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Georges Herpe

30 avril 2024
9 juin 1943, Plouédern (Finistère) - 30 avril 2024, Arpajon (Essonne)
© Jazz Hot 2024

Georges Herpe © Jérôme Partage



Georges Herpe
© Jérôme Partage


Georges Herpe, est né à Plouédern près de Landernau dans le Finistère le 9 juin 1943, l’aîné d’une fratrie de trois enfants dont deux filles. Il adorait sa mère, Marie, une vraie mère courage qui avait gardé la douleur d’un frère aîné perdu encore bébé. Son père, Louis, ancien sabotier puis militaire, lui inspirait un grand respect notamment pour avoir fait partie du réseau de résistance locale pendant la Seconde Guerre. Après une éducation en institution religieuse à Brest, il est venu à Paris pour faire l’ETACA (l’Ecole Technique d’Aéronautique et de Construction Automobile) –devenue ESTACA–, une école privée familiale d'ingénieurs, lui-même se spécialisant en mécanique des fluides. Le Quartier Latin où est située l’Ecole à cette époque (1961-1966) est rempli de jazz, et il se prend de passion pour Louis Armstrong. L’école ayant fait faillite, il fut l’un de ses anciens étudiants prenant des parts d’actions pour maintenir son activité.

Puis Georges part faire son service militaire comme coopérant en Algérie où il forme les pilotes de l’aviation civile et prolonge son contrat de coopération, développant un véritable intérêt pour ce pays récemment décolonisé où il assiste au fameux Festival Panafricain d’Alger de 1969(1), et où il découvre d’autres aspects du jazz. Rentré en France au milieu des années 1970, il devient ingénieur de recherche en astrophysique recruté par Evry Schatzman(2), un homme au destin plus que singulier qui le fascine, dans son équipe naissante à l’Observatoire de Meudon en 1976.

Après avoir construit sa maison de ses mains et fondé une famille, il commence à voyager dans le cadre de coopérations internationales en astrophysique, notamment à Calar Alto et aux Canaries (Espagne), à Bengalore (Inde), à Hawaii (USA), et en Namibie pour le plus grand observatoire gamma au monde(3), ce qui sera sa dernière mission avant la retraite. A l’Observatoire de Meudon, il rencontre Michel Denis, batteur, Alain Tomas journaliste de jazz et membre de l’équipe de Jazz Hot par périodes, Dominique Proust, organiste, Christian Vanderriest (1950-2002), astrophysicien passionné de John Coltrane dont un astéroïde, découvert par une astronome tchèque en 1982, porte le nom.

A Bengalore, il se lie d'amitié avec Ashok Kumar Pati, un astrophysicien réputé et aux savoirs multidimensionnels, jouant lui-même des tablas, et s'intéressant aux liens entre Django Reinhardt et le blues, entre jazz et musique indienne, connaissant Jazz Hot et ravi de feuilleter les numéros sur Ravi Shankar! Georges est aussi ami avec André Brahic(2), proche d’Evry Schatzman, lui aussi chercheur réputé, haut en couleurs ardéchoises, à la verve intarissable, qui baptise de l’acronyme CLEF, les quatre arcs d’un anneau de Saturne découverts par son équipe et lui-même: CLEF pour Courage, Liberté, Egalité, Fraternité, le tout formant une clef, comme une clef de musique: les astrophysiciens sont souvent des poètes de la nuit infinie. En mai 2016, Georges a été très affecté par le décès prématuré d’André Brahic.

Dans toute cette vie de rencontres très enrichissantes, Georges croise la route de Jazz Hot en 1991 quand la nouvelle équipe s'organise pour relancer la revue en septembre, et ses compétences sont mises à profit comme photographe, mais aussi par ses relations à l’Observatoire de Meudon où il rencontre Mirel Birlan, chercheur franco-roumain qui fera l’interview du pianiste Johnny Raducanu(4), ce qui amènera le déplacement d’une équipe de Jazz Hot avec le Philippe Duchemin Trio à Bucarest en coordination avec Teodora Enache(5), puis au Bucharest Jazz Festival en 2016(6), renouant des liens de Jazz Hot avec la Roumanie établis avec Michel G. Andrico dès 1935.

Georges, qui aimait conduire, a véhiculé nombre d’artiste dans son «carosse». Il avait eu le privilège d’écouter Wynton Marsalis jouer délicatement de la trompette sur la banquette arrière alors qu’ils étaient dans les embouteillages du Boulevard Sébastopol un samedi, ou Ray Bryant jouer sur le piano de Michel Sardaby un dimanche jusqu’au soir, un lendemain de concert au Lutetia Jazz & Boogie, avant de le conduire à La Huchette!

