiciens extraordinaires, mais ils sont également comme des frères.
Avez-vous constaté l’existence d’une solidarité entre musiciens?
Oui, je l’ai ressentie. Même si –c’est un monde restreint– il y a de la compétition.
Jacky Terrasson Quartet & Guests: Jacky Terrasson, Thomas Bramerie, Cécile McLorin Salvant, Stéphane Belmondo, Michel Portal, Leon Parker, Minino Garay (caché) , Jazz à Vienne, 4 juillet 2013 © Pascal Kober
Parlez-nous de votre rencontre avec Wynton Marsalis…
Lors de notre première rencontre, en 2011, il s’est montré assez froid. Il ne m’aimait pas du tout! Il jouait à la Salle Pleyel, et mon manager lui a suggéré de m’inviter sur une chanson. Avant le concert, il était de mauvaise humeur car Richard Galliano était arrivé en retard. Et moi, je venais comme un cheveu sur la soupe… Il m’a donné un cours de chant, en quinze minutes, pendant les balances. Et beaucoup de conseils que j’ai suivis. Plus tard, quand on s’est revus, il a été adorable, très encourageant. On a passé des heures au téléphone à analyser des chorales de Bach. Il m’a suggéré des choses à écouter. J’adore chanter avec lui mais cela me terrifie. Je suis tout le temps tiraillée entre l’enthousiasme et la peur!
Que pensez-vous de sa démarche? C’est quelqu’un de très important pour le jazz. Il a créé Jazz at Lincoln Center, un endroit où j’ai vu des jeunes de moins de 20 ans venir en masse et danser dans le club sur de la musique de big band. Il soutient énormément de musiciens. Ce qui est dommage, c’est qu’il manque de temps pour sa propre musique, car il est en permanence en train de porter les autres. Il sort rarement des disques en quintet ou en septet avec ses compositions.
Parlez-nous de ce concert très particulier à Marciac, l’été dernier, à l’occasion du 40e anniversaire du festival…
Deux semaines avant le concert, Wynton m’a envoyé un message me disant qu’il avait envie d’un thème «Nouvelle-Orléans et Caraïbes» et m’a demandé huit chansons. J’ai réfléchi, et je lui ai répondu dans les vingt-quatre heures. Il a ensuite fait arranger ces chansons par des membres de son big band, qui n’étaient pas présents pour le concert. Deux jours avant la première répétition, ils m’ont envoyé les arrangements, et on a rediscuté certains points. Puis, à Marciac, on a répété pendant deux jours, deux fois cinq ou six heures. Les musiciens du JLCO n’ont pas plus de temps pour travailler un répertoire… Ils sont constamment en train de lire de la nouvelle musique. Là, c’était déjà beaucoup. D’autant qu’ils avaient d’autres collaborations pendant le festival. Ce concert n’était qu’un concert parmi une centaine. Il fallait donc être efficace! Cécile McLorin Salvant et Wynton Marsalis Quintet: Walter Blanding (ts, ss, cl, fl), Dan Nimmer (p), Carlos Henriquez (b), Ali Jackson (dm), Marciac, 11 août 2017 © Nicolas Roger by courtesy of Jazz in Marciac
Comment ressentez-vous cette confiance de la part d’un musicien si installé?
C’est un honneur, et c’est incroyable! Je n’imaginais pas avoir un jour ce rapport-là avec lui.
Vos racines cousines autour des Caraïbes jouent-elles un rôle important dans la relation naturelle qui ressort d’un tel concert?
J’ai du mal à me rendre compte de la façon dont jouent les origines. Etant dedans, c’est difficile de savoir ce qui relève des origines ou simplement de nos personnalités.
Après le titre de Jelly Roll Morton («Why»), Wynton Marsalis vous a demandé de lire la traduction de son texte pour le 40e anniversaire de Jazz in Marciac. Il était lui-même très ému. Cette émotion a-t-elle un rapport avec la situation actuelle des Etats-Unis?
Je ne sais pas si c’est seulement ça. Je pense que son émotion était due à un tout, ce festival qui l’a soutenu pendant toutes ces années, le temps qui passe, la vie. Je pense que c’était une émotion plus en rapport avec sa vie, et non pas avec des questions politiques.
Que vous inspire ce discours? J’étais surtout concentrée sur le fait d’essayer de bien traduire ce qu’il ressentait, ce qu’il voulait exprimer. Et puis lire comme ça devant un public je ne l’avais jamais fait! J’étais émue en voyant la réaction de Wynton.
Avez-vous perçu une relation (volontaire ou pas) entre le texte de Wynton Marsalis et le répertoire, l’histoire et votre expérience de franco-américaine aux racines caribéennes?
