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Anthologie des Musiques de Danse du Monde

6 jan. 2012
Vol.1.& 2
Réédition-Sélection
Vol.1. Jazz. Années 20-30 : Charleston, Black Bottom, Swing…
Enregistré entre le 16 janvier 1923 et le 22 mai 1950, NYC, Camden, Chicago, Boston, Hollywood
Durée : 1h 05’ 22’’
Frémeaux & Associés 5321

Vol.2. Jazz. Années 40-50 : Lindy Hop, Boogie…
Enregistré entre le 2 février 1942 et le 28 août 1959, Hollywood, NYC, Chicago, Los Angeles, Hackensack, San Francisco
Durée : 1h 09’ 45’’
Frémeaux & Associés 5322

Voici deux volumes d’une anthologie sonore des danses, ceux qui concernent cette revue, car elle couvre aussi Cancan, Javas, Valse musette, Samba, Mambo, Cha cha cha, Tango, Boléro, Calypso, Rock’n roll, Slow…Ces deux dernières comme, Polka, Cake-Walk, Fox-Trot (non traités) ne sont pas sans liens avec notre domaine. La liste démontre à elle seule que le « jazz » ne peut pas être seulement défini jusqu’à l’ « affaire bop » comme étant une « musique de danse ». Cela revient à dire que le couteau a un manche, ce qui n’est pas faux, mais pas spécifique. La danse a existé et existera sans le jazz. Ce n’est pas une musique mais une interprétation corporelle de la musique. Comme les pas de chaque danse ne sont pas indiqués dans les livrets, une telle collection aurait trouvé dans l’audiovisuel (DVD) un meilleur support. Pour ce qui nous concerne, semble-t-il, nous commençons (vol.1) par le « charleston » que l’on prétend d’origine africaine (en mélangeant le rituel et le ludique par le biais du paraître). Produit commercial apparu à Broadway, comme l’indique le livret, notamment dans Runnin’ Wild (1923) qui donne le coup d’envoi à la mode. Et déjà dans le show Dinah (1923-24), on aurait créé à New York le « Black Bottom » qui ne devient une mode qu’en 1926. La traversée de l’Atlantique (1927) donne le nom « Lindy Hop » à une nouvelle expression physique plus acrobatique, alors même que la section rythmique de l’expression musicale « Jazz Hot » devient plus souple. Comme le dit le livret, beaucoup de danses se ressemblent avec quelques variantes (le mot est juste). C’est fondamentalement la même chose à quelques détails près et c’est bien ce que confirme l’écoute du CD (privé du visuel). Logique d’ailleurs car l’expression musicale sur laquelle on danse ne subit pas de rupture, c’est en gros, le « Jazz Hot » avec des variantes communautaires notamment. L’oreille perçoit une différence expressive entre les Ladd’s Black Aces (1923, belle sonorité de Jimmy Lytell, cl) et les Charlie Johnson’s Paradise Ten (1928, Jabbo Smith, tp fulgurant, beau travail de section de sax menée par Benny Carter). Constat et non critique. Mais, Joe Smith n’est pas si loin de Bix dans « Ain’t She Sweet » (1927) par les Dixie Stompers pas significativement différents des Tennessee Tooters (bon jeu d’ensemble de Miff Mole, tb). Mannie Klein (tp) est spectaculaire dans « The Man From the South » (1930, bons solos de Benny Goodman, Tommy Dorsey, Adrian Rollini), et Roy Eldridge aussi chez Fletcher Henderson (1936, avec Chu Berry, ts). Merveilleux « My Wild Irish Rose » par Chick Webb (1939) qui annonce le Vol.2 (avec « Concerto for Cozy » de Cozy Cole, 1944). Ce volume prolonge l’ambiance sans rupture. En 1943, le « Lindy Hop » fait la couverture de Life Magazine (photos de Gjon Mili) et devient une danse enseignée. Après la clandestinité de la danse en France, le prétendu « Revival » du style New Orleans sera à St Germain-des-Près un bon prétexte au « Lindy Hop » (cf. le film Rendez-Vous de Juillet de Jacques Becker, 1949). Une tradition toujours en vie (cf. Caveau de la Huchette, etc). La danse « Boogie Woogie » ne se distingue pas des autres durant la Swing Era finissante. Le livret fait mention du « Huckle-Buck » qui se danse seul (çà c’est une rupture) et qui annonce « Twist » et « Madison ».

Par contre la danse « Rock’n Roll » n’est qu’une variante du « Lindy Hop ». A côté de bons slows (« Sentimental Journey » par Les Brown, « Minnie the Moocher » de Cab Calloway, « Baby Won’t You Please » par l’excellent Jonah Jones, « Tuxedo Junction » par Quincy Jones), nous avons dans ce Vol.2 bien des titres qui peuvent relever de l’étiquette « rock’n roll », pas les moins intéressants : « Marshall Plan » (1952) d’Al Sears (avec Emmett Berry, tp !), « Tiny’s Boogie » (1951) de Tiny Grimes, « Castle Rock » (1958) d’Ernie Fields, « Blue Stompin’ » (1959) d’Hal Singer (avec Charlie Shavers, tp !) et « Too Close to Comfort » (1959) par le bon Plas Johnson, juste avant le dernier morceau de l’album, « Drum Boogie » (1959) par Benny Golson (avec Ray Bryant, Paul Chambers, Art Blakey) car lit-on « cette interprétation démontre que l’on peut danser sur du jazz moderne de type hard bop sans se poser de question ». Evidemment, puisque le « BeBop » n’est qu’une variante du « Jazz Hot » en terme d’expression musicale.
Des danseurs des boumes des années 1950 m’ont signifié qu’ils s’exprimaient physiquement autant sur du Luter que du Parker. Roger Guérin nous a dit qu’on dansait au Club St Germain (mais pas sur…le Suite en Ré bémol de Solal-Guérin). Nous avons vu Dizzy Gillespie danser sur sa musique. Mais pour assombrir la clarté des faits, rappelons qu’on a un temps appelé la danse « Lindy Hop », le « BeBop » pour s’exprimer acrobatiquement sur des musiques jouées en jazz traditionnel ou mainstream. Voilà, nous avons joué la valse des étiquettes !
Michel Laplace