Jymie Merritt
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10 avril 2020
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3 mai 1926, Philadelphie, PA - 10 avril 2020, Philadelphie, PA
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© Jazz Hot 2020
Jymie Merritt, New York City, NY, 1965 © Raymond Ross Archives/CTSIMAGES. Used with permission.
Avec le bassiste et compositeur Jymie –James Raleigh– Merritt, disparaît l’un des membres des plus belles équipes des Jazz Messengers, celles qui ont imposé l’image éternelle des Jazz Messengers d’Art Blakey, dont l’écoute en disque, encore aujourd’hui, restitue la ferveur toute philadelphienne, car les Jazz Messengers portent dans leur ADN la marque de cet âge d'or du jazz de la première Capitale des Etats-Unis. Une équipe qu’Art Blakey, venant de l’autre pôle, ouvrier, de la Pennsylvanie, Pittsburgh, avait su réunir autour de lui. L’incroyable succès de ce quintet, sans en être la première mouture (il compta aussi Clifford Brown dans ses rangs), est fondateur du mythe d’une formation d’une puissance de conviction sans pareille: Lee Morgan (tp), Benny Golson (ts, le survivant), Bobby Timmons (p) et Jymie Merritt (b) tous natifs de Philadelphie, possédaient cet esprit church, blues, cette conviction, cette fraternité et cette énergie qui ont donné au «métallurgiste» Art Blakey, la puissance d’un autre Vulcain. Leur conviction est à rapprocher de celle qui animera peu de temps après le Quartet de John Coltrane, avec d’autres ressorts et d’autres philadelphiens comme le leader, John Coltrane, concitoyen d’adoption, McCoy Tyner et Reggie Workman qui succèdera d’ailleurs à Jymie Merritt à l'été 1962. Jymie Merritt a participé en quatre années à fixer les canons des Messengers avec ses deux directeurs musicaux les plus prolifiques en compositions immortelles: Benny Golson, d’abord et Wayne Shorter à partir de 1959, côtoyant outre son frère en jazz, Lee Morgan, et ses «concitoyens» de toujours, les étoiles qu’Art Blakey savait fédérer autour de son énergie (Curtis Fuller, Freddie Hubbard, Walter Davis, Jr., Cedar Walton, Dizzy Reece…). C’est dans ce creuset que s’est forgée l’une des plus grandes écoles du jazz, une école de la scène, les Messengers, qui va perdurer pendant une trentaine d’années, et comme on peut le lire à propos de Jimmy Heath, McCoy Tyner, et à propos des nombreuses écoles de musiques de Philadelphie, cette ville a eu le génie de la transmission dans le jazz. Il nous en reste encore de belles traces avec les anciens Benny Golson, Kenny Barron, Reggie Workman, et les générations suivantes en particulier les bassistes (Christian McBride, Darryl Hall…). Jymie Merritt est aussi ce bassiste ancré dans le blues et la tradition de la musique religieuse, au son profond et puissant, et son parcours est de ceux qui restituent, a l'instar d'un Ray Charles ou d'un Ray Bryant, la grande continuité de la musique afro-américaine, le jazz. Il affirme avec sûreté à propos de B. B. King: «Sa présence ne serait nullement déplacée, bien au contraire, dans certaines des interprétations des Messengers.», ou encore: «Le jazz doit rester le plus près du blues authentique et ce n'est qu'en connaissant et en vivant à fond la vraie tradition qu'on peut valablement se permettre des expériences"pogressistes".» La lecture du très bon interview de Jymie Merritt dans le Jazz Hot n°139 (1959), où tout ce qu'il raconte est essentiel, précis et clairvoyant, est fortement recommandée. C’est pourquoi, la disparition de Jymie Merritt n’a rien d’un événement ordinaire du jazz, malgré son âge, malgré son relatif retrait de la scène et des studios depuis 1972 et la mort d’un frère en musique, Lee Morgan, malgré un cancer, selon son fils, Mike Merritt (bassiste comme son père), une maladie qui a eu raison de sa vaillance en ces jours très lourds en disparitions d’importance. Tant de grands musiciens de Philadelphie ont disparu en ce début d’année 2020 –la mémoire d’une génération et d’une ville est en train de s’évanouir– qu’on reste dans l’attente d’une grande célébration «spéciale Philly» à la sortie de ce tunnel, pour honorer le caractère exceptionnel de ces artistes balayés par un coup de vent mauvais; on ne vous fait pas la liste, il suffit de lire la rubrique «Tears».