Je ne pense pas que le thème du concert était tellement abordé dans son discours. Il parlait plus largement de Marciac parce qu’il avait pas mal d’autres concerts à venir à Marciac. Je pense qu’il voulait parler de manière plus générale du festival. Il a profité du fait que je parle français, je ne pense pas qu’il avait un autre concert avec un Franco-Américain cet été.
Toujours lors de ce concert, vous avez chanté «Supercapitalisme». Qu’évoque ce titre, l’expression artistique de ce texte très haché ponctué de respirations blues par Wynton Marsalis et Walter Blanding ou vous-même? Chanson difficile à chanter, et j’aime beaucoup ces paroles. Wynton écrit beaucoup de musique en rapport avec l’histoire, la politique, l’identité.
Comment
percevez-vous la situation des Etats-Unis depuis l’élection de Donald
Trump? Je n’aime pas parler de Trump. On
continue à faire notre musique. Notre pays continue d’être rempli de
contradictions, de cruauté, de racisme, de beauté. Donald Trump n’est
qu’un symptôme. Je ne peux pas parler des musiciens de jazz en général,
ni des habitants du pays. Autour de moi, j’ai senti un choc chez
certains, mais d’autres s’y attendaient: mon coiffeur, un Noir
musulman, a voté pour Trump…
Avez-vous des projets?
J’écris de la musique avec Darcy James Argue en ce moment! Je voudrais écrire beaucoup plus… Et incorporer l’art visuel dans ce que je fais! *
Cécile McLORIN SALVANT et JAZZ HOT: n°654 (2010), chroniques disques:n°663-2013, n°672-2015, n°681-2017
DISCOGRAPHIE Leader/coleader CD 2010. Cecile, Sysmo Records CD 2012. Woman Child, Mack Avenue 1072 CD 2014. It’s Christmas on Mack Avenue, Mack Avenue 1090 (collectif) CD 2014. For One to Love, Mack Avenue 1095 CD 2016. Dreams and Daggers, Mack Avenue 1120
Sidewoman CD 2012. Jacky Terrasson, Gouache, Universal Jazz 0602537118069 CD 2013. Fred Nardin/Jon Boutellier Quartet, Watt’s, Gaya Music Productions 023 CD 2013-14. Jazz at Lincoln Center Orchestra With Wynton Marsalis, Big Band Holidays, Blue Engine Records 0003 CD 2014. Frederico Britos, Presents Hot Club of the Americas, Autoproduit
VIDEOS
2011. Le Havre Dixie Days, 11 juin 2011, «I Got the Right to Sing the Blues» https://www.youtube.com/watch?v=PkBkAtaHFDI
2011. Jazz à Vienne, «Exactly Like You», «Born to Be Blue», Cécile McLorin Salvant (voc), The Amazing Keystone Big Band avec Rhoda Scott (org), Michel Hausser (vib), Vincent Labarre, Thierry Seneau, Félicien Bouchot, David Enhco (tp), Bastien Ballaz, Lou Lecaudey, Loïc Bachevillier, Sylvain Thomas (tb), Pierre Desassis, Kenny Jeanney, Pierre Python Pothin, Jon Boutellier, Ghyslain Regard (s), Thibaut François (g), Fred Nardin (p), Patrick Maradan (b), Romain Sarron (dm), 5 juillet 2011 https://www.youtube.com/watch?v=kGjKgmCgxKY https://www.youtube.com/watch?v=mGspDsylDOM
2011. Whitley Bay Classic Jazz Party, Nov 2011, «I Can’t Dance», «Poor Butterfly», «Oh Daddy Blues», «You Let Me Down», «Nobody in Town Can Bake a Sweet Jelly Roll Like Mine», «You Bring Out the Savage in Me», «If Dreams Come True» Cécile McLorin Salvant (voc, p), Jean-Francois Bonnel/Matthias Seuffert/Mauro Porro (reeds), Enico Tomasso (tp), Kristoffer Kompen (tb), Paul Asaro (p), Roly Weitch (bj/g), Henry Lemaire (b), Richard Pite (dm), Bent Persson (tp), Paul Munnery (tb), Philippe Guignier (ban), Mauro Porro (p) Christian Lefevre (tuba), Nick Ward (dm) https://www.youtube.com/watch?v=21x80cZO1jU https://www.youtube.com/watch?v=pN0OCHNQPEY https://www.youtube.com/watch?v=qkyxjEEXtIw https://www.youtube.com/watch?v=_h2-28qpgws https://www.youtube.com/watch?v=T3m5yN76IaE https://www.youtube.com/watch?v=rpTtHsiJ5lM https://www.youtube.com/watch?v=T3m5yN76IaE&list=RDT3m5yN76IaE#t=131 https://www.youtube.com/watch?v=0pQnKRvwZuM 2012. Spoleto Festival (USA, Mai 2012), «I Only Have Eyes For You» https://www.youtube.com/watch?v=xxex5jGMlMY