Ce qu’appréciait particulièrement Georges, un bon vivant, c’étaient les fêtes de Jazz Hot, à Paris ou à la campagne chez Fusun Levet, les parties de rigolades, les grands repas avec de bonnes bouteilles, les moments de convivialité avec Dany Doriz, danser avec Gigi Chauveau au Caveau de La Huchette, des moments de sérénité que ce soit chez lui à Montlhéry, à La Huchette où il prenait des kilomètres de photos, une passion de photographe de jazz venue avec Jazz Hot… quand il ne dansait pas, ou lors de déplacements en caravanes de voitures depuis Paris pour aller au Festival de Langourla, dans sa Bretagne natale et aimée, avec Deborah Brown, Duffy Jackson et beaucoup d’autres musiciens.

Georges Herpe, au premier rang de l'équipe, anniversaire des 70 ans de Jazz Hot, Paris 2005 © Jérôme Partage
Georges Herpe, au premier rang de l'équipe, anniversaire des 70 ans de Jazz Hot, Paris, 2005 © Jérôme Partage

Georges, comme un vrai amateur de jazz, avait accroché sur les murs de sa maison les photographies soigneusement encadrées des musiciens qu’il avait vus, écoutés, côtoyés et lorsqu’un d’entre eux venait chez lui, il s’étonnait de se voir là sur les murs, en bonne et nombreuse compagnie. Georges aimait le football comme il aimait le jazz: le regarder à la télé mais surtout le pratiquer avec les copains de l’Observatoire de Meudon ou plus rarement avec les amis de Jazz Hot, moins sportifs que les observateurs d’étoiles. A Montlhéry, Georges aimait jardiner, pianoter son «blues breton», bricoler avec sa lenteur et sa précision d’ingénieur, inviter des amis pour un bon repas devant la cheminée ou dans le jardin l’été ou écouter les oiseaux aux chants étranges, en migrations biannuelles, nichés dans la colline du poète Paul Fort, juste derrière la maison.

Georges a été un compagnon de route, assidu, de la dernière en date des aventures de Jazz Hot, commencée en 1991 et encore en cours, à laquelle il a apporté sa contribution placide, parfois décalée en raison de ses curiosités astronomiques et appréciée par toute l’équipe, n’hésitant jamais à remonter ses manches dans toutes les étapes de cette vie quotidienne d’une entreprise qui n’est pas faite que de musique de jazz et de fêtes, mais de multiples challenges parfois très matériels, une contrepartie plus rébarbative que les plaisirs de la convivialité qu’apportent le jazz et ses artistes à d’autres moments. Il le faisait en gardant le sourire, toujours avec son rythme lent de chercheur qui calcule, mais avec ténacité.

Il a, comme beaucoup, été très affecté par l’isolement des deux années du covid; il avait ensuite eu des problèmes oculaires qui l’avaient finalement empêché de conduire, l’un de ses plaisirs et son moyen de continuer à aller voir ses amis dans sa Bretagne natale qu’il aimait tant, mais aussi partout en France ou à l’étranger, selon les amis.

Georges est décédé des suites d’une chute et de complications pulmonaires, à l’Hôpital d’Arpajon, le 30 avril 2024.

L’Equipe de Jazz Hot partage la peine de ses enfants, Linda et Benoît, de ses petits enfants, de David, son gendre et de tous leurs proches

Jazz Hot Team
Photos Jérôme Partage

 


1. Jazz Hot n°253, septembre 1969: Alger Le festival Culturel Panafricain par Daniel Sauvaget: Archie Shepp, Grachan Moncur III, Sunny Murray, Alan Silva, Dave Burrell, Clifford Thornton, Nina Simone, Marion Williams, Oscar Peterson, Miriam Makeba.
Les Nuits d'Alger, reportage photos par Philippe Gras et Horace: reportage photos.

2. Evry Schatzman: https://maitron.fr/spip.php?article168590
André Brahic: https://www.canal-u.tv/intervenants/brahic-andre-026749513


4. Johnny Raducanu (Jazz Hot n°601, 2003); Jazz dans les pays de l’Est par Roberto Magris (Jazz Hot 2023).

5. Teodora Enache par Georges Herpe (Jazz Hot n°587, février 2002) et à Bucarest (Jazz Hot n°602, 2003).


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