Javea (Espagne)
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1 oct. 2012
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Xàbia Jazz Festival, 4-6 août
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La ville de Javea a su depuis deux années assumer son Xàbia Jazz Festival avec des aides financières dérisoires. Si l’époque des grandes vedettes américaines est pour l’heure un souvenir, l’affiche proposée cette année reste attrayante. Pour cette 12e édition les organisateurs présentent le quintet de Omar Avital, Richard Galliano et son Tangaria Quartet et le Andrea Motis & Joan Chamorro Group.
Le 5 août, il nous est donné d’assister au concert de Richard Galliano. L’accordéoniste français est face à un parterre bien fourni et à priori favorable. Beaucoup de vacanciers français sont présents sur la Plaça de la Constitució. Galliano, toujours sérieux et professionnel, est fidèle à son style personnel puisé essentiellement dans l’inspiration argentine avec de perceptibles influences du jazz. Il offre de nombreuses compositions sur des tempos dynamiques et vifs dont son « Tangaria ». On ne peut passer sous silence l’accompagnement remarquable de ses partenaires et principalement du violoniste François Arnaud qui met en valeur le travail de son leader. Philippe Aerts (b) apporte un soutien solide et le percussionniste vénézuélien, Rafael Mejias, une belle touche d’originalité. Parmi les thèmes qui emportent l’adhésion du public figurent « Sertão », hommage à l’accordéon brésilien ; le boléro « Spleen » joué en grande partie à l’accordina ; la prestation en solo de Richard sur le thème de Piazzolla « Libertango » et un hommage à la chanteuse Barbara composé dans son style et semé de citations. Mais le public, qui adhère à « Indifférence », joué musette, est enthousiasmé par une version particulièrement réussie des « Feuilles Mortes » conservée pour le rappel.
Le concert du 6 août, donné devant un énorme public, mérite un commentaire détaillé. La nuit est confiée aux musiciens du saxophoniste catalan, Joan Chamorro. Ce soir-là essentiellement contrebassiste, Chamorro ne joue du ténor que pour « Body and Soul ». Il vient à Xàbia avec deux partenaires confirmés, Esteve Pí (dm) et l’excellent Josep Traver (g, bjo) ; le jeune Carlés Vázquez (ts), talentueux ; un banale couple de danseurs et deux jeunes filles de 17 ans, l’une, Andrea Motis, déjà coqueluche des amateurs et des chroniqueurs, et Eva Fernández, aujourd’hui moins médiatisée, mais qui devrait bientôt faire parler d’elle.Chamorro a choisi pour cette prestation un répertoire tout à fait classique de standards, pour lequel la règle d’or est le swing. « Love Me or Leave Me », « Desafinado », « Moon River », « Summertime », un medley (« Sweet Lorraine/Petite fleur ») de Bechet, « Somewhere Under the Rainbow »…. Kiko Berenguer (ts), directeur artistique du festival, est invité à trois reprises à s’unir à la formation sur « On the Sunny Side of the Street », « Fine and Melow » et « Comes Love ».
Mais le public reste pantois devant l’excellence du travail offert par Andrea Motis et Eva Fernández. Chacune d’elles possède une maîtrise poussée des instruments, trompette, saxophones alto et soprano pour la première ; saxophones alto et soprano pour la seconde. Le son est limpide, les mises en place impeccables. Elles ont en outre bien compris ce qu’est le jazz.
Toutes les deux sont remarquables dans leurs parties vocales chantées dans un bon anglais : Andrea (qui chante dans presque tous les thèmes) possédant peut-être plus de registres. Chamorro a offert à chacune les moyens de s’exprimer (Eva excellente sur « These Foolish Things ») et elles en ont profité, réalisant également un superbe duo vocal sur « Please Don’t Talk About Me ».
Elles ont déjà derrière elles six années passées avec la Sant Andreu Jazz Band de Chamorro à la réputation bien solide, plusieurs enregistrements et une centaine de concerts dans des manifestations réputées avec cette banda et un disque personnel pour Andrea Motis. Il leur faut maintenant s’approprier la scène avec une réelle présence qui fait encore défaut à Andrea, quelque peu figée à côté de Joan Chamorro.
Il reste que c’est un plaisir de voir que le jazz intéresse toujours les jeunes générations, des jeunes filles comme des jeunes garçons, que des organisateurs de manifestations n’hésitent pas à les programmer et qu’un public sait apprécier et déceler les talents qui peuvent dans l’avenir continuer à faire vivre le jazz.
Patrick Dalmace
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