* en cliquant sur le titre ou sur les écrans Youtube, vous avez accès à une vidéo des Messengers d'Art Blakey avec Jymie Merritt.
Jymie Merritt est le fils d'Agnès Merritt (née Robinson), chef de chœur de l’Eglise baptiste, professeur de chant et et de piano, et de Raleigh Howard RH Merritt, homme d'affaires, de devoir et auteur de From Captivity to Fame: The Life of George Washington Carver (Meador Press, Boston, 1929). Un de ses oncles est pasteur. Après avoir servi dans l’armée américaine pendant la Seconde Guerre de 1944 à 1946, Jymie Merritt travaille dans la société immobilière de son père. Après la clarinette, il se consacre, avec le soutien maternel, à la contrebasse, suite à l’écoute –selon plusieurs sources, mais ça n’a rien d’impensable– des enregistrements de Jimmy Blanton avec Duke Ellington. Il étudie la contrebasse avec Carl Torello, contrebassiste du Philadelphia Orchestra et enseignant à la Ornstein School of Music de Philadelphie. Encore une école spéciale de Philadelphie, fondée par le grand compositeur et concertiste Leo Ornstein, qui connut trois siècles, car il vécut 108 ans (1893-2002). Il la créa dans les années 1930, à la fin de sa carrière de concertiste, avec son épouse, Pauline Cosio Mallet-Prévost (1895-1985). Leo Ornstein a poursuivi une longue carrière créatrice et composait encore sa dernière œuvre en 1990, à 94 ans. Dans cette école, en dehors de Jymie Merritt, passèrent aussi John Coltrane et Jimmy Smith, le grand organiste.
Dans une carrière solide et sans paillettes, Jymie Merritt a exploré toutes les dimensions de la musique afro-américaine et de son instrument: blues, musique religieuse, rhythm & blues et jazz de son époque dans une ville, «Philly», comme on la surnomme affectueusement, qui possède cette particularité de pouvoir intégrer, tout fondre dans une expression possédant toutes ces dimensions: l’écoute de Ray Bryant et McCoy Tyner, deux synthèses parfaites, parmi d'autres, de cette mixité entre blues, église, jazz, musique classique, nous l’a dit.
A la fin des années 1940, Jymie Merritt côtoie déjà John Coltrane, son contemporain, et c’est dans le groupe de Jimmy Oliver avec Red Garland et Philly Joe Jones qu’il fait son apprentissage, avant un premier engagement professionnel dans l’orchestre de Vance Wilson au Club 421 de Philadelphie en 1949. En 1950, il est à Atlantic City avec la formation de Jimmy Campbell (ts) et Jimmy Brown (tp), l’un des maris de la chanteuse Ruth Brown. C’est aussi vers 1950 que Jymie Merritt se lie avec Benny Golson et Tadd Dameron. Jymie Merritt joue de la contrebasse et déjà de la basse électrique –l’un des premiers– pour adapter son jeu aux différents contextes.
Au début des années 1950, il tourne avec Bull Moose Jackson (1919-1989), un chanteur et ténor au gros son né à Cleveland, Ohio, un des nombreux «suiveurs» de Louis Jordan, dont la carrière enregistrée a commencé dès août 1945. Bull Moose Jackson and his Bearcats est un groupe confirmé qui se produit régulièrement à New York quand Jymie Merritt intègre le groupe en 1951 pour ce qui semble être son premier enregistrement (King 4493) le 17 août 1951 à Cincinnati, dans l’Ohio: dans ce groupe, on note la présence de Johnny Coles (tp) et Benny Golson (ts), ce qui signifie bien que Philadelphie est déjà, pour beaucoup de leaders, un vivier de recrutement. Jymie ne semble pas avoir beaucoup plus joué avec ce groupe au delà de l’année 1951, contrairement à ce qu’on lit un peu partout, et c’est au sein de ce groupe, d’après plusieurs sources, que Jymie emploie la basse électrique pour la première fois. En 1953, Jymie Merritt joue au sein de la formation du batteur Charlie Rice avec Red Garland qui se produit au Red Rooster, un club de la ville. Il fait aussi partie de la formation de Tadd Dameron avec Clifford Brown, Johnny Coles, Gigi Gryce, Benny Golson, Cecil Payne et Philly Joe Jones qui tourne à Atlantic City. A la lecture de ces noms, on rêve aujourd'hui de la musique en l'absence d'enregistrements.
