Paris delenda est!
De Charlie Hebdo à Notre-Dame de Paris
Oui, c’est du latin, et ça rappelle l’épisode où Carthage fut réduite en cendres par des Romains soucieux d’en faire disparaître jusqu’à la mémoire.1
Car l’incendie de Notre-Dame de Paris, quelle qu'en soit la cause, accidentelle ou délictuelle, se place dans cette même logique, celle des talibans de notre époque, qu’il s’agisse de ceux de la foi archaïque ou de la nouvelle foi, celle de la finance internationale et de l’oligarchie, dont le macronisme est en France la dernière version, la plus redoutable à ce jour, qui détruisent, par fanatisme religieux ou par fanatisme financier et par inculture, toutes les traces des civilisations qui contredisent leur besoin pathologique de domination, autrement dit, qui les ont précédés.
Non, personne ne peut «reconstruire» Notre-Dame de Paris.
Notre-Dame de Paris, la France et son peuple, viennent d’être irrémédiablement privés d’une partie essentielle de leur mémoire par des dirigeants qui, pour des soucis étrangers aux intérêts du patrimoine et de son propriétaire, le peuple, sont responsables d’une catastrophe irréparable au plan de la mémoire collective.
Personne ne peut restituer onze siècles d’histoire et la mémoire des milliers d’artisans-artistes, des millions de personnes qui ont imprégné ces lieux de leur croyance ou de leur incroyance quand ils la contestaient. Ils ont, de leurs mains, de leur esprit, de leur sueur et de leur sang, fait que cette cathédrale, un chef d’œuvre collectif, de bois, de pierre, de verre et surtout de mémoire, incarne, l’âme d’une ville et d’une nation.
Personne ne peut retrouver le savoir, le savoir-faire, la manière de ces artisans disparus, la conscience collective et l’état d’esprit de ces millions de personnes, pas plus qu’on ne saurait faire vieillir le bois pendant trois siècles et se fossiliser pendant huit siècles en quelques mois.
Il faut l'arrogance, l'esprit de manipulation et l'inculture d’un Macron pour parler de reconstruire ce qui n'existe déjà plus car c'est impalpable: l'esprit des siècles.
Il faut son inconséquence, sa superficialité et son inculture pour penser qu'on va abattre une forêt de chênes multi-séculaires pour reconstituer une charpente ou chaque poutre était un chêne. Abattre aujourd'hui de tels arbres serait, après l'incendie, une autre catastrophe, écologique, celle-là.
Notre-Dame de Paris doit rester en l’état comme le symbole, le stigmate de notre temps, de cette macronie qui sacrifie à la finance les hommes et leur mémoire, détruit, avec méthode et insouciance, en un jour une cathédrale ou en un mandat des siècles d’histoire sociale et de conquête de dignité, d’égalité, de la nation phare en matière de Droits de l’Homme comme elle l’est en matière d’art, parce qu’ils ne savent même pas que l’élaboration du droit social fait aussi partie du patrimoine millénaire de la France, comme Notre-Dame de Paris, qu’il faut y faire attention, les préserver pour les transmettre, ne les modifier qu’avec une prudence et une bienveillance extrêmes car le droit social comme la charpente de Notre-Dame sont des chefs d’œuvre de dentelle, construits avec une longue patience et dans de grandes souffrances, pendant des siècles, par l’ensemble des hommes et des femmes, par Paris, par la Nation.
M. Macron a brûlé le droit social, en deux mandats (il était déjà à l’œuvre durant le précédant quinquénat); Notre-Dame de Paris, sous sa responsabilité, durant son mandat, vient de brûler.
Le Président, la Maire de Paris, pour se limiter aux principaux responsables, dans leur délire de spectacles superficiels (des jeux olympiques de drogués et d’organismes génétiquement modifiés) autant que d’économies de bout de chandelle, pendant qu'ils préservent les dividendes de la finance internationale et enrichissent les plus riches, sont les premiers responsables d’une longue suite de manquements ayant abouti à ce désastre culturel. Ils devraient démissionner, s’ils avaient la moindre once de vergogne, pour ne pas avoir su préserver ce que plus de huit siècles d’histoire, pourtant mouvementée, n’avaient pas détruit, ni même entamé, et dont ils avaient la responsabilité.
Au lieu de démissionner, M. Macron manipule, instrumentalise, sans vergogne, la stupeur d'un peuple pour éluder les problèmes sociaux qu'il impose au pays depuis le début de son mandat.
Reconstruire Notre-Dame de Paris, comme il le prétend, serait recouvrir les restes de siècles d’histoire et d’humanité par l’injure supplémentaire des méthodes simplistes et rapides d’une époque de médiocrité, sans culture, sans patrie et sans racines qui a perdu son âme, et dont M. Macron est l’incarnation.
Des ruines, dont l’état symbolise déjà son œuvre néfaste, seront plus authentiques qu’un décor falsificateur en carton-pâte pour tourisme de masse, en simili et fait à la va-vite, la seule chose dont sont capables cette caste d’oligarques, son chef et leurs serviteurs (y compris les grandes entreprises). L’injure doit demeurer, elle fait partie de l'histoire, même si M. Macron a bien l'intention de masquer le résultat de son incompétence avec l'argent public et privé.