2012. Detroit Jazz Festival, «Yesterdays», «There’s a Lull in My Life», Cécile McLorin Salvant (voc), Aaron Diehl (p), Paul Sikivie (b), Rodney Green (dm) https://www.youtube.com/watch?v=y7NIfxzG8vM https://www.youtube.com/watch?v=x1CXt5agAP8 https://www.thestranger.com/events/25125974/cecile-mclorin-salvant
2012. Whitley Bay Classic Jazz Party, 26 octobre 2012, «I Get Along Without You Very Well», «A Cottage For Sale», Cécile McLorin Salvant (voc), Spats Langham (voc, g), Duke Heitger (tp), Norman Field (reeds), Alistair Allan (tb), Emma Fisk (v), Martin Litton (p), Henri Lemaire (b), Richard Pite (dm) https://www.youtube.com/watch?v=AUxdeovUBw8 https://www.youtube.com/watch?v=DICVlXwEMjg
2012. «Womanchild», Cécile McLorin Salvant (voc), Aaron Diehl (p), Paul Sikivie (b), Lawrence Leathers (dm), for KCRW's Rhythm Planet, live at Avatar Studios in New York https://www.youtube.com/watch?v=9RsjZFG76Qk 2013. Live at Dizzy’s Club, New York, «Mean to Me», Cécile McLorin Salvant (voc), Aaron Diehl (p), Paul Sikivie (b), Lawrence Leathers (dm) https://www.youtube.com/watch?v=6W0Zy5gwT0U
2013. Live at Dizzy’s Club, New York, «I Didn’t Know What Time It Was», Cécile McLorin Salvant (voc), Aaron Diehl (p), Paul Sikivie (b), Lawrence Leathers (dm) https://www.youtube.com/watch?v=G99FfalLFWQ 2013. Umbria Jazz, juillet 2013, Wynton Marsalis (tp)/JALC avec Cécile McLorin Salvant et Gregory Porter https://www.youtube.com/watch?v=CQWlezP0rag
2013. Vitoria Jazz Festival, «Je te veux», «Yesterdays», Jacky Terrasson (p), Stéphane Belmondo (tp), Michel Portal (cl), Burniss Travis (b), Leon Parker (dm) https://www.youtube.com/watch?v=Uy1UVFdWNxw
2013. BBC Two, 8 octobre 2013, «Nobody» https://www.youtube.com/watch?v=nemFlCDuqXU
2013. KCRW’s Rhythm Planet, «Baby Have Pity on Me», «John Henry», «Womanchild», «I Didn’t Know What Time It Was», Aaron Diehl (p), live at Avatar Studios, New York https://www.youtube.com/watch?v=gG2EvNOnwUg&index=3&list=RD9RsjZFG76Qk https://www.youtube.com/watch?v=gG2EvNOnwUg&index=10&list=RDmGspDsylDOM https://www.youtube.com/watch?v=9RsjZFG76Qk&list=RD9RsjZFG76Qk#t=28 https://www.youtube.com/watch?v=88vk4h1BjvM
2013. Whitley Bay Classic Jazz Party, «Body and Soul», «Memories of You», 1er novembre 2013 https://www.youtube.com/watch?v=oHQkjjU6LLo https://www.youtube.com/watch?v=fNlVl0uTTi4 2013. L’heure du Jazz/RTL, «It Ain’t Necessarily So» et autres titres https://www.youtube.com/watch?v=vwfu4lZjD3k https://www.youtube.com/watch?v=m3Hlm6mnNV8&list=RDm3Hlm6mnNV8#t=30
2013-14. Umbria Jazz Winter # 21- Palazzo del Popolo - Orvieto, Cécile McLorin Salvant Quartet, «Nobody», Aaron Diehl (p), Paul Sikivie (b), Rodney Green (dm) https://www.youtube.com/watch?v=qrBlYPR0fkM
2013-14-15. Jazz at Lincoln Center Orchestra/Wynton Marsalis (tp), «Have Yourself a Merry Little Christmast», «It’s Easy to Blame the Weather», «What Child Is This?», «Good Morning Blues», New York https://www.youtube.com/watch?time_continue=16&v=G9fTEC9FKFA https://www.youtube.com/watch?v=n98zKL0Xaos https://www.youtube.com/watch?v=7w3Pe2CLQUM https://www.youtube.com/watch?v=9kNjTngkVNA https://www.youtube.com/watch?v=GnshBIuu97Q