L’engagement suivant de Jymie semble bien intervenir en 1953 chez Chris Powell and the Five Blue Flames, un ensemble qui connaît un moment fort (un contrat a été signé avec Columbia en 1949), un jump band basé à Philadelphie, qui rayonne jusqu’à New York, jouant la musique de danse de l’époque (années 1940-1950), donc pas très loin non plus de l’esprit Louis Jordan, Cab Calloway, sur fond de blues et de rock and roll avec quelques incursions dans la musique «typique» (Jamaïque, Cuba) dans l’esprit du temps: les titres «Sweet Sue Mambo», «Secret Love Mambo», «Mambo Gunch», «Mandoline Mambo», «I Love Paris Mambo», etc., ne trompent pas. Dans son groupe, Chris Powell (voc, dm, 1921-1970) engage les musiciens du cru qui foisonnent, des jeunes comme Clifford Brown (1952), Jymie Merritt (1953-56), Buster Cooper (1955-56), Osie Johnson (1952) ou confirmés comme Jo Jones (1950) qui a aussi enregistré avec Bull Moose Jackson (1952). C’est au sein des Five Blue Flames de Chris Powell que Jymie Merritt fait ses enregistrements suivants de 1953 à 1956 pour une série de 45t (a priori seulement en 45t. car cette musique est destinée aux Juke Box) pour les labels Grand et Groove, semble-t-il pas réédités (l’édition Classics s’étant interrompue à 1952 à notre connaissance pour Chris Powell). Ces groupes de danse, ancrés dans la musique afro-américaine, constituent dans l’après-guerre une sorte de prolongement naturel, en formats plus réduits mais en nombre plus grands, des territory bands, fournissant travail et formation à la scène et à l’enregistrement, aux nombreux jeunes musiciens qui vont prolonger l’histoire du jazz et irriguant les scènes et les salles où l'on danse.
Autre signe que les cadres de l’expression des musiciens ne sont pas ceux de la critique de jazz et encore moins ceux de la production phonographique, Jymie Merritt est ensuite engagé par B.B. King qui a entamé à la fin des années 1940 une carrière à succès. Dans les premiers orchestres du King of blues, on trouve nombre de jeunes musiciens qui feront la beauté du jazz: La famille Newborn (Phineas Sr. et Phineas Jr., Calvin de 1949 à 1952), George Coleman (ts, 1952, 1955), George Joyner (b, 1952), Hank Crawford (as, 1952), musiciens souvent originaires de Memphis comme B. B. King. C’est durant l’année 1956 et jusqu’au début de 1957 que Jymie Merritt suit B. B. King en tournée sur la Côte Ouest puis dans tous les Etats-Unis. Jymie participe à l’enregistrement d’une autre série de 45t sous le nom de B. B. King (labels RPM, Crown, Ace, Kent, repris en partie par Ace en LP ou CD, cf. Articles et la grande discographie de B. B. King parue dans Jazz Hot n°490, n°531, n°532, n°533) toujours avec la même destination, les Juke Box et la danse, car les amateurs, afro-américains en particulier, dansent sur tout, comme ils dansent sur Ray Charles sans faire de distinction alors entre rock & roll, rhythm & blues, jazz, soul (appellation à venir) tant que les fondamentaux sont réunis: blues, expression et swing. Les modes sont encore liées aux évolutions de la culture humaine et non aux étiquettes de promotion des labels, de l'industrie phonographique naissante et/ou aux besoins de nouveautés des critiques dont une partie se partage entre revues et industrie, comme à l'origine, mais mélangeant les genres, sans indépendance. Après B. B. King, Jymie a peut-être travaillé brièvement avec Leroy Kirkland et Red Prysock , des groupes dans la veine de Louis Jordan, information difficile à vérifier en l’absence d’enregistrements repérables ou de sources fiables (il faudra chercher, car elles existent certainement).