M. Macron avait pour mission de l’oligarchie internationale, qui l'a élu en 2017, de casser la France récalcitrante et son histoire sociale, d’économiser sur l’entretien de son patrimoine: autrement dire d'attenter à sa mémoire. Il a été dressé, formaté et mandaté pour ça. Il y réussit au-delà de tout ce qu’on pouvait craindre avec une vitesse et une efficacité que ses concurrents les plus dominants, de l’extrême-droite au PS, lui envient. Après s’être attaqué au peuple, à son histoire sociale et politique, son action se traduit maintenant clairement et inévitablement sur le plan culturel par une monstrueuse autodafé, dont la France n’est d’ailleurs pas le seul exemple, et dont le patrimoine immobilier n’est pas la seule victime. La planète dans son ensemble est en train de brûler, et l’espèce humaine est même déjà menacée de dégénérescence sous les assauts des seigneurs de la finance internationale et des robots, de l’intelligence artificielle que nous promettent M. Macron et ses semblables. Les robots sont bien plus obéissants que les hommes pour les délires de pouvoir de ces dominants pathologiques qui, de Macron à Trump en passant par Erdogan et Bolsonaro, etc., prennent progressivement les commandes d’une planète qui a perdu les clés de la démocratie et même celles d’un simple instinct de survie, malgré quelques résistances dont celle des gilets jaunes qui troublent le chaos macronien organisé.
Charlie Hebdo avait été le premier traumatisme, la première étape stupéfiante de cette destruction de l’esprit français irrévérencieux, de l’âme de ce pays. Rien n’a pu réparer cette blessure mortelle à l’âme de Gavroche, et l’enterrement sous des millions d’euros et des tombereaux de fleurs ne cache pas la perte de courage d’une nation qui continue de confier son destin à des dirigeants qui pactisent au quotidien avec ceux (le Qatar et l'Arabie Saoudite par exemple) qui ont mortellement atteint le peuple que ces dirigeants sont censés représenter.
La destruction partielle de Notre-Dame de Paris, dont la mémoire doit autant à ses artisans qu’à l’histoire et la pensée du peuple qui l’a construite, préservée, animée, contestée, qui doit tant à Victor Hugo en particulier, toujours avec le respect de sa dimension mémorielle, collective, humaine jusqu’à ce 14 avril 2019, est la suite de cette destruction d’un art de vivre par les Macrons de tout poil qui ne pensent qu’à dominer, dont l’horizon se limite à leur apparence, leur entre soi, leur caste, leur auto-valorisation, leur inculture, leur arrogance, leur totale absence d’attention à tout ce qui n’est pas eux ou leur petit monde d’intérêts égoïstes.
La course à la reconnaissance médiatique, dans cette reconstruction illusoire de Notre-Dame de Paris, par M. Macron et «ses» milliardaires qui l'ont porté au pouvoir, est symptomatique de cette mentalité. Ceux-là mêmes, qui n'avaient pas le 13 avril 2019 les moyens d'aider 15 millions de pauvres en France à sortir de l'impasse d’une vie de misère, font le 15 avril 2019 assaut de joutes de centaines de millions pour replâtrer en quelques mois Notre-Dame de Paris: une injure supplémentaire.
Au-delà des responsabilités accidentelles ou délictuelles dans l'incendie de Notre-Dame de Paris, la conservation d’un patrimoine engage la responsabilité de ceux qui en ont la charge. Il serait de simple logique, de décence, de droit et de démocratie en particulier, que ce pouvoir, coupable à tout le moins d'incompétence voire plus de négligence, démissionne, abandonne à jamais les responsabilités.
Pour Charlie Hebdo, le pouvoir en place avait déjà récupéré le traumatisme national avec perversion, malgré ses écrasantes responsabilités dans l’insuffisance des protections. Pour Notre-Dame de Paris, on assiste, à nouveau, à cette même mécanique de récupération par le pouvoir en place, orchestrée par des médias serviles, malgré encore ses écrasantes responsabilités dans l’insuffisance des protections.
Les très riches financent leur communication à bon compte et flattent leur ego pendant qu’on lance une souscription nationale auprès d’un peuple toujours aussi manipulé, et déjà prêt à payer pour ressusciter ce qui ne peut l’être: l’âme conquérante, courageuse, artiste et batailleuse qui a autant construit Notre-Dame de Paris qu’élaboré les conquêtes sociales qui ont construit cette nation.
Cette âme s’est trempée dans la légende des siècles comme dit Victor Hugo, car la mémoire et le temps sont la forge des peuples.
Tous les autocrates, M. Macron compris, détruisent la mémoire des peuples. La mémoire n'a rien de commun avec un replâtrage; elle ne se reconstruit pas quand on l'a brûlée, pas même avec tout l'argent des milliardaires. Les discours arrogants, vains et de mauvais acteur de M. Macron ne font pas illusion.
1/ «Il faut détruire Carthage», Caton l'Ancien Yves Sportis
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