2014. Cécile McLorin Salvant (p, voc),«I Must Have That Man» https://www.youtube.com/watch?v=B9Un60REVCI
2014. Victoires du jazz 2014, Cécile McLorin Salvant (p, voc), «Jitterbug Waltz» https://www.youtube.com/watch?v=ei4XE84nNNI
2014. Umbria Jazz, juillet 2014, Cécile Mc Lorin Salvant Al Teatro Morlacchi https://www.youtube.com/watch?v=vjMul40KkJ4
2014. Jazz In Marciac, août 2014, «John Henry», Cécile McLorin Salvant (voc), Aaron Dielh (p), Paul Sikivie (b), Jamison Ross (dm), https://www.youtube.com/watch?v=biqjgEbgb0Y
2015. Théâtre 9, Le Blanc-Mesnil, 31 mars 2015, «The Trolley Song», Cécile McLorin Salvant (voc), Aaron Diehl (p), Paul Sikivie (b), Lawrence Leathers (dm), https://www.youtube.com/watch?v=WYdkz656MrE https://www.youtube.com/watch?v=WYdkz656MrE&list=RDWYdkz656MrE#t=52
2015. Olympia-Paris, juin 2015, «C’est mon homme», Jacky Terrasson (p) Trio, Thomas Bramerie (b), Lukmil Perez (dm), Cécile McLorin Salvant (voc) https://www.youtube.com/watch?v=LjaE5m6mdDc
2015. «La Vie en Rose», «J’attendrai», 16 novembre 2015, Cécile McLorin Salvant (voc), Federico Britos (vln), Jorge Garcia (g), Felix Gomez (p), Renyel Rivero (b), Edwin Bonilla (congas), Carlomagno Araya (dm), Ramses Araya (perc), Music of the Hot Club de France in Latin American styles https://www.youtube.com/watch?v=2bdC8SGJ-hQ https://www.youtube.com/watch?v=edwKSxafmj4 https://www.youtube.com/watch?v=9j8CVUbeL30
2015. «Wives and Lovers», Cécile McLorin Salvant (voc), (clip) https://www.youtube.com/watch?v=QzPJJLXnBcQ
2016. Jazz à Vienne, 12 juillet 2016 https://www.youtube.com/watch?v=y_c0CdUARrc&list=RDy_c0CdUARrc#t=6
2016. Live at Dizzy’s Club 28 décembre 2016 https://www.youtube.com/watch?v=ioHoS8JnCVM https://www.youtube.com/watch?v=ioHoS8JnCVM&list=RDioHoS8JnCVM
2016. Live at Jazz at Lincoln Center, Rose Theater, 8 et 9 avril 2016, Broadway to Harlem Part 2 : Bill Charlap (p) Trio, Peter Washington (b), Kenny Washington (dm) with special guests : Houston Person (ts), Ken Peplowski (cl), Freddy Cole/Cécile McLorin Salvant (voc) https://www.youtube.com/watch?v=--WPopLOlQ0
2017. Woman to Woman, «Easy to Love and More», New Morning, Paris, 3 juillet 2017, Cécile McLorin Salvant (voc), Renee Rosnes (p), Anat Cohen (cl), Melissa Aldana (ts), Ingrid Jensen (tp), Noriko Ueda (b), Sylvia Cuenca (dm) https://www.youtube.com/watch?v=SmwwaeS2Yw0
2017. Jazz in Marciac, Cécile McLorin Salvant (voc), Wynton Marsalis (tp) Quintet, concert complet, 11 août 2017, Walter Blanding (ts, cl), Dan Nimmer (p), Carlos Henriquez (b), Ali Jackson (dm) https://www.youtube.com/watch?v=f9V7IfUrdYI
2017. Jazz Alley Seattle, «I Wish I Could Shimmy Like My Sister Kate», Cécile McLorin Salvant (voc) avec Aaron Diehl (p), Aout-Sept 2017, https://www.youtube.com/watch?v=lpQ_pWev24w 2017. «You’re My Thrill», Cécile McLorin Salvant (voc), (clip) https://www.youtube.com/watch?v=oDeJiOqq0oA
Quand Cécile ne chante pas ou ne joue pas du piano, elle parle, aussi avec les mains, elle sourit, aussi avec les yeux... https://www.youtube.com/watch?v=hv0B607VXcc https://www.youtube.com/watch?v=q0aG8WRkSsc https://www.youtube.com/watch?v=dI4KokVWz40 https://www.youtube.com/watch?v=aZryvLUhiLo
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