A la fin de l’année 1957, Jymie Merritt intègre les Jazz Messengers d’Art Blakey, et il s'installe à New York. Cette époque des Messengers avec Lee Morgan (tp), Benny Golson (ts), Bobby Timmons (p), tous originaires de Philadelphie, Art Blakey étant lui-même de Pennsylvanie et familier de Philly, donne une formation particulièrement soudée par l’esprit pour un groupe des plus présents sur la scène internationale et les plus prolifiques en matière d’enregistrements de l’histoire du jazz: en quatre années, Jymie Merritt participe à l’enregistrement de 45 disques avec les Jazz Messengers. Ils sont demandées sur toutes les scènes du monde, européennes et au Japon, et ils enregistrent plusieurs musiques de films ( Des Femmes disparaissent, Les Liaisons dangereuses). Ils jouissent d’une notoriété, rare pour un groupe de jazz, auprès du grand public, et certains des thèmes du groupe, qu’on doit à Benny Golson et Bobby Timmons, «Blues March», «Moanin’», «Whisper Not», «I Remember Clifford» sont passés dans l’inconscient collectif… et y demeurent. L'intensité des tournées et des enregistrements n'empêchent pas les Messengers de faire des écarts, comme un enregistrement sous le nom de Benny Golson, The Other side (Riverside), un autre album, Standards (Blue Note) sous le nom du prometteur Sonny Clark (p), un autre surdoué de l'autre pôle de cette généreuse Pennsylvanie, Herminie, tout près de Pittsburgh.
L'autre directeur musical phare de cette période est Wayne Shorter, et si ces thèmes sont plus mémorisés par les musiciens de jazz dans l’esthétique hard bop, pour qui ils constituent comme une forme de perfection, ça n'enlève rien à leur beauté, et au fait que les Jazz Messengers de cette période sont et resteront une borne essentielle de l'histoire du jazz, au même titre que le Hot Five et Hot Seven de Louis Armstrong, l'Orchestra de Duke Ellington, le Count Basie Big Band, les combos de Charlie Parker et Dizzy Gillespie, le Quintet de Miles Davis , le Quartet de John Coltrane… Jymie Merritt a donc participé à l’une des épopées du jazz.
D’après différentes sources, Jymie est contraint d’arrêter les tournées pour raisons médicales à l'été 1962, et il cède la place à son ami et concitoyen Reggie Workman. Il a auparavant enregistré deux disques avec Curtis Fuller comme leader en 1961 et, en 1962, un disque sous la direction de Wayne Shorter, leader, pour le label Vee Jay. En 1964, Jymie Merritt retrouve le chemin des studios avec Chet Baker (tp, voc), de retour à New York après une épopée européenne ponctuée par la drogue, la prison et l'hôpital, qui s’en souvient (malgré une erreur de traduction) dans son autobiographie inachevée Comme si j’avais des ailes (Ed. 10/18, Paris, 1997), à propos d'un bugle dont un musicien français lui a fait cadeau et qu'il emploie sur ce disque.
En 1965, Jymie Merritt rejoint Max Roach, alternant contrebasse et basse électrique, mais aussi composant pour le groupe («Nommo», «Absolutions»). Les quintets de Max Roach, avec Freddie Hubbard (tp), James Spaulding (as), Ronnie Mathews (p), en 1966, ou avec Charles Tolliver (tp), Gary Bartz (as), Stanley Cowell (p), sont particulièrement relevés et Jymie Merritt y joue de la basse électrique, ce qui n'est encore pas très fréquent dans le jazz toujours très acoustique.
Pendant son passage dans le groupe du grand batteur, Jymie Merritt a enregistré un disque avec Wild Bill Davis en 1967 et un second disque, la même année avec Jimmy Witherspoon, une belle voix qui s'inspire de la tradition des shouters de Kansas City, confirmant ainsi son lien étroit, son attachement, avec tout ce qui fonde la musique afro-américaine, le blues, le swing et l’expression. En 1968, Jymie retrouve un condisciple de la première heure à la Ornstein School of Music, l’organiste Jimmy Smith, son contemporain presque exact. Il est né à Norristown, en Pennsylvanie, à 35 km de Philadelphie, cinq mois plus tôt que Jymie. Là encore, c’est tout l’esprit de la ville qui se manifeste dans ces retrouvailles, church, blues, swing et expressivité… Du passage de Jymie Merritt avec Dizzy Gillespie en 1969, il ne reste malheureusement aucune trace enregistrée, si ce n’est peut-être dans le cadre du Dick Cavett Show.
