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David Sinclair, Autoportrait
© David Sinclair
David, James Alexander, Sinclair, un grand photographe, de jazz en particulier, «notre» très cher
David qui nous a fait l'amitié et l'honneur de sa participation à l'équipe de Jazz
Hot depuis 1991, vient de prendre la clé des champs Elysées le 25 mars
2019, là où se réunissent les héros et les gens vertueux quand ils ont passé le
Styx.
Car il était, sans aucun doute un héros de la photographie, malgré
sa vocation tardive, réactivée par Kathy, sa compagne
disparue il y a huit ans, qui lui fit cadeau d’un appareil de qualité dans les
années 1980.
De grandes expositions au Royal Albert Hall de Londres, au Coston
Hall de Bristol et d'autres en clubs de jazz dont le Ronnie Scott’s où il a
immortalisé de nombreux artistes de jazz –le légendaire patron et saxophoniste Ronnie Scott– ont heureusement rendu un hommage à la mesure de son talent.
David avait l’âge de la revue, et, en dehors de toutes ses belles
photos qui enrichissent les articles depuis 30 ans, Jazz Hot lui
avait consacré des portfolios dans les numéros spéciaux de 1998 et 2000, puis
une exposition particulière dans le cadre des 80 ans de Jazz Hot à
la Fond'Action Boris Vian, en 2015. David en était le président d'honneur,
représenté ce jour-là par son fils, Malcolm, en raison de graves problèmes de
santé qui ne l'ont jamais empêché de développer son art, et qu'il évoquait
cependant avec un humour très britannique.
Ses
ancêtres étaient principalement écossais, certains irlandais. Il était très
fier de son nom Sinclair, qui vient de Caithness, à l'extrême nord de l'Ecosse,
et de son origine, avec toujours une pointe d’humour: «J’entretiens avec
acharnement ce qu’il me reste d’écossais».
Adolescent, David a attrapé la tuberculose. Ses jambes et une
main en ont été très endommagées. Il a dû rester à l'hôpital pendant trois ans,
et il a été handicapé jusqu'à la fin de ses jours, utilisant une canne en
permanence. David Sinclair, années 1950 © Photo X by courtesy of Malcolm Sinclair
En 1950, il s’installe à Londres, où la maladie le cloue à
l’hôpital pendant 3 ans. C’est l’occasion pour lui de découvrir le jazz par le
disque et la radio. Au cours des années 1950, David a commencé à travailler
dans les journaux londoniens, puis au Ghana et au Nigeria pour la société de
production Pearl & Dean. Il est retourné en Angleterre et a épousé sa femme
Kathy en 1959. Malcolm, son fils, né en 1961, s’occupe depuis quelques années des
archives avec David et de la préparation des expositions.
Les années 1960-70 sont consacrées surtout à ses activités
professionnelles (une agence immobilière), même si le jazz et la photo de son
adolescence ont continué de l’accompagner dans ses pensées.
David Sinclair, self portrait © David Sinclair
C’est en 1987 que son épouse, Kathy lui offre un appareil reflex
de qualité, un Minolta, et que David se consacre pleinement à la photo, d’abord
de monuments (vieilles églises de la campagne anglaise), avant de relier ses
deux passions, le jazz et la photographie, pour le résultat extraordinaire
qu’on connaît.
En 1989, David a commencé à prendre des photos de musiciens de
jazz et a été l'un des seuls photographes autorisés au Ronnie Scott’s de
Londres, pendant 25 ans, et la plupart des images sur les murs du Ronnie’s sont
de David. Il a également de nombreuses photographies sur les murs d'autres
clubs londoniens tels que le Pizza Jazz Club et le 606 Club.
Par l’intermédiaire d’une amie commune, Marie-Noëlle Corré,
David et Jazz Hot se rencontrent en
1991. C’est le début d’une amitié sans faille et d’une collaboration régulière
d’une qualité exceptionnelle, généreuse et chaleureuse, photographique,
jazzique bien sûr mais aussi de comptes rendus de la vie des clubs londoniens, du
Festival de jazz de Londres, publiés en anglais et en français. Le Ronnie
Scott’s, le Pizza Jazz Club, le 606 Jazz Club, et bien d’autres encore sont au
programme des numéros de Jazz Hot, car David est devenu un pilier de club où sa
silhouette, patiente et experte, attend le moment idéal pour déclencher. David
travaille avec son Minolta, puis rapidement avec un Leica M4 auquel il ajoute
un Nikon 601. Il utilisait principalement des pellicules Ilford HP5. La plupart
de ses photos récentes ont été prises avec un appareil photo Nikon DSLR, mais
il a également aimé utiliser ses Leica et Rolleiflex. On trouve la trace de ce
travail assidu dans de nombreux Jazz Hot.
