Nouveauté-Sélection Brillant
Corners, Friday the 13th, Gallop’s Gallop, Teo, Pannonica,
Evidence, We See, Off Minor, Bye-Ya, Worry Later, Misterioso,
Epistrophy Phillip Johnston (ss), Don Davis (as), Mike Hashim
(ts), Dave Sewelson (bs), Joel Forrestier (p), David Hofstra (b),
Richard Davorkin (dm)
Enregistré à Brooklyn, date non
communiquée Durée : 59' 33'' Cuneiform Records 310
(www.cuneiformrecords.com)
Pour microscopique qu’il est, ce
septet-là ne s’en laisse pas conter quand il s’agit de revisiter
avec art et démesure contrôlée la musique de Thelonious "Sphere"
Monk (1917-1982). Composé de musiciens pourtant peu médiatisés, Il
pourrait facilement en remontrer à certaines formations atones et
nombrilistes d’Europe toujours à la « recherche de leur
folklore imaginaire » comme devait le dire, avec l’aplomb des
imbéciles, un de ces nombreux trissotins chers aux années post
soixanye-huit. Paix à leurs cendres ! A l’opposé de
l’indigence musicale et encore moins du désordre formaliste, ce "microscopique" orchestre new-yorkais offre, dès les
premières mesures, une relecture jubilatoire des 12 thèmes connus –
hors « Worry Later », enregistré en 1960 at The
Blackhawk – mais toujours aussi difficilement négociables du
génial compositeur. En effet, les sept gaillards – quatre
saxophonistes portés par une bonne rythmique – n’ont pas choisi
la randonnée dominicale et pépère pour « téléravagés »
du troisième âge. Fort bien arrangée par Phillip Johnston et Joel
Forrestier, dans un esprit que n’aurait pas désavoué Monk
lui-même, chaque pièce, conçue comme un petit scénario où
s’entremêlent, la plupart du temps, collages, changement de tempi,
tutti et soli, dégage une telle force de conviction que nos oreilles
ne peuvent absolument pas baguenauder ; elles sont saisies par la
musique du début à la fin.
Non
content de se jouer, très honorablement, des structures et des
chausse trappes harmoniques, le septet irradie littéralement.
Connivence, folie/dérision collective, plaisir du jeu interactif,
deviennent vite contagieux et font oublier faiblesses et outrances
comme celles du baryton fouetté par une pulse rock sur « Teo ».
Soyons précis et actualisons la locution : elles passent comme
passaient, jadis, les lettres à la poste.
A
l’ombre du grand Monk et de celle d’un ses thuriféraires, Steve
Lacy – Phillip Johnston en est proche par le son – ce petit combo
décline sur tous les tons que le jazz est avant tout affaire
commune. Une « Evidence » ? Pas si sûr !
Jean-Jacques Taïb
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