Junas
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1 oct. 2012
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Jazz à Junas, 18-21 juillet 2012
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Junas est un petit village du Gard proche de Sommières et de l’Hérault voisin, possèdant des anciennes carrières offrant un cadre idéal à la musique et au jazz en particulier. Pour sa 19e édition le festival avait choisi pour thème : le Languedoc-Roussillon rencontre La Nouvelle-Orléans. Plusieurs musiciens importants de la Ville du Croissant, des musiciens français comme l’octet de Raphaël Imbert, Magic Slim le 18 juillet, ainsi que Patrick Artero et Craig Adams le samedi 21 juillet.
Nous étions présents le 19 juillet dans la carrière pour Brian Blade et son Fellowship Band. Son quintet est formé de Myron Walden (bcl, as), Melvin Butler (ts), Jon Cowherd (p) et Chris Thomas (b). Brian Blade retrouve dans son quintet un jeu de batterie beaucoup plus classique qu’avec Wayne Shorter, proposant un musique plus centrée sur les deux saxophonistes. Myron Walden fait montre d’une grande énergie dans un post hardbop à la fois traditionnel et actuel. Il entraîne Melvin Butler, plus réservé, dans des dialogues très poussés. Chris Thomas assure une rythmique métronomique sur laquelle les autres musiciens peuvent s’appuyer en toute sécurité. Brian Blade ne recherche pas les effets, mais cherche toujours a s’insérer dans la musique et même si celle-ci est la sienne, il veut simplement être le moteur du groupe. Il donne une pulsation régulière discrète mais omniprésente qui laisse toute la place aux autres musiciens. L’esprit du Fellowship Band de Brian Blade n’est pas sans rappeler celui des Jazz Messengers d’Art Blakey.
Ninety Miles est une formation mise sur pied par David Sanchez (ts), Stefon Harris (marimba, vib) et Christian Scott (tp), orginaire de la Nouvelle Orléans pour explorer les rapports musicaux entre le jazz, New Orleans et Cuba. Christian Scott est remplacé par Nicholas Payton autre trompettiste vedette de La Nouvelle-Orleans. La musique est en grande partie celle de David Sanchez, originaire de Porto Rico, et le bassiste et le percusionniste viennent de Cuba tandis que le pianiste Edward Simon est vénézuelien. Seul Stefon Harris vient de New York. Cette formation vient donc d’horizons divers et David Sanchez s’en avère très vite sinon le leader, du moins le principal animateur. Est-ce pour illustrer la récente polémique dont il a été l’instigateur en déclarant « le jazz est mort » que Nicholas Payton paraît dramatiquement absent, peu intéressé par cette formation ? En tout cas il n’apporte pas grand chose et même lorsqu’il chante la Nouvelle-Orleans, ses talents de chanteur sont loin d’être inoubliables. Par contre David Sanchez est très concerné par cette formation : il prend de longs solos, relance régulièrement les thèmes et fait oublier l’inconstance du trompettiste. Stefon Harris développe de beaux solos tant au vibraphone qu’au marimba, bien soutenu par Terreon Gully (dm) qui remplace le batteur cubain du disque. La musique est avant tout du jazz avec une touche cubaine sauf lors des solos du bassiste et du percussionniste qui demeurent des musiciens cubains. Si l’on peut regretter l’absence de Christian Scott, les échanges entre David Sanchez et Stefon Harris restent de bon niveau. Le lendemain, 20 juillet, Christian Scott, avec son groupe, montre toute l’ampleur de son engagement. Interviewé peu de temps avant le concert, il déclare que sa musique est entièrement nourrie par sa vie et il va le prouver tout au long du concert. A la tête de son groupe habituel avec le pianiste d’origine cubaine Fabian Almazan, du guitariste de Toronto Matthew Stevens, du bassiste Kriss Funn, et du batteur Jamire Williams il distille une musique toujours très tendue, ancrée dans sa vie de tous les jours à la Nouvelle-Orléans avec de belles ballades mais surtout de morceaux qui racontent une histoire. Ainsi il explique comment, après le passage de Katrina, une partie de la ville était inondée et une autre de l’autre côté d’un pont était au sec, mais interdite par la police qui tirait sur ceux qui tentaient de passer. Il y eut deux morts et des blessés et « Danziger » le morceau qui suit raconte cette histoire. De même, une confrontation avec la police, la nuit après un concert, est narrée comme une tragédie cinématographique et la musique qui suit atteint bientôt un paroxysme exacerbé jusqu’à ce que retombe cette tension sur une conclusion humaniste de cette histoire. Avec des instruments qu’il a contribué à construire (tuyaux plus longs avec une sonorité qui se situe entre la trompette et le bugle avec pavillon incliné à 45°), il se place dans toute l’histoire du jazz, mêlant des éléments de tous les styles avec la présence obsédante du blues et de ce funk particulier qui donne sa couleur à toute la musique de la Nouvelle-Orléans. Après Louis Armstrong, Wynton Marsalis, Terence Blanchard e Nicholas Payton, New Orleans est en passe de donner au jazz un nouveau trompettiste de premier plan. Christian Scott est le neveu de Donald Harrison (as).
Bernard Lubat se veut dans une démarche un peu comparable en mêlant des éléments venus de divers horizons. Si Lubat connait parfaitement le jazz, il choisit une musique basée sur les folklores occitans et inventés qui débouchent le plus souvent sur le free jazz. La voix, par le chant et la parole fait partie du discours musical, mais les parties parlées passent mal auprès du public qui manifeste parfois bruyamment et demande le retour à la musique. Lubat reste au piano et au chant, Louis Lubat à la batterie doublé par Denis Fournier. Gérard Pansanel est l’un des trois guitaristes avec Fabrice Viera et Thomas Boudet et trois saxophonistes : Jules Rousseau, Raphaël Quenehen et Pierre Lambla. Cette musique improvisée est loin du jazz, un peu décousue.
Avec quatre soirées, Junas à réussi le pari d’amener au pied des Cévennes de grands musiciens de jazz avec une belle confrontation réussie entre musiciens européens et musiciens américains de New Orleans que le public a largement plébicité.
Guy Reynard
Photo : Brian Blade ©Guy Reynard
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