Notre revue peut s’enorgueillir d’avoir fait connaître cet artiste aux lecteurs
du monde entier.
Ronnie Scott, l'image préférée de David © David Sinclair
La photo de David Sinclair, comme l’art de Charles Delaunay,
joue sur le noir profond, et un blanc intense pour dessiner des lignes (Bob
Berg, Joe Beck, Andy Sheppard). Elle utilise aussi la haute sensibilité des
pellicules pour des photos au grain accentué, jouant dans les gris, avec
toujours la présence de ces noir et blanc intenses (Ronnie Scott, sa photo
fétiche, Frank Lacy, Harry Sweets Edison…). Comme pour un grand artiste de
jazz, on reconnaît la manière de David Sinclair au premier coup d’œil.
Les seules difficultés avec David, pour un responsable du choix photo, est l’embarras du choix et la qualité d’impression de la revue pour
traduire la subtilité de son art. Nous avons essayé tout au long de ces presque 30 ans de travail commun de lui rendre justice.
Parmi nos meilleurs souvenirs, je retiens la venue de David et
Kathy à Paris pour les 70 ans de Jazz Hot en 2005. Ses photos de l’équipe, sur les
marches de la Rue Villiers de l’Isle Adam, sont, comme toujours,
exceptionnelles.
En près de 30 ans, David a photographié, selon Malcolm, plus de
5 500 artistes. Il était très fier de son amitié étroite avec de nombreux
musiciens de jazz du Royaume-Uni, d'Europe, d'Afrique et des Etats-Unis. Il a
également entretenu des relations privilégiées avec le London Jazz Festival et
Jazz Hot. Le musicien que David préférait photographier était Sonny Rollins,
qui illustra l’affiche de sa grande exposition au Royal Albert Hall. Sa musique
préférée était un swing plus traditionnel, notamment Harry James et Woody
Herman, et des clarinettistes tels qu’Artie Shaw, Benny Goodman et Buddy de
Franco.
En 2014, David a pris sa retraite en tant que photographe après
un accident de voiture qui lui a endommagé définitivement les jambes. Il a
cessé d'aller voir du jazz, sauf pour voir des amis spéciaux tels qu'Abdullah
Ibrahim, Dee Dee Bridgewater, Hugh Masekela, Robert Glasper et Archie Shepp.
Il a quitté Londres en 2018 pour vivre dans l'ouest de
l'Angleterre près de son fils Malcolm qui s’est donné pour mission la mise en
valeur de l’œuvre. En 2019, il a cessé de marcher et a passé six semaines au
lit chez lui avant de mourir en paix le 25 mars 2019.
Nous partageons la peine de son fils Malcolm, de Sarah, sa
belle-fille, et plus largement de ses proches, ami-es musicien-nes de jazz et pas seulement. La cérémonie d’adieu à David se déroule le 11 avril 2019 au
cimetière de West Wiltshire,
Devizes Road, Semington, Trowbridge, Wiltshire,
BA14 6HL
Nous avons aimé profondément David dont la personnalité était à l'image
de son art: finesse, sophistication, originalité, fidélité, courage,
générosité, humour. David a été et restera, par son souci de perfection et
d'humanité, une inspiration permanente, un des représentants symboliques et
éminents de l’équipe Jazz Hot depuis
une trentaine d’années.
Yves Sportis Photos David Sinclair et X by courtesy of Malcolm Sinclair
David Sinclair et Jazz Hot: Jazz Hot n° Spécial ’98 et Jazz Hot Spécial 2000. Exposition pour les 80 ans de Jazz Hot à la Fond'Action Boris Vian. On peut retrouver dans beaucoup de numéros de Jazz Hot depuis ces presque 30 ans les belles photos de David Sinclair.
Contact: http://www.jazzphotographs.com & malcolm.sinclair@me.com Sonny Rollins, le musicien que David préférait photographier © David Sinclair
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