Kenny Ball, trompettiste
de jazz Dixieland et leader des Jazzmen, qui connurent un très grand
populaire, s’est éteint. Il avait 82 ans.
Né en 1930, Ilford, au nord-est de Londres, il apprend l’harmonica à
l’âge de 10 ans et joue les chansons populaires cockney, l’argot
utilisé par la classe ouvrière de l’East End, à l’extrémité est de
Londres. Chez les Sea Cadets, les Cadets de la Marine royale, une
organisation pour les jeunes, il se met au bugle. Ball confiait aussi
qu’il s’était mis à la trompette en 1943, l’année où Harry James avait
épousé Betty Grable.
Kenny Ball arrêta l’école à 14 ans et vécut de mille petits métiers,
coursier, réceptionniste, etc., et devint un habitué du Ilford Palais
pour écouter de la musique tout en commençant à jouer dans des clubs
locaux.
A son retour du service militaire, Kenny Ball vit d’expédients et
joue tous les soirs dans des clubs. Son expérience de seconde trompette
dans le groupe de Freddy Randall fut de courte durée comme il allait
rejoindre le All Star Jazz Band de Charlie Galbraith en 1951.
Kenny Ball devint musicien professionnel en 1953 et intégra le
groupe du clarinettiste Sid Phillips avec lequel il partit en tournée,
enregistra ses premières émissions et participa à des réceptions
prestigieuses comme les fêtes de Noël au Château de Windsor. Puis il
devint membre de l’orchestre de Eric Delaney.
En 1958, il joua dans le New Orleans Jazzmen de Terry Lightfoot mais
Ball, ainsi que Chris Barber (tb) et Acker Bilk (cl) se lassèrent de ne
jouer que de la musique de la Nouvelle Orleans et formèrent les
Jazzmen. En 1960, un jour que Lonnie Donegan, légende du skiffle,
entendit répéter les « 3 B’s », Ball-Barber-Bilk, dans le studio d’à
côté du sien pour préparer une audition pour une émission pour les
enfants, il leur proposa de signer un contrat à Pye Records et de jouer
dans sa propre émission Putting On The Donegan.
Les Jazzmen connurent surtout un très grand succès populaire avec
« Midnight In Moscow » qui devint n°2 en Grande-Bretagne et aux
Etats-Unis et fut vendu à plus d’un million d’exemplaires. En 1961,
Brian Matthew, l’animateur de Easy Beat sur la BBC, les engagea pour
jouer dans son émission après avoir entendu leur version Dixieland de
« Samantha » de Cole Porter sur leur premier album, Invitation to the
Ball (1961). Le succès fut considérable et le morceau entra au top 50.
Ces hits furent suivis de March of the Siamese Children, The Green
Leaves of Summer (1962) et de Sukiyaki (1963). Leur version de « When
I’m Sixty Four » (1967) des Beatles fut tout aussi appréciée du grand
public.
Si Kenny Ball devait avoir un héros, ce fut en la personne de Louis
Armstrong. Leur première rencontre date de 1962 quand Satchmo remit un
disque d’or à Kenny Ball pour « Midnight in Moscow ». Six ans plus tard,
Ball faisait sa première partie au New Victoria Theatre, à Londres. Le
groupe accompagna aussi son idole pour une tournée européenne.
La « Trad Boom », cette vague de revival de jazz traditionnel qui
submergea la Grande-Bretagne au début des années 1960, s’arrêta en 1963
avec l’arrivée des Beatles. Ce qui marqua la fin de nombreux groupes de
jazz n’eut aucun impact sur les Jazzmen, bien installés.
En 1968, le groupe joua dans tous les épisodes de la saison du
Morecambe and Wise Show, sur BBC One, l’émission télé animée par les
deux comiques Eric Morecambe et Ernie Wise, l’une des plus populaires en
Grande-Bretagne à ce jour. Et les 3 B’s devinrent le groupe du Saturday
Night at the Mill, sur la même chaîne, de 1975 à 1983. Les
Jazzmen firent de très nombreuses tournées en Europe, aux Etats-Unis,
au Canada, en Australie, jusqu’en Russie où ils finirent leur concert
par « Midnight in Moscow » sur la place Rouge. C’était alors le premier
groupe occidental à jouer au Kremlin. En 1981, il joua au mariage du
Prince Charles et Lady Diana.
Durant six décennies, Kenny Ball défendit toujours la joie de vivre
du jazz Dixieland et fut le meilleur porte-parole de cet état d’esprit.
Si à bien des égards, ses Jazzmen furent ignorés du monde du jazz, Kenny
Ball n’en resta pas moins un musicien et un chanteur accomplis ainsi
qu’un leader méticuleux. En 2011, Kenny Ball et John Bennett publièrent
un recueil de mémoires Musical Skylarks où ils retracèrent leur
parcours, riche en anecdotes, à une période historique du jazz en
Grande-Bretagne.
Un jour qu’on lui demandait le secret de sa longévité, Kenny Ball répondit : « l’enthousiasme ».
Mathieu Perez
Photo : Kenny Ball at Barbican, 28 octobre 1993 © David Sinclair
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