Le point d’orgue de la carrière sur scène de Jymie Merritt se déroule avec son vieux (déjà) complice, Lee Morgan, qu’il rejoint pour ce qui sera malheureusement la fin de la vie du légendaire et extraordinaire trompettiste. Quatre enregistrements légendaires de 1970 à 1972 témoignent de ce moment sur le plan musical. I Called him Morgan, le documentaire de Kasper Collin, (2016, 92 min., cf. notre chronique) évoque bien sûr les dernières années du grand trompettiste en particulier, et Jymie Merritt en est l’un des grands témoins. Citons quelques-unes de ces interventions. A propos de la musique: « On a enregistré un morceau appelé "Angela" que Lee m’avait demandé d’écrire pour… vous savez [Angela Davis, ndlr] … Il voulait que j’écrive pour lui. Et c’est apparemment quelque chose dont il avait besoin que je fasse pour lui à ce moment.» A propos de la dernière soirée du 18 février 1972 au Slugs’ de New York, où Helen Morgan a tiré sur Lee: «Je me souviens que ça a été une nuit des plus difficiles. La nuit commençait à peine et c’est devenu autre chose. Il y avait de la neige. Quand on est arrivés, il y avait soixante centimètres de neige. Je m’en souviens parce que j’ai dû sortir avec mon instrument. […] Lee était en retard. Et quand il est entré, il a couru aux toilettes. Il devait vomir. Il venait d’exploser sa voiture en venant au travail. […] Et je suis rentré à Philadelphie le lendemain. Et c’était fini. […] Je ne sais pas, je n’y suis jamais retourné. Je ne sais pas… Je n’ai jamais pu repasser dans cette rue. Je ne suis jamais retourné à New York. […] On a fait une commémoration à Philadelphie. Et on l’a enterré à Philadelphie. C’était une période très triste.»
Cette tragédie a marqué durablement –on le sent dans les mots et on le devine par la biographie– le parcours de Jymie Merritt. A partir de cette date, Jymie Merritt n’a plus enregistré, et s’est effectivement entièrement consacré à sa ville Philadelphie. Il participe depuis 1962 à un collectif, une coopérative musicale, The Forerunner, dont il est le directeur musical et pour lequel il compose («Visions of the Ghost Dance») jusqu’à la fin des années 1980. Odean Pope, Kenny Lowe, Donald Bailey et September Wrice font partie des membres de la première heure. On retrouve d’ailleurs Odean Pope chez Max Roach dans les années 1970. Alan Nelson, Julian Pressley, Colmore Duncan, Warren McLendon, Bobby Zankel sont parmi les membres de ce collectif. Dans ce groupe sont développées des recherches théoriques sur la musique (harmonie, composition, le concept forerunner qui a généré un lexique).
Par la suite et jusqu’en 2005, Jymie Merritt joue, modestement, chaque semaine en duo au restaurant the Prime Rib. En 2005, il fait un dernier enregistrement sous la direction du chanteur George Johnson Jr., une sorte de tribute, sans doute destiné à célébrer des artistes de jazz.
