Slim Dance
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9 avril 2021
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20 octobre 1936, Constantine, Algérie - 9 avril 2021, Asnières-sur-Seine (92)
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© Jazz Hot 2021
Slim Abbad, né le 20 octobre 1936 à Constantine, en Algérie, connu dans le monde de la danse jazz sous son nom de Slim Dance, est décédé à Asnières-sur-Seine le 9 avril 2021. Slim Dance et Gigi Chauveau © Photo X, by courtesy of Caveau de La Huchette (photo déjà parue dans Jazz Hot Spécial 2003)
Celui qui deviendra le professeur de danse jazz en couple (be-bop, lindy-hop)
pour des centaines d’élèves sur trois générations, principalement au Caveau de La Huchette à Paris à partir de 1980, était né orphelin. D’orphelinats en
familles d’accueil, il arrive à Marseille en 1949 en vacances chez une de ces
familles dont le père est directeur de centre de formation dans le quartier
populaire et bon enfant de St-Jérôme. Le jeune Slim choisit la restauration
comme futur métier: la chance a tourné. Pour rencontrer des copains, il
commence la boxe en 1953 et gagne les championnats de Provence en 1954 qui le
font arriver à Paris chez Assan Diouf, ex-champion d’Europe, au club de
l’Etoile Noire, rue des Martyrs dans le IXe arrondissement, à cinq minutes de Jazz
Hot, rue Chaptal, et des clubs historiques de la Capitale.
Conteur intarissable
de la vie parisiano-américaine des années 1950 à 1970 (cf. Jazz Hot Spécial 2003), il nous
avait expliqué comment le parcours de Sugar Ray Robinson
(1921-1989),
boxeur de légende devenu danseur et patron d’un club couru par la jet set,
l’avait inspiré pour «devenir quelqu’un», pour se sentir exister, car il avait un
besoin vital des autres pour vivre. Voulant travailler son jeu de jambes pour
la boxe, il décide d’aller faire ses exercices en dansant et, un jour, il voit
danser au Club Saint-Germain Jean-Pierre Cassel (cf. Jazz Hot n°597). C’est ainsi
qu’entre son métier de cuisinier, la boxe et l’ambiance jazz de Paris, Slim
Abbad est devenu progressivement Slim Dance dans un étroit périmètre, entre
les Deux Magots et les clubs de jazz du Quartier Latin. Il aimait parler de cette
période où il côtoyait Juliette Gréco, dansait lors des concerts de jazz à la
Salle Wagram, de ses exhibitions avec la femme de Moustache qui jouait alors
avec Claude Luter, au Kentucky, rue Valette, ou avec d’autres Rats de caves, Hot d’Dée,
Gandhi et Renée, Carlos, Jano Merry, Ramon, Bilet, de ses premiers shows TV ou
avec Dany Doriz à Limoges en 1962, de ses rencontres avec B.B. King, Slim
Gaillard, Memphis Slim ou Milton Buckner.
De danseur, il était devenu naturellement
professeur pour permettre aux gens de s’épanouir par la danse, pour transmettre
ce qu’il avait appris, de même qu’il avait bénéficié de cet accompagnement
humain à son arrivée en France, que ce soit pour apprendre son métier ou se
perfectionner dans ses passions de boxeur et danseur. «Apprendre aux autres,
c’est comme une psychothérapie», disait-il. Le swing était pour lui une sorte de
battement de cœur, indispensable, comme le blues aux paroles inconnues mais qui
lui étaient parfaitement intelligibles et familières par la fibre émotionnelle. Et, même quand il était assis, son pied marquait le tempo, avec le sourire des yeux jusqu'aux
lèvres.
Il adorait Ella Fitzgerald, et venait danser le soir pour son plaisir,
au Caveau de La Huchette, voir ses amis, après sa journée de travail (comme taxi
par la suite), et il donnait toujours ses heures de cours de danse.
Une vie bien remplie dont il savait avoir tiré
le meilleur: l’écoute du jazz et la pratique de la danse en symbiose avec les
jazzmen.
Il avait enfin trouvé une famille nombreuse, et qu’il avait choisie: celle du jazz.
Jazz Hot partage la peine de tous ceux qui en faisaient partie.
Hélène Sportis
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