Tommy Flanagan & Jaki Byard
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14 jan. 2014
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The Magic of 2
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© Jazz Hot n°666, hiver 2013-2014
Nouveauté-Indispensable Introduction by Todd Barkan, Scrapple From the Apple, Just One
of Those Things, Satin Doll, Something to Live For, Send One Your
Love, Our Delight, All Day Long, Sunday, Chelsea Bridge, Land of Make
Believe, The Theme Tommy Flanagan, (p), Jaki Byard, (p) Enregistré le 7 février 1982, San Francisco Durée : 56'' 56' Resonance Records 2013 (www.resonancerecords.org)
Voilà un enregistrement magique. Tout simplement magique. La
rencontre de deux magiciens, les pianistes Tommy Flanagan et Jaki
Byard au Keytone Korner, le club de légende de San Francisco, un
soir de 1982. Peu de pianistes ont enregistré en duo, sans autre
accompagnement. Un concept non commercial bien sûr. Comme le montre
cette liste très mince et non exhaustive, ce type de duo existe à
peine : Meade Lux Lewis, Albert Ammons et Pete Johnson (Boogie
Woogie Prayer, Columbia, 1938), Albert Ammons et Pete Johnson
(Bear Cat Crawl / Shout For Joy, Vocalion, 1939 ; Boogie
Woogie Classics, Blue Note, 1951), Marty Paich And His Piano
Quartet (avec Jimmy Rowles, Pete Jolly et Johnny Williams, Take Me
Along, Victor, 1954), André Prévin et Russ Freeman (Double
Play!, Contemporary Records, 1957), Bill Evans (Conversations
with Myself, Verve, 1963 ; Further Conversations With
Myself, Verve, 1967 ; New Conversations, Warner Bros.
Records, 1978), Jazz Piano Quartet (avec Marian McPartland, Dick
Hyman, Roland Hanna et Hank Jones, Let It Happen, RCA, 1974),
Chick Corea et Herbie Hancock (Chick Corea With Herbie Hancock,
Allied Productions, 1978), Hank Jones et Tommy Flanagan (Our
Delights, Galaxy, 1979 ; I'm All Smiles, MPS Records,
1983), George Shearing et Hank Jones, The Spirit of 176,
Concord, 1989), Bill Charlap et Renee Rosnes (Double Portrait, Blue
Note, 2010), Patricia Barber & Kenny Werner (Live In Concert,
Floyd Records, 2011). Mais revenons à nos géants. Dans ce
concert, Byard et Flanagan n’interprètent que des standards, à
l’exception de « Send One Your Love » de Stevie Wonder.
Qu’ils jouent des compositions de Charlie Parker (« Scrapple
From The Apple ») ou de Duke Ellington (« Satin Doll »),
l’alchimie est immédiate pour ces deux artistes aux parcours
différents, Flanagan avec Ella Fitzgerald, Byard avec Mingus. Voilà
un duo qui a de quoi surprendre et qui dialogue à merveille.
Flanagan joue en solo sur « Something to
Live For », « All Day Long » et « Chelsea
Bridge », trois compositions signées Billy Strayhorn, tandis
que Byard joue « Sunday », « Land of Make Believe »
et s’aventure sur « Send One Your Love » de Stevie
Wonder. Le reste est en duo. Durant toute la session,
Flanagan, au jeu plein d’élégance, tire Byard vers le bebop qui
s’amuse à injecter du blues, du stride, du swing, du ragtime avec
tout l’éclectisme virtuose et la créativité qui le
caractérisent. Ecoutez « Sunday » qui est épatant. Avec
« Send One Your Love », Byard métamorphose la
composition de Stevie Wonder en « Giant Steps » de
Coltrane, clin d’œil à Flanagan, pianiste du ténor sur l’album
de 1960. « Land of Make Believe » devient du postbop. Par
contraste, le jeu de Flanagan est encore plus straight-ahead. The
Magic of 2 est un témoignage bouleversant. Cet enregistrement
est d’autant plus historique que le Keystone Korner devait fermer
ses portes juste un an après cette rencontre, en 1983. On ne
saurait conclure sans saluer le travail remarquable de Resonance
Records, le label associatif de jazz à but non lucratif, qui a aussi
sorti dernièrement Pinnacle. Live and
Unreleased From Keystone Korner de
Freddie Hubbard, Live at Art
D'Lugoff's Top of The Gate de
Bill Evans et Echoes of Indiana
Avenue de Wes Montgomery.
Mathieu Perez
N.B. : A
défaut d’enregistrements, le duo de pianistes se prête bien à la
performance live comme ce Jazz Piano Workshop de 1965 à Berlin avec
Earl
Hines, Teddy Wilson, Bill Evans, John Lewis, Lennie Tristano et Jaki
Byard. Elle
donna lieu aussi à quelques grands moments de télévision (regardez
Duke Ellington, Willie The Lion Smith et Billy Taylor au David Frost
Show (1969) jouant « Perdido » ou Billy Taylor avec
Tommy Flanagan sur « Ornithology » ou avec Monty Alexander sur « Joy Spring ») et
de radio. Dans Piano
Jazz,
l’émission présentée par Marian McPartland sur NPR de 1978 à
2011, les pianistes invités jouaient en duo avec la grande dame du
jazz.
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