A plus de 90 ans, dans les années 2010, Merritt continuait de se produire avec The Forerunners dont beaucoup de membres sont présents depuis sa création. Il a contribué à la transmission de la tradition du jazz dans sa ville de Philadelphie où il a côtoyé tant de musiciens exceptionnels, les accompagnant avec son style particulier, un son très profond et sombre, très apprécié pour son drive, sa capacité de relance qui repose notamment sur ses groupes de notes syncopées destinées à donner plus de souplesse et de swing à la note, qui se marient à merveille avec le jeu tout en relance des grands batteurs comme Art Blakey et Max Roach, pour mettre la musique «sur ressorts» ou en tension. A côté de ces particularités, c'est un bassiste-contrebassiste qui trempe son art dans le blues, c'est-à-dire qu'il garde avec puissance et précision le tempo, comme il faut le faire dans le blues et tous ses dérivés. Il est un musicien conscient que son apport individuel trouve sa résolution dans l'énergie collective, comme souvent le sont les bassistes: une solidité à toute épreuve et une réserve modeste malgré sa place dans la grande histoire du jazz. Jymie Merritt n'a ainsi aucun disque en leader à son actif dans sa longue vie musicale, et c'est là qu'il faut se souvenir des mots de Louis Hayes sur la signification des mots «leader» et «sideman»: en participant à l'épopée des Jazz Messengers de 1958 à 1962, tous les musiciens du groupe sont en fait des coleaders de cette grande aventure…Les Jazz Messengers d'Art Blakey (dm): Jymie Merritt (b), Lee Morgan (tp), Benny Golson (ts), avec Bobby Timmons (p), non visible), Bruxelles, Belgique, 1958 (Vidéo-Jazz Icons sur YouTube)
Pionnier de la basse électrique, Jymie Merritt est l’un des premiers à avoir adopté la basse Ampeg ou baby bass (un instrument hybride électro-acoustique en fibre de verre) ainsi que de la basse Fender. Jymie Merritt se souvient de la première fois où il a acheté une basse Fender : «Nous étions quelque part en Oklahoma, quand Benny Golson a vu un groupe Hillbilly, avec un gars jouant sur ce qui ressemblait à une guitare et à une basse. Benny me l'a fait entendre, et ensuite nous en avons vu une dans un magasin de musique. Benny est allé chercher des anches ou quelque chose du genre, alors j'ai essayé une basse électrique Fender et, cette nuit-là, je l'ai emmenée au travail. Le propriétaire m'a laissé la prendre, je l'ai essayée au travail et personne n'a soulevé d'objection. Quoi qu'il en soit, j'ai acheté la chose, et j’en ai joué pendant environ sept ans. Je suppose qu'à l'époque j'étais le seul jazzman à jouer de la basse électrique.» Jymie Merritt joue de la basse électrique à six cordes et compose pour cet instrument.
Jymie Merritt a reçu le prix du patrimoine Don Redman en 2008 lors d’une cérémonie et d’un concert à Harper's Ferry, en Virginie occidentale, l’événement annuel parrainé par la Harpers Ferry Historical Association et la NAACP (National Association for the Advancement of Colored People) du comté de Jefferson, en coopération avec la Don Redman Heritage Society of Piedmont, Virginie-Occidentale. Au Philadelphia Jazz Fair de 2009, l'Université des Arts de Philadelphie et le Jazz Heritage Project ont décerné le prix Jazz Heritage à Jymie Merritt. Le prix lui a été remis par un autre grand bassiste de Philadelphie, Charles Fambrough, qui a disparu en 2011. En 2013, en compagnie de Reggie Workman, autre grand bassiste de Philly, Jymie Merritt a reçu le Living Legend, le Jazz Award du Clef Club of Philadelphia.
Du mariage de Jymie Merritt avec Dorothy Viola Small (décédée en 2008) sont nés cinq enfants: Mharlyn Merritt, écrivain et chanteuse; Marlon Merritt, guitariste; Martyn Merritt, décédé, qui était pianiste classique; Marvon Merritt, percussionniste et batteur; Mike Merritt, bassiste de renom, qui a joué et enregistré avec Johnny Copeland, B. B. King.
Jymie Merritt a un frère plus jeune, LeRoy Merritt, artiste, amateur passionné d'art et d'artisanat qui vit à West Philadelphia en Pennsylvanie.
