Le contrebassiste Michel Gaudry, qui s’était retiré de la scène depuis la fin des années 1990, est décédé le 29 mai dernier à l'hôpital, à Saint-Lô. Installé dans la Manche à Sainte-Marie-du Mont, il pouvait se consacrer, sur place, à sa passion d’historien du Débarquement de Normandie du 6 juin 1944. Il n’aura pas pu profiter du 75e anniversaire de ce grand événement qui le passionnait tant et qui se déroulait ce 6 juin 2019.
Dessinateur de formation, ce sera son premier métier aux côtés d’architectes pendant la Seconde Guerre. Né dans une famille de musiciens amateurs (père clarinettiste, mère pianiste), il commence par le piano et la clarinette, avant d’arriver à Paris en 1945, où il fréquente les clubs de jazz naissant dans l’après-guerre. Il se met à la contrebasse pour les besoins d’une tournée en 1953, étudie sérieusement l’instrument et en devient un des plus prometteurs instrumentistes dès avant 1960 (cf. Jazz Hot n°153).
Il rencontre alors tout le monde musical qui anime la scène de jazz parisienne, jouant avec la plupart, les Américains de passage en particulier dont la grande Billie Holiday, juste avant sa disparition. Parmi ses nombreuses collaborations on note (et on en oublie) Jim Hall, Barney Kessel, Georges Arvanitas, François Jeanneau, Phil Woods, Billy Strayhorn, Stéphane Grappelli, mais aussi Duke Ellington, Sonny Criss, Bud Powell à propos desquels il nous confiera ses souvenirs (cf. Jazz Hot le n°510, 1994, n° Spéciaux 2003 et 2004).
En historien confirmé, il nous a très bien raconté cette période des années 1960-70 dans le n°560 (1999), expliquant fort judicieusement en quoi la sortie de la France de l’Otan avait entraîné la fermeture des clubs de jazz moderne, à la fin des années 1960, et poussé les musiciens de jazz, privés de scènes, à se reconvertir dans le yé-yé, le rock et la musique de variétés de plus ou moins bonne facture dans cette période difficile pour le jazz. Lui-même s’y est résolu, mais plutôt dans la qualité en accompagnant Juliette Gréco (1962), Barbara (1966-71) et Georges Moustaki (1971-76).
Ce contrebassiste des plus doués possède une belle discographie en sideman (Gérard Badini, Sam Woodyard, Raymond Fol, Clark Terry, Duke Ellington, Guy Lafitte, Claude Bolling, Lionel Hampton, John Lewis, Cat Anderson, Boulou Ferré, Sonny Criss, Bud Powell…).
Il a ensuite poursuivi sa carrière dans les années 1970-80 aux côtés de grands jazzmen, au hasard des tournées (Tommy Flanagan, Harry Sweets Edison, Eddie Lockjaw Davis, Lew Tabackin), complétant ses revenus par des caricatures dans le Canard Enchaîné.
Dans les années 1980-90, il a accompagné Alain Jean-Marie, Turk Mauro, et ce qui se faisait de meilleur dans les clubs parisiens de jazz (Petit Opportun, Bilboquet, Village…) avant de se retirer à la fin des années 1990, lassé de courir après les engagements.
Il a consacré la fin de sa vie à l’histoire du Débarquement de Normandie et résidait dans une petite commune de la Manche qui jouxte la plupart des plages qui connurent le D-Day.
Il a aidé la rédaction de Jazz Hot à plusieurs reprises dans son travail de mémoire et d’explication autour des musiciens et de la musique de jazz, toujours avec beaucoup de gentillesse, de disponibilité et de clarté dans ses exposés.
Michel Gaudry avait retouché une contrebasse en février 2004, à l'occasion d'un hommage qui lui avait été rendu à Equeurdreville (50), en présence de Wayne Dockery, le propriétaire de la contrebasse, et protagoniste du concert avec Alain Jean-Marie ce soir-là.
Nous ne pouvons que vous recommander de vous reporter aux articles indiqués ci-dessous qui retracent son parcours aussi bien que son expérience et sa connaissance du jazz.
Nous présentons nos sincères condoléances à tous ses proches, sa famille et ses amis, dont nous partageons la peine.