George Shearing
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14 fév. 2011
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13 août 1919, Londres (Grande-Bretagne) – 14 février 2011, New York, NY
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Mondialement connu comme le compositeur de "Lullaby of Birdland", titre culte du bebop, Sir George Shearing avait été ennobli par la Reine Elizabeth II pour laquelle il avait joué, ainsi que pour plusieurs présidents américains. Il déclarait lors du concert à Carnegie Hall pour son 80e anniversaire : "Il paraît que j'ai composé trois cents chansons. Deux cent quatre vingt dix neuf sont oubliées. Voici celle qui reste." et c'était naturellement "Lullaby of Birdland". Compositeur, arrangeur, pianiste, accordéoniste, chanteur, il était souvent considéré comme un touche-à-tout, un pianiste pour club de luxe. Pourtant c'était un musicien d'une grande sensibilité qui au travers d'une musique bien tempérée a su montrer que ses talents allaient bien au delà d'une composition aussi jouée et célèbre soit-elle.
Né à Londres dans le district de Battersea de parents ouvriers, aveugle de naissance, il était le cadet de neuf enfants. Il commence à jouer du piano et de l'accordéon à 5 ans, mais ne débute ses études musicales que lors de son adolescence lorsqu'il entre à la Linden Lodge, une institution spécialisée pour les aveugles où il fait de très sérieuses études de musique classique. C'est également dans cette école qu'il découvre le jazz à 16 ans en écoutant les disques de Meade Lux Lewis, Earl Hines, Art Tatum et Fats Waller. Il fait montre d'un énorme potentiel et se voit proposer différentes bourses pour poursuivre des études. Mais, après l'obtention de son diplôme, il préfère commencer à travailler dans un pub pour cinq livres par semaine. L'année suivante il entre dans l'orchestre de Claude Bampton fort de quinze musiciens tous aveugles qui jouent des compositions de Jimmie Lunceford et Duke Ellington. Pour ses 18 ans, Leonard Feather le découvre au cours d'une jam session où il joue de l'accordéon jazz et il lui organise une séance d'enregistrement. Celle-ci n'est pas la première du jeune musicien, mais elle marque réellement le début de sa carrière. Il obtient un programme régulier à la BBC. Il dirige alors son propre groupe de dixieland et devient le meilleur spécialiste anglais de boogie woogie. Pendant sept ans, il est reconnu meilleur pianiste lors du référendum du magazine anglais Melody Maker. Durant la guerre, il joue pour les troupes stationnées en Grande Bretagne et travaille régulièrement avec Stéphane Grappelli bloqué à Londres par la guerre. Il épouse en 1941 Beatrice Bayes rencontrée alors qu'il jouait dans un abri contre les raids aériens.
Glenn Miller et Fats Waller le poussent à aller découvrir (et conquérir) l'Amérique. Présenté comme l'Art Tatum ou le Teddy Wilson anglais, les agents américains lui demandent ce qu'il sait faire de personnel. Leornard Feather arrivé lui aussi aux Etats-Unis lui suggère l'instrumentation qui va faire son succès.En 1949 il enregistre avec Margie Hyams au vibraphone, Chuck Wayne à la guitare, John Levy à la basse et Denzil Best à la batterie, "September in the Rain" qui connait un énorme succès et marque son installation définitive aux Etats-Unis (il sera naturalisé en 1956). Le son du quintet et sa propre sonorité au piano deviennent immédiatement reconnaissable. Il est un adepte des block chords et joue souvent un ligne mélodique de la main droite qu'il double à la main gauche un octave en dessous. En 1952, il compose le célèbre "Lullaby of Birdland" qui devient très vite l'un des standards les plus joués. Il signe d'abord avec MGM puis en 1955 commence une fructueuse collaboration de 14 ans avec Capitol qui, outre les enregistements réguliers du quintet, lui propose des collaborations avec les chanteuses Peggy Lee et Nancy Wilson. Sa collaboration avec le pianiste et chanteur Nat King Cole en 1961 connait un très large succès. Mais en 1969 Capitol met fin à son contrat, et il tente alors d'avoir son propre label Sheba, mais l'entreprise ne survit pas très lontemps. En 1979, il signe avec Concord un contrat qui marque le redémarrage de sa carrière. Un an plus tôt en 1978, il avait dissous son orchestre car il commence à trouver qu'il tournait un peu trop (56 concerts en 63 jours déclarait-il au critique Whitney Balliett). Il commence alors à travailler en solo, duo ou trio. Il enregistre cinq albums avec le chanteur Mel Tormé qui gagne deux Grammy Awards en 1982 et 83. Malgré son immense succès commercial, George Shearing n'a jamais obtenu de Grammy pour un de ses propres enregistrements. A partir des années 90, il enregistre chez Telarc et joue en duo avec Marian McPartland et Hank Jones, tout comme lui modèles de longévité. Il arrête sa carrière en 2004 après une chute qui lui impose un long séjour à l'hôpital. Ennobli par la reine il déclarait : " Je ne sais pas pourquoi je reçois cet honneur. Je n'ai fait que ce que j'adore faire. "
George Shearing fut l'un des rares accordéonistes à jouer bebop et un chanteur crooner remarquable. Musicien touche à tout, pianiste de luxe, George Shearing était cependant un pianiste exigeant, d'une grande élégance qui aura traversé le demi-siècle après son arrivée au Etats Unis gardant jalousement sa personnalité au travers des différents styles qu'il a côtoyés et souvent illustrés.
Guy Reynard
Photo © David Sinclair
© Jazz Hot n°654, hiver 2010-2011
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