Jymie Merritt vivait à Center City, à Philadelphie, avec son épouse Ave et son chat Jazzie. Yves Sportis Photo: Raymond Ross Archives/CTSIMAGES
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DISCOGRAPHIE
Sideman 45t 1951. Bull Moose Jackson & His Bearcats, King 4493 (= CD. Bull Moose Jackson, the Chronological: 1950-53, Classics 5156) 45t 1953. Chris Powell and the Five Blue Flames, Grand 112 45t 1953. Chris Powell and the Five Blue Flames, Grand 116 45t 1953. Chris Powell and the Five Blue Flames, Grand 118 45t 1953. Chris Powell and the Five Blue Flames, Grand 120 45t 1953. Chris Powell and the Five Blue Flames, Grand 124 45t 1953. Chris Powell and the Five Blue Flames, Grand 127 45t 1953. Chris Powell and the Five Blue Flames, Groove 0105 45t 1955. Chris Powell and the Five Blue Flames, Groove 0111 45t 1955. Chris Powell and the Five Blue Flames, Groove 0128 45t 1956. Chris Powell and the Five Blue Flames, Groove 0144 45t 1956. B. B. King, RPM 459, 468, 479, 486 45t 1956. B. B. King, Kent 450, 470 (Les 45t de B.B. King sont repris partiellement sur LP Ace 230, 271, CD Ace 916) 45t 1957. Millard Lee, Blues Boy’s Kindom 105 CD 1958. Art Blakey’s Jazz Messengers, Three Classics Albums Plus, Avid jazz 1017 (3 titres à Newport) CD 1958. Art Blakey’s Jazz Messengers, Moanin’, Blue Note 7 46516-2 (LP 4003) CD 1958. Art Blakey’s Jazz Messengers, Drums Around the Corner, Blue Note 521455-2 CD 1958. Art Blakey’s Jazz Messengers, Live in Holland 1958, Bandstand 1532 CD 1958. Art Blakey’s Jazz Messengers, 1958-Paris Olympia, Fontana 832 659-2 CD 1958. Art Blakey’s Jazz Messengers, Live in Zürich 1958, Solar Records 4565881 CD 1958. Art Blakey’s Jazz Messengers, Des Femmes disparaissent, Fontana 832 752-2 CD 1958. Bobby Jaspar, Jeux de Quartes, Jazz in Paris 85, 018 423-2 CD 1958. Art Blakey’s Jazz Messengers, Au Club St. Germain 1958, RCA 74897 CD 1958. Sonny Clark, Standards, Blue Note 821283-2 CD 1958. Benny Golson, The Other Side of Benny Golson, Riverside/OJC 1750-2 CD 1959. Art Blakey’s Jazz Messengers, At the Jazz Corner of the World Vol. 1 & Vol. 2, Blue Note 28888-2 CD 1959. Art Blakey’s Jazz Messengers, Les Liaisons dangereuses, Fontana 812 017-2 CD 1959. Art Blakey’s Jazz Messengers, Live in Copenhagen 1959, Royal Jazz 516 CD 1959. Art Blakey’s Jazz Messengers, Africaine, Blue Note 97507-2 CD 1959. Art Blakey’s Jazz Messengers, Paris Concert, RCA 74321192522 CD 1959. Art Blakey’s Jazz Messengers, Live in Stockholm 1959, Dragon 182 CD 1959-62. Art Blakey’s Jazz Messengers, Live in Berlin 1959/62, Jazz Up 321 CD 1959. Art Blakey’s Jazz Messengers, Paris Jam Session, Jazz in Paris 40, Fontana/EmArcy 832 692-2 LP 1960. Art Blakey’s Jazz Messengers, Stop Driving Us Crazy, Gen. Board Temperance of Methodist Church 5748 CD 1960. Art Blakey’s Jazz Messengers, The Big Beat, Blue Note 47 46400-2 LP 1960. Art Blakey/Buddy Rich, The Electric-Sticks, Alto 721 LP 1960. Art Blakey’s Jazz Messengers, Drums Ablaze, Alto 720 (Alto 720 et 721=Lee Morgan, Unforgettable Lee, Fresh Sound 1020 et Lee Morgan: More Birdland Sessions, Fresh Sound 1029) CD 1960. Art Blakey’s Jazz Messengers, Like Someone in Love, Blue Note 7 84049-2 LP 1960. Art Blakey’s Jazz Messengers, Meet Me at the Jazz Corner of the World, Vol.1, Blue Note 84054 LP 1960. Art Blakey’s Jazz Messengers, Meet Me at tjhe Jazz Corner of the World, Vol.2, Blue Note 84055 CD 1960. Art Blakey’s Jazz Messengers, Live in Stockholm 1960, Secret 479002 CD 1960. Art Blakey’s Jazz Messengers, Swiss Radio Days Jazz Series. Vol. 2, TCB 02022 CD 1960. Art Blakey’s Jazz Messengers, Swiss Radio Days Jazz Series. Vol. 6, TCB 02062 CD 1960. Dizzy Reece, Comin’ On, Blue Note 522019-2 CD 1961. Art Blakey’s Jazz Messengers, A Day With Art Blakey 1961. Vol. I, Eastwind 707 CD 1961. Art Blakey’s Jazz Messengers, A Day With Art Blakey 1961. Vol. II, Eastwind 708 CD 1961. Art Blakey’s Jazz Messengers, Tokyo’s 61, Somethin’ Else 32-5503 CD 1961. Art Blakey’s Jazz Messengers, Roots and Herbs, Blue Note 7243 5 21956 2 CD 1961. Art Blakey’s Jazz Messengers, The Witch Doctor, Blue Note 7243 5 21957 2 CD 1961. Art Blakey’s Jazz Messengers, Olympia 1961. Part 1, Trema 710569 CD 1961. Art Blakey’s Jazz Messengers, Olympia 1961. Part 2, Trema 710570 CD 1961. Art Blakey’s Jazz Messengers, Olympia 1961. Part 3, Trema 710571 LP 1961. Art Blakey’s Jazz Messengers, The Freedom Rider, Blue Note 84347 LP 1961. Art Blakey’s Jazz Messengers, Impulse!, Impulse! AS7 CD 1961. Art Blakey’s Jazz Messengers, Mosaic, Blue Note 7 46523-2 CD 1961. Art Blakey’s Jazz Messengers, Buhaina’s Delight, Blue Note 92425-2 CD 1961. Art Blakey’s Jazz Messengers, Three Blind Mice. Vol. 1, Blue Note 84451-2 CD 1961. Art Blakey’s Jazz Messengers, Three Blind Mice. Vol. 2, Blue Note 84452-2 LP 1961. Curtis Fuller, South American Cookin’, Epic 16020 LP 1961. Curtis Fuller, Soul Trombone, Impulse! AS13 LP 1962. Art Blakey’s Jazz Messengers, Hooray for Art Blakey Vol. 2, Session Disc 117 LP 1962. Wayne Shorter, Wayning Moments, Vee Jay 3029 (= CD Vee Jay 2-900) LP 1964. Chet Baker, The Most Important Jazz Album of 1964/65, Colpix 476 (=CD Roulette Jazz 7243 5 81829 2) LP 1965. Max Roach, Drums Unlimited, Atlantic 1467 (CD=Atlantic/Rhino 8122-73758-2) LP 1966. Max Roach Quintet & Sonny Rollins Trio, Graz Concert 1966, Jazz Connoisseur 108 LP 1967. Wild Bill Davis, Doin’ His Thing, RCA 4139 LP 1967. Jimmy Witherspoon With Brother Jack McDuff, The Blues Is Now, Verve 5030 LP 1968. Max Roach, Members Don’t Git Weary, Atlantic 1510 (= CD Atlantic 81227 3618-2) LP 1968. Jimmy Smith, Stay Loose, Verve 8745 (= CD Verve 829537-2/0602498818664) CD 1970. Lee Morgan, Live at the Lighthouse ‘70, Fresh Sound 140 CD 1970. Lee Morgan, Live at the Lighthouse, Blue Note 7243 8 35228 2 CD 1971. Lee Morgan, Blue Note 7 493401-2 CD 1972. Lee Morgan, We Remember You, Fresh Sound 1024
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Jimmy Merritt, Bruxelles, 1958, Jazz Icons/Youtube VIDEOS 1958. Jymie Merritt, Art Blakey Jazz Messengers, Live in Belgium, 30 novembre, Reelin’ In The Years Prod., Jazz Icons, 2006
1959. Jymie Merritt, Art Blakey Jazz Messengers, Théâtre des Champs Elysées, Live in Paris, 15 novembre, Ina, Reelin’ In The Years Prod., Jazz Icons
1961. Jymie Merritt, Art Blakey Jazz Messengers, At Sankei Hall, Tokyo, 2 janvier, TBS
1972. Jymie Merritt, Lee Morgan (tp,flh), Harold Mabern (p), Billy Harper (as,ts,fl) Freddie Waits (dm), 12 janvier, Jerry Butler Soul! PBS TV Show, figurant dans le documentaire I Called Him Morgan de Kasper Collin (Suède, 2016, 92 mn)
2016. Compositions de Jymie Merritt, jouées par The Forerunners, Mike Merritt (b), Colmare Duncan (p), Warren McLendon (p,perc), Terry Lawson/Odean Pope (ts), Alan Nelson (dm), At World Jazz Cafe, WXPN, WRTI, Philadelphia Jazz Project, 16 janvier
DNC. Jymie Merritt, interview
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